Test Blu-ray / Les Misérables, réalisé par Jean-Paul Le Chanois

LES MISÉRABLES – 2 ÉPOQUES réalisé par Jean-Paul Le Chanois, disponible en Edition limitée Blu-ray & DVD le 6 novembre 2024 chez Pathé.

Acteurs : Jean Gabin, Danièle Delorme, Bernard Blier, Bourvil, Béatrice Altariba, Serge Reggiani, Silvia Monfort, Fernand Ledoux, Jimmy Urbain…

Scénario : Jean-Paul Le Chanois, Michel Audiard & René Barjavel, d’après le roman de Victor Hugo

Photographie : Jacques Natteau

Musique : Georges Van Parys

Durée : 3h10

Date de sortie initiale : 1958

LE FILM

Jean Valjean, un paysan condamné à cinq ans de travaux forcés pour avoir volé un pain, sort du bagne de Toulon en 1815 après y avoir passé dix-neuf ans, sa peine initiale ayant été prolongée à cause de ses multiples tentatives d’évasion. Son destin bascule lorsque l’évêque de Digne, Monseigneur Myriel, se dévoue pour lui éviter d’être de nouveau incarcéré à la suite du vol qu’il a perpétré dans sa maison. Dès lors, Jean Valjean va s’évertuer à ne faire que le bien autour de lui au détriment de son propre bonheur.

C’est un véritable blockbuster. En 1958, Jean-Paul Le Chanois adapte Les Misérables de Victor Hugo (publié en 1862), avec un casting de luxe, 10.000 figurants et un budget conséquent. Bien avant cela, l’oeuvre de l’écrivain avait inspiré le septième art, dès ses débuts d’ailleurs et ce aux quatre coins du monde. On peut bien sûr citer la version de Raymond Bernard en 1934, avec Harry Baur, Charles Vanel, Jean Servais et Orane Demazis, mais aussi celle (tout aussi virtuose) de Riccardo Freda (sous le titre français L’Évadé du bagne) avec Gino Cervi et Valentina Cortese. Jean-Paul Le Chanois coécrit son film avec René Barjavel, après un départ précipité de Michel Audiard (avec lequel le travail s’est très mal passé) et confie le rôle de Jean Valjean à Jean Gabin. Depuis son retour en grâce en 1954, le « Vieux » enchaîne les tournages et multiplie les succès. En 1955, six films dont il est la vedette sortent sur les écrans (dont French Cancan, Chiens perdus dans collier, Gas-oil) et quasiment tout autant l’année suivante (Des gens sans importance, Voici le temps des assassins, Le Sang à la tête, La Traversée de Paris…). Après un repos en 1957 (avec « seulement » deux films à l’affiche), Jean Gabin est à nouveau omniprésent en 1958 avec un film sortant en moyenne tous les deux mois. Ainsi, après Maigret tend un piège au mois de janvier, le mois de mars est marqué par l’événement cinématographique de l’année, l’arrivée des Misérables, scindé en deux époques pour une durée totale de 3h10 (le premier montage dépassait même les cinq heures, ce qui allait poser moult problèmes au montage), qui va alors attirer près de dix millions de spectateurs en France (on parle même de près de 25 millions en Union soviétique) et restera le deuxième plus grand succès de l’acteur au box-office, derrière les 12,5 millions d’entrées de La Grande Illusion. C’est la seconde collaboration entre Jean Gabin et Jean-Paul Le Chanois, après Le Cas du docteur Laurent et qui continuera après avec Monsieur (1964) et Le Jardinier d’Argenteuil (1966). Spectaculaire transposition du monument littéraire de Victor Hugo, Les Misérables demeure un gigantesque spectacle, qui a peut-être vieilli du point de vue des décors qui font parfois un peu carton-pâte, mais qui n’en reste pas moins passionnant et merveilleusement interprété.

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Test Blu-ray / Pépé le Moko, réalisé par Julien Duvivier

PÉPÉ LE MOKO, réalisé par Julien Duvivier, disponible en combo Blu-ray/DVD le 16 octobre 2024 chez Studiocanal.

Acteurs : Jean Gabin, Mireille Balin, Gabriel Babrio, Lucas Gridoux, Gilbert Gil, Saturnin Fabre, Marcel Dalio, Charles Granval…

Scénario : Julien Duvivier & Henri La Barthe, d’après le roman de Henri La Barthe

Photographie : Marc Fossard & Jules Kruger

Musique : Mohamed Iguerbouchène & Vincent Scotto

Durée : 1h31

Date de sortie initiale : 1936

LE FILM

Réfugié dans la casbah d’Alger, Pépé le Moko chef d’une bande de malfaiteurs, est émerveillé par la beauté d’une jeune femme, Gaby, dont il tombe amoureux. Hélas, leur idylle est de courte durée car Slimane, un indicateur, tend un piège à Pépé pour le faire quitter son repaire…

Parmi les plus grandes collaborations entre Jean Gabin et des metteurs en scène, il y a celle avec Julien Duvivier (1896-1967), qui s’est déroulée sur sept longs-métrages, de Maria Chapdelaine (1934) à Voici le temps des assassins (1956). Pépé le Moko est non seulement l’une de leurs associations les plus célèbres, mais aussi l’un des films les plus emblématiques de toute la carrière prestigieuse du « Vieux ». En l’espace de deux ou trois ans, ce dernier tournera rien de moins que La Belle Équipe (déjà avec Duvivier, qui ne connaîtra pas le même succès que La Bandera), Les Bas-Fonds, La Grande Illusion et La Bête humaine de Jean Renoir (à qui Pépé le Moko avait tout d’abord été proposé), sans oublier Le Quai des brumes et Le Jour se lève de Marcel Carné. Ça calme. On retrouve donc Jean Gabin dans la peau du « Moko », dérivé du « moco », qui désigne un marin originaire de Toulon et de la Provence, truand qui a débarqué à Alger (ville entièrement reconstituée en studio à Paris) le lendemain de l’attaque d’une bande toulonnaise. Pépé le Moko, d’après le roman de Henri La Barthe, est un huis clos à ciel ouvert, un drame sentimental teinté de thriller, où le monstre du cinéma français, quasiment de tous les plans, ou de toutes les scènes, crève l’écran une fois de plus en créant une nouvelle image de gangster, ou tout du moins héritée du Scarface d’Howard Hawks sorti cinq années auparavant. Passionnant, immersif, à la limite du documentaire quant à la représentation de la Casbah, Pépé le Moko est une étape indispensable et primordiale dans le parcours de tout cinéphile qui se respecte.

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Test Blu-ray / Remorques, réalisé par Jean Grémillon

REMORQUES réalisé par Jean Grémillon, disponible en Blu-ray le 20 février 2024 chez Carlotta Films.

Acteurs : Michèle Morgan, Jean Gabin, Madeleine Renaud, Charles Blavette, Jean Marchat, Nane Germon, Jean Dasté, René Bergeron, Henri Poupon…

Scénario : Jacques Prévert, Charles Spaak & André Cayatte, d’après le roman de Roger Vercel

Photographie : Armand Thirard

Musique : Alexis Roland-Manuel

Durée : 1h24

Année de sortie : 1941

LE FILM

André Laurent, capitaine du remorqueur Le Cyclone, assiste avec son équipage à la noce d’un de ses marins, avant d’être appelé en urgence pour secourir les passagers d’un cargo, dont Catherine, l’épouse du commandant. Alors que sa femme lui dissimule sa maladie et le supplie de prendre sa retraite, André tombe follement amoureux de Catherine, avec laquelle il débute une liaison…

Quelle beauté, quelle sensualité…Dans la filmographie de Jean Grémillon (1901-1959), Remorques arrive après L’Étrange Monsieur Victor (1938) et juste avant Lumière d’été (1942). C’est un événement, car Jean Gabin et Michèle Morgan sont réunis à l’écran trois ans après Le Quai des brumes de Marcel Carné. Au scénario (et aux dialogues), Jacques Prévert (entre Le Jour se lève et Les Visiteurs du soir), André Cayatte (qui n’était pas encore passé derrière la caméra), mais aussi Charles Spaak, même si ces deux derniers ne sont pas crédités, ils ont tous collaboré à l’adaptation du roman de Roger Vercel (Capitaine Conan, Du Guesclin) publié en 1935, y compris ce dernier qui aurait mis la main à la patte. En cette période troublée, d’ailleurs le couple star ne pourra même pas participer à la promotion du film, Gabin s’étant enrôlé et Morgan étant partie aux États-Unis (où elle sera bientôt rejointe par son partenaire, avec lequel elle vivra une brève idylle), Remorques aura mis près de deux ans entre le début et la fin de ses prises de vue. Près de 85 ans après sa sortie, ce drame bouleversant foudroie toujours autant le coeur et l’âme du spectateur.

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Test Blu-ray / Pour l’amour du ciel, réalisé par Luigi Zampa

POUR L’AMOUR DU CIEL (È più facile che un cammello…) réalisé par Luigi Zampa, disponible en Combo Blu-ray + DVD Edition limitée le 24 avril 2024 chez Pathé.

Acteurs : Jean Gabin, Mariella Lotti, Antonella Lualdi, Julien Carette, Elli Parvo, Paola Borboni, Carlo Sposito, Elena Altieri, Nerio Bernardi…

Scénario : Cesare Zavattini, Suso Cecchi D’Amico, Vitaliano Brancati, Diego Fabbri, Giorgio Moser & Henri Jeanson

Photographie : Carlo Montuori

Musique : Nino Rota

Durée : 1h23

Date de sortie initiale : 1950

LE FILM

Lorsqu’il se fait mortellement renverser par un camion, le riche industriel romain Carlo Bacchi se voit refuser l’entrée au paradis. Le juge céleste lui donne alors douze heures pour racheter ses fautes en faisant le bonheur de Santini, un de ses ouvriers qui a tenté de se suicider.

Si beaucoup, y compris Jean Gabin lui-même, évoquaient une traversée du désert après la guerre, il ne faut pas oublier que les spectateurs continuaient d’aller au cinéma voir les films avec celui était alors l’acteur français le plus célèbre dans le monde. Ainsi, L’Imposteur, Martin Roumagnac, Au-delà des grilles et La Marie du port ont tous dépassé la barre des deux millions d’entrées. Si l’aura de Jean Gabin n’est plus la même, surtout depuis depuis son retour du front avec des cheveux blancs, celui-ci est bien toujours présent et tente de retrouver des projets intéressants, ce qui lui manque certainement désormais. Il est donc peu étonnant de le retrouver de l’autre côté des Alpes, sous la direction de Luigi Zampa (1905-1991), dans une des premières co-productions franco-italiennes, Pour l’amour du ciel È più facile che un cammello…. Complètement méconnu dans nos contrées, et pour cause puisqu’il s’agit d’un des pires scores au box-office de toute la carrière de Jean Gabin avec 679.000 entrées, au même niveau que les 641.000 entrées de Sous le signe du taureau de Gilles Grangier. Pourtant, Pour l’amour du ciel détonne puisqu’il plonge le « Vieux » dans un film quasi-fantastique, où son personnage arrive au purgatoire après un accident. Alors qu’il est sur le point d’être conduit en enfer et après s’être plaint, il obtient douze heures de sursis pour sauver son âme. Si Pour l’amour du ciel est loin d’être une entière réussite, cet opus vaut assurément pour son originalité.

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Test Blu-ray / Le Drapeau noir flotte sur la marmite, réalisé par Michel Audiard

LE DRAPEAU NOIR FLOTTE SUR LA MARMITE réalisé par Michel Audiard, disponible en DVD et Blu-ray le 12 juin 2023 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Jean Gabin, Jacques Marin, André Pousse, Jean Carmet, Raymond Meunier, Micheline Luccioni, Yves Barsacq, Jacqueline Doyen, Roger Lumont, Michel Pilorgé, Ginette Garcin, Gilberte Géniat, Eric Damain, Ginette Leclerc, Claude Piéplu…

Scénario : Michel Audiard & Jean-Marie Poiré, d’après le roman de René Fallet

Photographie : Pierre Petit

Musique : Georges Brassens

Durée : 1h21

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

Victor, épicier et patron tyrannique ne cesse de parler à sa famille de son passé de marin, bien que ceux-ci ne l’ont jamais cru. Lorsque son neveu gagne un concours de maquette de bateau et est chargé d’en construire un à échelle réelle, Victor va tenter de s’imposer comme le patron de la petite équipe…

Invisible pendant près d’un demi-siècle en raison de droits partagés entre Paramount et Universal, Le Drapeau noir flotte sur la marmite réapparaît dans une copie intégralement restaurée. Unique opus dans lequel Michel Audiard « dirige » Jean Gabin, cette bizarrerie que le Vieux tourne entre Le Chat de Pierre Granier-Deferre et Le Tueur de Denys de La Patellière est bien plus une curiosité qu’une comédie disons-le d’emblée réussie. Né en 1920, Michel Audiard commence sa longue, mythique et éclectique carrière de scénariste à la fin des années 1940. En 1968, il passe pour la première fois derrière la caméra avec Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. Suite à ce grand succès avec plus de 2 millions d’entrées, il enchaîne l’année suivante avec Une Veuve en or avec Michèle Mercier, puis connaît son plus grand triomphe dans les salles avec Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause !. En ce qui concerne Le Drapeau noir flotte sur la marmite, nous retrouvons ce qui pouvait faire la qualité, mais aussi malheureusement les défauts de Michel Audiard placé lui-même à la tête d’un long-métrage. Certes celui-ci n’a jamais brillé avec ses mises en scène, mais demeure une sympathique distraction, une fantaisie où les acteurs livrent de merveilleux numéros, tout en se délectant des dialogues truculents signés bien sûr Audiard lui-même. Derrière ce titre à rallonge comme les affectionnait Michel Audiard, nous trouvons une comédie aux scènes lâchement reliées entre elles, prétextes à une poilade entre amis, coécrite avec Jean-Marie Poiré, d’après un roman de René Fallet (La Soupe aux choux, Un idiot à Paris, Les Vieux de la vieille, Le Triporteur, Porte des Lilas). Ainsi, Jean Gabin s’avère comme toujours remarquable dans la peau d’un mythomane, qui va se retrouver confronter au mensonge qui entoure son existence, pour épater ce qui lui reste de famille, y compris son jeune neveu, qui l’admire et le prend pour un grand aventurier. Moins foutraque qu’à son habitude, probablement en raison d’un casting sur lequel trône le Vieux, Michel Audiard peine toutefois à maintenir l’intérêt du début à la fin, à trouver un rythme sur la durée et met un peu de tout dans sa tambouille, ou la marmite ici, au risque de frôler souvent l’indigestion. Néanmoins, découvrir ce Drapeau noir… fait indéniablement plaisir pour les complétistes que nous sommes.

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Test Blu-ray / La Vierge du Rhin, réalisé par Gilles Grangier

LA VIERGE DU RHIN réalisé par Gilles Grangier, disponible en DVD et Blu-ray le 12 juin 2023 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Jean Gabin, Élina Labourdette, Andrée Clément, Olivier Hussenot, Albert Dinan, Claude Vernier, Renaud Mary, Nadia Gray…

Scénario : Jacques Sigurd, d’après le roman de Pierre Nord

Photographie : Marc Fossard

Musique : Joseph Kosma

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 1953

LE FILM

Blessé en Allemagne en 1940, Jacques Ledru, propriétaire d’une compagnie de navigation à Strasbourg, a été porté disparu. Sa femme Geneviève, s’est remariée avec Maurice Labbé, un de ses collaborateurs. Mais huit ans plus tard, il revient.

Quand il tourne La Vierge du Rhin, Jean Gabin n’est plus la star de Pépé le Moko, La Grande illusion, Le Quai des brumes et de La Bête humaine. Après la guerre, le comédien retrouve le succès, mais de façon mitigée, La Vérité sur Bébé Donge, Le Plaisir, Fille dangereuse et Leur dernière nuit ayant été des semi-échecs au box-office. Juste avant de connaître son second sacre inespéré qui viendra avec Touchez pas au grisbi de Jacques Becker, avec lequel il reprendra sa place sur le trône du cinéma français et ce jusqu’à sa mort, Jean Gabin tourne pour la première fois sous la direction de Gilles Grangier. Les deux hommes collaboreront à douze reprises, de La Vierge du Rhin en 1953 à Sous le signe du taureau en 1969, en passant par Gas-oil (1955), Le Sang à la tête (1956), Archimède le clochard (1959, leur plus gros hit avec plus de 4 millions d’entrées), Maigret voit rouge (1963)…Rétrospectivement, La Vierge du Rhin semble n’avoir jamais eu la même aura que les titres cités précédemment et demeure méconnu. S’il n’est pas autant percutant que l’ensemble des opus signés par le tandem, il n’en reste pas moins une réussite, que l’on doit évidemment à la prestation impériale de sa tête d’affiche, mais aussi à Gilles Grangier lui-même, qui privilégie des prises de vue en extérieur, caractéristique récurrente de son œuvre, donnant à La Vierge du Rhin un aspect témoignage d’un temps révolu. Il y a un côté Comte de Monte-Cristo dans cette histoire qui démarre comme un drame pour muter ensuite en film noir. Une redécouverte s’impose.

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Test Blu-ray / Martin Roumagnac, réalisé par Georges Lacombe

MARTIN ROUMAGNAC réalisé par Georges Lacombe, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 28 octobre 2022 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Marlene Dietrich, Jean Gabin, Daniel Gélin, Lucien Nat, Jean Darcante, Henri Poupon, Marcel André, Margo Lion, Marcel Herrand, Jean d’Yd, Marcel Peres, Paul Amiot, Camille Guerini…

Scénario : Pierre Véry et Georges Lacombe, d’après le roman de Pierre-René Wolf

Photographie : Roger Hubert

Musique : Marcel Mirouze

Durée : 1h43

Date de sortie initiale : 1946

LE FILM

Dans une petite ville de province, Blanche Ferrand espère épouser un riche consul, Monsieur de Laubry, dont la femme est gravement malade. Un soir, elle rencontre Martin Roumagnac, entrepreneur en maçonnerie, qui tombe éperdument amoureux d’elle. C’est le début d’une liaison passionnée, à laquelle Blanche se prête d’abord par fantaisie puis par amour. À la mort de la femme du consul, celui-ci somme Blanche de faire un choix.

« Le seul film du couple mythique Dietrich/Gabin » annonçait l’affiche de la ressortie de Martin Roumagnac en mai 2022. À l’origine, celui-ci devait être Les Portes de la nuit, sous la direction de Marcel Carné, mais Marlene Dietrich refusant d’interpréter la fille d’un collaborateur, décline cette opportunité. Possédant les droits du livre Martin Roumagnac de Pierre-René Wolf depuis quelques années (avant même la Seconde Guerre mondiale), Jean Gabin rebondit immédiatement et propose l’adaptation (refusée au préalable par Marcel Carné et Jacques Prévert) au réalisateur Georges Lacombe (1902-1990). Ce sera le retour du comédien sur le sol français après un court exil à Hollywood et son engagement (sous son vrai nom) au sein des Forces françaises combattantes, mais aussi le premier long-métrage de celle qui est alors sa compagne, dans la langue de Molière, dans laquelle elle s’exprime divinement bien. Joli succès dans les salles avec 2,5 millions de spectateurs réunis dans les salles en décembre 1946, la critique n’est cependant guère au rendez-vous. De plus, la fin du tournage a été marquée par la rupture consommée entre les deux stars, Marlene Dietrich voulant retourner sur le sol de l’Oncle Sam, tandis que Jean Gabin désire rester définitivement en France pour relancer sa carrière et pour fonder une famille. Martin Roumagnac demeure donc fondamentalement imprégné par cet événement, mais reste surtout un drame sentimental poignant, merveilleusement incarné par les deux têtes d’affiche, dont la tension sexuelle est par ailleurs fort présente pour un film des années 1940 et qui fera grincer la censure américaine, qui n’hésitera pas à couper pas moins d’une demi-heure pour son exploitation aux États-Unis. Assurément méconnu, Martin Roumagnac offre à Jean Gabin un rôle étonnant, qui rappelle parfois celui qu’il campait dans La Belle équipe de Julien Duvivier dix ans auparavant et qu’il interprétera dix ans plus tard dans Le Sang à la tête de Gilles Grangier. Un colosse aux pieds d’argile, dont la silhouette trapue contraste avec une voix légère et insouciante, face à sa partenaire qui dissimule au contraire une fragilité et un manque d’assurance derrière un masque de femme sûre d’elle et séductrice. La rencontre à l’écran des deux monstres fait bien sûr des étincelles.

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Test Blu-ray / Le Sang à la tête, réalisé par Gilles Grangier

LE SANG À LA TÊTE réalisé par Gilles Grangier, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 19 janvier 2022 chez Pathé.

Acteurs : Jean Gabin, Paul Frankeur, Claude Sylvain, Georgette Anys, José Quaglio, Paul Faivre, Léonce Corne, Florelle…

Scénario : Michel Audiard & Gilles Grangier, d’après le roman de Georges Simenon

Photographie : André Thomas

Musique : Henri Verdun

Durée : 1h23

Année de sortie : 1956

LE FILM

Ancien débardeur, François Cardinaud a mis trente ans pour devenir ce qu’il est : un des hommes les plus importants de La Rochelle. Sa réputation est justifiée, celle d’un type retors, coriace et exigeant. Il a débuté et a grandi sur le port, parmi une faune carnassière, où celui qui ne mord pas est voué à être mordu. En regagnant sa villa, un dimanche au retour de la messe, Cardinaud constate que sa femme Marthe est partie.

C’est un film méconnu dans l’immense carrière de Jean Gabin, un petit trésor caché sans doute, rare et peu diffusé à la télévision. Il s’agit du Sang à la tête, sa troisième collaboration (sur douze) avec Gilles Grangier (1911-1996), situé entre Gas-oil (1955) et Le Rouge est mis (1957). Quand il tourne cette adaptation du roman Le Fils Cardinaud de Georges Simenon, le comédien vient de faire un comeback toni-truand avec Touchez pas au grisbi de Jacques Becker et enchaîne les triomphes au box-office. 1956 le replace définitivement sur le trône du cinéma français, année où sortent successivement Des gens sans importance de Henri Verneuil (2,4 millions d’entrées), Voici le temps des assassins de Julien Duvivier (1,5 million), Le Sang à la tête de Gilles Grangier (2 millions), La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara (4,9 millions) et Crime et Châtiment de Georges Lampin (1,8 million). Contrairement à ce que ses détracteurs ont toujours déclaré, Jean Gabin n’a jamais été l’homme d’un seul rôle, aussi à l’aise dans la salopette d’un routier que dans le costume d’un trois-pièces d’un grand industriel, insufflant chaque fois sa personnalité, tout en étant différent, pour ne pas dire aux antipodes d’un film à l’autre. C’est ce qui a toujours fait son génie. Dans Le Sang à la tête, il interprète pour ainsi dire les deux extrêmes, puisque son personnage est un ancien prolétaire qui à force de travail et d’acharnement, est devenu l’un des noms les plus illustres de La Rochelle. Jean Gabin est une fois de plus merveilleux dans la peau de ce grand bourgeois, dont la femme, plus jeune que lui, est partie rejoindre un amour d’enfance, laissant son époux devenir la proie des rumeurs et surtout une cible facile pour les envieux qui ont connu son ascension sociale. Le Sang à la tête est un drame teinté d’humour noir et doublé d’une réflexion psychologique sur la jalousie des êtres humains qui n’a rien perdu de sa force près de soixante-dix ans après sa sortie. A redécouvrir de toute urgence.

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Test Blu-ray / Gas-oil, réalisé par Gilles Grangier

GAS-OIL réalisé par Gilles Grangier, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 10 septembre 2021 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Jean Gabin, Jeanne Moreau, Ginette Leclerc, Gaby Basset, Marcel Bozzuffi, Henri Cremieux, Robert Dalban, Albert Dinan, Roger Hanin, Camille Guerini, Jean-Marie Rivière, Jean Lefèbvre, Jacques Marin…

Scénario : Michel Audiard & Gilles Grangier, d’après le roman de Georges Bayle

Photographie : Pierre Montazel

Musique : Henri Crolla

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Alors qu’il fait nuit noire et qu’il pleut à verse, le camion de Jean Chappe roule sur un corps étendu sur la chaussée, à côté de sa voiture. Cet homme avait participé quelques heures auparavant à un braquage sanglant. Ses complices retrouvent Jean et tentent de l’intimider, pensant qu’il a récupéré le butin du braquage lors de l’accident.

Comme nous le disions dans la chronique de Chiens perdus sans collier, 1955 est l’année où Jean Gabin redevient le roi du box-office, en cumulant 21 millions de spectateurs avec six films sortis de façon très rapprochée, Napoléon de Sacha Guitry, Razzia sur la chnouf de Henri Decoin, Le Port du désir de Edmond T. Gréville, French Cancan de Jean Renoir, Gas-oil de Gilles Grangier et donc Chiens perdus sans collier de Jean Delannoy. Le comédien est un caméléon, capable d’enfiler le bleu de travail d’un ouvrier ou le costume trois-pièces d’un notable, avec le même talent et la même virtuosité pour se fondre dans le personnage, tout en conservant la même aura. Dans Gas-oil, il interprète un camionneur, profession qu’il retrouvera l’année suivante dans Des gens sans importance de Henri Verneuil, et s’associe à nouveau avec le metteur en scène de La Vierge du Rhin (1953), avec lequel il tournera à douze reprises, dont Archimède le clochard (1959), leur plus gros succès. Gas-oil reste important à plus d’un titre puisqu’il s’agit de la première collaboration cinématographique entre Jean Gabin et Michel Audiard, le scénariste s’inspirant du roman Du raisin dans le gaz-oil, série noire de Georges Bayle. Le « Vieux » trouve ici un rôle taillé sur mesure, aussi à l’aise derrière le volant de son 15 tonnes que face à Roger Hanin et à ses sbires ou se faisant tout petit face à Jeanne Moreau en déshabillé. On admire Jean Gabin, la clope au bec dès 5h du matin, se faisant réchauffer le café préparé la veille au soir, allant vérifier les niveaux et mettre le moteur en route alors que le thermomètre affiche des températures négatives. Ce polar demeure non seulement un excellent divertissement, mais il se voit également aujourd’hui comme le témoignage d’un temps révolu, donnant parfois au film de Gilles Grangier un aspect documentaire. Un très bon cru.

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Test Blu-ray / Chiens perdus sans collier, réalisé par Jean Delannoy

CHIENS PERDUS SANS COLLIER réalisé par Jean Delannoy, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 10 septembre 2021 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Jean Gabin, Dora Doll, Robert Dalban, Jane Marken, Anne Doat, Serge Lecointe, Jacky Moulière, Jimmy Urbain, Jean-Jacques Delbo, Claire Olivier, Renée Passeur…

Scénario : Jean Aurenche, François Boyer & Pierre Bost, d’après le roman de Gilbert Cesbron

Photographie : Pierre Montazel

Musique : Paul Misraki

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Placé chez des fermiers assez rudes, le petit Alain Robert met le feu à la grange en jouant et s’enfuit. Croyant ses parents en vie, il espère les retrouver grâce à la publication de sa photo dans la presse. Arrêté pour vagabondage, Alain est amené à Julien Lamy, juge pour enfants, qui l’envoie au centre de Ternerey. Le garçon fait le voyage en compagnie d’un autre délinquant, Francis Lanoux. Au centre, les deux jeunes se lient d’amitié. Brimés par les surveillants, ils décident de s’évader et mettent au point un plan qui ne peut échouer. Les voilà maintenant de retour sur les routes du pays, en quête de nouvelles aventures…

1955 est définitivement l’année où Jean Gabin reprend sa place sur la première marche du cinéma français, depuis son retour en grâce avec Touchez pas au grisbi de Jacques Becker, sorti l’année précédente, qui avait attiré plus de 4,7 millions de français dans les salles. En 1955, le comédien est partout avec six films sortis de façon très rapprochée. Il est à la fois le Maréchal Lannes dans le Napoléon de Sacha Guitry, le « Nantais » dans Razzia sur la chnouf de Henri Decoin, le commandant Le Quevic dans Le Port du désir de Edmond T. Gréville, directeur de cabaret dans French Cancan de Jean Renoir, camionneur dans Gas-oil de Gilles Grangier et juge des enfants dans Chiens perdus sans collier de Jean Delannoy. Au total, plus de 21 millions de spectateurs seront réunis sur l’ensemble de ces films, montrant ainsi que le roi du box-office est bel et bien revenu sur son trône. Trois ans après La Minute de vérité, où il partageait l’affiche avec Michèle Morgan et Daniel Gélin, Jean Gabin retrouve Jean Delannoy (1908-2008), avec lequel il tournera six longs-métrages, dont Maigret tend un piège (1958), Maigret et l’Affaire Saint-Fiacre (1959), Le Baron de l’écluse (1960) et Le Soleil des voyous (1967). Aujourd’hui, Chiens perdus sans collier est un peu oublié dans la filmographie conséquente du « Vieux ». Pourtant, ce dernier y trouve un rôle singulier qui lui permet de faire preuve d’une délicatesse et d’une immense sensibilité que celui-ci préférait souvent calfeutrer, étant un homme d’une grande pudeur. Il se retrouve ici dans la peau d’un magistrat spécialisé dans les problèmes de l’enfance, institution prévue en matière pénale, par l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Mais les jeunes qu’il rencontre dans l’exercice de ses fonctions sont-ils réellement des délinquants ? Alors que certains y voient de futurs truands et des graines de gangsters, ce juge sait qu’ils sont pour la plupart des enfants sans parents, sans foyer, sans amour. Jean Gabin apporte à son personnage une humanité hors-normes, capable en un regard de montrer une empathie qu’il n’exprimera pas forcément à l’oral, déontologie oblige. Chiens perdus sans collier est un drame non dénué d’humour, mais bourré de tendresse, qui se double d’un témoignage sur un problème social qui n’a fait que s’exacerber. Si une partie de l’audience dira que beaucoup de situations ne sont pas réalistes, les autres se laisseront porter par l’émotion distillée par ces portraits de gamins sauvages, à qui le juge Lamy tente de redonner une chance.

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