Test Blu-ray / Amour et mort dans le jardin des Dieux, réalisé par Sauro Scavolini

AMOUR ET MORT DANS LE JARDIN DES DIEUX (Amore e morte nel giardino degli dei) réalisé par Sauro Scavolini, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs : Erika Blanc, Peter Lee Lawrence, Ezio Marano, Rosario Borelli, Orchidea de Santis, Franz von Treuberg, Vittorio Duse, Bruno Boschetti, Carla Mancini…

Scénario : Sauro Scavolini, Anna Maria Gelli

Photographie : Romano Scavolini

Musique : Giancarlo Chiaramello

Durée : 1h29

Année de sortie : 1972

LE FILM

Se rendant dans la petite ville de Spoleto, près de Pérouse, pour des travaux d’études, un ornithologue allemand s’installe dans une propriété isolée au milieu d’un parc immense, abandonnée par les derniers occupants depuis plusieurs années. Au cours d’une de ses promenades, il découvre des bandes magnétiques dissimulées derrière des buissons et entreprend de les écouter. Il entre ainsi dans l’intimité d’Azzurra, jeune femme perturbée à la sexualité déviante, qui se confie à son psychiatre. Le scientifique ignore que la découverte de ces bandes le met en danger de mort.

Quel beau titre ! Amour et mort dans le jardin des DieuxAmore et morte nel giardino degli dei (1972) est à ce jour le premier des deux longs métrages réalisés par le metteur en scène Sauro Scavolini pour le cinéma avec Un foro nel parabrezza (1985) avec Vittorio Mezzogiorno et Mimsy Farmer. Plus connu pour son travail de scénariste – ou de dialoguiste sur La Femme infidèle de Claude Chabrol – sur des films aux titres explicites Je vais, je tire et je reviens, Creuse ta tombe Garringo, Sabata revient, Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé et le formidable Le cynique, l’infâme, le violent d’Umberto Lenzi, Sauro Scavolini s’incruste dans le cinéma d’exploitation au début des années 1970, mais privilégie la psychologie aux meurtres du giallo. Amour et mort dans le jardin des Dieux est une très belle surprise, qui n’a de cesse de déjouer les attentes du spectateur à travers une recherche fouillée des personnages, et ce du début à la fin.

Un ornithologue allemand âgé, Martin, s’installe dans une villa isolée située à l’intérieur d’un grand parc afin de mener à bien ses études sur différents oiseaux. Lors d’une promenade nocturne, il découvre par hasard des bandes magnétiques chiffonnées. Intrigué par sa découverte, il se met en tête de les nettoyer puis à les écouter grâce à son magnétophone. Il y découvre différentes séances de psychanalyse de l’ancienne propriétaire de la demeure, Azzura. En les rembobinant pour les écouter, malgré lui, le vieil homme assiste à un drame conjugal raconté par la défunte qui s’est conclu par son meurtre. Abandonnés depuis leur tendre enfance, depuis la mort de leur père en Afrique et l’absence de leur mère, Manfredi et sa sœur Azzura sont inséparables. Il s’est même tissé entre eux un lien presque incestueux où l’amour et la haine se mêlent. Mais leur proximité est perturbée lorsque Azzura épouse un célèbre pianiste, Timothy. Son frère ne supporte pas leur séparation et tente de l’oublier avec une autre femme, Viola.

Né en 1934, Sauro Scavolini, fait ses études – comme beaucoup de ses futurs confrères – au Centro sperimentale du cinematografia à Rome. Durant sa carrière, il s’associera avec le réalisateur Sergio Martino et le scénariste Ernesto Gastaldi, avec une prédilection pour le western et le thriller, sur près d’une quinzaine de films pour le cinéma et la télévision. Amour et mort dans le jardin des Dieux est son premier essai derrière la caméra et le moins que l’on puisse dire c’est que Sauro Scavolini s’en sort très bien. D’ailleurs, c’est une histoire de famille. Sauro occupe le poste de metteur en scène et de scénariste, tandis que son frère Romano est crédité en tant que directeur de la photographie et produit également le film aux côtés d’Armando Bertuccioli (La Soeur d’Ursula d’Enzo Milioni). Alors non, Amore e morte nel giardino degli dei n’est pas un giallo, mais s’inspire plutôt de Blow Upde Michelangelo Antonioni. Le réalisateur installe ses personnages troubles, avec une perversité croissante qui contraste avec la sérénité inspirée par un décor verdoyant, apaisant et luxuriant. Une fois le décor dressé, Sauro Scavolini peut lâcher ses protagonistes, dont les superbes Erika Blanc et Orchidea de Santis, qui se perdent dans une confusion des sentiments, souvent contre-nature, qui conduisent au point de non-retour dans une explosion de violence et de sang.

Les retournements de situation se tiennent sur un rythme lent mais maîtrisé, la musique de Giancarlo Chiaramello est très belle, tout comme la lumineuse photographie de Romano Scavolini. Si le cinéma d’exploitation transalpin aura accueilli moult cinéastes qui voulaient essayer d’avoir leur part du gâteau, Sauro Scavolini s’en tire haut la main et mérite une place de choix avec son Amour et mort dans le jardin des Dieux.

LE BLU-RAY

Troisième titre de la salve du Chat qui fume éditée au mois de mars 2019, Amour et mort dans le jardin des Dieux apparaît au cinéphile déviant sous la forme d’un Digipack 3 volets avec étui cartonné liseré jaune. Un objet constitué du DVD et du Blu-ray, limité à 1000 exemplaires. Le menu principal est animé et musical.

En guise de suppléments, Le Chat qui fume nous propose deux entretiens. Le premier est une rencontre avec la comédienne Erika Blanc (20’). L’actrice de Moi, Emmanuelle, Ni Sabata, ni Trinità, moi c’est Sartana, Django arrive, préparez vos cercueils et de plus d’une centaine de titres du même acabit, revient (en français) sur la production et le tournage d’Amour et mort dans le jardin des Dieux. Erika Blanc évoque également ses études en France, ses débuts au cinéma, la direction d’acteurs de Sauro Scavolini, sa grande amitié avec son partenaire Peter Lee Lawrence. Puis, la comédienne dit être très heureuse que ces films « rejetés par l’intelligentsia et la critique italienne » soient enfin redécouverts et surtout adorés par de jeunes spectateurs, avant d’adresser un message à ses fans français.

Autre interview sur cette galette, celle d’Orchidea de Santis (27’). L’actrice du Décameron interdit partage à son tour moult anecdotes sur les conditions de tournage du film qui nous intéresse. A l’instar d’Erika Blanc, la comédienne se souvient de ses débuts au cinéma, avant d’en venir plus précisément sur le travail des frères Scavolini, les lieux de tournage et ne tarit pas d’éloges sur le producteur Armando Bertuccioli (« un homme vraiment extraordinaire »). Orchidea de Santis défend son personnage dans Amour et mort dans le jardin des Dieux, parle de ses partenaires, de son rapport à la nudité à l’écran et avoue avoir apprécié la scène d’amour avec son partenaire Peter Lee Lawrence, elle qui avait pour habitude de se retrouver à l’écran « avec des mecs laids comme des poux ».

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Sublime ! Quelle beauté ! Les couleurs sont éclatantes dès le premier plan avec des teintes vertes et des rouges très riches et bigarrées. Le piqué est acéré comme la lame d’un scalpel, les gros plans étonnants de précision, les détails foisonnent du début à la fin et la propreté de la copie est irréprochable. Qu’ajouter de plus ?

Seule la version originale est disponible. Les dialogues sont parfois quelque peu étouffés et un léger souffle se fait entendre. C’est néanmoins nickel et certaines scènes sont même étonnamment vives. Les sous-titres français ne sont pas verrouillés.

Crédits images : © REWIND FILMS / Le Chat qui fume / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Cirque de la peur, réalisé par John Llewellyn Moxey

LE CIRQUE DE LA PEUR (Circus of fear – Psycho-Circus) réalisé par John Llewellyn Moxey, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs :  Christopher Lee, Leo Genn, Anthony Newlands, Heinz Drache, Eddi Arent, Klaus Kinski, Margaret Lee, Suzy Kendall, Cecil Parker, Victor Maddern…

Scénario : Harry Alan Towers, d’après le roman The Three Just Man, d’Edgar Wallace

Photographie : Ernest Steward

Musique : Johnny Douglas

Durée : 1h31

Année de sortie : 1966

LE FILM

Un fourgon blindé transportant des sacs remplis de billets de banque est braqué par un gang près du Tower Bridge. Le butin est ensuite dissimulé dans le Cirque Barberini par l’un des membres. Coïncidence ? Le cirque est bientôt la proie d’étranges meurtres au couteau visant son personnel. Un inspecteur de police chevronné mène alors l’enquête, laquelle s’annonce difficile, tant les suspects au sein de la troupe sont nombreux.

Belle démonstration que ce Cirque de la peurCircus of Fear (ou bien encore Psycho-Circus aux Etats-Unis, sorti dans une version tronquée et en N&B), réalisé par John Llewellyn Moxey en 1965 et sorti sur les écrans en 1966. Habitué des séries télévisées et téléfilms britanniques, le réalisateur emballe ce petit film qui oscille entre le film de casse et le cinéma d’horreur, le tout prenant la forme d’un whodunit à la Cluedo, dont la particularité est de voir son récit se dérouler sous le chapiteau d’un cirque. Interprété entre autres par Christopher Lee et Klaus Kinski, Le Cirque de la peur fait partie de ces longs métrages qui prennent aujourd’hui l’allure d’un épisode de série vintage dont le charme perdure grâce à sa mise en scène rigoureuse, la tenue de ses comédiens, son suspense maintenu du début à la fin, son rythme maîtrisé et son sens du divertissement.

À Londres, un dimanche matin, sur le Tower Bridge, une bande de malfaiteurs dévalisent une camionnette transportant d’importantes sommes d’argent. Après avoir bloqué le convoi avec leur voiture et braquer les convoyeurs, dont l’un est tué par son collègue complice des voleurs, se sont enfuis sur la Tamise à bord d’un canot à moteur. L’un d’entre eux, Mason, est chargé par leur commanditaire de lui ramener sa part du butin. Alors que ses acolytes sont arrêtés par la police, Mason se rend à son lieu de rendez-vous, un cirque à l’apparence abandonné, avec son chef mais il est aussitôt tué par un adroit lancer de couteaux et l’argent est aussitôt volé. La piste des billets dérobés, tous marqués, permet à l’inspecteur Elliott, chargé de l’enquête, de remonter jusqu’au campement d’hiver du cirque Barberini où des artistes ont dépensé de l’argent du casse. Afin d’y passer inaperçu , il se fait passer pour un photographe, désireux de faire un reportage sur la troupe. De Monsieur Loyal au lanceur de couteau, en passant par le trapéziste et le dompteur de fauves, tous semblent avoir quelque chose à cacher…

A la base du Cirque de la peur, il y a un roman du prolifique Edgar Wallace, écrivain et journaliste britannique, resté célèbre pour avoir participé à la création de King Kong de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack en 1933. Spécialiste du roman policier, du thriller anglais, d’aventures et de poursuite, toujours mâtiné d’enquête et de déduction, il signera 170 ouvrages en moins de trente ans, du début du XXe siècle, jusqu’à sa mort en 1932 à l’âge de 56 ans. A l’instar de ses meilleurs ouvrages, Le Cirque de la peur est mené tambour battant avec une succession quasi-ininterrompue d’actions et de revirements, jusqu’au final inattendu. L’auteur de la série des Quatre Justiciers, de Mr. J. G. Reeder, de l’Inspecteur Elk, de Sanders et bien d’autres, intéressera très vite le cinéma puisque les adaptations de ses nouvelles, romans et pièces de théâtre remontent déjà aux années 1920. C’est aussi et surtout en Angleterre et en Allemagne que ses écrits seront transposés en masse. Le Cirque de la peur, transposition de la nouvelle The Three Just Man, apparaît deux ans après la série The Edgar Wallace Mystery Theatre, 22 épisodes réalisés entre 1960 et 1964, dont six avaient déjà été réalisés par John Llewellyn Moxey.

Ce dernier s’empare du scénario écrit par Harry Alan Towers (également producteur) et signe un film policier très soigné, aux personnages troubles, énigmatiques et marquants, où les crimes à l’arme blanche et l’humour so british se confrontent pour notre plus grand plaisir durant 1h30. Certes Christopher Lee et Klaus Kinski apparaissent au générique, mais surtout comme seconds rôles (surtout le deuxième), et c’est surtout le comédien Leo Genn (Quo Vadis, Moby Dick, Le Jour le plus long, Le Venin de la peur) qui se distingue surtout dans ce film choral, dans le rôle de l’inspecteur Elliott. Autour de lui, tels des électrons qui s’agitent et périclitent, s’affolent tout un tas de protagonistes, dont le curieux Gregor (Christopher Lee donc), dont le visage demeure dissimulé sous une cagoule les trois quarts du film. Cela n’empêche pas l’immense acteur de s’imposer avec sa voix inimitable et son regard perçant. On appelle ça le charisme. N’oublions pas également le charme des deux actrices Suzy Kendall (L’Oiseau au plumage de cristal) et Margaret Lee (Les Insatisfaites poupées du docteur Hitchcock), mises en valeur par la belle photographie d’Ernest Steward (Les 13 fiancées de Fu Manchu).

John Llewellyn Moxey est un solide technicien – la séquence d’ouverture du casse sur le véritable Tower Bridge est d’ailleurs un brillant échantillon de son savoir-faire – qui sera repéré par l’industrie américaine et qui passera le reste de sa carrière à travailler sur de multiples séries de renoms comme Hawaï, police d’état, Mission impossible, Mannix, Magnum et Arabesque. Le Cirque de la peur est l’une de ses rares incursions au cinéma et mérite largement d’être découvert.

LE BLU-RAY

Le Cirque de la peur fait son apparition en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume. Les deux disques reposent tranquillement dans un Digipack 3 volets avec étui cartonné du plus bel effet et au magnifique visuel coloré. Superbe objet. Le menu principal est animé et musical. Edition limitée à 1000 exemplaires. Nous trouvons également un petit encart de quatre pages signé Christophe Lemaire, qui signe une déclaration d’amour pour Christopher Lee.

Outre un lot de bandes-annonces, nous trouvons sur cette édition une présentation du Cirque de la peur par Eric Peretti (19’). Le programmateur au Lausanne Underground Film et Music Festival, ainsi qu’aux Hallucinations collectives de Lyon retrace avec une passion toujours contagieuse les origines du Cirque de la peur avec moult anecdotes de production et de tournage, un tableau dressé du casting, les portraits du producteur Harry Alan Towers et du réalisateur John Llewellyn Moxey, sans oublier une grande partie consacrée à l’écrivain Edgar Wallace. On apprend notamment qu’il existe une version allemande du film, en N&B, amputée de quelques séquences et comprenant un happy-end, qui a quand même été interdite aux moins de 18 ans à sa sortie.

L’Image et le son

Que voilà un beau master ! Rien à signaler sur la propreté et la stabilité de la copie, c’est impeccable, immaculé même. Point de scories, de points noirs ou autres griffures constatés, le master est irréprochable avec des couleurs éclatantes dans les coulisses du cirque, volontairement plus terne avec un ciel grisâtre dans la première partie londonienne. Le piqué est surprenant, vif, tandis que la patine argentique flatte constamment les rétines. Mention spéciale aux gros plans, notamment la tronche de Klaus Kinski, riche en détails avec également un teint naturel des visages. Le film utilise quelques stock-shots sur les numéros de cirque et la définition est forcément plus chancelante avec un grain plus appuyé et des teintes plus fanées. Mais cela ne dure que quelques secondes. Le film est proposé dans sa version intégrale.

La belle partition à la trompette de Johnny Douglas s’accompagne de sensibles saturations. Les dialogues sont en revanche solides et dynamiques, aucun souffle ne vient parasiter l’écoute. Signalons quelques légers « couinements » à la 55e minute. L’ensemble est très clair et les sous-titres français non imposés. Seule la version originale est disponible.

Crédits images : © Liliom Audiovisuel / Le Chat qui fume / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Une affaire de famille, réalisé par Hirokazu Kore-Eda

UNE AFFAIRE DE FAMILLE (Manbiki kazoku – 万引き家族) réalisé par Hirokazu Kore-Eda, disponible en DVD et Blu-ray chez Le Pacte le 24 avril 2019

Acteurs : Lily Franky, Andô Sakura, Matsuoka Mayu, Kilin Kiki, Kairi Jyo, Miyu Sasaki, Ikematsu Sôsuke, Moemi Katayama…

Scénario : Hirokazu Kore-Eda

Photographie : Ryûto Kondô

Musique : Haruomi Hosono

Durée : 2h01

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Au retour d’une nouvelle expédition de vol à l’étalage, Osamu et son fils recueillent dans la rue une petite fille qui semble livrée à elle-même. D’abord réticente à l’idée d’abriter l’enfant pour la nuit, la femme d’Osamu accepte de s’occuper d’elle lorsqu‘elle comprend que ses parents la maltraitent. En dépit de leur pauvreté, survivant de petites rapines qui complètent leurs maigres salaires, les membres de cette famille semblent vivre heureux – jusqu’à ce qu’un incident révèle brutalement leurs plus terribles secrets…

Le réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda a encore frappé ! Et une fois de plus en plein coeur ! Né en 1962, le cinéaste multi-récompensé pour After Life (1998), Nobody Knows (2004), Still Walking (2008), Notre petite sœur (2015) et bien d’autres aura remporté le Saint Graal en 2018 avec Une affaire de famille, magnifique chronique douce-amère qui réconcilie enfin le cinéma d’auteur avec le cinéma populaire, surtout un an après le calamiteux The Square du suédois Ruben Östlund. Il fallait en effet remonter dix ans en arrière avec Entre les murs de Laurent Cantet, pour trouver une Palme d’or aussi optimiste et lumineuse malgré les évènements narrés. Une affaire de famille happe les spectateurs d’entrée de jeu avec une mise en scène proche du documentaire en composant plusieurs portraits croisés de marginaux. Unis sous un même toit, d’âge très différent, rejetés par la société, trois femmes, un homme et un petit garçon, bientôt rejoints par une petite fille, qui vont pourtant se soutenir face à l’adversité, en (sur)vivant grâce au vol et à la débrouillardise. Deux heures de pur bonheur, un merveilleux long métrage magistralement mis en scène et interprété par des comédiens en état de grâce, Lily Franky, Sakura Ando, Mayu Matsuoka, Kirin Kiki, Kairi Jyo et la petite Miyu Sasaki. Voilà enfin une Palme d’or méritée !

Les Shibata, famille pauvre qui vit grâce à la débrouille, recueillent une petite fille dans la rue. Hatsue, la vieille dame qui les héberge, perçoit une petite retraite. Osamu travaille en indépendant sur un chantier de construction, se blesse sans pouvoir prétendre à des indemnités. Nobuyo travaille dans une blanchisserie, subit une compression de personnel. Aki est une adolescente qui a quitté ses parents et vit de ses charmes, en cabine privative de peep show. Shōta, le jeune garçon, a été trouvé dans une voiture. Et Juri/Yuri, la petite fille, a manifestement été battue et délaissée par ses parents, depuis que sa grand-mère est morte. Tout ce chaos forme une famille, parce que chacun de ses membres l’a choisi. Osamu et Shota volent à l’étalage. Et Yuri, devenue Rin, est initiée, alors que Shota commence à s’interroger.

En refusant le misérabilisme et le spectaculaire, Hirokazu Kore-eda livre un des films les plus solaires vus depuis longtemps sur la Croisette. Là où d’autres se seraient vautrés dans un ersatz d’Affreux, sales et méchants, chef d’oeuvre d’Ettore Scola, le réalisateur éclaire ses personnages, enfants, jeune adolescent, jeunes femmes, homme mature et femme d’âge mur en les caressant de sa caméra avec une infinie douceur. Proche du néoréalisme italien par ses partis pris, mais vouant également un amour absolu pour Les 400 coups de François Truffaut, Kes de Ken Loach et Amarcord de Federico Fellini, Hirokazu Kore-eda avec Une affaire de famille traite d’un sujet social et même politique propre au Japon, avec une sensibilité nippone et des partis pris quasi-européens. Hirokazu Kore-eda filme les visages, la confrontation des générations en vase clos, la peur de la solitude, l’attachement des êtres que le destin a réunis, avec un sens personnel de la fable et toujours teinté de poésie.

Des récits initiatiques qui se croisent, qui se rentrent dedans, qui s’imbriquent jusqu’au dernier acte où l’ordre social traditionnel souhaite reprendre ses droits. Une « famille » recomposée, sans liens du sang, mais malgré tout plus forte que tout. Une affaire de famille a été récompensé par le César du meilleur film étranger, après avoir connu un très beau succès dans les salles françaises avec près de 800.000 entrées.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’Une affaire de famille, disponible chez Le Pacte, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Une interactivité malheureusement réduite pour ce chef d’oeuvre de l’année 2018…

Il faudra se contenter de deux micro-interviews du réalisateur Hirokazu Kore-eda (4’30 et 2’20) durant lesquelles le cinéaste revient sur les thèmes du film, sur la genèse d’Une affaire de famille, ses intentions et partis pris, ainsi que sur ses inspirations à l’instar des longs métrages de Robert Benton (Kramer contre Kramer).

Cette section se clôt sur une très belle galerie de photos de tournage et la bande-annonce.

L’Image et le son

Un très bel objet que ce master HD. L’image bénéficie d’un codec AVC de haut niveau, renforçant les contrastes, ainsi que les détails aux quatre coins du cadre. Certains plans nocturnes sont magnifiques et tirent entièrement parti de cette élévation en Haute Définition. Les gros plans peuvent être analysés sans problème puisque la caméra colle parfois au plus près des personnages, les ombres et les lumières s’accordent parfaitement. Ce Blu-ray est une franche réussite technique.

Deux pistes au choix, japonaise et française DTS-HD Master Audio 5.1. La version originale 5.1 s’avère tout d’abord dynamique, spatialisée avec une ardeur inattendue, mettant notamment en valeur les ambiances naturelles. Les latérales sont actives dès la première image, les frontales sont également percutantes et le spectateur est immédiatement plongé dans le récit. Les séquences en intérieur et donc plus intimistes sont évidemment plus feutrées, reposent évidemment plus sur les enceintes avant. En revanche, les dialogues sont percutants sur la centrale, que vous ayez opté pour la version française (évidemment facultative) ou la piste japonaise. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Le Pacte / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Loups de haute mer, réalisé par Andrew V. McLaglen

LES LOUPS DE HAUTE MER (North Sea Hijack) réalisé par Andrew V. McLaglen, disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Elephant Films le 28 février 2019

Acteurs : Roger Moore, James Mason, Anthony Perkins, Michael Parks, David Hedison, Jack Watson…

Scénario : Jack Davies d’après son roman « Esther, Ruth and Jennifer« 

Photographie : Tony Imi

Musique : Michael J. Lewis

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1980

LE FILM

Lou Kramer et son commando menacent de détruire plusieurs plates-formes pétrolières en pleine mer ! Pour éviter cela, le Conseil d’Urgence envoie ffolkes, le réputé commandant misogyne de la brigade antigang. Lui et ses hommes, surnommés les « loups de haute mer », se lancent dans une bataille aquatique délicate et très dangereuse contre les pirates…

Si son nom n’est pas vraiment connu du grand public, le réalisateur anglo-américain Andrew V. McLaglen (1920-2014) a pourtant signé quelques pépites et classiques très prisés par les cinéphiles. Fils de Victor McLaglen, ancien boxeur poids lourd devenu comédien, Oscar du meilleur acteur pour Le Boxeur, chef d’oeuvre de John Ford dont il devient très proche, Andrew V. McLagen accompagne souvent son père sur les plateaux de cinéma et contracte très vite le virus du 7e art. Il grandit en côtoyant et en admirant John Ford et John Wayne, et décide très vite de devenir metteur en scène. Il est tout d’abord assistant-réalisateur, y compris sur L’Homme tranquille (1952) et passe enfin à la réalisation avec son premier long métrage, Légitime défenseGun the Man Down (1956), un western où il dirige James Arness et Angie Dickinson. Les séries télévisées Perry Mason et surtout Rawhide lui permettent de se perfectionner et de peaufiner son style. Il signe son retour au cinéma en 1963 avec le célèbre Le Grand McLintock avec John Wayne, Maureen O’Hara et Yvonne De Carlo. La consécration publique vient réellement en 1965 avec Les Prairies de l’honneurShenandoah et ce en dépit de critiques virulentes venues de la presse qui déclarent notamment que le réalisateur plagie le style de son modèle John Ford. Cela n’empêche pas le film d’être un grand succès (mérité), mais aussi de marquer le début d’une grande amitié et d’une collaboration fructueuse entre Andrew V. McLagen et le comédien James Stewart.

Dans les années 1970, le cinéaste persiste et signe dans le western avec Chisum, Le Dernier train pour Frisco, Rio Verde, Les Cordes de la potence et La Loi de la haine. Il se voit alors proposer Les Oies sauvagesThe Wild Geese, adapté de l’oeuvre de Daniel Carney par Reginald Rose, l’auteur de Douze hommes en colère, mais également scénariste de L’Homme de l’Ouest d’Anthony Mann en 1958. L’histoire est alors prétexte pour réunir quelques grands noms du cinéma pour un film d’aventures qui allait devenir alors une référence. Deux ans après, Andrew V. McLaglen retrouve Roger Moore pour Les Loups de haute merNorth Sea Hijack, ou bien encore ffolkes, du nom du personnage principal et Assault Force lors de sa diffusion à la télévision américaine. Thriller d’aventure et d’action, bourré d’humour et de bons mots, génialement interprété, Les Loups de haute mer est également devenu un petit classique chéri par les cinéphiles et amateurs de séries B.

Lou Kramer un terroriste et son commando armé menace de faire exploser des plateformes pétrolières. Pour contrer cet homme dangereux, le conseil d’urgences déploie une équipe de professionnels. À la tête de celle-ci figure Folks, homme bougon et solitaire qui préfère la compagnie des chats à celui des femmes. Mais lui et son équipe surnommés « les loups de haute mer » sont les seuls à pouvoir empêcher l’inévitable.

Rétrospectivement, sir Roger Moore trouve ici l’un de ses meilleurs rôles. Son personnage misanthrope, critiquant la gent féminine, porté sur la boisson et passionné par les chats lui va comme un gant et le comédien se délecte de chacune de ses répliques. La barbe bien coupée, l’oeil moqueur et avant tout expert dans son domaine, Rufus Excalibur ffolkes était l’homme tout désigné pour mettre fin aux agissements d’une bande de terroristes bien décidé à mettre la mer du Nord à feu et à sang. Les Loups de haute mer, à ne pas confondre avec The Sea Wolves’’, sorti la même année, également réalisé par Andrew V. McLaglen, avec aussi Roger Moore au générique, connu sous le titre français Le Commando de Sa Majesté, est l’adaptation du roman de Jack Davies, Esther, Ruth and Jennifer. L’écrivain, également l’auteur de l’extraordinaire Ces merveilleux fous volants dans leurs drôles de machines taille un rôle sur mesure pour l’acteur principal.

En dépit d’une affiche très « bondienne » sur laquelle Roger Moore arbore la célèbre pose de l’agent 007 et qui rappelle celle de Sean Connery sur celle d’Opération Tonnerre, point de gadgets ou cascades ici. Les Loups de haute mer est un « petit » thriller jubilatoire, au charme rétro toujours intact, dans lequel l’agent de sa Majesté, alors en permission entre les dossiers classifiés de Moonraker et Rien que pour vos yeux, s’amuse et rivalise de cabotinage (rien de péjoratif à dire cela) avec James Mason (la vieille école fatiguée) et Anthony Perkins (suintant et grimaçant à souhait), avec sa légendaire allure décontractée.

Près de quarante ans après sa sortie, Les Loups de haute mer est toujours aussi divertissant et reste emblématique d’un cinéma britannique aussi élégant que récréatif.

A mon père.

LE BLU-RAY

Nous le désirions depuis tant d’années ! C’est désormais chose faite ! Les Loups de haute mer apparaît en HD dans les bacs français sous la bannière d’Elephant Films ! Quel bonheur ! Le film d’ Andrew V. McLaglen est disponible en combo DVD/Blu-ray. Le menu principal est fixe et musical.

Le journaliste en culture pop Julien Comelli est de retour et le moins que l’on puisse dire, c’est que la sobriété lui va beaucoup mieux. Sa présentation des Loups de haute mer est impeccable (14’). Il commence tout d’abord par indiquer les différents titres du film, avant de préciser qui est Andrew V. McLaglen, puis de donner quelques titres de films du genre, dont un alléchant La Tour Eiffel en otage, réalisé par Claudio Guzmán en 1980. Quelques anecdotes de tournage sont également au programme, ainsi que des infos concernant la sortie mitigée des Loups de haute mer au cinéma.

L’interactivité se clôt sur une galerie de photos et un lot de bandes-annonces, dont celle du film qui nous intéresse (« Il n’a pas besoin de permis de tuer ! »), qui dévoile alors le dénouement !

L’Image et le son

La restauration n’est pas de première jeunesse et la réduction de bruit a le don d’irriter quelque peu. Néanmoins, vous pouvez mettre aux oubliettes le DVD Universal qui prenait la poussière depuis 2003 ! L’apport HD est éloquent sur les séquences diurnes et le renforcement des contrastes. Pourtant, le générique fait très peur avec une image très grumeleuse, des fourmillements à foison et diverses scories. Il faut accepter un teint plutôt cireux des visages, mais ce Blu-ray au format 1080p des Loups de haute mer permet de revoir ce bon classique dans de bonnes conditions. Le master trouve un équilibre, une stabilité suffisante, les couleurs sont ragaillardies, les détails sont plus riches, le piqué agréable.

Le doublage français est aux petits oignons, avec les grands Claude Bertrand (Roger Moore), Bernard Tiphaine (Anthony Perkins) et Jean-Claude Michel (George Baker) à la barre ! La Stéréo laisse place aux dialogues, au détriment des ambiances. L’ensemble est propre, sans souffle parasite. La piste anglaise est plus aérée et équilibrée, tandis que l’excellente partition de Michael J. Lewis semble également plus dynamique. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Elephant Films / Universal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Massacre à la tronçonneuse 2, réalisé par Tobe Hooper

MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE 2 (The Texas Chainsaw Massacre 2) réalisé par Tobe Hooper, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs : Dennis Hopper, Caroline Williams, Jim Siedow, Bill Moseley, Bill Johnson, Ken Evert, Harlan Jordan, Kirk Sisco…

Scénario : L.M. Kit Carson

Photographie : Richard Kooris

Musique : Tobe Hooper, Jerry Lambert

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1986

LE FILM

Douze ans après le massacre d’un groupe de jeunes au Texas, la tronçonneuse vrombit à nouveau dans les mains de Bubba, le tueur masqué, la famille Sawyer ayant désormais trouvé refuge dans un parc d’attractions abandonné. Mais l’arrivée du shérif Lefty Enright, oncle de deux des victimes de Leatherface, va changer la donne, d’autant que l’homme de loi est aussi un maniaque de la scie à moteur.

Est-ce un nanar ? C’est ce que l’auteur de ces mots pensait jusqu’alors, mais non, finalement, Massacre à la tronçonneuse 2The Texas Chainsaw Massacre 2 est juste une incroyable comédie d’horreur. Douze ans après le film qui l’a fait connaître, Tobe Hooper décide de revenir à sa scie mécanique, surtout suite aux échecs commerciaux consécutifs de Lifeforce (1985) et de L’Invasion vient de Mars (1986). Troisième long métrage produit par la Cannon et les trublions Menahem Golan et Yoram Globus, Massacre à la tronçonneuse 2 va emmener les spectateurs là où ils s’y attendaient le moins, sur le territoire de la comédie noire. Aujourd’hui encore, les fans hardcore du premier volet ne savent pas quoi faire cet épisode quasi-indépendant de la franchise Texas Chainsaw. C’est là toute l’ambition d’un cinéaste conscient que l’époque avait changé et qui ne voulait surtout pas se répéter. Massacre à la tronçonneuse 2 est une oeuvre totalement barrée, insolite, inclassable, extrêmement généreuse. Et s’il s’agissait là d’une des meilleures suites de l’histoire du cinéma ?

Depuis plus de 10 ans, le Texas Ranger Lefty Enright, l’oncle de Sally et Franklin, cherche sans relâche à venger le meurtre brutal des enfants de son frère par Leatherface et sa famille de cannibales. Aujourd’hui c’est son jour de chance : une présentatrice de radio vient d’enregistrer la bande son du meurtre par Leatherface de deux jeunes hommes qui étaient en communication téléphonique avec la radio au moment du crime.

Sur un scénario signé L.M. Kit Carson, qui avait participé à celui du sublime Paris, Texas de Wim Wenders, Tobe Hooper confronte sa famille de fous furieux cannibales aux yuppies de l’Amérique de Ronald Reagan. Alors que les hippies subissaient les assauts de Leatherface dans le premier épisode, le réalisateur s’en prend aux jeunes cadres ambitieux et sans scrupules dans Massacre à la tronçonneuse 2, tout en jouant avec l’empathie des spectateurs. Ici, en dehors du personnage joué par la bad-ass et sexy Caroline Williams, Vanita Brock aka Stretch, on en vient à préférer cette bande de frappadingues merveilleusement interprétés à l’écran par Jim Siedow (seul rescapé du premier film) devenu un businessman et à qui le libéralisme a également profité, l’incroyable Bill Moseley (Chop-Top) et Bill Johnson, qui remplace Gunnar Hansen derrière le masque en peau de Leatherface. A tout ce beau monde se joint évidemment Dennis Hopper, qui se fond totalement dans l’esprit tordu du film. Arborant un Stetson démesuré et deux tronçonneuses en guise de colts, le comédien traverse ce récit en assumant le ridicule de son personnage, qui ne fait quasiment rien du film, à part couper les poutres du repaire de ses adversaires.

Conçu et mis en scène comme un délire ultime, cette séquelle longtemps mal aimée est pourtant un incroyable tour de force. Tobe Hooper ne craint pas de détourner les attentes de son audience, pour mieux les surprendre, du moins ceux qui sauront accepter ces partis-pris. Si quelques séquences apparaissent trop étirées, à l’instar de l’apparition de Leatherface et de Chop-Top dans la station de radio, le film parvient à trouver son rythme de croisière. Massacre à la tronçonneuse 2 se divise en trois parties distinctes. Le meurtre des deux yuppies partis en virée laisse place à l’attaque de la station de radio, puis à un huis clos hallucinant où notre héroïne se retrouve enfermée dans l’antre – superbe décor forain – de la famille dégénérée.

Progressivement, les personnages principaux pètent les plombs, comme Dennis Hopper tout droit sorti de Blue Velvet et qui semble encore avoir un pied sur le plateau du chef d’oeuvre de David Lynch. Il faut attendre l’apparition de Chop-Top, revenu du Viet Nam avec une plaque en fer greffée sur le crâne pour que le film dévie et ne fasse plus machine arrière. Ajoutez à cela un Leatherface “romantique” qui use de sa tronçonneuse comme d’un sexe turgescent, qui tombe amoureux de Stretch et qui s’amuse à lui caresser l’entrecuisse avec son outil, tout en lui confectionnant un masque de sa composition pour qu’ils puissent jouer ensemble. Ça crie, ça gesticule et parle fort, c’est complètement dingue et grand guignolesque, c’est aussi vulgaire et outrancier. Tobe Hooper repousse les limites de l’hystérie, jusqu’au dîner final repris directement du premier film avec même la présence du Grandpa, toujours en (sur)vie, prêt à donner des coups de marteau sur les demoiselles.

Malgré une semaine de tournage annulée, un million de dollars amputé sur le budget initialement prévu et des réécritures quotidiennes du scénario, Massacre à la tronçonneuse 2, farce malsaine, témoigne de la virtuosité d’un cinéaste (également compositeur ici) en pleine possession de ses moyens (ici avec plus de sang et des maquillages très réussis signés Tom Savini) et au sommet de son art créatif. Pour sa sortie, craignant de voir leur film classé X, les Go-Go Boys décident de se passer de la commission en faisant interdire Massacre à la tronçonneuse 2 aux moins de 17 ans. Le film remporte tout de même deux fois sa mise sur le sol américain, mais se voit priver d’une sortie en Angleterre, en Australie et en Allemagne. Le montage diffère selon les pays et même si ce second épisode ne connaît pas le triomphe inattendu du film original, Massacre à la tronçonneuse 2 n’est pas un échec commercial. Aujourd’hui, il est peut-être même devenu encore plus culte que le film original.

LE BLU-RAY

Voilà une belle et grosse édition concoctée une fois de plus par Le Chat qui fume ! Massacre à la tronçonneuse 2 fait son retour dans les bacs, douze ans après le DVD MGM sorti en juin 2007. Cette édition limitée à 2000 exemplaires se compose du Blu-ray et de deux DVD, placés dans un sublime Digipack 3 volets (Frédéric Domont, tu es le meilleur !) avec étui cartonné du plus bel effet. Le menu principal est animé et musical. Nous trouvons également un petit encart de quatre pages signé Christophe Lemaire, qui évoque la découverte de Massacre à la tronçonneuse 2 au cinéma la première semaine d’octobre 1986, au festival de Sitges.

Il vous faudra réserver près de six heures pour aller au bout de tous les suppléments disponibles sur cette édition de Massacre à la tronçonneuse 2 !

On commence par un commentaire audio (vostf) du cinéaste Tobe Hooper, mené par David Gregory, réalisateur de Texas Chaisaw Massacre: The Shocking (2000). Ce commentaire, réalisé en juillet 2006 est plutôt agréable, dans le sens où Tobe Hooper se livre progressivement au fil de l’exercice. La genèse, le contexte politique et social des années 1980, les partis pris, les intentions, les conditions de tournage, le casting, les décors, les effets visuels, la réception du film à sa sortie, le metteur en scène revient sur tous ces aspects. Notons quelques silences et le fait que Tobe Hooper désirait revenir « à ce genre de film scandaleux » et qu’il travaillait alors sur « quelque chose de dément ».

Le second commentaire audio, également sous-titré en français, donne cette fois la parole au maquilleur Tom Savini, accompagné des comédiens Caroline Williams et Bill Moseley. Si les informations sont moins nombreuses ici, la bonne humeur des trois intervenants est réellement contagieuse. Sans aucun temps mort, les invités se lâchent derrière le micro, refont des dialogues du film, avec quelques cris de circonstance et surtout beaucoup de rires.

Cinq scènes inédites sont disponibles (13’ au total). Présentées séparément avec un carton en introduction qui permet de remettre ladite séquence dans son contexte, ces scènes coupées au montage (pour des questions de rythme) prolongent surtout les virées nocturnes de la famille Sawyer, à la recherche de viande fraîche pour leur chili con carne ! Cela nous vaut un carnage dans un parking avec des membres arrachés. La qualité fait mal aux yeux, mais ces suppléments restent une belle curiosité. Egalement présent, un générique alternatif.

Réalisé en 2006, le documentaire C’est de famille (87’) est ici divisé en six parties distinctes, Le scénario du massacre du Texas (13’), L’art du grabuge (17’), Une série de personnages (26’), Viande de premier choix sur le plateau avec Tom Savini (14’), Père de la tronçonneuse (8’) et Requiem pour une suite (9’). On y retrouve donc les mêmes intervenants, à savoir le scénariste M. Kit Carson, le directeur de la photo Richard Kooris, le chef décorateur Cary White, les acteurs Bill Johnson (Leatherface), Lou Perryman (LG), Bill Moseley (Chop Top) et Caroline Williams (Stretch), l’accessoiriste Michael Sullivan et le maquilleur Tom Savini.

Tout ce beau petit monde, enregistré séparément, revient sur la genèse et surtout sur le tournage de Massacre à la tronçonneuse 2. Remplit d’anecdotes (surtout sur Tobe Hooper, toujours la canette de Dr Pepper et le cigare Montecristo à portée de main) et d’images de plateau, ce passionnant making of aborde tous les aspects de la production du film qui nous intéresse, la création des décors, le casting, les maquillages, etc.

Place à l’excellent Julien Sévéon, dont nous avons parlé à plusieurs reprises sur Homepopcorn.fr, à l’occasion de ses présentations sur les galettes d’Incidents de parcours de George A. Romero, de Gungala, la vierge de la jungle de Romano Ferrara et de Maximum Overdrive de Stephen King. Une fois de plus, il nous propose une brillante et passionnante analyse de Massacre à la tronçonneuse 2 (33’), en croisant le fond avec la forme. Certes, les propos font parfois écho avec ce qui a déjà été entendu au fil des suppléments précédents, mais l’ensemble reste dynamique, toujours intéressant et bourré d’informations, notamment en ce qui concerne les problèmes de continuité d’un film à l’autre. Julien Sévéon en profite également pour indiquer ses trois opus préférés de la franchise, à savoir les deux films réalisés par Tobe Hooper, ainsi que le Leatherface de Julien Maury et Alexandre Bustillo.

Le dernier documentaire de cette incroyable édition, La Maison de la douleur (42’30) compile cette fois les interventions des associés de Tom Savini, à savoir John Vulich (responsable du maquillage de Grandpa), Gino Crognale (responsable du maquillage de Lou Perryman), Barx Mixon (assistant de l’équipe) et Gabe Bartalos (responsable des matières). Chaque invité se remémore les conditions de tournage, tout en dévoilant les trucs de l’époque pour donner vie à la famille Sawyer et à leur univers. Tom Savini intervient à la fin du générique pour une petite blague.

L’interactivité se clôt sur les bandes-annonces de Massacre à la tronçonneuse 2, La Saignée et La Rose écorchée.

L’Image et le son

L’apport HD est flagrant sur la luminosité de la copie, sur le nouvel éclat des couleurs (dans l’antre des Sawyer surtout) et le renforcement des contrastes. Des points blancs restent notables du début à la fin, discrets certes, mais bel et bien présents. Le piqué est somme toute inédit, les détails éloquents et la profondeur de champ indéniable, ce qui nous permet d’apprécier le soin apporté aux décors et surtout aux maquillages de Tom Savini qui n’ont pour ainsi dire pas vieilli, comme l’écorché ou bien encore le crâne de Chop-Top. Signalons également quelques plans plus flous, qui nous semblent d’origine. N’oublions pas la texture argentique, évidemment et heureusement préservée.

La version française (géniale) est à la fois proposée en Stéréo et en Mono. La première option offre un rendu plus aéré, mais les différences sont minimes et l’écoute reste plutôt confinée. En revanche, la version originale DTS HD Master Audio 2.0 est plus riche et dynamique, équilibrée entre la b.o. démentielle et les dialogues (ou les cris, c’est selon). Point de remixage artificiel 5.1 et c’est pas plus mal.

Crédits images : © Le Chat qui fume / Metro-Goldwyn – Mayer Studios / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Baie sanglante, réalisé par Mario Bava


LA BAIE SANGLANTE (Reazione a catena – Ecologia del delitto) réalisé par Mario Bava disponible en édition DVD+Blu-ray+Livret le 5 mars 2019 chez ESC Editions

Acteurs : Claudine Auger, Luigi Pistilli, Claudio Volonté, Laura Betti, Leopoldo Trieste, Franco Ventura, Anna Maria Rossati, Isa Miranda, Brigitte Skay, Paola Montenero, Roberto Bonanni, Guido Boccaccini, Nicoletta Elmi, Renato Cestiè…

Scénario : Filippo Ottoni, Mario Bava, Giuseppe Zaccariello d’après une histoire originale de Dardano Sacchetti et Franco Barberi

Photographie : Mario Bava

Musique : Stelvio Cipriani

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

La vieille comtesse Frederica est brusquement arrachée à son fauteuil d’invalide et pendue par son mari qui à son tour meurt sous les coups de poignard d’un mystérieux assassin. Quatre jeunes gens venus se divertir pénètrent par effraction dans la villa. Pendant que l’une des filles se baigne nue dans la baie et se retrouve la gorge tranchée, un garçon et une fille désirant faire l’amour se retrouvent épinglés au lit par une lance…

La Baie sanglante est une œuvre tardive dans l’oeuvre de Mario Bava. Le cinéaste a 57 ans quand il entreprend ce film, considéré aujourd’hui comme l’une de ses plus grandes réussites, qui apparaît également comme une réponse au giallo, ce genre italien du film d’exploitation, cocktail de cinéma d’horreur, de film policier et d’érotisme soft. Un tueur ganté, masqué, qui assassine sauvagement (souvent en caméra subjective) à l’aide d’une arme blanche ou de ses propres mains en étranglant la plupart du temps une pauvre femme qui trépasse en hurlant, et qui rend son dernier souffle, figée dans un ultime appel au secours. Telles sont les composantes du giallo. Chantage, sexe, héros suspectés, meurtres sadiques, Mario Bava (1914-1980) ne sait pas encore qu’il vient de changer le cinéma de genre, italien, européen puis mondial avec Six femmes pour l’assassinSei Donne per l’assassino, ou bien encore Blood and Black Lace pour son titre international, qui sort sur les écrans en 1964. De cette œuvre matricielle, acte fondateur de tout un pan du septième art, Dario Argento s’en inspirera pour son propre cinéma. En février 1970, L’Oiseau au plumage de cristal connaît un succès mondial. Après le désistement du producteur Dino De Laurentiis qui voulait surfer sur la vague du giallo, Mario Bava décide d’aller plus loin et de remettre les pendules à l’heure quant au genre qu’il a lui-même créé.

Six scénaristes se refilent l’histoire de La Baie sanglante, qui déboule sur les écrans italiens en 1971. Et c’est du jamais vu. Les spectateurs se retrouvent face à une succession ou plutôt à une réaction en chaînes (traduction littérale du titre original) de meurtres (13 au total) très violents, crus, sanglants, comme s’ils étaient embarqués dans une spirale, dans une boucle constituée d’assassinats en perpétuel recommencement. Non seulement, Mario Bava a inventé le giallo, mais il crée ici un autre genre qui découle du premier, le slasher, et sera notamment la première grande influence du Vendredi 13 de Sean S. Cunningham (1981).

La Baie est un magnifique domaine, convoité par tous. La propriétaire, Federica Donati, une vieille comtesse paralytique, refuse de vendre la propriété à un architecte sans scrupule, car elle ne veut pas la voir se transformer en station balnéaire et lieu touristique. Un soir la comtesse est attaquée par son mari le comte Filippo Donati. Dans la foulée le comte est tué et son corps dissimulé dans la baie. Un mot désespéré étant retrouvé près du cadavre, la police conclut au suicide.

C’est une expérience inoubliable à laquelle nous convie Mario Bava. Presque un demi-siècle après sa sortie, La Baie sanglante, Reazione a catena (Ecologia del delitto) demeure l’un des plus grands films d’horreur, ou de terreur plutôt, de l’histoire du cinéma, probablement l’un des plus violents. Radical, mais également réflexion sur la représentation de la violence à l’écran et du rapport des spectateurs avec les films de genre, La Baie sanglante peut se targuer de flatter autant l’intellect du spectateur, que ses sens en le divertissant du début à la fin, en lui offrant ce qu’ils est venu chercher, au-delà même de ses espérances. Déçu par son Île de l’épouvante (1970), le maestro en reprend quelques motifs ici dans La Baie sanglante. Voulant retrouver une certaine forme de liberté créatrice et d’expression, Mario Bava a pour ainsi dire carte blanche. S’il a également participé au scénario sur cet opus, il y est également chef opérateur.

Bienvenue dans un monde où l’horreur peut vous surprendre n’importe où, dans le plus simple appareil, de jour comme de nuit. Véritable leçon de cinéma, du zoom au montage, en passant par la sécheresse des meurtres macabres, la beauté de la photographie, les effets spéciaux et les maquillages saisissants du grand Carlo Rambaldi (récompensés au Festival du film fantastique d’Avoriaz), La Baie sanglanteReazione a catena est un chef d’oeuvre absolu et intemporel, morbide, mais lyrique et surtout furieusement poétique.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de La Baie sanglante, disponible chez ESC Editions, a été réalisé à partir d’un check disc. Le menu principal est animé et musical. Après plusieurs éditions chez TF1 Vidéo (2000), Evidis (2006) et Carlotta Films (2009), le che d’oeuvre de Mario Bava revient dans les bacs, plus beau que jamais !

Le journaliste Mathieu Macheret a décidément le vent en poupe puisque nous ne cessons de le retrouver sur les éditions de Rimini Editions et bien évidemment chez ESC Editions. Il propose ici une analyse de quelques séquences spécifiques de La Baie sanglante (20’). Une présentation assez pointue et pertinente, qui croise à la fois le fond et la forme.

Critique cinématographique et écrivain, Gérard Lenne a répondu présent pour présenter à son tour La Baie sanglante de Mario Bava (25’). Cette passionnante intervention donne moult informations sur la genèse et la production du film qui nous intéresse. Ecologia del delitto est replacé dans l’oeuvre du maître italien, les partis pris sont analysés (la violence des meurtres et la représentation de la violence), le casting passé au peigne fin, ainsi que les lieux de tournage, la sortie du film sur les écrans, les quelques récompenses à Sitges (une mention spéciale) et à Avoriaz (prix des effets spéciaux pour Carlo Rambaldi), ainsi que son influence sur le genre américain puisque La Baie sanglante allait donner naissance au slasher. Moult anecdotes sont également racontées au fil de ce rendez-vous vraiment très agréable.

Chez Homepopcorn.fr, on adore Nicolas Stanzick ! Alors, quel plaisir de retrouver l’auteur du livre Dans les griffes de la Hammer: la France livrée au cinéma d’épouvante ! Toujours débordant d’énergie et passionné, Nicolas Stanzick indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production de La Baie sanglante (25’). S’il y a évidemment quelques échos avec ce qui a déjà été entendu précédemment, cette analyse complète parfaitement les modules passés en revue.

Nous trouvons également le montage alternatif italien de La Baie sanglante, d’une durée d’1h24’’54 contre 1h24’’24 pour le montage anglais. Selon Bruno Terrier, éminent expert de Mario Bava, les différences apparaissent au niveau de quelques dialogues et de contrechamps sensiblement plus étendus. Le film ayant été tourné en anglais, privilégiez évidemment l’autre montage, et surtout la version française très réussie.

L’Image et le son

Force est d’admettre que nous nous trouvons devant l’un des plus beaux Blu-ray disponibles chez ESC Editions. Le cadre, superbe, regorge de détails aux quatre coins et ce dès la première séquence. Si le générique est évidemment plus doux, la définition reste solide comme un roc, la stabilité est de mise et le grain original flatte constamment la rétine. La propreté de la copie (anglaise, comme l’indiquent les credits) est irréprochable, à part peut-être quelques pétouilles, mais ce serait vraiment chipoter. La palette chromatique profite de cet upgrade avec des teintes revigorées. Les séquences diurnes en extérieur bénéficient d’un piqué pointu et d’une luminosité inédite. Ajoutez à cela des noirs denses, une magnifique patine seventies, quelques éclairages luminescents et vous obtenez l’une des éditions indispensables de mars 2019.

Propre et dynamique, le mixage français DTS HD Master Audio Stéréo (à privilégier) ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la très belle partition Stelvio Cipriani. A titre de comparaison, elle demeure la plus dynamique et la plus riche du lot, puisque la version anglaise DTS-HD Master Audio Mono 2.0 paraît bien confinée, oubliant quelques ambiances naturelles pour se concentrer sur les voix. Notons également la présence d’une piste française 5.1 anecdotique, mais qui contient son lot d’effets, en dépit d’un léger souffle chronique.

Crédits images : © ESC Editions / ESC Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Ibis rouge, réalisé par Jean-Pierre Mocky



L’IBIS ROUGE réalisé par Jean-Pierre Mocky disponible en DVD et Blu-ray le 5 mars 2019 chez ESC Editions

Acteurs : Michel Simon, Michel Serrault, Michel Galabru, Jean Le Poulain, Evelyne Buyle, Karen Nielsen, Jean Cherlian, François Bouchex…

Scénario : Jean-Pierre Mocky, André Ruellan d’après la nouvelle de Fredric Brown « Knock Three One Two »

Photographie : Marcel Weiss

Musique : Eric Demarsan

Durée : 1h20

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

Raymond Villiers ne se doute pas que l’homme qui lui fait face dans l’ascenseur n’est autre que l’étrangleur qui défraie la chronique. Mais Raymond ne s’attarde pas, il abandonne ce personnage et se met en quête des trois millions qu’il a perdus au jeu et qu’il doit rembourser au plus tôt. Dès lors, une succession de quiproquos et de méprises vient bouleverser l’ordre naturel des événements.

Quand Jean-Paul Mokiejewski alias Jean-Pierre Mocky (né en 1933) fait son Grand Sommeil. Enfin, toutes proportions gardées. Néanmoins, L’Ibis rouge s’avère un vrai polar et film noir bourré d’humour tourné sur le Canal Saint-Martin, avec un trio d’acteurs au sommet, les trois Michel, Serrault, Galabru et Simon. Trois ans après Le Viager de Pierre Tchernia, Louis Martinet se retrouve face à Léon Galipeau, tandis que Michel Simon tire sa révérence dans sa dernière apparition à l’écran. Le comédien disparaîtra une semaine après la sortie de L’Ibis rouge au cinéma. Les fans de Jean-Pierre Mocky considèrent cet opus comme l’un de ses meilleurs, l’un de ses plus emblématiques et réussis. Ce qu’il est assurément puisqu’il contient toutes les obsessions, les références et donc l’univers de son auteur.

Traumatisé dans son enfance par la vue d’une mouche sur la gorge de son professeur de piano, Jérémie, modeste employé, étrangle des femmes seules à l’aide d’une écharpe brodée d’un ibis. Zizi, marchand de journaux acariâtre et raciste pourtant flanqué d’un enfant noir, rêve de notoriété. Il déclare à tous ses clients qu’il est le coupable des meurtres. Pendant ce temps, Raymond, ivrogne invétéré et représentant en liqueurs, doit rembourser une importante dette de jeu contractée auprès d’un ancien colonel infirme qui menace de le faire assassiner s’il ne paye pas. Il espère que sa femme, Evelyne, va le tirer d’affaire grâce à sa fortune personnelle…

L’Ibis rouge est une œuvre comme qui dirait foutraque. Jean-Pierre Mocky est généreux. Le cinéaste se fait plaisir, ainsi qu’à ses acteurs, tout en pensant constamment au divertissement des spectateurs. Il jette ici son dévolu sur une nouvelle de l’écrivain américain Fredric Brown, Knock Three One Two (« Ça ne se refuse pas »), qu’il adapte avec André Ruellan et l’arrange à la sauce française, en situant l’action dans le 10e arrondissement de Paris, le long du Canal Saint-Martin, principalement de nuit. Jean-Pierre Mocky filme ses personnages déambuler dans le Paris interlope, celui qu’il affectionne tout particulièrement, rarement représenté dans le paysage cinématographique français encore à cette époque. Autant dire que le réalisateur est dans son élément et qu’il se fait plaisir à travers une histoire rocambolesque où chaque protagoniste fait figure de monstre humain, tueur (Serrault, qui use de son écharpe pour étrangler les demoiselles à forte poitrine), représentant en vin (Galabru, imperméable et galurin à la Bogart), restaurateur grec (en fait auvergnat), vendeur de journaux limite clochard, tout le monde y passe et chacun en prend pour son grade.

Si le scénario est prétexte pour dresser le portrait acide de ses contemporains, Jean-Pierre Mocky ne se moque jamais et L’Ibis rouge est tout autant un hommage au cinéma hollywoodien des années 1940-50 qu’une étude ironique sur l’âme humaine. Le metteur en scène observe tout ce beau petit monde avec l’oeil d’un entomologiste. A l’instar de Raymond Chandler, l’histoire importe peu et part dans tous les sens et les personnages, leur psychologie, leur confrontation, leurs diatribes font avancer l’intrigue avec un rythme en dents de scie. Parfaite transition pour évoquer la composition d’Eric Demarsan réalisée à l’aide d’une scie musicale, que Jean-Pierre Mocky utilise du début à la fin, ce qui peut parfois porter sur les nerfs. Au trio vedette, s’ajoutent un Jean Le Poulain fielleux manipulateur et la superbe Evelyne Buyle, femme fatale à l’accent titi parisien.

Malgré son casting, la sauce n’a pas pris à l’époque et le film s’est soldé par un échec cuisant avec à peine 150.000 spectateurs dans les salles. Depuis, ce savoureux vaudeville bien français et nimbé de références américaines est devenu un vrai film culte.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de L’Ibis rouge, disponible chez ESC Editions, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. Le film de Jean-Pierre Mocky avait connu une précédente édition en DVD chez Pathé en 2005.

L’éditeur est allé à la rencontre de Jean-Pierre Mocky lui-même pour nous livrer quelques infos et anecdotes sur L’Ibis rouge (8’). Le cinéaste évoque le travail avec les comédiens et le roman « fantastique » (dixit Mocky) de Fredric Brown, dont il adaptera un autre de ses livres en 2001 avec La Bête de miséricorde. Les personnages et la musique sont également abordés, ainsi que (toujours d’après le réalisateur) « l’énorme succès critique du film, qui a d’ailleurs fait le tour du monde et qui a cartonné dernièrement sur Arte avec plus de 1,7 million de téléspectateurs ».

L’Image et le son

La copie HD de L’Ibis rouge impressionne du début à la fin. L’image est dépoussiérée et aucune tâche et autres scories ne viennent parasiter le visionnage. La palette de couleurs est pimpante et on ne peut que saluer la définition remarquable de cette édition, notamment sur les très nombreuses séquences nocturnes. L’apport HD donne une nouvelle densité aux contrastes et surtout aux noirs. Le grain original est respecté, le relief palpable, la copie stable et le gros point fort de cette édition demeure la restitution des gros plans en tous point admirable. Un lifting minutieux.

Les dialogues sont parfois grinçants ou sourds et manquent d’intelligibilité. La musique est mieux servie et dynamique. Pas de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, étrange…

Crédits images : © ESC Editions / ESC Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Quand la terre s’entrouvrira, réalisé par Andrew Marton

QUAND LA TERRE S’ENTROUVRIRA (Crack in the World) réalisé par Andrew Marton disponible en DVD et Blu-ray le 19 février 2019 chez ESC Editions

Acteurs : Dana Andrews, Janette Scott, Alexander Knox, Kieron Moore, Peter Damon, Jim Gillen, Gary Lasdun, Alfred Brown, Mike Steen…

Scénario : Jon Manchip White, Julian Zimet

Photographie : Manuel Berenguer

Musique : Johnny Douglas

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Le savant Stephan Sorensin espère atteindre le centre de la Terre pour y trouver une nouvelle source d’énergie. Ne pouvant percer la croûte qui entoure le noyau central, il projette d’utiliser une bombe atomique. Hélas, le plan ne se déroule pas comme prévu car l’explosion créé une importante fissure… Cet évènement incontrôlé pourrait bien séparer la terre en deux morceaux !

C’est une toute petite série B produite pour moins d’un million de dollars. Et pourtant, ce long métrage de science fiction vaut le détour puisqu’on y trouve pour ainsi dire tous les ingrédients qui seront réutilisés par Hollywood dans les films catastrophe des années 1970 du style Tremblement de terre, mais aussi et surtout par certains cinéastes du nom de Roland Emmerich (Le Jour d’après, 2012) et Michael Bay (Armageddon) dans leurs blockbusters dès les années 1990. Autant dire que l’industrie cinématographique n’a jamais innové en la matière, en dehors des effets spéciaux bien sûr, car Quand la terre s’entrouvriraCrack in the World, réalisé par Andrew Marton en 1964 condense à lui-seul tout un pan de l’entertainment américain.

Le docteur Stephen Sorensen est persuadé que le magma au centre de la Terre renferme une source d’énergie telle qu’elle permettrait aux humains de se constituer des réserves suffisantes pour longtemps. Pour atteindre son but, il doit faire éclater la croûte terrestre en profondeur, chose qu’il n’a pu faire jusqu’à présent. Il pourrait cependant venir à bout de cet obstacle s’il utilisait une bombe atomique. Ayant obtenu toutes les autorisations officielles, il envoie un missile au centre de la Terre, contre l’avis de son collaborateur, le géologue Ted Rampion, qui démissionne sur-le-champ. Selon lui, l’écorce terrestre a déjà été très affaiblie par les nombreux essais nucléaires souterrains et une nouvelle explosion, à cette profondeur, risque de mettre toute la planète en danger. Mais Sorenson, atteint d’un cancer, ne veut plus attendre et déclenche l’explosion de sa bombe. L’explosion, très puissante, provoque une suite de cataclysmes, tremblements de terre, coulées de lave. La terre commence à s’entrouvrir.

C’est un petit plaisir personnel de revoir ce genre de films qui renvoie parfois aux programmes de Noël sur Arte. On doit Quand la terre s’entrouvrira à Andrew Marton (1904-1992), réalisateur hongrois naturalisé américain. C’est sur les conseils d’Ernst Lubitsch qu’il tente sa chance à Hollywood au début des années 1920. Il revient en Europe quelques années plus tard et devient l’assistant de Max Linder, avant de passer lui-même derrière la caméra en 1929 et de repartir aux Etats-Unis en 1933 lors de l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Il devra attendre 1950 pour obtenir son premier grand succès avec Les Mines du roi Salomon avec Stewart Granger et Deborah Kerr. En 1964, Andrew Marton a déjà derrière lui près d’une vingtaine de longs métrages à son actif, dont une participation à la mise en scène sur Le Jour le plus long (1962) et Les 55 Jours de Pékin (1963). Quand la terre s’entrouvrira est pour ainsi dire son dernier vrai long métrage, puisque le cinéaste se consacrera ensuite à la télévision (Daktari, Flipper le dauphin) et au travail d’assistant-réalisateur, comme il l’avait d’ailleurs fait précédemment aux côtés de William Wyler (Ben Hur, on lui doit la célèbre course de chars), d’Anthony Mann (La Chute de l’Empire romain) et plus tard de Brian G. Hutton (De l’or pour les braves) et Fred Zinnemann (Chacal). Un beau palmarès méconnu, tout comme Quand la terre s’entrouvrira qui rend compte à la fois du professionnalisme d’Andrew Marton, mais aussi de celui d’Eugène Lourié, responsable des effets visuels, qui a travaillé autant chez Sacha Guitry que Jean Renoir, Samuel Fuller et Charles Chaplin, principalement en tant que décorateur.

Le spectateur avide de séries B rétro-vintage saura faire un bon accueil à Quand la terre s’entrouvrira, spectacle réjouissant, qui contient son lot de théories scientifiques alarmistes (les savants en prennent pour leur grade) où les techniciens préfèrent utiliser l’arme atomique pour contrecarrer les effets dévastateurs de…l’arme atomique. Beaucoup de dialogues dans la première partie certes, mais le soin apporté à la mise en scène, aux décors, à la musique (signée John Douglas, avec quelques notes rappelant les compositions de John Williams) et aux effets spéciaux est indéniable, malgré un budget limité. Si l’on se passera volontiers du triangle amoureux composé de Dana Andrews, Janette Scott et de Kieron Moore, Crack in the World conserve un charme désuet intact et poétique.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Quand la terre s’entrouvrira, disponible chez ESC Editions, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

L’excelleeeent Christophe Lemaire nous fait une brillante présentation de Quand la terre s’entrouvrira (25’). Un très bon moment durant lequel le journaliste de cinéma revient notamment sur le genre SF dans les années 1960 en donnant quelques titres de classiques et d’oeuvres moins connues. Il se souvient également de la diffusion du film qui nous intéresse dans le cadre de l’émission L’Avenir du futur sur TF1, avec Le Jour où la Terre prit feu de Val Guest en double-programme. Christophe Lemaire en vient ensuite au réalisateur Andrew Marton, au responsable des effets spéciaux Eugène Lourié, puis aux comédiens du film.

L’Image et le son

La copie est étonnamment lumineuse du début à la fin. Une clarté visible sur toutes les séquences en extérieur avec des couleurs pétillantes, surtout des teintes bleues omniprésentes. Des poussières, points noirs et griffures parsèment le générique, et s’amenuisent heureusement après, malgré quelques scories visibles ici et là. Le grain est évidemment respecté, plus accentué et grumeleux sur les scènes à effets spéciaux. Le détourage médiocre est d’époque et il n’est pas anodin de voir les comédiens entourés d’un halo bleuté. Divers fourmillements constatés sur les images composites. Dans l’ensemble, Quand la terre s’entrouvrira bénéficie d’un petit lifting très réussi, surtout pour un petit film de cet acabit, ce qui participe grandement à sa résurrection.

La version originale mono est largement supérieure à la piste française, qui demeure confinée au report des voix et accompagnée d’un bruit de fond persistant. Les ambiances sont très correctes en anglais, alors qu’elles disparaissent quasiment sur l’autre piste, essentiellement concentrée sur les dialogues. En revanche, le doublage français est très réussi, avec notamment l’immense Jean-Claude Michel qui prête sa voix légendaire à Kieron Moore.

Crédits images : © ESC Editions / ESC Distribution / Paramount Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Candyman, réalisé par Bernard Rose

CANDYMAN réalisé par Bernard Rose disponible en édition DVD+Blu-ray+Livret le 19 février 2019 chez ESC Editions

Acteurs : Virginia Madsen, Tony Todd, Xander Berkeley, Kasi Lemmons, Vanessa Williams, DeJuan Guy, Marianna Elliott, Ted Raimi, Michael Culkin…

Scénario : Bernard Rose d’après la nouvelle de Clive Barker, The Forbidden

Photographie : Anthony B. Richmond

Musique : Philip Glass

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1992

LE FILM

Helen Lyne, une étudiante, décide d’écrire sa thèse sur les mythes et légendes locales. C’est en visitant une partie de la ville inconnue qu’elle découvre la légende de Candyman, un homme effrayant qui apparaît lorsqu’on prononce cinq fois son nom en face d’un miroir. Helen, pragmatique, choisit de ne pas croire à l’existence de Candyman. Mais son univers bascule dans l’horreur quand une série de meurtres horribles commence…

Ecrivain, plasticien, dramaturge, sculpteur, scénariste, producteur, comédien et réalisateur, Clive Barker, né à Liverpool en 1952, est un touche-à-tout. 1984 est un tournant dans sa carrière puisque la même année sortent les trois premiers volumes de la série Livres de sang, recueils de nouvelles qui comprendront six tomes. C’est un triomphe immédiat. Les trois autres volets sortent l’année suivante, ainsi que le roman Le Jeu de la damnation. Echaudé par le traitement accordé à ses scénarios sur Transmutations et Rawhead Rex, le monstre de la lande, tous les deux mis en scène par George Pavlou en 1985 et 1986, Clive Barker décide de passer derrière la caméra afin d’adapter lui-même son roman (non publié) Hellraiser. Le reste appartient à la légende et le personnage de Pinhead devient une icône du film d’épouvante. Si Clive Barker a depuis continué sa carrière littéraire, le cinéaste est devenu rare. Son second long métrage Cabal (1990) s’est entre autres soldé par un échec commercial, d’autant plus que le film est remonté par la 20th Century Fox. Alors que la franchise Hellraiser en est déjà au troisième opus, un réalisateur du nom de Bernard Rose (né en 1960) décide d’adapter sa nouvelle intitulée Lieux InterditsThe Forbidden tirée du tome 5 des Livres de sang. Il lui cède les droits gratuitement en échange d’une participation à la production du film. Remarqué avec son magnifique Paperhouse (1988) et metteur en scène de trois autres longs métrages plus anecdotiques (Smart Money, Body Contact, Chicago Joe et la showgirl), Bernard Rose va alors s’approprier le récit original et créer l’un des plus célèbres boogeymen de l’histoire du cinéma avec Candyman, film d’épouvante, mais dans un contexte dramatique social.

Helen Lyle est étudiante à l’université d’Illinois à Chicago, mariée à Trevor, un professeur. Avec son amie Bernadette, elles rédigent une thèse sur les légendes urbaines et les croyances populaires. Au cours de ses investigations, elle est interpellée par une histoire récurrente, celle du mythique Candyman qui terrorise les habitants du quartier défavorisé de Cabrini Green depuis des décennies. Helen sentant qu’elle tient là l’occasion rêvée de pimenter son travail, convainc Bernadette d’aller enquêter sur les lieux mêmes des crimes, dans la cité sordide de Cabrini Green (le film a réellement été tournée sur place), un ghetto noir livré aux gangs et à la misère. Elles se rendent à l’appartement de la dernière victime en date, persuadées qu’en fait le fantôme, est un meurtrier qui s’introduit dans les appartements grâce à un défaut de conception permettant la communication entre les salles de bains par un passage situé derrière les miroirs. Sur place, Helen découvre un appartement laissé à l’abandon et recouvert de graffitis étranges et inquiétants. Plus tard, au cours d’un dîner en compagnie d’un éminent collègue de son mari qui travaille sur les mêmes sujets, elle apprend la véritable histoire de ce Candyman. Daniel Robitaille était un fils d’esclave dont le géniteur avait réussi à faire fortune grâce à une invention. Daniel fréquenta les meilleures écoles et reçut une très bonne éducation. Artiste, il commence à gagner sa vie en réalisant le portrait de riches commanditaires. En 1890 il est mandaté par un riche propriétaire terrien, qui lui commande une peinture de sa fille. Daniel et cette dernière tombent amoureux et la jeune héritière tombe enceinte. Le père furieux de cet affront (qui plus est commis par un noir) engage des brutes épaisses et avinées pour lyncher Daniel. Roué de coups, la main tranchée, Robitaille est ensuite recouvert de miel et livrer en pâture aux abeilles. Tué par les multiples piqûres, Robitaille est ensuite incinéré et ses cendres jetées sur les champs qui deviendront des années plus tard le ghetto de Cabrini Green. Depuis, toute personne qui récitera son nom à 5 reprises face à un miroir le verra réapparaître. C’est alors qu’Helen est confrontée au véritable Candyman, furieux du scepticisme dont elle fait preuve, et contraint selon lui à se montrer à nouveau pour relancer le mythe, afin que les gens croient en lui de nouveau.

Voilà la légende de Candyman. Ou comment perpétuer un mythe depuis un siècle. Tandis que résonne le magnifique thème principal composé par l’immense Philip Glass, la ville de Chicago (l’action de la nouvelle originale se déroule à Liverpool) et ses autoroutes sont montrées du ciel avec ses véhicules en mouvement, qui s’entremêlent, qui s’échappent et disparaissent. C’est comme qui dirait une métaphore d’une histoire qui se transmet par le bouche-à-oreille, qui mute et se transforme en passant d’une personne à l’autre. La légende urbaine de Candyman n’est pas que le fruit de l’imagination et si un individu peine à y croire, attention, le croque-mitaine pourrait bien lui apparaître pour chambouler son esprit cartésien.

Candyman, c’est la manifestation surnaturelle de la violence d’une nation, du racisme, de la haine des hommes. Mesurant près de 2 mètres, Tony Todd est l’incarnation parfaite de ce monstre ambigu, puisque conscient de sa dimension tragique. Digne héritier de Dracula, Candyman est un personnage romantique, victime de la xénophobie, dont l’âme brisée qui n’a jamais pu s’éteindre demeure dans la conscience collective au point de s’incarner quand on l’invoque. Gare à celle ou celui qui se trouvera à portée de son énorme crochet de boucher acéré et planté dans son moignon droit !

La “Mina Harker” de Candyman, Helen (It was always you Helen), est interprétée par la sublime et envoûtante Virginia Madsen. Révélée par David Lynch dans Dune (1984) dans lequel elle jouait la Princesse Irulan, la comédienne est également l’une des têtes d’affiche du bouillant Hot Spot de Dennis Hopper aux côtés de Jennifer Connelly. Après un détour par le fantastique (du moins dans son genre) Highlander, le retour (1991), elle trouve dans Candyman l’un de ses plus grands rôles. Magnétique, troublante, bouleversante, l’actrice, que le cinéaste hypnotisait afin d’obtenir un regard « perdu dans les limbes », foudroie le coeur et l’âme des spectateurs du début à la fin.

De son côté, Bernard Rose enchaîne les séquences cultes, merveilleusement photographiées par Anthony B. Richmond (Ne vous retournez pas et L’homme qui venait d’ailleurs de Nicolas Roeg), tandis que la musique de Philip Glass se grave dans nos mémoires à jamais. Parallèlement à la sortie du film sur les écrans, Virginia Madsen est récompensée par le Saturn Award, ainsi que par le Prix du public de la meilleure actrice au Festival international du film fantastique d’Avoriaz en 1993, où Philip Glass est également primé. Après le succès colossal de Candyman au cinéma avec 26 millions de dollars de recette (pour un budget de 8 millions) rien que sur le sol américain, une suite est envisagée. Bernard Rose écrit un premier scénario, finalement rejeté par les studios. Ce qui n’empêchera pas de voir débarquer un Candyman 2 dans les salles en 1995, produit par Clive Barker et réalisé par Bill Condon. En 1999, Candyman 3 sortira directement dans les bacs. Mais ceci est une autre légende urbaine. Il semblerait qu’un remake soit prévu par Jordan Peel, metteur en scène de Get Out. Sortie programmée en 2020. Candyman ne mourra jamais.

LE BLU-RAY

Candyman. Candyman. Candyman. Candyman. Can…non mais oh ça va pas non ? L’oeuvre de Bernard Rose réapparaît dans les bacs dans une magnifique édition Blu-ray + DVD + livret de 24 pages sous les couleurs d’ESC Editions. Vous pouvez donc oublier l’édition Blu-ray sortie chez Universal en 2012 car Candyman (zut une cinquième fois !) revient dans un nouveau master Haute-Définition avec plus de quatre heures de suppléments ! Le menu principal est animé sur la mythique partition de Philip Glass. Pas de chapitrage.

Si le menu indique seulement Bernard Rose au micro du commentaire audio (VOSTF), ses propos sont pourtant croisés avec ceux du producteur Alan Poul, de l’écrivain Clive Barker ainsi que des comédiens Virginia Madsen, Tony Todd et Kasi Lemmons ! La plupart du temps, l’intervenant indique lui-même son nom avant de s’exprimer sur Candyman. Certes, tous ces propos ont visiblement été enregistrés durant des interviews, mixés par la suite, mais ne passez surtout pas à côté de ce commentaire passionnant, qui revient sur la genèse du film, l’adaptation de la nouvelle originale, le casting (Sandra Bullock, encore inconnue, avait été pressentie pour le rôle d’Helen), la psychologie des personnages, les conditions et lieux de tournage (Virginia Madsen hypnotisée, le quartier défavorisé de Cabrini Green), les thèmes (les légendes urbaines notamment, la dimension sociale de Candyman), sans oublier la musique de Philip Glass.

Après le film, dirigez-vous vers l’intervention (34’) d’Alexandre Poncet (réalisateur du Complexe de Frankenstein) et de Laurent Duroche (journaliste chez Mad Movies). Les propos croisés et passionnés de ces messieurs se complètent sur un rythme soutenu. Chacun replace Candyman dans son contexte cinématographique au début des années 1990, avant d’en venir au personnage à sa mythologie, tout en abordant la genèse du film, les conditions de tournage et certaines scènes clés.

Place maintenant à Olivier Desbrosses, rédacteur en chef d’UnderScores (17’) qui nous propose de son côté une présentation très intéressante du compositeur Philip Glass. L’oeuvre du pionnier de la musique minimaliste est longuement abordée, à l’instar de ses travaux pour le cinéma, y compris bien sûr pour Candyman. Avec son timbre de voix qui rappelle celui de François Guérif, Olivier Desbrosses signe un module très intéressant, qui donne envie d’écouter les thèmes méconnus de Philip Glass.

Nous les avons déjà entendus dans le commentaire audio, mais c’est également très plaisant de les voir, Virginia Madsen (13’) et Tony Todd (10’) s’expriment sur Candyman. Certes, leurs propos renvoient directement à ceux déjà entendus dans le premier supplément (la création du personnage, son costume, le travail avec les abeilles, la préparation « physique » de Virginia Madsen que Bernard Rose voulait plus en chair, le recours à l’hypnose pour donner à l’actrice un regard envoûté), mais ne boudons pas notre plaisir, d’autant plus que les comédiens sont visiblement très heureux de reparler de ce film très important dans leurs carrières respectives.

Un module de huit minutes se concentre sur les effets spéciaux et maquillages du film, en compagnie des artistes Bob Keen, Mark Coulier et Gary J. Tunnicliffe, qui interviennent sur la création du crochet de Candyman, ainsi que la prothèse spéciale créée afin que Tony Todd puisse placer une poignée de véritables abeilles dans sa bouche.

Les intervenants du commentaire audio sont de retour dans un making of de 2004 (24’). Si vous êtes arrivés jusqu’ici en visionnant et en écoutant tous les bonus précédents, alors les propos tenus ici vous apparaîtront redondants puisqu’il s’agit des mêmes anecdotes glanées ici et là ! Quelques photos de tournage viennent illustrer ces anecdotes croisées.

N’oublions pas Clive Barker, qui bénéficie d’un module centré sur sa carrière, avec la participation de l’écrivain lui-même en 2004 (11’). Ce dernier remonte le fil de sa carrière et se souvient avec le sourire que son désir a toujours été de « foutre une trouille bleue aux gens en créant des trucs bizarres, un mec dont la profession est l’imagination ». L’auteur revient sur ses premières œuvres (films, peintures, écrits), ses références (Jean Cocteau notamment), sur ce qui a nourri son inspiration et sur tous ses longs métrages.

Les aficionados de Bernard Rose vont être aux anges puisque l’éditeur nous gratifie de trois de ses courts-métrages restaurés en HD ! A Bomb With No Name on It (3’, 1976), The Wreckers (5’) et Looking at Alice (30’, 1978). Expérimentaux, œuvres de jeunesse, émergence d’une sensibilité, d’un style, d’une voix, ces trois films sont animés par une fureur de (sur)vivre dans une Angleterre engluée dans d’anciennes traditions qui ne laissent aucune place à la jeunesse. Où la communication est impossible entre les générations et où le futur est non seulement incertain, mais aussi et surtout très pessimiste.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce originale, ainsi que sur quelques planches de storyboards mises en parallèle avec les scènes correspondantes (6’).

L’Image et le son

Ce nouveau master restauré 2K provient du nouveau scan 4K effectué à partir du négatif original, le tout supervisé et approuvé par Bernard Rose et le directeur de la photographie Anthony B. Richmond. La patine argentique est donc sacrément bien respecté avec un grain présent et surtout excellemment géré. Les couleurs sont très agréables, fraîches (voir les teintes rouges), les noirs denses, les contrastes solides comme un roc et les séquences diurnes lumineuses à souhait. Les détails sont également très appréciables, au niveau des décors (les graffitis dans l’antre de Candyman) et des gros plans sur les comédiens. Un Blu-ray au format 1080p (AVC) et une formidable ressortie enfin digne de ce nom que les fans de Candyman attendaient depuis des années. Voici la plus belle copie du film à ce jour.

La version française, puisque de nombreux spectateurs ont découvert puis revu le film ainsi, est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0. La piste est très propre, avec des dialogues très clairs et bien équilibrés, même si parfois poussés trop en avant. La version originale bénéficie d’un remixage DTS-HD Master Audio 5.1. Cela profite essentiellement à la composition de Philip Glass, bien présente sur l’ensemble des canaux (attention les frissons dès l’ouverture !), ainsi qu’à la voix caverneuse de Tony Todd. Plus homogène, cette version est également plus dynamique avec quelques effets de basses et latéraux très sympathiques. La Stéréo anglaise est également de fort bon acabit.

Crédits images : © ESC Editions / ESC Distribution / Universal pictures video / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Upgrade, réalisé par Leigh Whannell

UPGRADE réalisé par Leigh Whannell disponible en DVD et Blu-ray le 13 février 2019 chez Universal Pictures France

Acteurs : Logan Marshall-Green, Betty Gabriel, Harrison Gilbertson, Benedict Hardie, Christopher Kirby, Clayton Jacobson, Melanie Vallejo, Sachin Joab…

Scénario : Leigh Whannell

Photographie : Stefan Duscio

Musique : Jed Palmer

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Après la mort de son épouse lors d’une violente agression qui l’a laissé paralysé, Grey Trace est approché par un inventeur milliardaire qui propose de lui administrer un remède expérimental qui va « upgrader » son corps et ses facultés. Désormais doté d’un implant fonctionnant à l’intelligence artificielle, Grey voit ses capacités physiques décuplées et se lance dans une mission vengeresse, afin de faire payer ceux qui ont tué sa femme.

Scénariste chevronné à qui l’on doit les trois premiers épisodes de la saga Saw (dont il est également le producteur délégué), mais aussi Dead Silence de James Wan, ainsi que les quatre opus de la franchise Insidious, Leigh Whannell passe à la mise en scène en 2015 avec Insidious : Chapitre 3. Succès commercial, mais rejeté par la critique, ce troisième volet confirme cependant l’affection de l’auteur pour le genre fantastique. Son deuxième coup d’essai, Upgrade est un véritable coup de maître. Produite par le prolifique Jason Blum, cette série B au budget minuscule de 4 millions de dollars (!) est pourtant l’une des plus belles surprises SF de l’année 2018. Roublard, excellemment écrit, mis en scène et interprété (excellent Logan Marshall-Green avec sa grosse voix grinçante, genre Tom Hardy avec du talent), percutant, gentiment bourrin et même parfois gore, Upgrade est un spectacle aussi généreux qu’intelligent, très graphique et pourtant modeste, qui convoque tout un pan du cinéma de genre des années 1980-90, sans jamais singer ses grandes références. Ces dernières ont été bien digérées par le réalisateur, qui utilise son bagage pour inscrire son propre film dans l’air du temps.

Grey Trace vit avec sa femme Asha. Cette dernière travaille pour Cobolt, une entreprise travaillant sur l’amélioration humaine via des ordinateurs. Un soir, Grey et sa femme sont violemment agressés. Asha meurt sous les yeux de son mari. Paralysé, Grey Trace est approché par Eron Keen, un richissime inventeur. Ce dernier lui propose un remède expérimental qui va améliorer son corps et ses facultés. Grâce à un implant couplé à une intelligence artificielle, Grey voit ses capacités physiques multipliées. Il se lance alors dans une quête de vengeance pour traquer ceux qui ont détruit sa vie.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Leigh Whannell a visiblement été bercé par les meilleurs auteurs qui soient. Le spectre de David Cronenberg (la fusion entre l’homme et la machine), James Cameron (l’intelligence artificielle autonome) et Paul Verhoeven (nous y reviendrons) plane sur Upgrade, sans effets gratuits ou sans jamais tomber dans l’opportunisme outrancier. Le deuxième long métrage du cinéaste ne cache pas son manque de moyens, ce qui rajoute finalement une authenticité au récit. Les petites touches futuristes sont présentes, sans excès (les effets spéciaux sont limités), juste suffisantes pour instaurer un climat, une atmosphère et dépayser les spectateurs, comme un récit de Philip K. Dick. Les véhicules, l’architecture, certains costumes transportent l’audience vers un « demain » possible et réaliste, où l’intelligence artificielle existe et assiste l’être humain dans son quotidien, pour lui assurer un meilleur confort.

Après un prologue très réussi qui installe le personnage de Grey, nostalgique de l’ère analogique, quand on pouvait conduire soi-même sa voiture polluante, Upgrade prend ensuite la forme d’un vigilante saupoudré de whodunit, où le personnage principal, amélioré par la nouvelle technologie (L’Homme qui valait trois milliards n’est pas loin), mène son enquête pour retrouver ceux qui croyaient l’avoir tué après avoir assassiné sa femme. Et si Upgrade était le vrai remake de RoboCop ? On ne peut s’empêcher de penser au chef d’oeuvre de Paul Verhoeven surtout que Leigh Whannell parsème son film de petites touches sanglantes aussi inattendues que brutales, sur une image léchée et sans cesse élégante, avec toujours une petite touche bienvenue d’humour noir. Sans oublier la tagline de l’affiche « Not Man. Not Machine. More. » qui rappelle le « Part Man. Part Machine. All Cop. » sur celle de RoboCop.

Sur un rythme maîtrisé, à la frontière de plusieurs genres et de thématiques, le cinéaste et seul auteur du scénario, enchaîne les séquences très efficaces destinées à devenir cultes, pour déboucher sur un final, certes quelque peu prévisible, mais glaçant, incroyablement pessimiste, et surtout d’une rare maturité, qui incite à la réflexion. Un vrai coup de coeur et surtout un très grand plaisir de cinéma.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’Upgrade, disponible chez Universal Pictures France, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.

Aucun supplément sur cette édition. Quel dommage…

L’Image et le son

L’éditeur soigne son master HD, absolument exemplaire. Les contrastes sont d’une densité jamais démentie, y compris sur les très nombreuses séquences sombres où l’image est constamment affûtée. Les noirs sont profonds, le piqué ciselé, les gros plans détaillés, les contrastes denses et la colorimétrie reste vive et froide. Les détails sont légion aux quatre coins du cadre large et la copie restitue les partis pris esthétiques caractéristiques de ce monde futuriste. Ce Blu-ray offre d’excellentes conditions pour revoir le film de Leigh Whannell et profiter de la photographie signée Stefan Duscio. L’apport HD sur ce titre est évidemment indispensable.

S’il n’est pas déshonorant, le mixage DTS 5.1 ne peut rivaliser avec la piste anglaise DTS HD Master Audio 5.1. Cette dernière laisse pantois par son ardeur, son soutien systématique des latérales, ses basses percutantes. Véritablement explosive sur les séquences appropriées, la version originale s’impose comme une véritable acoustique de démonstration avec des dialogues remarquablement exsudés par la centrale, des frontales saisissantes, des effets et ambiances riches, les enceintes arrière instaurent constamment un environnement musical, tout comme le caisson de basses, mis à rude épreuve, qui n’en finit pas de marteler les séquences les plus mouvementées. Un grand spectacle phonique.

Crédits images : © Universal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr