Test Blu-ray / Le Déserteur de Fort Alamo, réalisé par Budd Boetticher

LE DÉSERTEUR DE FORT ALAMO (The Man from the Alamo) réalisé par Budd Boetticher, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 25 mai 2023 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Glenn Ford, Julie Adams, Chill Wills, Victor Jory, Hugh O’Brian, Jeanne Cooper, Neville Brand, John Daheim…

Scénario : D.D. Beauchamp & Steve Fisher, d’après une histoire originale de Niven Busch & Oliver Crawford

Photographie : Russell Metty

Musique : Frank Skinner

Durée : 1h19

Date de sortie initiale : 1953

LE FILM

1836. Le Texas lutte pour son indépendance. Le Fort Alamo résiste face aux attaques de l’armée mexicaine de Santa Anna. John Stroud est chargé de quitter le fort pour prévenir les familles des environs du danger des envahisseurs mexicains. Il arrive trop tard. Sa femme et son fils ont été tués par des hors-la-loi. Le Fort Alamo tombe. Stroud gagne Franklin où le lieutenant Lamar le fait arrêter pour désertion…

Les sorties en DVD et Blu-ray de L’Homme de l’Arizona, L’Aventurier du Texas et À feu et à sang nous ont déjà permis d’évoquer la carrière d’Oscar Boetticher Jr. Alias Budd Boetticher. Nul besoin d’y revenir donc et comme le disait Gérard Depardieu dans Tenue de soirée, « Nous voilà débarrasser du superflu on va pouvoir aborder l’essentiel ! ». Avant de réaliser Le Déserteur de Fort Alamo, Budd Boetticher avait derrière lui quelques drames, films noirs, polars et avait bien sûr signé des westerns (The Wolf Hunters, Les Rois du rodéo, Le Traître du Texas, L’Expédition du Fort King). Sous contrat avec Universal Pictures, le cinéaste livrera cinq longs-métrages en cette année 1953, dont The Man from the Alamo, d’après un scénario des talentueux D.D. Beauchamp (Un Colt nommé Gannon, Le Bagarreur du Tennessee, L’Homme qui n’a pas d’étoile, Seul contre tous) et Steve Fisher (Feu sans sommation, La Ville de la vengeance, Tokyo Joe, En marge de l’enquête), sur une histoire originale du non moins inspiré Niven Busch (Les Aventures du Capitaine Wyatt, Duel au soleil, L’Incendie de Chicago). Le film prend pour toile de fond le siège de Fort Alamo, événement majeur de la révolution texane, qui avait déjà engendré Quand le clairon sonneraThe Last Command de Frank Lloyd en 1950 et John Wayne en 1960 (Alamo The Alamo). À l’instar de ce dernier, Le Déserteur de Fort Alamo n’a pas pas la prétention de respecter les faits réels, mais s’en empare à des buts divertissants, ici afin de dresser le portrait d’un antihéros, merveilleusement incarné par l’impérial Glenn Ford. Rapide et resserré (79 minutes, montre en main), marqué par de superbes chevauchées et des affrontements secs et brutaux, The Man from the Alamo est un spectacle qui annonce, tant sur le fond que sur la forme, le légendaire cycle Ranown.

Devant l’avancée des troupes mexicaines du général Santa Anna, le général Sam Houston lève une armée pour défendre la République du Texas. Il demande au colonel Travis de résister le plus longtemps possible à Fort Alamo. Johnny Stroud, un combattant du fort, est tiré au sort pour aller protéger les familles de ses compagnons des mercenaires de Jess Wade. Arrivé trop tard, il ne trouve que des décombres fumantes. Il recueille Carlos, le jeune fils de son ancien régisseur et seul survivant. À la ville voisine, les habitants ont appris que Fort Alamo était tombé et, prenant Stroud pour un lâche, tentent de le lyncher.

Alors bien sûr on imagine les plus pointilleux des cinéphiles et surtout puristes de la grande histoire, dresser la liste des anachronismes ou trahisons avec ce qui s’est réellement passé durant ce siège de 13 jours, durant lesquels les troupes mexicaines commandées par le général Antonio López de Santa Anna ont massacré les défenseurs texans. Budd Boetticher était évidemment conscient des libertés prises par ses scénaristes et y voyait même une certaine forme d’humour, que nous aurons du mal à percevoir, mais nous ne sommes pas spécialistes en la matière. En l’état, Le Déserteur de Fort Alamo est un western formidable, mené à cent à l’heure, magistralement interprété, efficacement mis en scène et qui fait autant la part belle à l’action qu’à l’émotion. La courte durée du film permet à Budd Boetticher et à ses auteurs d’aller droit au but, mais sans mettre de côté la psychologie de son personnage principal. Certes, il faut accepter le fait que John Stroud ne se justifie jamais et ne livre pas sa vérité au moment où la ville est sur le point de lui dresser sur mesure une cravate de chanvre, mais le charisme magnétique de Glenn Ford fait passer la pilule.

Depuis son retour du front, le comédien avait explosé avec Gilda de Charles Vidor dès 1946 et se spécialisait dans le western, en enchaînant La Peine du talionThe Man from Colorado d’Henry Levin, Le Démon de l’or Lust for Gold de S. Sylvan Simon, L’Énigme du lac Noir The Secret of Convict Lake de Michael Gordon. Celui qui restera l’un des plus grands cowboys du cinéma aux côtés de Randolph Scott, John Wayne, Clint Eastwood et James Stewart livre une remarquable prestation dans Le Déserteur de Fort Alamo, qui derrière un aspect monolithique laisse passer un cyclone de sentiments. Dévasté intérieurement, Stroud, pris pour un lâche et considéré comme un renégat, avance tête baissée, animé par la vengeance, subissant la violence physique et verbale de ceux qui croisent sa route et qui l’accusent d’avoir pris la poudre d’escampette au moment critique de l’assaut mexicain. Il pourra heureusement compter sur le soutien de Beth Anders, jouée par la somptueuse Julie Adams (Le Shérif aux mains rouges de Joseph M. Newman, L’Étrange créature du Lac Noir de Jack Arnold, Les Affameurs d’Anthony Mann, Victime du destin de Raoul Walsh). Les amateurs du genre reconnaîtront évidemment l’excellent Neville Brand (Le Crocodile de la mort de Tobe Hooper, El perdido de Robert Aldrich, Bataille sans merci de Raoul Walsh, Le Quatrième homme de Phil Karlson) dans le rôle de Dawes. Les plus physionomistes remarqueront également Guy Williams, qui deviendra Don Diego de la Vega / Zorro quatre ans plus tard dans la série Disney.

Enfin, l’autre plus-value de cette série B demeure incontestablement la photographie Technicolor du maître Russell Metty (Les Griffes de la peur, Millie, Rendez-vous avec une ombre, Les Amants traqués, Demain est un autre jour, Le Secret magnifique…). Si les décors naturels paraissent un peu pauvres car limités, Le Déserteur de Fort Alamo reste un opus spectaculaire, modeste et pourtant implacable, beau à regarder et passionnant à suivre.

LE BLU-RAY

Depuis vingt ans, Le Déserteur de Fort Alamo a eu plusieurs vies dans les bacs français. La première édition en DVD remonte à 2003 chez Universal Pictures France, avant d’atterrir chez MEP Vidéo six ans plus tard. 2017, le film de Budd Boetticher débarque chez Sidonis Calysta en édition spéciale, avant de connaître un nouveau lifting et toujours dans la même crémerie en mai 2023 dans la collection Silver. Le menu principal est animé et musical.

Bertrand Tavernier dresse le portrait de Budd Boetticher, l’homme et le cinéaste (23’30). Une présentation forcément passionnante d’un réalisateur dont le travail a immédiatement intéressé Tavernier « depuis la découverte de Sept hommes à abattre au cinéma du Quartier Latin, qui nous a donné envie d’explorer son œuvre avec les amis du Nickelodéon ». L’invité de Sidonis Calysta indique qu’il avait entretenu une correspondance avec Budd Boetticher, qui lui répondait via des cassettes audio, alors qu’il était en prison au Mexique, en raison de dettes contractées suite à la difficulté de monter Arruza. De 1958 à 1967, Boetticher, alors au sommet de sa gloire, s’efforça en effet de consacrer un film à la carrière de son ami, le torero mexicain Carlos Arruza, alors rival de Manolete. Ce sera l’un des tournages les plus longs de l’histoire du cinéma. De nombreux obstacles l’empêchèrent de l’achever : financements ajournés, grèves inopportunes, puis un séjour en prison. Bertrand Tavernier passe en revue une partie de la filmographie de ce réalisateur mythique, avec forcément un focus sur le cycle Ranown.

Puis, notre regretté Tatav analysait plus précisément Le Déserteur de Fort Alamo (19’30) en 2017. L’occasion pour le réalisateur/critique/historien du cinéma de croiser à la fois le fond et la forme de ce « western très plaisant, coloré, stylisé, qui se regarde avec un grand plaisir […] au scénario très fantaisiste, traité comme un serial et un film d’aventure […] au récit relativement lâche, qui comprend des trous ». Dans son intervention, Bertrand Tavernier y parlait tour à tour de la période Universal de Budd Boetticher, de ses intentions (l’inexplicable désir de « faire un film drôle », le manque absolu de prétention), la psychologie du personnage incarné par Glenn Ford, les liens avec le futur cycle Ranown, le « brio » et le « panache » de la mise en scène, les partis-pris (les personnages historiques traités à la légère), les points faibles (les extérieurs « extrêmement paresseux »), les atouts du film (Neville Brand, Victor Jory, la bagarre finale, Julie Adams) et bien d’autres sujets.

Place à Jean-François Giré (9’30), qui à son tour donne son avis sur Le Déserteur de Fort Alamo, qui selon ses dires a été pour lui une redécouverte. À son tour d’évoquer l’étrange argument de Budd Boetticher qui mettait en avant « l’humour » de son film, alors qu’il s’agit d’un drame, sans une once de second degré et de situations comiques. Le désormais incontournable invité de Sidonis Calysta s’intéresse à l’histoire, aux personnages, au casting. Des redondances inévitables avec ce qui a été entendu chez Bertrand Tavernier.

Enfin, l’éditeur reprend l’intervention de Patrick Brion (7’30), également enregistrée en 2017. La période Universal de Budd Boetticher, le style du réalisateur, la psychologie du personnage principal et le choix discutable de Glenn Ford comme tête d’affiche sont abordés au cours de cette présentation.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

C’est pas mal. Pas exceptionnel, mais ce Blu-ray (au format 1080p) s’en tire bien. L’ensemble est propre (des poussières et rayures verticales subsistent), stable, les couleurs sont correctes (cela aurait pu être mieux ceci dit), la texture argentique est présente, même si de temps en temps aléatoire avec des plans étonnamment plus lisses et donc des visages cireux. Nous constatons aussi divers changements chromatiques au cours d’une même séquence, des baisses de la définition, des plans flous (de mauvais alignements des trois bandes du Technicolor entraînent des halos)…mais les séquences diurnes sont lumineuses et profitent le plus de cette promotion HD. La copie a vraisemblablement quelques heures de vol et cela commence à se ressentir.

La version originale (aux sous-titres français non imposés) l’emporte sur la piste française au doublage parfois pincé et souvent inapproprié. En anglais, l’écoute est claire, frontale et riche, dynamique et vive. Les effets annexes sont plus conséquents sur la VO que sur la piste française, moins précise.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Universal Pictures / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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