Test Blu-ray / El Perdido, réalisé par Robert Aldrich

EL PERDIDO (The Last Sunset) réalisé par Robert Aldrich, disponible en combo Blu-ray+DVD le 17 février 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Rock Hudson, Kirk Douglas, Dorothy Malone, Joseph Cotten, Carol Lynley, Neville Brand…

Scénario : Dalton Trumbo d’après le roman de Howard Rigsby

Photographie : Ernest Laszlo

Musique : Ernest Gold

Durée : 1h50

Date de sortie initiale : 1961

LE FILM

Alors qu’elle engage son gigantesque troupeau vers le Texas, la famille Breckenridge reçoit la visite de Brendan O’Malley, un aventurier que le shérif Stribling poursuit pour le meurtre de son beau-frère. Si les deux hommes pactisent le temps de convoyer les bêtes, les embûches se multiplient sur le parcours, naturelles comme une tempête de sable, guerrières comme l’attaque d’indiens rebelles. La tension monte encore lorsque O’Malley séduit la jeune Missy Breckenridge…

Robert Aldrich sort de Trahison à AthènesThe Angry Hills (1959), « un film décevant, non parce qu’il n’est pas bon, mais parce qu’il aurait pu être bon » dixit le réalisateur. Ce dernier décide de revenir au western (et aux Etats-Unis), en acceptant de mettre en scène El Perdido, titre « français » de The Last Sunset, écrit par Dalton Trumbo, alors inscrit sur la tristement célèbre liste noire de Hollywood et exilé au Mexique. Juste avant d’être rayé de cette liste en 1960, le scénariste adapte donc un roman de Howard Rigsby. Seulement voilà, Kirk Douglas, tête d’affiche du film est également producteur exécutif d’El Perdido (via sa société Bryna Films) et les relations avec Robert Aldrich seront houleuses sur le plateau. Par ailleurs, le comédien reprendra le montage à son avantage en post-production, laissant un goût d’inachevé pour tout le monde. Pourtant, à l’écran et en dehors de quelques critiques professionnels, le résultat est on ne peut plus honorable et El Perdido demeure un excellent divertissement, dans lequel Kirk Douglas et Rock Hudson rivalisent de charisme et de talent.

Brendan ‘Bren’ O’Malley (Kirk Douglas), coupable de meurtre, fuit vers le Mexique. Il décide de rendre visite à une femme qu’il a aimée il y a seize ans, Belle (Dorothy Malone). Il apprend qu’elle est mariée à John Breckenridge (Joseph Cotten), actuellement absent ; et qu’elle a une fille, Missy (Carol Lynley), vers laquelle il est immédiatement attiré. De retour au ranch, John Breckenridge cherche des hommes pour conduire son troupeau jusqu’au Texas. O’Malley accepte, contre le cinquième de ce troupeau. Il s’avère qu’il est poursuivi par le shérif Dana Stribling (Rock Hudson) qui le rejoint au ranch Breckenridge. O’Malley lui propose de reprendre son ancien métier de cow-boy et de l’aider à conduire les bêtes jusqu’à la ville où lui-même est justement recherché pour le meurtre de son beau-frère. Stribling accepte, espérant livrer O’Malley à la justice dès leur passage dans sa juridiction. Au fil du voyage, Breckenridge, qui s’avère par ailleurs ivrogne et lâche, est tué dans une rixe ; Stribling et Belle, de plus en plus attirés l’un par l’autre, projettent de se marier. De leur côté O’Malley et Missy tombent amoureux l’un de l’autre. Ceci augmente la tension entre le hors-la-loi et le shérif.

Du point de vue réalisation, il n’y a rien à redire. El Perdido est solidement charpenté, les paysages grandioses sont magnifiquement mis en valeur, y compris par la photo d’Ernest Laszlo (M de Joseph Losey, Stalag 17 de Billy Wilder, Bronco Apache de Robert Aldrich). S’il y avait un reproche à faire à The Last Sunset ce serait peut-être sur son récit qui part un peu dans tous les sens et qui reste souvent entre deux eaux, comme si le cinéaste ne savait pas quoi faire de ses personnages jusqu’au dénouement. Néanmoins, et comme il le fera quasiment durant toute sa carrière, Robert Aldrich est suffisamment roublard pour emmener les spectateurs là où ils le soupçonnaient le moins. Ainsi, le dernier acte tourne autour d’une révélation inattendue, qui tombe comme un coup de massue et qui redistribue les cartes quand survient le duel final.

El Perdido est à la fois un road-movie (à cheval certes, mais quand même), une romance constituée d’un triangle amoureux (qui devient même un carré), un drame psychologique, un western pur et dur. Ces éléments se croisent, pas forcément de manière fluide, c’est d’ailleurs là que se ressent la reprise en main de Kirk Douglas dans la salle de montage, puisque le personnage interprété par Rock Hudson (entre Confidences sur l’oreiller de Michael Gordon et Un pyjama pour deux de Delbert Mann) semble quelque peu mis de côté. Heureusement, très imposant, l’acteur n’est jamais effacé de l’histoire et demeure toujours en filigrane, même s’il doit se plier à la justice de son producteur qui a voulu se mettre en valeur. Ce déséquilibre n’entame en rien la réussite d’El Perdido, qui vaut également pour les deux rôles féminins, nullement sacrifiés, interprétés par les belles Dorothy Malone (juste après L’Homme aux colts d’or d’Edward Dmytryk) et Carol Lynley (Bunny Lake a disparu). Si la première tient tête à ses deux partenaires, la seconde foudroie par sa beauté fragile et innocente. Son apparition dans la fameuse « robe jaune » reste une scène très marquante dans l’oeuvre de Robert Aldrich.

Au final, El Perdido est un superbe western, qui vaut autant pour l’affrontement des monstres hollywoodiens qui le portent, que pour son récit complexe et ambigu. Donc, en dépit de sa production chaotique et de son quasi-rejet par le metteur en scène, The Last Sunset est encore une grande réussite du « Gros Bob ».

LE BLU-RAY

Disponible en DVD dans le catalogue de Sidonis Calysta depuis 2007, El Perdido est désormais proposé en édition limitée Blu-ray/DVD. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur reprend tout d’abord les deux suppléments réalisés en 2007. Le premier est la présentation du film par Bertrand Tavernier (22’). Ce dernier revient en long en large sur El Perdido, « un film problématique, un grand film malade, qui n’est pas à la hauteur de ce qu’il aurait dû être et qui fait un effet plus fort après l’avoir vu que quand on le voit ». Ainsi, Bertrand Tavernier passe en revue les difficiles conditions de tournage, les rapports houleux entre Kirk Douglas et Robert Aldrich, le « scénario inabouti » de Dalton Trumbo et la mise en scène (« où les qualités du réalisateur apparaissent sporadiquement »). Le cinéaste-critique-historien du cinéma évoque ensuite comment Kirk Douglas a dû reprendre le montage à son avantage, encense la prestation de Dorothy Malone et dissèque quelques scènes clés du film.

Le second bonus repris de l’ancienne édition DVD s’intituler Le Crépuscule des héros (2007, 25’) et croise les propos du réalisateur Jean-Claude Missiaen, du journaliste Eddy Moine et des critiques-historiens du cinéma Patrick Brion, Jean Louis Leutrat et Suzanne Liandrat-Guigues. Si vous avez écouté l’intervention de Bertrand Tavernier juste avant, alors certains propos vous paraîtront redondants. Néanmoins, le film est mieux replacé dans la carrière de Robert Aldrich et dans l’histoire du western. Mais les arguments avancés ici reprennent peu ou prou les mêmes que Bertrand Tavernier, surtout en ce qui concerne les conditions de production d’El Perdido.

Le supplément inédit et réalisé à l’occasion de cette nouvelle édition d’El Perdido est une présentation de Patrick Brion (10), qui revient sur le film de Robert Aldrich, treize ans après le bonus précédent. L’historien du cinéma revient sur ce « western complètement à part, romanesque et romantique », et parle également des autres westerns de Robert Aldrich, ainsi que des personnages atypiques du film.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Aïe aïe aïe…bon…disons-le immédiatement, le master HD d’El Perdido est affreux. Enfin, c’est très moche quoi. La gestion des contrastes et du grain argentique est complètement aléatoire, le teint des comédiens est étrangement rosé, la première bobine est constellée de tâches, de points et de poussières divers. L’éditeur a vraisemblablement repris la même copie proposée par Koch Media en Allemagne il y a huit ans, impression ressentie avec cette même colorimétrie fanée. Si l’on compare l’image de ce Blu-ray avec l’ancienne édition DVD, la qualité d’image n’est guère améliorée. Le piqué est peut-être plus acéré sur l’édition HD (heureusement), mais certaines scènes passées au DNR dénotent et s’avèrent peu reluisantes. La GROSSE déception du mois de février 2019.

Les versions originale et française bénéficient d’un mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Dans les deux cas, l’espace phonique se révèle probant et dynamique, le confort est indéniable, et les dialogues sont clairs, nets, précis. Sans surprise, au jeu des comparaisons, la piste anglaise s’avère plus naturelle et harmonieuse. Que vous ayez opté pour la langue de Shakespeare (conseillée) ou celle de Molière (doublage médiocre), aucun souffle (ou presque concernant la VF) ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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