L’HOMME DE LA CAVE réalisé par Philippe Le Guay, disponible en DVD le 15 février 2022 chez Ad Vitam.
Acteurs : François Cluzet, Jérémie Renier, Bérénice Bejo, Jonathan Zaccaï, Victoria Eber, Denise Chalem, Patrick Descamps, Ambroise James Di Maggio…
Scénario : Philippe Le Guay, Gilles Taurand & Marc Weitzmann
Photographie : Guillaume Deffontaines
Musique : Bruno Coulais
Durée : 1h50
Date de sortie initiale : 2021
LE FILM
À Paris, Simon et Hélène décident de vendre une cave dans l’immeuble où ils habitent. Un homme, au passé trouble, l’achète et s’y installe sans prévenir. Peu à peu, sa présence va bouleverser la vie du couple.
Nous avions laissé François Cluzet dans le plus simple appareil à la fin de Normandie Nuede Philippe Le Guay. Trois ans plus tard, le comédien retrouve le réalisateur pour L’Homme de la cave, film diamétralement opposé au précédent, sur le fond comme sur la forme, puisqu’il s’agit ici d’un drame psychologique qui lorgne sur le thriller, le tout inspiré par une histoire vraie survenue à des amis du cinéaste il y a vingt ans. Troublant et glaçant, ce dixième long-métrage contraste avec les comédies qui ont fait le succès de Philippe Le Guay, Le Coût de la vie (2003), Les Femmes du 6e étage (2011) et Alceste à bicyclette (2013), mais se rapproche de la noirceur du formidable et « ken loachien » Trois Huit (2001), que le metteur en scène avait délaissé depuis. Le récit se focalise sur un couple marié – Hélène est catholique, Simon juif – et parents d’une adolescente, qui, ayant besoin d’argent pour financer quelques travaux, vendent leur cave dont ils n’ont plus l’utilité. C’est là que débarque un homme qui se précipite pour l’acquérir en payant rubis sur l’ongle. Un accord de vente est signé avec ce M. Fonzic. Comme Simon est du genre à faire confiance, il donne les clés à l’acquéreur avant la rédaction de l’acte notarial. Quand il réalise que non seulement l’homme habite dans la cave, mais que cet ex-professeur d’histoire a été radié de l’Éducation nationale pour propos négationnistes, il est trop tard : la bête immonde s’est installée dans sa vie et n’a pas l’intention d’être délogée…François Cluzet est réellement flippant dans la peau de ce monstre du quotidien, qui devient pour ainsi dire le croque-mitaine de la famille Sandberg, interprétée par Bérénice Bejo, Jérémie Rénier et Victoria Eber, belle révélation et vue dernièrement dans la série de science-fiction Parallèles sur Disney+. Sous tension du début à la fin, L’Homme de la cave instaure un malaise qui va crescendo, qui prend le spectateur aux tripes et se penche intelligemment sur le négationnisme, comme l’avait déjà fait avant lui Le Procès du siècle – Denial de Mick Jackson, avec une petite touche de Fenêtre sur Pacifique – Pacific Heights de John Schlesinger.
LA CROISADE réalisé par Louis Garrel, disponible en DVD et Blu-ray le 3 mai 2022 chez Ad Vitam.
Acteurs : Laetitia Casta, Joseph Engel, Louis Garrel, Ilinka Lony, Julia Boème, Lionel Dray, Clémence Jeanguillaume, Lazare Minoungou, Farid Bouzenad…
Scénario : Jean-Claude Carrière & Louis Garrel
Photographie : Julien Poupard
Musique : Grégoire Hetzel
Durée : 1h07
Date de sortie initiale : 2021
LE FILM
Abel et Marianne découvrent que leur fils Joseph, 13 ans, a vendu en douce leurs objets les plus précieux. Ils comprennent rapidement que Joseph n’est pas le seul, ils sont des centaines d’enfants à travers le monde associés pour financer un mystérieux projet. Ils se sont donné pour mission de sauver la planète.
En 2015, pour son premier long métrage en tant que réalisateur, Louis Garrel, né en 1983, signait un vrai petit bijou romanesque, Les Deux amis, adaptation contemporaine de la pièce de théâtre Les Caprices de Marianne d’Alfred de Musset, coécrite avec Christophe Honoré. Pour ce coup d’essai, Louis Garrel transposait son court-métrage La Règle de trois, Prix Jean Vigo du Court Métrage en 2012, dans lequel on retrouvait déjà le trio vedette, à savoir Vincent Macaigne, Golshifteh Farahani et Louis Garrel lui-même. Avant cela, ce dernier avait également mis en scène son premier court métrage en 2008, Mes copains. Trois ans plus tard, sortait L’Homme fidèle, où Louis Garrel partageait l’affiche avec Lily-Rose – Grumpy Cat – Depp et sa compagne Laetitia Casta, triangle amoureux dont le coauteur n’était autre que l’illustre et regretté Jean-Claude Carrière. Décédé en février 2021, celui-ci tirera sa révérence avec La Croisade, troisième long-métrage de Louis Garrel donc, un de ces énièmes films dont le tournage a été interrompu par la Covid-19 et le confinement. On ne sait pas si Jean-Claude Carrière aura eu le temps de peaufiner l’histoire de La Croisade aux côtés de Louis Garrel, toujours est-il que le résultat s’avère plus concluant que L’Homme fidèle, ne serait-ce qu’en terme de direction d’acteurs, puisque les enfants et même Laetitia Casta sont très convaincants ici, ce qui n’était pas un pari forcément aisé à relever. Comédie « dans l’air du temps », autrement dit teinté de message écolo-bobo, La Croisade, s’il n’est pas non plus entièrement abouti, n’en reste pas moins sympathique et rafraîchissant.
LA TERRE DES HOMMES réalisé par Naël Marandin, disponible en DVD le 4 janvier 2022 chez Ad Vitam.
Acteurs : Diane Rouxel, Finnegan Oldfield, Jalil Lespert, Olivier Gourmet, Bruno Raffaelli, Clémence Boisnard, Sophie Cattani, Yoann Blanc…
Scénario : Naël Marandin, Marion Doussot & Marion Desseigne-Ravel
Photographie : Noé Bach
Musique : Maxence Dussère
Durée : 1h35
Date de sortie initiale : 2021
LE FILM
Constance est fille d’agriculteur. Avec son fiancé, elle veut reprendre l’exploitation de son père et la sauver de la faillite. Pour cela, il faut s’agrandir, investir et s’imposer face aux grands exploitants qui se partagent la terre et le pouvoir. Battante, Constance obtient le soutien de l’un d’eux. Influent et charismatique, il tient leur avenir entre ses mains. Mais quand il impose son désir au milieu des négociations, Constance doit faire face à cette nouvelle violence.
On peut penser à l’excellent Petit paysan d’Hubert Charuel (il y avait aussi Au nom de la terre d’Edouard Bergeon et La Nuée de Just Philippot), joli succès dans les salles, récompensé par le César du Meilleur premier film, du Meilleur acteur pour Swann Arlaud et celui de la Meilleure actrice dans un second rôle pour Sara Giraudeau. Il y a en effet dans La Terre des hommes quelques similitudes, dont cette approche parfois documentaire associée à une intrigue qui lorgne sur le thriller psychologique. Mais le deuxième long-métrage de Naël Marandin, comédien vu dans Les Enfants du siècle de Diane Kurys, qui était passé derrière la caméra en 2015 avec La Marcheuse, trouve son originalité et un ton différent en se focalisant sur une figure féminine, en réalisant un portrait de femme, magistralement interprétée par la superbe et magnétique Diane Rouxel. Révélation de The Smell of Us de Larry Clark en 2014, la comédienne a ensuite très vite confirmé son talent dans La Tête haute d’Emmanuelle Bercot (dans lequel elle jouait la petite amie de Rod Paradot), Les Garçons sauvages de Bertrand Mandico, Mes provinciales de Jean Paul Civeyrac et Volontaire d’Hélène Fillières. Avec La Terre des hommes, elle entre définitivement dans la cour des futures grandes, crève l’écran une fois de plus avec son regard azur enflammé qui contraste avec son visage fermé. L’histoire nous emmène là où on s’y attendait le moins. Mieux vaut en savoir le moins possible, évitez de visionner la bande-annonce donc, et laissez vous triturer les nerfs par cette œuvre hautement recommandable et prometteuse.
PROFESSION DU PÈRE réalisé par Jean-Pierre Améris, disponible en DVD et Blu-ray le 7 décembre 2021 chez Ad Vitam.
Acteurs : Benoît Poelvoorde, Audrey Dana, Jules Lefebvre, Tom Lévy, Nicolas Bridet, Martine Schambacher, Jean-Michel Molé, Eric Verdin…
Scénario : Jean-Pierre Améris, d’après le roman de Sorj Chalandon
Photographie : Pierre Milon
Durée : 1h46
Date de sortie initiale : 2021
LE FILM
Emile, 12 ans, vit dans une ville de province dans les années 1960, aux côtés de sa mère et de son père. Ce dernier est un héros pour le garçon. Il a été à tour à tour était chanteur, footballeur, professeur de judo, parachutiste, espion, pasteur d’une Église pentecôtiste américaine et conseiller personnel du général de Gaulle. Et ce père va lui confier des missions dangereuses pour sauver l’Algérie, comme tuer le général.
Troisième collaboration entre Jean-Pierre Améris et Benoît Poelvoorde après Les Émotifs anonymes (2010) et Une famille à louer (2015), Profession du père est l’adaptation du roman homonyme de Sorj Chalandon, récit inspiré de l’enfance de l’écrivain. L’affiche n’est pas du tout représentative du film. Si vous pensez qu’il s’agit d’une comédie douce et tendre, détrompez-vous. Profession du père est un drame sombre et même parfois violent, où la mythomanie d’un père va bouleverser l’existence de son petit garçon. A travers cette histoire quasi-autobiographique, le réalisateur a su également reconnaître quelques pans de sa propre vie et n’a d’ailleurs pas hésité à tourner son film à Lyon, ville où il est né. On est tout d’abord surpris en découvrant l’atmosphère (faussement) légère de Profession du père, cette famille visiblement équilibrée avec une mère attentionnée (merveilleuse Audrey Dana), un père débordant d’énergie et leur fils Emile tout mignon. Seulement voilà, le paternel, ancien soldat de la Seconde Guerre mondiale et anti-gaulliste, va se perdre petit à petit dans ses délires ambigus et mensonges récurrents, jusqu’à entraîner Emile dans ses dérives et ses conspirations, dont le but ultime serait d’éliminer le chef de l’état. Profession du père dresse à la fois le portrait d’un homme au bout du rouleau et celui d’un garçon, partagé entre la fascination et le dégoût pour celui qui lui sert alors de modèle. S’il n’a connu aucun succès dans les salles avec 37.500 entrées au compteur, il serait dommage de passer à côté de ce film étonnant.
Nour vient d’être embauchée comme infirmière dans l’usine chimique où travaille son père, délégué syndical et pivot de l’entreprise depuis toujours. Alors que l’usine est en plein contrôle sanitaire, une journaliste mène l’enquête sur la gestion des déchets. Les deux jeunes femmes vont peu à peu découvrir que cette usine, pilier de l’économie locale, cache bien des secrets. Entre mensonges sur les rejets polluants, dossiers médicaux trafiqués ou accidents dissimulés, Nour va devoir choisir : se taire ou trahir son père pour faire éclater la vérité.
De Farid Bentoumi, on connaissait le premier long-métrage Good Luck Algeria (2015), déjà avec Sami Bouajila en tête d’affiche, ainsi que ses diverses apparitions en tant que comédien, aussi bien à la télévision (Munch, Il a déjà tes yeux) qu’au cinéma (Notre univers impitoyable, Loue-moi !). Avec son deuxième film, Rouge, le réalisateur signe un véritable petit coup de maître, un drame percutant sur un scandale sanitaire, genre plutôt rare en France et habituellement une spécialité du cinéma hollywoodien avec des œuvres comme Erin Brockovich de Steven Soderbergh, Dark Waters de Todd Haynes, Révélations de Michael Mann, Préjudice de Steven Zaillian. Si le thème a donné naissance à de multiples documentaires dans nos contrées, le cinéma est très souvent resté frileux. Rouge se démarque donc d’emblée et non seulement Farid Bentoumi aborde son récit avec sérieux et intelligence, mais il le fait avec une épatante et rare virtuosité. Thriller dramatique et psychologique, tendu comme un arc du début à la fin, merveilleusement interprété par des comédiens exceptionnels, Rouge, tiré de faits réels, est un des grands films de l’année 2021. Ni plus ni moins.
DES HOMMES réalisé par Lucas Belvaux, disponible en DVD et Blu-ray le 5 octobre 2021 chez Ad Vitam.
Acteurs : Gérard Depardieu, Catherine Frot, Jean-Pierre Darroussin, Yoann Zimmer, Félix Kysyl, Édouard Sulpice, Fleur Fitoussi, Ahmed Hammoud…
Scénario : Lucas Belvaux, d’après le roman de Laurent Mauvignier
Photographie : Guillaume Deffontaines
Durée : 1h41
Date de sortie initiale : 2021
LE FILM
Ils ont été appelés en Algérie au moment des « événements » en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d’autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies. Mais parfois il suffit de presque rien, d’une journée d’anniversaire, d’un cadeau qui tient dans la poche, pour que quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier.
Cinéaste moraliste, mais jamais moralisateur, Lucas Belvaux n’a eu de cesse à travers ses films d’explorer les thèmes qui lui sont chers comme le mensonge, la lâcheté, le couple, la peur, les souvenirs, la culpabilité, en confrontant souvent deux êtres que tout oppose. Le réalisateur a su trouver plusieurs accroches liées à son cinéma dans le roman de Laurent Mauvignier (publié en 2009), Des hommes, lauréat à sa sortie du prix Virilo et celui des libraires. Des films sur la guerre d’Algérie, il en existe une flopée et ce depuis la fin des années 1950. On peut citer en vrac Le Petit Soldat (1960, mais interdit jusqu’en 1963) de Jean-Luc Godard, Adieu Philippine (1962) de Jacques Rozier, La Belle Vie (1964) de Robert Enrico, Muriel ou le Temps d’un retour (1964) d’Alain Resnais, Les Parapluies de Cherbourg (1964) de Jacques Demy, La Bataille d’Alger (1966) de Gillo Pontecorvo, R.A.S. (1973) d’Yves Boisset, et plus proche de nous La Trahison (2006) de Philippe Faucon, Mon colonel (2006) de Laurent Herbiet, L’Ennemi intime (2007) de Florent-Emilio Siri, Cartouches gauloises (2008) de Mehdi Charef et Loin des hommes (2014) de David Oelhoffen. Donc oui, le sujet n’a jamais été écarté du cinéma, bien au contraire. Pour Des hommes, Lucas Belvaux dévoile ce qui se cache derrière les silences, dissèque le traumatisme d’une poignée de personnages, un en particulier, celui de Bernard alias Feu-de-Bois, magistralement interprété par Gérard Depardieu, qui retrouve de sa superbe ici, comme dernièrement dans Les Confins du monde de Guillaume Nicloux et de Fahim de Pierre-François Martin-Laval. Magnétique, magnifique, imposant (euphémisme) au sens propre comme au figuré, le comédien crève l’écran du haut de ses 71 ans, et livre une fantastique prestation. Face à lui, Catherine Frot et Jean-Pierre Darroussin ne sont pas en reste et l’on remarquera aussi la participation du jeune acteur belge Yoann Zimmer, dont nous avions déjà croisé le visage dans Été 85 de François Ozon, La Fille inconnue des frères Dardenne et Les Fauves de Vincent Mariette.
L’éditeur Alain Danielson, ami de l’écrivain Léonard Spiegel, décide de ne pas éditer son dernier livre. Pour quelle raison ? Peut-être parce que Léonard n’écrit que de l’autofiction vaguement maquillée en roman et que les personnages qui l’inspirent sont ses amis et sa maîtresse et que la maîtresse de l’un peut être la femme de l’autre…
Souvent porté par la critique, le réalisateur Olivier Assayas est habituellement représentatif d’un cinéma bourgeois, parisien, avec tous les poncifs qui l’accompagnent. S’il n’y a rien à redire sur sa sensibilité, sa mise en scène inodore-incolore-invisible ennuie la plupart du temps et donne l’impression de se regarder le nombril en attendant les éloges des Inrockuptibles. Evidemment, certains titres sortent du lot comme Clean (2004), qui avait valu à Maggie Cheung le Prix d’interprétation féminine à Cannes, sans aucun doute l’un des films les plus attachants d’Olivier Assayas, ou bien encore la mini-série Carlos (2010), percutante adaptation de la vie du terroriste. Ses deux collaborations avec Kristen Stewart, Sils Maria (2014) et Personnal Shopper (2016) ont une fois de plus irrité les allergiques à son cinéma poseur, même si le second était plus réussi et moins pédant. Nous n’attendions donc pas forcément (euphémisme) le retour du cinéaste derrière la caméra. Doubles vies est une petite surprise car il s’agit d’une comédie, intello certes, mais quand même. On a l’impression que le réalisateur âgé aujourd’hui de 65 ans, même s’il en paraît quinze de moins au bas mot, a voulu lâcher du lest et s’amuser. Toutes proportions gardées bien évidemment. Néanmoins, Doubles vies peut se voir comme la relecture d’un boulevard, un bo-bolevard pourrait-on dire, qui mixe beaucoup de choses, sans doute trop. Une réflexion sur le devenir du monde de l’édition et du livre, des tromperies à droite à gauche où les potes couchent avec la femme de l’autre pour oublier l’ennui, la communication dans le couple. Le casting est attractif, les comédiens sont qui plus est bien dirigés, les sujets de société abordés peuvent manquer de naturel mais n’en demeurent pas moins intéressants et la légèreté désirée par l’auteur fonctionne plutôt bien. En dehors de diverses longueurs et digressions, Doubles vies est étonnamment divertissant.
Ada, qui va bientôt se marier avec Omar, immigré régulier en Italie, est amoureuse de Souleiman. Tous deux doivent se retrouver ce soir-là, avec les autres garçons et filles, dans une boîte de nuit de bord de mer. Mais Souleiman décide de quitter le pays en embarquant sur l’océan.
Pour son premier long métrage en tant que réalisatrice, la comédienne Mati Diop, vue dans 35 rhums (2008) de Claire Denis est repartie avec le Grand Prix au Festival de Cannes en 2019. Une récompense prestigieuse qui est venue distinguer très justement cette œuvre quasi-inclassable, mais néanmoins engagée, à la frontière de plusieurs genres, qui a des choses à dire, mais qui préfère en même temps faire confiance au ressenti du spectateur, pour ne pas lui servir un discours politique tout cuit dans le bec. Tout cela en flattant une audience cinéphile et même cinéphage en plaçant son histoire dans le film de genre, et plus particulièrement dans le film de zombies. Atlantique est typique d’une première œuvre, riche, peut-être et sans doute trop, dans laquelle Mati Diop place tout ce dont elle a envie de parler. En résulte un film qui peut parfois sembler bancal, traversé néanmoins par de remarquables fulgurances dramatiques, magnifiquement photographié et surtout interprété par une jeune comédienne en état de grâce, la révélation Mame Bineta Sané, en lice pour obtenir le César du Meilleur espoir féminin.
Naïma a 16 ans et vit à Cannes. Alors qu’elle se donne l’été pour choisir ce qu’elle veut faire dans la vie, sa cousine Sofia, au mode de vie attirant, vient passer les vacances avec elle. Ensemble, elles vont vivre un été inoubliable.
Révélée en 2010 avec son premier long métrage Belle épine, son projet de fin d’étude à La Fémis et Prix Louis-Delluc du meilleur premier film, la réalisatrice Rebecca Zlotowski, née en 1980, a très vite confirmé son univers singulier, son écriture ciselée et son solide bagage technique avec ses films suivants, Grand Central (2013), porté par Léa Seydoux et Tahar Rahim, présenté en sélection officielle au festival de Cannes dans la catégorie Un certain regard, puis Planetarium (2016), coécrit avec Robin Campillo, interprété par Natalie Portman et Lily-Rose Depp. Lorsqu’Une fille facile, le quatrième film de la cinéaste avait été annoncé dans la presse, avec l’ancienne escort-girl Zahia Dehar en tête d’affiche, il y avait de quoi laisser perplexe, y compris quand le film a ensuite été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs pour le Festival de Cannes de 2019. La surprise est finalement de taille, car Une fille facile est un conte d’été qui ne joue pas gratuitement avec l’image sulfureuse de Zahia Dehar, mais qui flirte avec un côté méta étonnant. Rebecca Zlotowski, visiblement fascinée par sa comédienne, la filme sous tous les angles, capture son corps métamorphosé (pour ne pas dire ravagé) par la chirurgie esthétique, ainsi que son visage boursouflé et figé, pour finalement capturer une âme triste, mais forte, ainsi qu’un caractère bien trempé, loin des clichés habituels de la bimbo toute (re)faite. En résulte un portrait sensible et intelligent d’une jeune femme au passé qu’on imagine chargé, qui a pleinement conscience de ce qu’elle dégage, volontairement, auprès des hommes, de ce qu’on pense d’elle, et qui ne compte pas se faire dicter sa conduite. Non seulement cela, Une fille – pas si – facile, coécrit avec l’excellent Teddy Lussi-Modeste (Jimmy Rivière), dresse aussi le récit initiatique d’une adolescente, excellemment interprétée par la jeune Mina Farid, quelque peu éclipsée par la renommée de sa partenaire à la sortie du film.
I FEEL GOOD réalisé par Benoît Delépine & Gustave Kervern disponible en DVD et Blu-ray le 5 février 2019 chez Ad Vitam
Acteurs : Jean Dujardin, Yolande Moreau, Jo Dahan, Jean-Benoît Ugeux, Jana Bittnerova, Elsa Foucaud, Marius Bertram, Joël Séria…
Scénario : Benoît Delépine, Gustave Kervern
Photographie : Hugues Poulain
Musique : Motivés
Durée : 1h33
Date de sortie initiale : 2018
LE FILM
Monique dirige une communauté Emmaüs près de Pau. Après plusieurs années d’absence, elle voit débarquer son frère, Jacques, un bon à rien qui n’a qu’une obsession : trouver l’idée qui le rendra riche. Plus que des retrouvailles familiales, ce sont deux visions du monde qui s’affrontent.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le cinéma de Benoît Delépine et de Gustave Kervern se porte admirablement bien. Leur huitième long métrage en commun, I Feel Good, est une savoureuse comédie, interprétée par un Jean Dujardin métamorphosé et que l’on a plaisir à redécouvrir aussi spontané, impliqué, vraiment très drôle et excellemment dirigé. Trois ans après le génial Saint-Amour, l’un de leurs meilleurs opus, Benoît Delépine et Gustave Kervern tournent cette fois leur caméra vers le cinégénique village Emmaüs de Lescar-Pau situé dans les Pyrénées-Atlantiques, théâtre idéal pour plonger un personnage odieux, arriviste, qui ne pense qu’à faire du fric, au grand désespoir de sa sœur Monique, incarnée par l’indispensable, intense et authentique Yolande Moreau, qui voit la communauté troublée par les projets de son frangin Jacques. Ou comment vouloir changer l’eau en Château Pétrus et multiplier les pains Poilâne, en partant de rien.
Ce dernier a une idée pour devenir riche, très riche, immensément riche. Après avoir disparu pendant trois ans, Jacques, inspiré par Bernard Tapie et Bill Gates, persuadé que le but du jeu est de faire bosser les autres et ne pas travailler soi-même, a enfin trouvé la solution. Il va créer une société de chirurgie esthétique low cost en Bulgarie ! Egalement inspiré par la réussite d’un ancien camarade de classe qui a baptisé sa villa « I Feel Good », Jacques emprunte ce nom pour sa société et commence à ratisser le village Emmaüs afin de trouver de potentiels clients susceptibles d’être intéressés pour se faire faire un lifting, une liposuccion, une vaginoplastie ou autres. Jacques a foi dans le système libéral. Le problème c’est qu’il n’a pas d’argent pour lancer son entreprise. Alors il démembre sa voiture pour revendre les pièces détachées sur Ebay. Et quitte à travailler, Jacques préfère être dans le haut du panier de crabes. De son côté, Monique surveille son petit frère, tout en veillant à la tranquillité des compagnons d’Emmaüs.
Jean Dujardin est parfait du début à la fin et se fond complètement dans l’univers décalé poético-politico-social, humaniste et punk, tendre et anar, des deux scénaristes-réalisateurs. Avec ses cheveux probablement coupés lui-même, son peignoir et ses sandales (on pense à Jean-Paul Belmondo dans L’Incorrigible), sa bedaine, son dos voûté, son bronzage artificiel ou bien avec ses costumes trop grands, le comédien retrouve une fraîcheur bienvenue, comme si son jeu se trouvait libéré des gros budgets portés ces dernières années. A l’instar de Gérard Depardieu dans Mammuth et Saint-Amour, Jean Dujardin est comme « rebooté » par ses metteurs en scène.
I Feel Good témoigne également de la maturité du cinéma de Benoît Delépine et de Gustave Kervern. Loin de leurs premières œuvres comme Aaltra et Avida, ce huitième film apparaît très abouti sur la forme avec notamment une photographie signée Hugues Poulain, chef opérateur attitré et complice des cinéastes, lumineuse et chatoyante. Si I Feel Good peut parfois manquer de rythme, l’excellence des dialogues, le burlesque assumé de certaines situations (le renvoi de crachat, secondé par des effets visuels) et son festival de tronches d’acteurs non-professionnels renvoie au cinéma italien des années 1970. Le film est rempli de petits détails cocasses, comme un petit sapin CGT accroché au rétroviseur de la vieille Simca familiale, plus de 500.000 kilomètres au compteur, où les cendres des parents reposent dans la boîte à gants et dans le vide-poche.
L’intérêt peut s’émousser quelque peu dans le dernier acte qui voit certains « élus » de Jacques prendre la route vers la Bulgarie, mais I Feel Good vaut largement le détour pour ses comédiens pétillants, ses situations qui prennent la forme d’une succession de vignettes multicolores proches de la bande dessinée, ainsi que pour l’ironie mordante et jubilatoire de son épilogue.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de I Feel Good, disponible chez Ad Vitam, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
En prolongement du film, l’éditeur nous gratifie d’un excellent documentaire intitulé Parlons utopie (1h15), réalisé par Dominique Gautier. Le Village Emmaüs Lescar-Pau accueille depuis plus de trente-six ans les exclus de l’économie libérale et les déçus de cette économie qui cherchent une autre voie. Fidèle à l’esprit de l’abbé Pierre ce village vit et se développe uniquement grâce à son travail, sans aucune aide ou subvention.Avec les témoignages d’habitants du Village et d’intervenants extérieurs, économistes, militants, sociologues, politologues, écrivains, journaliste, élus locaux, ce film montre comment une micro-société composée d’environ 150 personnes, compagnes et compagnons, salariés, bénévoles, organisée autour de la récupération et la valorisation des déchets, peut créer un véritable système économique et social alternatif, un vrai projet de vie collectif. Et à partir de ses activités et son engagement politique, comment ce village utopique s’est imposé dans le paysage régional et au-delà, qu’il soit social, politique, économique, agricole, culturel. Ce documentaire montre également quelques images du tournage de I Feel Good, ainsi que les interventions des deux réalisateurs.
L’interactivité se clôt
sur trois teasers et la bande-annonce.
L’Image et le son
Bravo à Ad Vitam qui livre un magnifique Blu-ray et permet aux spectateurs de revoir cette fantaisie dans les plus belles conditions techniques. La colorimétrie est vive et flamboyante dès le début, la luminosité est aveuglante, le piqué constamment acéré et les contrastes denses. Si la réalisation parfois à la volée occasionne quelques pertes des détails ainsi que des flous involontaires, la copie demeure immaculée, le cadre est superbe et la profondeur de champ fort appréciable. Un transfert full HD qui en met plein les yeux.
Le mixage DTS-HD Master Audio 5.1 exploite magnifiquement chacune des enceintes et délivre un lot impressionnant d’effets en tous genres. Les voix sont exsudées avec force par la centrale, les latérales sont intelligemment mises à contribution à l’instar des bruits constants de la circulation. A ce stade, la piste DTS-HD Master Audio Stéréo devient anecdotique mais se révèle largement suffisant pour ceux qui ne seraient pas équipés sur les enceintes arrière. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.