Test Blu-ray / Le Démon de l’or, réalisé par S. Sylvan Simon

LE DÉMON DE L’OR (Lust for Gold) réalisé par S. Sylvan Simon, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 3 juin 2021 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Ida Lupino, Glenn Ford, Gig Young, William Prince, Edgar Buchanan, Will Geer, Paul Ford…

Scénario : Ted Sherdeman & Richard English, d’après le roman de Barry Storm

Photographie : Archie Stout

Musique : George Duning

Durée : 1h30

Date de sortie initiale: 1949

LE FILM

En 1949, Barry Storm, parti à la recherche de la mine d’or perdue de son grand-père, est témoin du meurtre d’un prospecteur. Le shérif lui rappelle les histoires qui courent sur son grand-père, l’irascible Jacob Walz. En 1870, afin de conserver l’usage de la mine pour lui seul, Jacob n’a pas hésité à assassiner trois autres chercheurs d’or. Mais en ville, sa bonne fortune a fini par attiser la convoitise de la belle Julia et de son mari cupide…

Complètement méconnu en France, S. Sylvan Simon (1910-1951) démarre sa carrière de réalisateur à la fin des années 1930, tournant parfois trois, quatre, voire cinq films par an. Un rythme effréné qui a sans doute eu des répercussions sur sa santé, puisque S. Sylvan Simon sera emporté par une crise cardiaque à l’âge prématuré de 41 ans, juste après avoir produit Comment l’esprit vient aux femmes Born Yesterday de George Cukor. Parmi ses œuvres les plus célèbres, on pourra citer Cinq jeunes filles endiablées Spring Madness (1938) avec Maureen O’Sullivan, Dancing Co-Ed (1939) avec Lana Turner, mais aussi et surtout ses collaborations avec le célèbre tandem Abbott and Costello, Rio Rita (1942) et surtout Abbott et Costello à Hollywood (1945), avec lequel il devient producteur. Les années 1940 voient l’émergence du film noir et S. Sylvan Simon prend le train en marche avec Les Liens du passé I love Trouble, tout en supervisant la production du Démon de l’or Lust for Gold dont George Sherman démarre les prises de vues. Cependant, S. Sylvan Simon devient tellement envahissant sur le plateau, que le réalisateur préfère finalement rendre son tablier en lui conseillant de mettre en scène le film lui-même. Ce qu’il finit par faire et ce sera par ailleurs son ultime long-métrage. Le Démon de l’or est au final une œuvre on ne peut plus étrange, hybride, mélange de film noir et de western, qui flirte parfois avec le fantastique ou le mystique, et dont la construction ne cesse d’étonner. Si Glenn Ford et Ida Lupino sont les noms porteurs sur l’affiche, le premier n’apparaît à l’écran qu’au bout de vingt minutes, tandis que le spectateur devra patienter une demi-heure pour voir débarquer la comédienne. Mais l’attente est très largement récompensée, car les deux stars signent une prestation remarquable. Ils sont absolument parfaits dans la peau de salauds cyniques prêts à tout, y compris à tuer bien sûr, pour s’emparer d’un magot. Lust for Gold est une grande découverte.

A la fin des années 1940, un journal rapporte que l’explorateur et écrivain de renom Floyd Buckley prétend avoir découvert l’emplacement d’une mine d’or perdue. Il est approché par Barry Storm (William Prince), qui pense que le butin lui revient de droit, car son ancien propriétaire, Jacbo Walz (Glenn Ford), surnommé Dutch, était son grand-père. Buckley le repousse, mais lorsqu’il se dirige vers les montagnes précédées par quelques mauvaises superstitions, Storm le suit secrètement. Cependant, un tueur invisible tire sur Buckley, faisant de lui la quatrième victime de meurtre récente. Storm informe le shérif Early (Paul Ford) et son adjoint Covin (Will Geer). Ce dernier en dit plus à Storm sur la mine : cent ans auparavant, Pedro Peralta avait caché 20 millions de dollars d’or dans la plus inaccessible de ses mines, avant d’être tué par les Apaches (un combat assez brutal à l’écran) pour avoir souillé un lieu saint de leur « dieu du tonnerre ». Sa cupidité aiguisée, Storm enquête plus en avant. Un flash-back s’ensuit. En 1880, Jacob « Dutch » Walz et son ami Wiser entendent deux hommes parler de Peralta. Reconnaissant le nom lié à la mine, ils les suivent dans les montagnes. Après que Ramon Peralta, le frère de Pedro, ait trouvé le trésor, Walz et Wiser abattent les deux autres hommes de sang-froid ; puis Walz tire aussi sur Wiser. Lorsque Walz revient à Phoenix avec d’énormes pépites d’or, la nouvelle se répand rapidement. Une dénommée Julia Thomas (Ida Lupino) fait la connaissance de Walz, qui entreprend de le séduire, sans lui dire qu’elle est mariée à Pete (Gig Young). Ses soupçons sur ses motivations sont apaisés par le fait qu’elle sait parler allemand, sa langue natale. Ils tombent bientôt amoureux. Quand elle lui parle enfin de son mari, Walz lui donne de l’argent pour soudoyer Pete afin qu’il accepte de divorcer. Walz apprend plus tard que Julia lui a menti à plusieurs reprises. Caché, il observe Julia apaiser son mari en lui disant qu’elle apprendra bientôt l’emplacement de la mine.

Avant de devenir l’un des plus grands cowboys de toute l’histoire du western, mais aussi l’un des plus beaux antihéros du cinéma américain, l’immense Glenn Ford (1916-2006) avait démarré sa longue et prolifique carrière en interprétant quelques personnages peu recommandables, à l’instar du frappadingue Col. Owen Devereaux dans La Peine du talion The Man from Colorado de Henry Levin. Dans Le Démon de l’or, dès sa première apparition où il demande à une petite fille, intriguée par son fusil, de tirer sur la gâchette et dont le coup de feu l’effraie, Jacob – Dutch – Walz est planté et présenté dans un grand éclat de rire particulièrement sadique. Le regard rempli des flammes de l’enfer, Dutch n’est pas là pour rigoler, mais pour s’approprier les 20 millions de dollars en or dissimulés au milieu des 1300 km² de Superstition Mountain, territoire qui s’étend sur 65 kilomètres de long et 33 kilomètres de large. « La mine la plus insaisissable de l’Amérique » nous indique la voix de Barry Storm dès les premières images, qui parle aussi du « musée privé de Satan » pour qualifier le lieu principal de l’action, qui sera partagée entre 1880 et 1949, à travers deux principaux flashbacks.

Le Démon de l’or est « la biographie d’un piège mortel » comme nous le dit cette fois encore Barry Storm, qui malgré tout ne reculera devant rien pour mettre la main sur cet or qui – selon lui – lui revient de droit, puisqu’il appartenait à son aïeul. Lust for Gold nous raconte principalement la légende (tirée d’une histoire vraie), ainsi que la malédiction qui l’accompagne, de cette réserve d’or convoitée par tous, y compris par une femme sans aucun scrupule, merveilleusement incarnée par la grande Ida Lupino. Une femme fatale prête à sacrifier son mari, qu’elle n’a de cesse d’humilier, et à le tromper, pour obtenir des informations sur l’emplacement exact du métal précieux.

Sombre et particulièrement pessimiste, Le Démon de l’or laisse pantois par ses protagonistes arrivistes, ambitieux et démoniaques, qui feront tout pour arriver à leurs fins. L’intrigue est habilement construite, mixant le western et le film noir comme nous l’avons dit, ce qui est d’ailleurs très malin de la part des scénaristes Ted Sherdeman (Des monstres attaquent la ville Them! de Gordon Douglas) et Richard English (Aladin et la lampe merveilleuse A Thousand and One Nights d’Alfred E. Green), qui relient deux genres qui ont finalement toujours été liés, le second découlant naturellement du premier. Glenn Ford, qui a souvent officié dans les deux, trouve ici l’un de ses rôles les plus passionnants des années 1940. Son duo, ou duel plutôt, avec Ida Lupino est assurément la sève à la fois poisseuse, suintante et pourtant attirante de ce Lust for Gold, que l’on pourrait qualifier de « western de série noire », en tout point indispensable.

LE BLU-RAY

Le Démon de l’or avait déjà connu une première édition en DVD dans nos contrées, sous les couleurs de Sony Pictures. Le film de S. Sylvan Simon arrive chez Sidonis dans une nouvelle édition Standard, ainsi qu’en Combo Blu-ray + DVD. Le menu principal est animé et musical.

Patrick Brion (7’30), peu aidé par quelques problèmes de son, explique tout d’abord avoir découvert Le Démon de l’or au cinéma, une séance marquée par le souvenir d’avoir tout d’abord pensé s’être trompé de salle, puisque pensant voir un western, le film démarre pendant vingt minutes comme un film noir, tandis que les têtes d’affiche mettent autant de temps à apparaître à l’écran. L’historien du cinéma aborde ensuite « la construction invraisemblable » de Lust for Gold, l’apparition tardive « et un peu frustrante » de Glenn Ford et Ida Lupino, avant de donner quelques indications sur la mise en route du film par George Sherman, qui avait décidé de passer le relais à son producteur S. Sylvan Simon, qui mettait son grain de sel partout. Patrick Brion défend ce « western qui se porte très bien », parle des acteurs (Glenn Ford devait à l’origine interpréter le grand-père et son petit-fils), ainsi que de l’histoire « authentique » ayant donné naissance au Démon de l’or.

Comme il s’agit également d’un film noir, l’expert en la matière, l’excellent François Guérif (14’), intervient également sur ce titre. A l’instar de Patrick Brion, le complice de Sidonis Calysta revient surtout sur la singulière construction du Démon de l’or (« ou comment replacer une légende américaine, dans un contexte historique »), ainsi que sur le livre du journaliste Barry Storm, alors vendu comme une « histoire vraie ». François Guérif parle aussi du réalisateur, des personnages, et des liens qui unissent le western et le film noir.

L’Image et le son

Présenté dans une nouvelle copie restaurée HD, Le Démon de l’or bénéficie d’un joli traitement de faveur avec un N&B de bonne tenue, un grain excellemment géré, et surtout des contrastes riches qui rendent hommage à la belle photo de Archie Stout. Superbe cadre 1.33, qui contient son lot de détails, avec un piqué étonnant et une profondeur indéniable. Diverses poussières, des points blancs et noirs, de sensibles décrochages sur les fondus enchaînés et des petites sautes, mais dans l’ensemble l’image est on ne peut plus propre et stable. Le Blu-ray de Lust for Gold est une première mondiale.

Comme souvent, la version originale l’emporte sur la version française. La première est plus aérée, fluide et dynamique, si on la compare à la seconde piste, chuintante et accompagnée par un bruit de fond, ainsi que par un souffle chronique. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Columbia Pictures / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.