L’AVENTURIER DU TEXAS (Buchanan Rides Alone) réalisé par Budd Boetticher, disponible en combo Blu-ray+DVD le 20 juin 2019 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Randolph Scott, Craig Stevens, Barry Kelley, Tol Avery, Peter Whitney, Manuel Rojas, L.Q. Jones…
Scénario : Charles Lang d’après le roman de Jonas Ward
Photographie : Lucien Ballard
Durée : 1h19
Date de sortie initiale : 1958
LE FILM
Sur le chemin qui le ramène de Californie au Texas, Tom Buchanan, un ancien mercenaire, s’arrête à Agry, localité tenue et régentée par la famille du même nom. Il se retrouve bientôt pris au milieu de luttes intestines au sein de la famille. Après avoir pris la défense de Juan, un Mexicain qui a abattu le fils du juge Agry, Buchanan, qui voit toute la famille liguée contre lui, est dépouillé de son argent et condamné à être pendu en même temps que Juan.
UN DOLLAR ENTRE LES DENTS (Un dollaro tra i denti) réalisé par Luigi Vanzi, disponible le 4 juin 2019 en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre chez Artus Films
Acteurs : Tony Anthony, Jolanda Modio, Raf Baldassarre, Aldo Berti, Lars Bloch, Enrico Capoleoni, Arturo Corso, Antonio Marsina, Salvatore Puntillo, Fortunato Arena…
Scénario : Warren Garfield, Giuseppe Mangione
Photographie : Marcello Masciocchi
Musique : Benedetto Ghiglia
Durée : 1h26
Année de sortie : 1967
LE FILM
Un détachement de la cavalerie américaine convoie un coffret rempli d’or pour le gouvernement mexicain. Le bandit Aguila, prenant la place de l’officier chargé de la réception, le dérobe, avec l’aide d’un homme surgi de nulle part : l’Étranger. Mais lorsque ce dernier demande sa part du butin, les hommes d’Aguilar le frappent et l’abandonnent. Trahi et humilié, il est déterminé à se venger. Il suit pas à pas les hommes d’Aguilar, prêt à tout pour les éliminer un par un et récupérer le trésor.
Sergio Leone et sa trilogie de L’Homme sans nom ont donné naissance à moult ersatz en Italie et en Espagne, créant ainsi la vague de westerns européens qui a ensuite déferlé dans les salles de cinéma du monde entier. Parmi les cas les plus insolites se démarque la saga dite de L’Etranger, portée par le comédien américain Roger Pettito, alias Tony Anthony. Né en 1937, tentant de percer dans le milieu du 7e art, il décide d’aller tenter sa chance en Italie alors en pleine effervescence. Il parvient alors à faire son trou grâce à Un dollar entre les dents – Un dollaro tra i denti, réalisé par Luigi Vanzi (1924-1992) et sorti en 1967. Etonnamment, le film est un succès aux Etats-Unis, mais son score reste très modeste en Europe. Devant cet engouement U.S., Tony Anthony reprendra son personnage de L’Etranger dans Un homme, un cheval et un pistolet – Un uomo, un cavallo, una pistola (1967) et Le cavalier et le samouraï – Lo straniero di silenzio (1968) également mis en scène par Luigi Vanzi, mais aussi dans le « hors-série » Pendez-le par les pieds – Get Mean (1975) de Ferdinando Baldi.
Un dollaro tra i denti est l’exemple type du western opportuniste réalisé avec les moyens du bord et un casting pas folichon, qui reste malgré tout amusant et divertissant dans ses très nombreuses imperfections et l’absence de charisme de son anti-héros qui fait la moue tout en ayant constamment l’air de se demander ce qu’il fout là. Sans oublier le fait que l’intrigue reprend peu ou prou la même qu’Une poignée de dollars avec – tant qu’à faire – une pincée de Et pour quelques dollars de plus.
Un dollar entre les dents, c’est comme si un jeune trentenaire rêvant de devenir une star de cinéma, décidait de mettre la vieille couverture péruvienne de sa grand-mère sur ses épaules, un vieux galurin élimé sur la tête, tout en plissant les yeux comme Clint Eastwood, pour ensuite aller jouer au cowboy dans la carrière de calcaire à côté de chez lui. Avec son regard à la Chat Potté, son visage figé et sa petite carrure, Tony Anthony fait rire. Si ce dernier a toujours déclaré que c’était le but recherché, le premier degré avec lequel le déroule le récit laisse perplexe. Toujours est-il qu’avec ses cheveux peroxydés dissimulés sous son chapeau poussiéreux, sa démarche hésitante, son petit jean et son chemisier rose délavé, l’acteur ne convainc jamais et surtout pas sur un cheval sur lequel il a du mal à monter. Du coup, tout ce qui se passe à côté retient finalement l’attention, comme la mauvaise synchronisation de l’action et des effets spéciaux directs. Il n’est pas rare de voir un figurant à l’écran, le front percé d’une balle, avant qu’on ne lui tire dessus le plan suivant. Même chose avec l’apparition d’un des personnages principaux, bien en vie, pourtant décédé quelques séquences auparavant !
Un dollar entre les dents essaye de se donner un genre pour amasser le maximum de lires, ou plutôt de billets verts chers à l’Oncle Sam. Tony Anthony et Luigi Vanzi ont bien fait de prendre le train en marche, puisque malgré ses innombrables défauts, son manque de rythme (euphémisme), son protagoniste falot, la musique irritante et redondante de Benedetto Ghiglia, son montage amateur, Un dollaro tra i denti a su trouver son public alors très demandeur de westerns spaghetti.
LE MEDIABOOK
Troisième western européen de la dernière vague éditée par Artus Films, Un dollar entre les dents est tout autant soigné que Le Retour de Ringo et Les Tueurs de l’Ouest ! Résultat, nous nous trouvons devant un superbe Mediabook, un objet de collection comprenant un livre, un Blu-ray et un DVD. Mention spéciale au livre de 64 pages concocté par Alain Petit, qui revient sur la saga de l’Etranger, le tout largement illustré par des affiches et photographies. Le menu principal est fixe et musical.
Nouveau rendez-vous avec Curd Ridel (9’) qui se montre évidemment plus critique sur Un dollar entre les dents que sur les deux précédents titres. L’invité d’Artus Films s’amuse à mettre en avant les défauts du film (le changement d’un bébé d’un plan à l’autre entre autres), dont le jeu de Tony Anthony avec lequel il a « un peu de mal ». Curd Ridel passe également le casting au peigne fin tout en précisant que l’amateur de westerns italiens y trouvera facilement son compte.
Nous trouvons également un petit débat organisé avec les spectateurs après la projection de Pendez-le par les pieds dans un cinéma américain, en présence du comédien Tony Anhony et du producteur Ronald Schneider (2015-24’). Les souvenirs s’enchaînent, l’acteur n’ayant jamais rechigné à parler de son succès et de son implication dans la production de ses films.
Enfin, l’éditeur propose les génériques d’exploitation française d’Un dollar entre les dents (3’), ainsi qu’un diaporama et la bande-annonce.
L’Image et le son
Rien à redire sur ce très beau master HD restauré 2K ! C’est propre, clair, souvent lumineux, le piqué est plaisant et le cadre stable. Les aficionados apprécieront la qualité de la copie et le soin particulier apporté à ce petit titre, tout aussi choyé que les films plus reconnus et porteurs.
Présenté dans sa version intégrale, Un dollar entre les dents est disponible en version française forcément incomplète puisque certaines séquences n’ont jamais été doublées dans la langue de Molière. Ces scène passent donc directement en italien. Les deux pistes instaurent un confort acoustique équivalent, même si l’option italienne s’avère toujours plus riche.
LES TUEURS DE L’OUEST (El precio de un hombre) réalisé par Eugenio Martín, disponible le 4 juin 2019 en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre chez Artus Films
Acteurs : Richard Wyler, Tomás Milián, Halina Zalewska, Hugo Blanco, Mario Brega, Enzo Fiermonte, Luis Barboo, Lola Gaos, Ricardo Canales…
Scénario : James Donald Prindle, José Gutiérrez Maesso, Eugenio Martín d’après le roman de Marvin H. Albert « The Bounty Killer »
Photographie : Enzo Barboni
Musique : Stelvio Cipriani
Durée : 1h33
Année de sortie : 1966
LE FILM
Un dangereux criminel, José Gomez, est arrêté pour le pillage d’une banque. Sur le chemin de la prison, José et ses gardes font une halte dans une auberge, dont les patrons ont bien connu le bandit enfant. Ils l’aident alors à s’évader. Mais Luke Chilson, officier de la police fédérale, recherche José, sa tête étant mise à prix pour 3 000 dollars…
Né à La Havane en 1933, Tomas Quintin Rodriguez alias Tomas Milian, démarre sa carrière de comédien en Italie sous la direction de Mauro Bolognini dans Les Garçons – La Notte brava (1959), sur un scénario de Pier Paolo Pasolini, d’après son propre roman Les Ragazzi. Très vite, les propositions se multiplient et le jeune acteur de 26 ans enchaîne avec Le Bel Antonio, chef d’oeuvre réalisé une fois de plus par Bolognini, puis L’Imprévu d’Alberto Lattuada (1961), le sketch Le Travail, mis en scène par Luchino Visconti pour le film collectif Boccace 70 (1962). 1966 est un tournant dans la carrière de Tomas Milian. Celui-ci enchaînera une demi-douzaine de westerns, dont Colorado – La Resa dei conti et Le Dernier face à face – Faccia a faccia de Sergio Sollima, l’exceptionnel Tire encore si tu peux – Se sei vivo spara de Giulio Questi, et le plus méconnu Les Tueurs de l’Ouest – El precio de un hombre. Ce dernier, par ailleurs très rare, est plus ibérique que transalpin.
Le film est réalisé par l’espagnol Eugenio Martín, connu des amateurs de cinéma Bis pour un Pancho Vila avec Telly Savalas (1972), Les 4 Mercenaires d’El Paso avec Lee Van Cleef, James Mason, Gina Lollobrigida et Gianni Garko (1971) et Terreur dans le Shangaï Express (1972) avec les mythiques Christopher Lee et Peter Cushing. Un habitué de la série B de luxe. Pour Les Tueurs de l’Ouest, adapté d’un roman du spécialiste et prolifique Marvin H. Albert, Eugenio Martín fait le boulot en se concentrant surtout sur les tronches de ses comédiens, et signe un western standard, pas inoubliable, mais aucunement déplaisant et surtout toujours aussi divertissant.
Chilsom le chasseur de primes traque deux hommes appartenant à la bande de Gomez. La traque va le mener dans le village où est emprisonné Gomez, qui ne tardera pas à s’évader, grâce aux villageois le croyant innocent. Quand ce dernier va régler ses comptes avec l’aide de sa bande de tueurs, le village va se transformer en champ de bataille.
Ou comment le bad-guy vole la vedette au héros ! Avec son charisme suintant et vénéneux, Tomas Milian emporte facilement la mise face à son partenaire, le britannique Richard Wyler, vedette et rôle-titre de Coplan FX 18 casse tout de Riccardo Freda (1965). Avant de bifurquer vers les poliziotteschi, Tomas Milian marque le western de sa griffe. Dans Les Tueurs de l’Ouest, il se délecte dans la peau de son personnage bien pourri, surtout quand l’homme qui voulait le mettre derrière les barreaux se retrouve en fâcheuse posture et s’en prend plein la gueule. Rétrospectivement, c’est à ce moment-là que Tomas Milian devient un acteur culte.
Le film démarre sur les chapeaux de roues et si le rythme tend à se ralentir quelque peu après l’évasion de Gomez, Les Tueurs de l’Ouest contient son lot de séquences d’action et les décors naturels d’Almería où l’herbe grasse côtoie les montagnes aux sommets enneigés font toujours leur effet, tout comme la composition de Stelvio Cipriani, sa première réalisée pour le cinéma. Une petite réussite d’un genre qui déferlait alors dans tous les cinémas européens.
LE MEDIABOOK
Et hop, un nouveau Mediabook dans l’escarcelle d’Artus Films ! Inédit en DVD, Les Tueurs de l’Ouest rejoint ainsi la collection Western Européen et devient un titre privilégié de l’éditeur, puisque disponible en Edition Collector Livre+Blu-ray+DVD. Un superbe objet de collection composé des deux disques et d’un livre de 64 pages consacré aux Westerns de Marvin H. Albert au cinéma, réalisé sous la direction de Lionel Grenier, avec la participation d’Emmanuel Le Gagne et Jérôme Pottier. Des textes soignés, passionnants, érudits et qui se lisent avec un très grand plaisir, le tout agrémenté de photographies et d’affiches d’exploitation.
Comme sur l’édition du Retour de Ringo, le brillant Curd Ridel est de nouveau en piste, toujours devant son feu de cheminée, pour nous parler des Tueurs de l’Ouest (10’). L’invité d’Artus nous parle du réalisateur Eugenio Martín, qui signe ici son meilleur western, mais surtout de l’ensemble du casting avec sa « galerie de sales gueules ». Curd Ridel réalise une introduction toujours très sympathique de ce film très rare et difficile à dénicher.
L’interactivité se clôt
sur un diaporama de photos et sur la bande-annonce (allemande) du
film.
L’Image et le son
Attention, voici un petit trésor longtemps espéré par les fans de westerns spaghetti et de cinéma Bis ! Les Tueurs de l’Ouest débarque en France grâce aux bons soins d’Artus Films. Une copie HD restaurée qui devrait ravir les aficionados. Dès la première séquence, la luminosité est grande et la profondeur de champ éloquente. Certes, le générique s’accompagne de poussières, de fourmillements et de rayures verticales, mais ces défauts sont limités. Le master trouve rapidement son équilibre avec un grain original équilibré, des couleurs à foison (photo d’Enzo Barboni), des détails impressionnants sur les visages des comédiens, avec la sueur qui perle les fronts et les rides emplies de crasse. Certaines scènes semblent plus jaunâtres et les yeux bleus d’Halina Zalewska paraissent verts, mais (re)découvrir Les Tueurs de l’Ouest en Blu-ray tient du miracle et cette édition ne déçoit pas.
Les Tueurs de l’Ouest est proposé dans sa version intégrale. Certaines séquences n’ont jamais été doublées en français et passent donc directement en espagnol. Au jeu des comparaisons, la version française s’accompagne d’un souffle chronique, tandis que la piste espagnole est parfois un brin criarde. Les deux versions sont proposées au format LPCM Audio 2.0.
LE RETOUR DE RINGO (Il Ritorno di Ringo) réalisé par Duccio Tessari, disponible le 4 juin 2019 en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre chez Artus Films
Acteurs : Giuliano Gemma, Fernando Sancho, George Martin, Lorella De Luca, Susan Scott, Nieves Navarro, Antonio Casas, Manuel Muñiz…
Scénario : Fernando Di Leo, Duccio Tessari
Photographie : Francisco Marín
Musique : Ennio Morricone
Durée : 1h36
Année de sortie : 1965
LE FILM
De retour de la guerre de Sécession, Ringo retrouve sa ville sous la coupe réglée de bandits mexicains. Au milieu des habitants terrorisés et du shérif impuissant, il voit sa femme aux côtés du chef des bandits. À lui seul, Ringo va entreprendre la reconquête de la ville.
1964, avec Pour une poignée de dollars, Sergio Leone lance la vague du Western européen. Plus de 700 films vont être produits. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Le Retour de Ringo – Il Ritorno di Ringo, un temps envisagé sous le titre L’Odyssée des longs couteaux, est un des meilleurs fleurons du genre !
En 1965, Giuliano Gemma (1938-2013), vu dans Angélique, Marquise des anges de Bernard Borderie dans lequel il interprète Nicolas, explose dans Un pistolet pour Ringo – Une Pistola per Ringo. La même année, le comédien et culturiste tourne Merveilleuse Angélique, mais également la suite du western qui l’a rendu célèbre dans le monde entier, toujours sous la direction de Duccio Tessari (1926-1994), avec qui il tournera huit films et qui lui avait offert son premier grand rôle dans le péplum Les Titans – Arrivano i titani en 1962. Giuliano Gemma devient alors un des comédiens les plus populaires du cinéma italien et deviendra un des acteurs européens les plus connus à l’étranger, comme au Japon où il est une véritable icône au même titre qu’Alain Delon. Athlète émérite, l’acteur s’impose dans Le Retour de Ringo, vraie fausse suite d’Un pistolet pour Ringo. S’il ne réalise pas d’acrobaties à la Buster Keaton complètement dingues comme ce sera le cas dans Mort ou vif…De préférence mort, Giuliano Gemma crève l’écran avec son charisme animal, sa présence naturelle, son aisance dans les séquences d’action, tout comme dans les scènes dramatiques.
Sur un canevas plutôt classique, mais inspiré par un épisode de L’Odyssée d’Homère, qui montre également une fois de plus qu’un certain Quentin Tarantino n’a absolument rien inventé, mais qu’il s’est toujours contenté de recycler le cinéma qu’il aimait, Le Retour de Ringo est un western pur et dur. Une histoire de vengeance sèche et violente, où chose amusante le personnage interprété par Giuliano Gemma, que tout le monde appelle Ringo, s’appelle en fait Montgomery Brown, surnom adopté par l’acteur pour l’exploitation internationale de ses films. Il reprend donc le rôle de Ringo, mais dans un second opus différent par rapport à Un pistolet pour Ringo, qui comportait beaucoup d’humour et une direction plus légère.
Dans Le Retour de Ringo, l’atmosphère est plus poussiéreuse et crasseuse, rude, tandis que le personnage revient de la guerre avec un trauma visible et palpable. Alors, quand il comprend que la population de sa ville natale est terrorisée par des bandits mexicains à la tronche patibulaire, et que sa propre femme se trouve au bras de l’un d’entre eux, son sang ne fait qu’un tour. Malin et calculateur, sombre, Ringo décide de sauver la ville, de reconquérir son épouse et de venger ceux tombés sous les balles de cette bande de malfrats. Quelques touches d’humour tout de même avec ce croque-mort/fleuriste improbable (Manuel Muñiz), que l’on croirait inspiré du Professeur Tournesol, et qui s’appelle d’ailleurs Myosotis.
Western dit spaghetti, mais en réalité hispano-italien, Le Retour de Ringo fait partie des meilleures réussites d’un genre alors en pleine explosion, principalement fait d’ersatz. Si l’excellente partition du maestro Ennio Morricone fait le lien avec la première aventure de L’Homme sans nom, Pour une poignée de dollars, Duccio Tessari, désireux d’aborder le genre sous un angle différent par rapport à son œuvre précédente, s’inscrit sur la voie tracée par Sergio Leone, tout en trouvant un ton qui lui est propre, avec un cadre constamment soigné. Le Retour de Ringo est un divertissement de haute volée, une série B de grande qualité, une référence (l’assaut final face au truculent Fernando Sanco est phénoménal), qui n’a souvent rien à envier aux opus plus reconnus. Un vrai bijou.
LE MEDIABOOK
Revoilà l’ours d’Artus Films avec un magnifique et luxueux Mediabook estampillé « Western Européen », destiné à mettre en valeur le meilleur western de Duccio Tessari, Le Retour de Ringo. Artus Films a cette fois encore concocté un visuel clinquant. Cette édition se compose du Blu-ray et du DVD, ainsi que d’un incroyable livre de 64 pages (Les Grandes tragédies dans le western européen), réalisé sous la direction de Lionel Grenier (rédacteur en chef du site luciofulci.fr), avec la participation de Guillaume Flouret, Vincent Jourdan et Gilles Vannier. Vous y trouverez de fabuleux visuels, photos et affiches, et surtout un essai passionnant sur l’influence la tragédie grecque dans le western. Artus Films livre un vrai et grand travail éditorial et a mis toute sa passion pour le genre dans ce Mediabook, sans oublier l’incroyable beauté de la copie HD. Le menu principal est fixe et musical.
Le Retour de Ringo s’accompagne d’une présentation du film par le dessinateur et expert en cinéma de genre Curd Ridel (13’). Au cours de ce segment, notre interlocuteur, confortablement installé au coin du feu, dresse un portrait et la biographie du comédien principal Giuliano Gemma (1938-2013), tout en passant en revue quelques-uns des films les plus marquants. Les autres acteurs du film et le réalisateur Duccio Tessari (le cinéaste à l’oeillet rouge à la boutonnière, son porte-bonheur) sont également évoqués. Curd Ridel n’oublie pas d’aborder le film qui nous intéresse et qu’il adore, tout en croisant, bien que trop rapidement, le fond et la forme à travers un exposé passionné.
Nous retrouvons ensuite un entretien croisé du caméraman Sergio D’Offizi et de la comédienne Lorella De Luca. Le premier aborde Le Retour de Ringo d’un point de vue plutôt technique, tandis que la seconde, également la compagne du cinéaste, revient sur la genèse et le tournage de cette fausse suite d’Un pistolet pour Ringo (25’).
L’interactivité se clôt
sur un diaporama de photos et d’affiches d’exploitation, ainsi
que sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Hormis un générique aux fourmillements épars et un grain argentique très appuyé, ce nouveau master HD du Retour de Ringo ne déçoit pas avec une propreté quasi-irréprochable et surtout une palette chromatique étincelante. Le cadre large est habilement restitué avec une profondeur de champ idéale, un piqué étonnant et une restauration soignée.
Deux options acoustiques au choix. On sélectionnera évidemment en priorité la version originale aux dialogues plus imposants et aux effets naturels, le vent notamment, plus percutants. La VF vaut le coup pour son doublage old-school et soigné. Dans les deux cas, les pistes LPCM Audio 2.0 sont suffisamment dynamiques et propres.
LE BANDIT (The Naked Dawn) réalisé par Edgar G. Ulmer, disponible en DVD le 23 mai 2019 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Arthur Kennedy, Betta St. John, Eugene Iglesias, Charlita, Roy Engel, Tony Martinez, Francis McDonald…
Scénario : Julian Zimet
Photographie : Frederick Gately
Musique : Herschel Burke Gilbert
Durée : 1h19
Date de sortie initiale : 1955
LE FILM
Son complice abattu lors du hold-up d’un wagon de marchandises, Santagio trouve refuge dans une ferme isolée du Haut-Mexique. Si Manuelo Lopez, le fermier, projette de le tuer pour s’emparer du butin, il y renonce après que le bandit en fuite lui a sauvé la vie. Pendant ce temps, sa femme, Maria, fatiguée d’une vie de labeur et de misère, supplie le fugitif de l’emmener aussi loin que possible. Bientôt, au moment de son départ, Santagio voit arriver Gunt, son receleur, accompagné de policiers…
De l’avis quasi-unanime, Le Bandit – The Naed Dawn est le chef d’oeuvre du cinéaste Edgar George Ulmer (1904-1972). D’origine autrichienne, ancien comédien et décorateur, assistant de F.W. Murnau, Robert Siodmak, Billy Wilder, Fred Zinnemann, il passe à la mise en scène dans les années 1930 et signe notamment Le Chat noir – The Black Cat (1934) avec Boris Karloff et Bela Lugosi. Suivront plus tard, pêle-mêle, L’Ile des péchés oubliés (1943), Barbe Bleue (1944) avec John Carradine, Detour (1945), Les Pirates de Capri (1951), L’Homme de la planète X (1951) qui reflètent l’éclectisme et le caractère prolifique du réalisateur. Edgar G. Ulmer a alors plus de quarante films et documentaires à son actif quand il entreprend Le Bandit. Un western qui n’en est pas vraiment un, mais plutôt un drame psychologique, très littéraire voire théâtral, qui renvoie aux œuvres de Tennessee Williams. Et c’est immense. Le Bandit n’a beau durer que 78 minutes, chaque seconde, chaque réplique, chaque séquence foudroient le spectateur. Pas étonnant que la critique européenne et les cinéphiles purs et durs comme François Truffaut et Bertrand Tavernier aient rapidement élevé ce film comme l’un des plus fondamentaux, riches et passionnants des années 1950.
Au Mexique, deux paysans, Santiago et Vicente, désillusionnés par la révolution, deviennent bandits et dévalisent un wagon de marchandises stationné en gare de Matamoros. Vicente est, néanmoins, mortellement atteint par un veilleur de nuit. Santiago assomme celui-ci et fuit avec son complice. Il demeure auprès de Vicente jusqu’à son ultime soupir, se comportant auprès de lui comme son confesseur. Il finit par trouver refuge chez un couple de jeunes fermiers, Manuel et Maria. Aidé de Manuel, Santiago délivre le butin – quatre caisses de montres-bracelets – à Guntz, un agent des douanes corrompu, et qui refuse de lui donner la part dévolue à Vicente. Plus tard, Maria est victime des brutalités de son époux, attiré par l’argent de Santiago. Elle cherche alors à fuir avec le bandit.
D’entrée de jeu, Edgar G. Ulmer s’éloigne de tous les stéréotypes liés au western. Si son personnage principal est mexicain et arbore un sombrero, tous les décors qui l’entourent contrastent avec les clichés habituels. Si les chevaux sont présents, les vieilles bagnoles au capot poussiéreux sont là aussi. Les armes apparaissent, mais pas de duel au soleil ici, la loi de l’Ouest a laissé la place à la loi de la jungle. Santiago, merveilleusement interprété par le grand et trop souvent oublié Arthur Kennedy (Les Affameurs d’Anthony Mann, L’Ange des maudits de Fritz Lang) passe de tableau en tableau, comme de scène en scène avec une dimension quasi-théâtrale, principalement en huis clos, qui reflète l’enfermement irrémédiable du personnage (ou comment Ulmer use du Technicolor comme du N&B au temps de l’expressionnisme allemand), malgré ses désirs de liberté.
Le premier acte détonne puisque Santiago se démarque des bandits typiques du western en soutenant son camarade Vicente dans sa lente agonie. En soutenant délicatement son complice et ami jusqu’à son dernier souffle, allant même lui chercher une couverture pour le réconforter et lui apporter une dernière once de chaleur, Santiago est montré comme un être généreux, humain. Vicente mourra en souriant, sur une lyrique partition d’Herschel Burke Gilbert. Dans la seconde partie, Santiago rencontre Manuel et Maria, jeune couple qui tente de survivre grâce à leur petit lopin de terre. Manuel est un homme faible et frustré, qui s’en prend violemment à sa femme. Cette dernière, « donnée » à son époux, rêve de s’enfuir et d’échapper à cette vie monotone, qui la condamne à s’occuper de la cuisine, du ménage. Sachant que la naissance d’un enfant enterrerait définitivement ses espoirs d’évasion, Maria – magnifique Betta St John – s’éprend rapidement de Santiago, qui représente à ses yeux la liberté et l’indépendance dont elle rêve. Edgar G. Ulmer instaure alors une tension sexuelle palpable, en jouant sur les corps fiévreux et en sueur, à l’instar d’Elia Kazan dans Un tramway nommé désir (1951).
Ce qu’il y a de remarquable dans Le Bandit, c’est la densité de son sujet, la richesse de ses thématiques, le tout exploré, trituré et analysé durant seulement 1h20. Roller-coaster d’émotions, Le Bandit joue avec l’empathie des personnages. Ni forcément sympathiques, ni détestables, les trois protagonistes sont montrés de façon brute, dans leur complexité, avec leurs bons comme leurs mauvais côtés. Quitte à vivre, les personnages le souhaitent de la meilleure façon possible, le pardon est accessible et s’il faut mourir, que cela se fasse de la façon la plus douce possible, peut-être même secrètement, au pied d’un arbre.
Le final, somptueux,
inattendu, poétique, mais pourtant inévitable, clôt cette tragédie
dans une explosion de sérénité. Immense chef d’oeuvre absolu de
tous les temps.
LE DVD
Le test du DVD du Bandit, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Le Bandit était déjà sorti en 2013 dans la collection spécialisée de Sidonis Calysta. L’éditeur reprend les mêmes interventions proposées alors sur la galette éditée il y a six ans. Toutefois, celle de Bertrand Tavernier, qui durait alors 13 minutes, est ici rallongée de 25 minutes ! Cela permet donc au réalisateur et historien du cinéma, de s’étendre plus sur ce film qu’il adule et dont il se remémore la découverte au cinéma à l’occasion d’une ressortie dans une salle parisienne, Le Floride, film qu’il était retourné voir plusieurs fois la même semaine. Son engouement est réel, toujours aussi enthousiaste et ses propos reflètent une passion ici débordante de sincérité. Bertrand Tavernier revient en détails sur ses longues recherches effectuées pour trouver qui était ce fameux Julian Zimet, qui avait écrit ce western singulier. Puis, le fond et la forme se croisent jusqu’à la dernière seconde de cette intervention, durant laquelle Bertrand Tavernier passe également en revue le casting.
Avec sa présentation de huit minutes, Patrick Brion a évidemment peu le temps de nous donner quelques propos inédits sur Le Bandit. L’historien du cinéma est certes aussi passionné par le film d’Edgar G. Ulmer que son confrère, mais en dehors de quelques redites sur les sujets abordés dans Le Bandit, il n’y a ici rien de particulièrement intéressant.
L’interactivité se clôt
sur la bande-annonce et une galerie de photos.
L’Image et le son
Authoring différent, mais master identique ! On retrouve donc les spécificités de l’ancienne copie, à savoir une colorimétrie fanée, bleutée, un piqué complètement émoussé, des poussières, des griffures, des plans flous et une gestion des contrastes totalement aléatoire qui dénaturent toutes les séquences sombres. En revanche, le 16/9 est enfin disponible alors que le format n’était disponible qu’en 4/3 sur l’édition 2013.
La version française est couverte, lourde, étouffée, accompagnée d’un souffle omniprésent du début à la fin. Tendez bien l’oreille si vous avez opté pour cette option. La piste anglaise est heureusement plus claire avec des dialogues distincts et des effets plus vifs. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
KANSAS EN FEU (Kansas Raiders) réalisé par Ray Enright, disponible en DVD et Edition limitée Blu-ray + DVD le 23 mai 2019 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Audie Murphy, Brian Donlevy, Marguerite Chapman, Scott Brady, Tony Curtis, Richard Arlen, Richard Long, James Best, John Kellogg, Richard Egan…
Scénario : Robert L. Richards
Photographie : Irving Glassberg
Musique : Milton Rosen
Durée : 1h20
Date de sortie initiale : 1950
LE FILM
Jesse James, son frère Frank et trois de leurs camarades, tous très jeunes, s’enrôlent dans la bande de Quantrill, sinistre aventurier, bandit de grand chemin, qui prétend défendre la cause sudiste en tuant, pillant et violant les paisibles habitants…
Nous avons déjà parlé du comédien Audie Murphy à travers quelques-unes de nos chroniques. Si vous désirez en savoir plus sur sa carrière atypique et même sur sa vie, nous vous invitons à (re)découvrir notre article sur 40 fusils manquent à l’appel de William Witney https://homepopcorn.fr/test-dvd-40-fusils-manquent-a-lappel-realise-par-william-witney/ qui aborde largement le sujet. Kansas en feu ou bien encore Kansas Raiders en version originale, est l’un des premiers films en vedette de l’ancien soldat et nouvel acteur, alors âgé de 25 ans. Juste après les deux longs métrages de Kurt Neuman, Garçons en cage et Le Kid du Texas, Audie Murphy enchaîne avec ce nouveau western dans lequel il tient ni plus ni moins le rôle du hors-la-loi Jesse James. Après Tyrone Power dans Le Brigand bien-aimé de Henry King (1939), voici un personnage mythique qui lui permettra de prendre son envol et qui lui assurera un de ses premiers grands succès chez Universal. Rétrospectivement, si le film apparaît aujourd’hui bien désuet, il n’en conserve pas moins un charme évident et vaut également pour l’apparition au générique d’un comédien également né en 1925 et qui deviendra une star internationale, Tony Curtis.
Alors que la guerre de sécession vient d’éclater, le jeune Jesse James, qui souhaite venger la mort de ses parents et le pillage de leur ferme, prend la route avec son frère Frank, les deux frères Younger et Kit Dalton, afin de rejoindre la bande de Quantrill , un confédéré irrégulier qui oeuvre sous le drapeau sudiste. Très rapidement, ils s’aperçoivent que Quantrill ne fait que piller, incendier et massacrer, bien souvent des civils innocents, à travers tout le Kansas sous couvert de la cause sudiste. Jesse qui s’est engagé uniquement pour combattre l’armée nordiste, commence par refuser de prendre part à ces raids meurtriers. Mais il finit par se laisser gagner par l’atmosphère hystérique qui règne au sein de la bande et il devient bientôt l’un des principaux appuis de Quantrill. Il fait alors la connaissance de Kate, la fiancée de Quantrill, dont il tombe sous le charme.
Quand Hollywood joue avec les figures historiques. En effet, il ne faut pas s’attendre à ce que Kansas en feu respecte les faits réels, ainsi que les actes et la psychologie des vrais personnages. Kansas Raiders c’est un peu comme si un grand enfant s’amusait avec des Playmobils western, en leur faisant dire des répliques bad-ass, en faisant « pan-pan » tout en tenant les deux adversaires dans ses mains. Audie Murphy apprend le métier d’acteur. S’il parvient à convaincre sur les scènes d’action et le revolver à la main, ce n’est pas tout à fait la même chose pour les séquences intimistes. De ce point de vue-là, il se fait même voler la vedette par son partenaire Tony Curtis, qui était déjà apparu dans Pour toi, j’ai tué de Robert Siodmak et Winchester ‘73 d’Anthony Mann, et surtout par Brian Donlevy (Les Bourreaux meurent aussi de Fritz Lang) dans le rôle de William Quantrill. Une question de charisme sans doute, puisque Audie Murphy, juvénile, a l’air de se demander constamment comment il a atterri là.
Pour des raisons de budget, Universal fait de la récup’ et réutilise toute une séquence du Sang de la terre de George Marshall (1948) pour l’introduction de Kansas en feu, autrement dit toutes les scènes de guerre. Le film de Ray Enright déroule ensuite tranquillement son récit, un peu trop sans doute. Non pas que Kansas en feu soit déplaisant, mais il ne se passe rien de vraiment palpitant. Les retournements de situation et surtout les revirements des personnages sont peu crédibles, la morale de certains laisse même dubitatif. Ray Enright (1896-1965), vieux briscard éclectique et prolifique, est beaucoup plus à l’aise dans les scènes de batailles, aussi bien dans un violent duel au couteau (avec un foulard tendu entre les deux rivaux) que lors de l’incendie d’une ville, avec même l’utilisation d’effets visuels et d’un beau Technicolor.
A force de faire la girouette, on finit par se désintéresser des protagonistes, pour finalement se rapprocher de celui campé par Brian Donlevy, bien que Quantrill soit constamment montré comme un monstre, un profiteur et criminel de guerre. Le repli dans la petite maison bientôt assiégée, point culminant du film, est en revanche très réussi et clôt Kansas en feu sur une bonne note. A défaut d’être inoubliable, Kansas Raiders est un divertissement honnête, rétro, qui contient suffisamment de bonnes idées pour relancer la machine quand elle tend à se gripper. Bilan positif donc pour l’un des derniers films de Ray Enright.
LE
BLU-RAY
La collection Audie Murphy s’agrandit toujours plus chez Sidonis Calysta ! Kansas en feu rejoint ainsi 40 fusils manquent à l’appel, El Texican, La Parole est au Colt et bien d’autres ! Le test du Blu-ray a été effectué à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.
Seul Patrick Brion a répondu présent pour présenter Kansas en feu (11’). D’entrée de jeu, c’est d’ailleurs devenu assez redondant, l’historien énumère quelques-uns des westerns sortis la même année que le film qui nous intéresse. Pour Patrick Brion, Kansas Raiders est l’un des très bons westerns d’Audie Murphy, même si le film laisse perplexe quant au traitement des personnages ayant réellement existé. Il évoque également la carrière de Ray Enright, avant de passer en revue les points – selon lui – positifs de ce western, qu’il a revu avec plaisir et dont il défend le rythme, ainsi que la mise en scène.
La vie de soldat et la carrière d’Audie Murphy sont également au centre d’un petit module réalisé en 2010, avec Patrick Brion face caméra (5’30).
L’interactivité
se clôt sur la bande-annonce.
L’Image
et le son
Belle édition HD que voilà, même si on pourra reprocher un grain argentique un poil trop lissé. Mais les couleurs sont éclatantes, la stabilité du master est irréprochable et l’ensemble est lumineux. Un couac constaté au niveau du technicolor à la 57e minute, quand Quantrill et ses hommes laissent derrière eux une ville en feu, où les bandes chromatiques se retrouvent décalées comme pour un film en 3D ! Un défaut de quelques secondes, donc rien de rédhibitoire. La restauration est fort satisfaisante (même si diverses poussières subsistent) et la définition ne déçoit pas, même si les contrastes semblent parfois trop poussés.
Pas de version française sur ce titre. La piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0 aux sous-titres imposés est sensiblement étriquée, mais l’écoute reste fluide et dynamique, surtout sur les scènes d’action.
MISSOURI BREAKS (The Missouri Breaks) réalisé par Arthur Penn, disponible en DVD et Blu-ray le 23 mai 2019 chez Rimini Editions
Acteurs : Marlon Brando, Jack Nicholson, Randy Quaid, Kathleen Lloyd, Frederic Forrest, Harry Dean Stanton, John McLiam, John P. Ryan, Richard Bradford, Luana Anders…
Scénario : Thomas McGuane
Photographie : Michael C. Butler
Musique : John Williams
Durée : 2h06
Date de sortie initiale : 1976
LE FILM
A la fin du XIXe siècle, dans le Montana… Une bande s’installe dans une ferme voisine et Logan, sous le couvert d’un honnête fermier, prépare sa vengeance. Il entretient même une liaison avec la fille de Braxton. Soucieux de démasquer les voleurs de chevaux, le riche propriétaire engage un tueur professionnel, Lee Clayton, pour nettoyer le territoire. Averti de ce danger, Tom Logan et sa bande poursuivent néanmoins leurs fructueuses activités. Mais pour donner le change, ils achètent un ranch à côté de celui de Braxton.
Quel film étrange ! Mais en même temps quelle claque ! En 1976, Arthur Penn a déjà à son actif, Miracle en Alabama (1962), La Poursuite impitoyable (1966), et surtout Bonnie and Clyde (1967), Alice’s Restaurant (1969) et Little Big Man (1970) ! Excusez du peu ! Un an après La Fugue – Night Moves, dans lequel il venait de diriger Gene Hackman, James Woods et la jeune Melanie Griffith, Arthur Penn décide de revenir au western et de sceller ses retrouvailles avec Marlon Brando, dix ans après leur association sur The Chase. Sur un scénario de l’écrivain Thomas McGuane, la légende d’Un tramway nommé désir donne la réplique à Jack Nicholson. Seulement le scénario est loin d’être terminé et Arthur Penn est dans l’obligation de tourner en raison de l’emploi du temps chargé de ses deux têtes d’affiche. Qu’à cela ne tienne, Marlon Brando, dont le rôle existe à peine sur le papier, obtient carte blanche pour créer son personnage de toutes pièces. Le résultat est époustouflant. Non seulement Missouri Breaks est un film quasi-inclassable, mais le personnage de « régulateur », Robert Lee Clayton, incarné par Brando s’imprime dans la mémoire des cinéphiles. La confrontation Nicholson/Brando a bel et bien lieu et offre aux spectateurs de grands moments de cinéma.
1880, dans les terres accidentées (Missouri Breaks) du centre du Montana. Le jeune Tom Logan et ses quatre acolytes sont des rustlers (voleurs de bétail). Pour faciliter leurs déplacements et stocker discrètement les animaux qu’ils volent, ils décident d’acquérir un ranch. Ils s’autofinancent grâce au hold-up d’un train et achètent un petit ranch à côté de l’immense propriété d’un grand éleveur. Ce voisin est David Braxton, riche éleveur arrivé dans la région trente ans auparavant, qui perpétue les traditions du jugement expéditif des voleurs de bétail et de chevaux. Un jeu du chat et de la souris commence alors entre Braxton et Logan : le jeune homme, tout en se faisant passer pour un paisible fermier, vole les bêtes du notable, pend son contremaître (car il a pendu un des voleurs, le jeune Sandy) et couche avec sa fille unique. Aussi Braxton engage-t-il un regulator réputé, Robert Lee Clayton, personnage atypique et traqueur impitoyable de voleurs de bétail, afin d’éliminer tous les gêneurs, Tom y compris. Quand Clayton, qui a compris qui est le chef des voleurs, commence à éliminer un par un les amis de Tom avec une grande perversité, celui-ci se défend.
Un duel au sommet ! Quand il entreprend Missouri Breaks, Marlon Brando n’a pas tourné depuis quatre ans, ce qui ne l’empêche pas d’être au top puisque ses derniers films étaient ni plus ni moins Le Parrain de Francis Ford Coppola (Oscar du meilleur acteur, qu’il a d’ailleurs décliné) et Le Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci. Quant à Jack Nicholson, les années 1970 ont déjà été prolifiques puisqu’il aura enchaîné Cinq pièces faciles de Bob Rafelson, La Dernière corvée de Hal Ashby, Chinatown de Roman Polanski, Profession : Reporter de Michelangelo Antonioni et Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman, qui lui vaut d’être récompensé par l’Oscar du meilleur acteur. Si Marlon Brando met près de 40 minutes pour apparaître à l’écran, et quelle introduction, le comédien bouffe évidemment chacune de ses scènes. En totale improvisation, ou presque, selon les indications d’Arthur Penn, Robert Lee Clayton change de peau, de costume (allant même parfois s’habiller en femme), de démarche et même d’accent pour mieux perdre le spectateur, rendant ainsi son personnage totalement imprévisible. Même chose pour ceux qui se retrouvent face à lui, ne sachant plus sur quel pied danser. Excentrique, les cheveux en bataille, ou arborant la même capote en rubans que Caroline Ingalls, en robe-tablier ou bien dans un costume immaculé à franges (empestant le lilas et l’armoise), jouant du ukulele en riant, puis capable l’instant d’après d’abattre un homme froidement avec un rare sadisme, le pervers Robert Lee Clayton est comme qui dirait l’ancêtre d’Anton Chigurh, le tueur monstrueux merveilleusement incarné par Javier Bardem dans No Country for Old Men des frères Coen. A voir pour le croire.
Quant à Jack Nicholson, loin de se laisser tirer la couverture, même si c’est pourtant difficile, son personnage trouble et ambigu recherche visiblement la tranquillité. Voleur de bétails certes, mais très sensible, donnant tout ce qu’il peut pour un petit lopin de terre. Touché par la mort d’un de sa bande (dont fait partie Harry Dean Stanton), la première séquence du film est d’ailleurs incroyable et inattendue, Tom Logan finit même par tomber amoureux de Jane Braxton (magnifique Kathleen Lloyd), la fille d’un riche propriétaire terrien. Le comédien fait preuve d’une rare délicatesse, comme lors de la scène où Tom déshabille lentement Jane, qui contraste avec la haine et la violence de son adversaire, supposé incarner « le bon » côté de la loi.
Arthur Penn reste sur la frontière tendue entre le western et le thriller, avec une noirceur et un nihilisme, opposés à une vraie mélancolie distillée du début à la fin (renforcée par la splendide composition de John Williams) et même beaucoup d’humour (l’attaque du train), dans un monde qui se meurt. Le bien et le mal sont ainsi brouillés, interchangeables, qui se confrontent dans de gigantesques paysages (photo de Michael Butler) où ils n’ont plus aucun repère et où les chevaux, tout comme le reste de la nature, reprennent enfin leurs droits. Arthur Penn s’empare de tous les ingrédients du genre, les malaxe, les triture, dans le but de refléter la décadence de l’âme humaine. Et c’est un chef d’oeuvre.
LE BLU-RAY
Il y a quinze ans, Missouri Breaks avait bénéficié d’une sortie en DVD chez MGM, aujourd’hui épuisée. Merci à Rimini Editions de faire resurgir le film d’Arthur Penn dans les bacs ! Le disque, à la très belle sérigraphie (qu’on ne mentionne jamais assez), repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné. La jaquette est très élégante, tout comme le menu principal, animé sur la musique de John Williams.
Tout d’abord, on doit au spéléologue Jérôme Wybon la joie de pouvoir écouter la Masterclass d’Arthur Penn donnée en août 1981 au National Film Theatre de Londres. 55 minutes (en vostf) à passer en compagnie du réalisateur cela ne se refuse évidemment pas. Les propos sont passionnants, notamment quand Arthur Penn revient sur la production et le tournage de Missouri Breaks. Le cinéaste aborde son enfance, ses débuts à la télévision au début des années 1950, son travail dans le monde du théâtre, quelques rencontres (François Truffaut, Jean-Luc Godard), l’influence du cinéma européen, tout en passant en revue l’ensemble de sa filmographie et ses thèmes de prédilection. En fin de programme, Arthur Penn répond à quelques questions des spectateurs.
Fidèle à Rimini Editions, l’excellent Frédéric Mercier est de retour pour présenter Missouri Breaks, qu’il affectionne tout particulièrement (33’). Le critique et journaliste replace tout d’abord le film dans la carrière d’Arthur Penn. Puis, il en vient plus précisément à Missouri Breaks en évoquant tour à tour les lieux de tournage, la préparation du film (seulement six semaines en raison de l’emploi du temps chargé des deux stars), l’improvisation sur le plateau et bien évidemment le travail de Marlon Brando qui a complètement créé son personnage au quotidien. Frédéric Mercier rentre plus en détails et l’analyse thématique, tout en abordant les partis pris et les intentions d’Arthur Penn. Une intervention passionnante.
L’éditeur est allé ensuite à la rencontre d’Hélène Valmary, maître de conférences à l’Université de Caen (27’30). C’est devenu une spécialité de Rimini Editions et surtout un rendez-vous que l’on apprécie tout particulièrement, plaçant l’éditeur parmi les leaders des suppléments de qualité. Ici, l’intervention d’Hélène Valmary est consacrée à Marlon Brando. Son enfance, ses débuts au théâtre, ses rencontres déterminantes (Stella Adler, Elia Kazan), ses premiers pas au cinéma, puis sa consécration. Dans un second temps, le jeu unique du comédien est analysé (recherche de l’authenticité, de la vérité à travers la méthode Strasberg), ainsi que son travail sur Missouri Breaks. Regorgeant d’anecdotes de tournage et d’informations, cette brillante présentation est immanquable pour tous les fans du monstre sacré et pour les autres cinéphiles. Ce bonus est uniquement disponible sur le Blu-ray.
L’interactivité se clôt
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L’Image et le son
Le générique fait un peu peur avec des fourmillements et des plans flous. Puis, tout s’arrange après avec une jolie clarté et surtout des plans rapprochés plaisants avec des détails sur les visages, comme les taches de rousseur du jeune Sandy. La texture argentique est conservée, bien gérée et certaines séquences, comme toutes celles dans le repaire de la bande de Tom sont vraiment très belles avec des contrastes fermes. Si certains plans s’avèrent plus vaporeux ou plus abîmés (en raison des partis pris), ce master HD de Missouri Breaks est flatteur pour les mirettes, à l’instar des scènes chez Braxton, baignant dans des éclairages jaunes du plus bel effet.
Evitez à tout prix la version française qui dénature le jeu de Marlon Brando. D’autant plus que cette piste s’accompagne d’un souffle chronique, avec des dialogues chuintants. De son côté, la version originale est plus claire, plus aérée, et la composition de maestro John Williams est dynamique à souhait, comme lors des envolées soulignant le caractère burlesque de l’attaque du train. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
LA PAMPA SAUVAGE (Savage Pampas) réalisé par Hugo Fregonese, disponible en DVD et Édition Limitée Blu-ray + DVD le 23 mai 2019 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Robert Taylor, Ron Randell, Marc Lawrence, Ángel del Pozo, Enrique Ávila, Milo Quesada, Lucía Prado…
Scénario : Hugo Fregonese, John Melson d’après une histoire originale et le roman de Ulises Petit de Murat et Homero Manzi
Photographie : Manuel Berenguer
Musique : Waldo de los Ríos
Durée : 1h34 (version longue : 1h50)
Date de sortie initiale : 1966
LE FILM
Fin du XIX° siècle, un ancien capitaine de l’armée argentine entend pacifier la vaste plaine argentine parcourue par des Indiens et des bandits. Afin de faciliter l’adaptation, il entraîne une clique de prostituées pour satisfaire ses soldats. Mais la caravane qui les amène est attaquée.
Réalisateur argentin, Hugo Fregonese (1908-1987) est bien connu des amateurs de westerns, avec des titres aussi réputés que Le Signe des renégats (1951), Quand les tambours s’arrêteront (1951), Passage interdit (1952), Le Raid (1954) ou Les Cavaliers rouges (1964). La Pampa sauvage – Savage Pampas (1966) est particulier pour plusieurs raisons. D’une part, parce qu’il s’agit du dernier western du cinéaste, qui arrêtera sa carrière en 1975, ensuite parce qu’il s’agit du remake de son tout premier long métrage, Pampa bárbara (1945), qu’il avait co-réalisé avec Lucas Demare. Enfin, parce que La Pampa sauvage est l’un des derniers rôles au cinéma de Robert Taylor (Quo vadis, Traquenard), qui devait s’éteindre prématurément trois ans plus tard à l’âge de 57 ans des suites d’un cancer des poumons. Mais au-delà de ça, ce western singulier, quelque peu malmené à sa sortie en raison de coupes franches, reste très original par son sujet et en même temps franchement plaisant à regarder grâce à la magnifique photographie de Manuel Berenguer (Quand la terre s’entrouvrira, La Nuit des diables).
Devant la désertion de ses hommes, par manque de femmes, le capitaine Martin fait venir des prostituées. Sur la route, le convoi est attaqué, les filles et les soldats se réfugient dans une église mais l’endroit est vite assiégé par les Indiens. Le capitaine, en compagnie de Carreras, retourne au fort pour chercher du secours…
Il existe une version longue de La Pampa sauvage, laissant une plus large place au fameux convoi des prostituées et donc aux personnages féminins, dont on apprend le quotidien, leurs liens et qui ne font pas seulement office de silhouettes ravissantes. Le montage quelque peu charcuté fait la part belle aux scènes d’action et de ce point de vue-là, Hugo Fregonese s’avère en pleine forme. Certains affrontements sont particulièrement violents, secs, à l’instar de celui de l’indien contre le déserteur, qui se disputent les faveurs d’une femme. Même chose, le metteur en scène soigne chacun de ses plans, en privilégiant les ciels immaculés ou au contraire chargés, qui renvoient autant aux états d’âme de ses protagonistes qu’à la menace qui s’annonce. Les angles sont atypiques, souvent hérités du western espagnol et transalpin.
Le Capitaine Martin, interprété par Robert Taylor, est un homme usé par ses fonctions, la peau tannée par le soleil. Rongé par la maladie, le comédien donne pourtant tout ce qu’il a encore dans le ventre pour insuffler à son personnage toute la tristesse d’un deuil impossible (il a alors perdu la femme qu’il aimait), mais ses traits tirés ne laissent aucun doute sur son désarroi et sa fatigue. Avec ses hommes, il erre tel un spectre sur son cheval dans le désert argentin, mué uniquement par ses réflexes de soldat émérite et professionnel. Malmené durant 1h40, Robert Taylor est roué de coups, jeté au sol, traîné par un cheval, mais son personnage se relève tant qu’il lui reste de l’énergie.
Hugo Fregonese convie le spectateur au coeur de la Pampa et aborde le sujet aussi délicat que rare de la frustration sexuelle des soldats paumés au coeur du désert. De ce fait, Robert Taylor fait le lien avec le film Convoi de femmes – Westward the Women de William A. Wellman (1951), qui évoquait déjà ce thème puisqu’un éleveur de bétail, propriétaire d’un ranch en Californie, décidait d’aller à Chicago « recruter » les femmes qui manquent à son domaine, pour ses hommes. Son contremaître Buck Wyatt (Robert Taylor donc) l’accompagnait pour convoyer ces demoiselles sur une route semée d’embûches.
Hugo Fregonese fait souvent preuve de virtuosité, maniant le cadre large avec dextérité, en composant des plans comme de véritables peintures. Si certaines coupes franches dans le récit peuvent faire tiquer, on se laisse facilement embarquer et séduire par ce récit généreux d’action et d’émotions, toujours teinté d’humour. Sans aucun doute l’une des plus grandes réussites du réalisateur.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de La Pampa sauvage, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’u check-disc. Le menu principal est animé et musical.
L’éditeur joint tout d’abord la version longue de La Pampa sauvage. Un quart d’heure supplémentaire, pour une durée de 110 minutes. Ce montage a été reconstitué à partir de sources diverses et variées (dont une copie 1.85) et prolonge le convoi des prostituées à travers plus d’échanges entre elles et avec le personnage interprété par Ty Hardin. Les imperfections techniques sont certes au rendez-vous, mais n’hésitez pas à privilégier cette version nettement plus complète et qui comble certains trous scénaristiques de l’autre montage.
Ensuite, Bertrand Tavernier (29’) présente et analyse le film d’Hugo Fregonese. Il se souvient tout d’abord de sa rencontre avec le réalisateur, qui était venu présenter La Pampa sauvage au marché du film au Festival de Cannes. Il passe en revue les points faibles du long métrage (grandiloquent, qui souffre de redites et de trous dans le récit, deuxième intrigue plus conventionnelle) et ses points forts (l’interprétation, le sujet peu traité au cinéma), tout en évoquant le film original Pampa bárbara, qu’il n’a d’ailleurs pas vu. Toutefois, Bertrand Tavernier indique avoir revu La Pampa sauvage à la hausse, malgré ses défauts évidents.
Plus concis, Patrick Brion (6’30) se penche plus sur Pampa bárbara que sur La Pampa sauvage. Cette présentation a ses limites, puisque l’historien du cinéma se contente – pour gagner du temps – d’énumérer quelques westerns de l’année 1966, tout en indiquant que « si Hugo Fregonese a décidé de revenir à cette histoire, il a sans doute eu raison de le faire ».
L’Image et le son
Visiblement, Sidonis Calysta a repris le même master HD édité en Allemagne chez Alive, qui bénéficiait d’ailleurs d’une sortie en 4K-UHD ! Les couleurs sont bien pétantes, un peu trop sans doute, avec des bleus électriques, des rouges sanglants et des jaunes vifs. On évite la saturation, mais le réalisateur aimant capturer les ciels étincelants, c’est parfois limite. Ajoutons à cela un grain argentique souvent trop lissé à notre goût. Diverses poussières et rayures verticales (dont une persistante à la 19e minute) subsistent, tout comme des point blancs. A ce titre, le générique fait peur avec son piqué émoussé, ses flous et ses scories. Le master HD trouve ensuite un équilibre, plutôt plaisant il faut bien le dire et qui participe à la (re)découverte de La Pampa sauvage. Le cadre large est choyé avec une superbe profondeur de champ.
Pas de version française sur ce titre. La version originale est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0, particulièrement dynamique et propre. Aucun souffle constaté, le confort acoustique est grand, les bruitages carabinés (c’est le cas de le dire), les dialogues vifs. Les sous-titres français sont imposés.
À L’OMBRE DES POTENCES (Run for Cover) réalisé par Nicholas Ray, disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD le 12 avril 2019 chez Sidonis Calysta
Acteurs : James Cagney, John Derek, Ernest Borgnine, Viveca Lindfors, Jean Hersholt, Grant Withers, Jack Lambert, Ray Teal, Irving Bacon…
Scénario : Winston Miller d’après une histoire originale de Harriet Frank Jr. et Irving Ravetch
Photographie : Daniel L. Fapp
Musique : Howard Jackson
Durée : 1h33
Année de sortie : 1955
LE FILM
Matt Dow et Davey Bishop sont devenus des amis mais, à la suite d’une méprise, ils sont soupçonnés d’avoir attaqué un train. Ils sont arrêtés et finissent par se disculper mais Davey a été gravement blessé. Une de ses jambes est définitivement morte. Matt et Davy sont engagés comme shérifs. Une attaque de banque a lieu…
Entre deux monuments du cinéma américain, Johnny Guitar et La Fureur de vivre, excusez du peu, Nicholas Ray (1911-1979) signe le méconnu et pourtant formidable À l’ombre des potences – Run for Cover en 1955. Si les thèmes ne sont pas sans rappeler ceux de son deuxième long métrage, Les Ruelles du malheur – Knock on Any Door (1949), avec d’ailleurs le même bouillonnant John Derek en tête d’affiche, Nicholas Ray s’approprie une fois de plus les codes du western pour au final livrer un drame intimiste où l’amitié et l’amour prennent le pas sur les scènes d’action (où apparaît un certain Ernest Borgnine), même si celles-ci sont évidemment inscrites au programme et n’en demeurent pas moins très réussies. De plus, le film offre à l’immense James Cagney, qui venait de tourner pour John Ford et Raoul Walsh, un de ses plus beaux rôles. Son association avec John Derek fait mouche à chaque instant, tandis que certains éléments préfigurent déjà Rebel Without a Cause.
Fraîchement sorti de prison après y avoir passé 6 ans, Matt Dow croise sur sa route un adolescent, Davey Bishop. Ensemble, ils vont être accusés du pillage d’un train à la suite d’un malentendu. Le shérif de la ville va alors tirer sur Davey et le rendre infirme. Matt réussit à prouver leur innocence et transporte Davey chez les Swenson. Il tombe amoureux d’Helga, la fille de la famille, et devient le nouveau shérif de la ville avec Davey pour adjoint. Tandis que des bandits attaquent la banque, Matt découvre que Davey possède quelques secrets bien gardés …
Filmé au coeur des ruines Aztèques de la ville d’Aztec au Nouveau-Mexique, ainsi que dans les vastes plaines de Silverton dans le Colorado, À l’ombre des potences plonge les spectateurs dans de merveilleux paysages dès le générique, tandis que résonne la chanson au titre éponyme. Plutôt que de démarrer son récit par un gunfight, Nicholas Ray prend d’emblée le western à rebrousse-poils en faisant retenir son premier coup de feu au personnage incarné par James Cagney. Comme pour le reste du film, ce qui importe à Nicholas Ray ici c’est avant tout le lien et le quasi-rapport père-fils qui s’instaure entre Matt et Davey.
Le premier, homme mûr, ancien brigand qui a purgé une peine de prison, reconnaît dans le second, âgé de vingt ans, son fils, décédé prématurément il y a une dizaine d’années. Après une mésaventure et un concours de circonstances malheureux qui a bien failli leur coûter la vie, les deux hommes deviennent respectivement shérif et adjoint pour la ville qui avait d’abord voulu les lyncher. Si Matt s’en est sorti miraculeusement sans blessure, Davey a malheureusement perdu l’usage d’une jambe. Matt va alors tout faire pour l’encourager. Jusqu’à ce que le passé de ce dernier ressurgisse.
Nicholas Ray fait preuve d’une virtuosité discrète quand il filme les paysages aux étendues lointaines, au sein desquelles il plonge et perd ses personnages. Nous sommes bel et bien en plein western avec ces splendides décors naturels, cette ville poussiéreuse, ses piliers de bar qui ne pensent qu’à passer la corde au cou de ceux qui viennent perturber la tranquillité de leur petite bourgade. Mais Nicholas Ray filme également les petites gens, dont cette jeune femme Helga (la belle Viveca Lindfors, vue dans Creepshow de Romero et Les Damnés de Joseph Losey) venue de Suède avec son père (Jean Hersholt, Marcus dans Les Rapaces d’Erich von Stroheim, ici dans sa dernière apparition au cinéma), dont le voyage vers la Californie s’est interrompu faute de moyens financiers et qui stagnent en tant que fermiers depuis deux ans.
Outre le portrait d’une jeunesse désoeuvrée, sans avenir et livrée à elle-même avec le personnage de Davey, dont la fureur de vivre évoque celle de James Dean qui explosera à l’écran la même année, Nicholas Ray ne craint pas de laisser une belle place à l’histoire d’amour inattendue entre Matt et Helga. Au-delà de la beauté plastique du film, de la réussite des personnages et des séquences d’action, James Cagney domine la distribution avec un jeu tout en rage contenue et une douceur qui l’est tout autant, l’acteur étant le plus souvent rattaché à ses personnages de sanguins et de violents incarnés dans les années 1930. Si l’on sent évidemment qu’il en faudrait peu pour allumer la mèche et le faire sortir de ses gonds, le comédien livre une prestation exceptionnelle.
Tout cela fait de À
l’ombre des potences le grand film sous-estimé et à réhabiliter
de Nicholas Ray.
LE BLU-RAY
À l’ombre des potences intègre la prestigieuse collection éditée par Sidonis Calysta. Cette « édition collector Silver » se compose du DVD et du Blu-ray. Le menu principal est animé sur la chanson d’ouverture du film.
Malgré ce que la jaquette indique, point de Bertrand Tavernier au programme. Ce qui est bien dommage. En revanche, Patrick Brion (13’) et François Guérif (12’30) ont bien répondu à l’appel de l’éditeur. Notre préférence se tourne cette fois vers le second, qui donne plus d’indications sur le film qui nous intéresse, mais également sur les thèmes récurrents dans l’oeuvre de Nicholas Ray. Si certains propos tenus font inévitablement écho avec ceux de Patrick Brion, les personnages, la collaboration James Cagney-Nicholas Ray et les partis pris y sont mieux analysés. De son côté, Patrick Brion brasse un peu trop autour du film, qu’il est néanmoins heureux de présenter et surtout de voir éditer dans la collection Sidonis.
L’Image et le son
Signalons d’emblée que le format original n’est pas respecté, en passant du 2.00:1 au cadre 1.78:1. Certains puristes risquent de bougonner. Néanmoins, il faut bien admettre que le master HD proposé ici est franchement superbe. D’une propreté absolue, stable, la copie affiche un très beau lifting. Le grain argentique est heureusement préservé, fin, excellemment géré, tout comme la tenue des contrastes. La clarté est éloquente dès la première séquence (voir le reflet du soleil sur la rivière) avec un piqué étonnant, jamais artificiel, qui permet de découvrir cette œuvre méconnue de Nicholas Ray dans d’excellentes conditions. Ah oui et les couleurs éclatantes ravissent les mirettes, tandis que les fondus enchaînés n’entraînent jamais de décrochages. Du tout bon !
Est-il utile d’indiquer que la version originale est à privilégier ? Pour tout avouer, le doublage français vieillot fait peine à entendre, même si la piste DTS HD Master Audio 2.0 est en bon état, sans souffle. Mais les dialogues y sont nettement moins clairs que sur la piste anglaise, qui est vraiment dynamique, bénéficiant de bons effets annexes et d’une excellente restitution de la musique. Le changement de langue est verrouillé à la volée et les sous-titres français imposés sur la version originale.
KIT CARSON réalisé par George B. Seitz, disponible le 9 avril 2019 en DVD et Blu-ray chez ESC Editions / Movinside
Acteurs : Jon Hall, Lynn Bari, Dana Andrews, Harold Huber, Ward Bond, Renie Riano, Clayton Moore, Rowena Cook…
Scénario : George Bruce, Evelyn Wells
Photographie : John J. Mescall, Robert Pittack
Musique : Edward Ward
Durée : 1h32
Année de sortie : 1940
LE FILM
Poursuivis par les indiens, le trappeur Kit Carson et ses amis Ape et Lopez se replient sur Fort Bridger, dont le capitaine, John Fremont, leur propose aussitôt d’escorter une caravane en direction de la Californie, sur la piste de l’Oregon. Manipulés par les autorités mexicaines qui voudraient annexer la région, les guerriers de la tribu Shoshone se dressent contre eux…
C’est un petit western dont nous n’attentions pas forcément grand-chose. Pourtant, Kit Carson, réalisé en 1940 par George B. Seitz ne cesse d’étonner. D’une part parce que le film tient encore très bien la route avec un rythme vif et enlevé du début à la fin, d’autre part pour ses personnages très attachants et la modernité du jeu des comédiens, dont Jon Hall, qui interprète le rôle-titre. Une chose est sûre, c’est que derrière son apparence rétro-vintage, Kit Carson ne fait sûrement pas son âge (près de 80 ans !) et demeure un divertissement haut de gamme doublé d’une analyse historique sur la naissance des Etats-Unis, basée sur un très bon scénario de George Bruce, auteur de L’Homme au masque de fer de James Whale (1939).
Kit Carson et ses hommes se joignent à John C. Fremont sur la route qui le conduit en Californie. En chemin, ils sont attaqués par des Indiens, les Shoshones, armés de fusils et envoyés par les autorités mexicaines, peu désireuses de les voir atteindre la Californie qui fait alors partie du Mexique. Frémont et Carson mènent ensuite une campagne, au nom des Etats-Unis, visant à annexer la Californie.
Christopher Houston Carson (1809-1868) alias Kit Carson, est une figure mythique de la construction des Etats-Unis. Eclaireur, militaire et agent des affaires indiennes, inscrit au panthéon du Far West et donc pionnier de la Conquête de l’Ouest américain, cet ancien fermier puis trappeur décide de partir à l’aventure à l’âge de 16 ans pour découvrir le continent. Son sens aiguisé de l’environnement lui vaut d’être repéré par l’armée où il devient Colonel durant la guerre américano-mexicaine, alors que le Gouverneur de Californie souhaite s’asseoir sur le trône des Aztèques et devenir empereur du Mexique.
Les péripéties, les affrontements, les scènes d’action, les embuscades s’enchaînent dans Kit Carson, sans oublier un triangle amoureux pour plaire aux dames. En dépit d’un budget modeste, ce western de série B a franchement de la gueule. La photographie du chef opérateur John J. Mescall, qui aura signé les sublimes images du Secret magnifique version 1935, mais aussi celles de L’Homme invisible et de La Fiancée de Frankenstein de James Whale, est vraiment superbe, tandis que le cadre de George B. Seitz- réalisateur du Dernier des Mohicans et du formidable Tarzan s’évade, même si non crédité au profit de Richard Thorpe, en 1936 – capture la magnificence des paysages naturels et de Monument Valley en particulier. Pas de format large certes (rappelons que nous sommes à la fin des années 1930), mais les scènes d’encerclement et de convois attaqués par les indiens témoignent d’un vrai sens de la mise en scène.
Complètement méconnu, Jon Hall prête ses traits à une icône américaine. Découvert dans Pago-Pago, île enchantée, il accède ici au rang de vedette à l’âge de 25 ans et son charisme très moderne étonne encore aujourd’hui. Par la suite, il tiendra l’affiche de quelques séries B d’aventures aux titres explicites Aloma, princesse des îles ou bien encore The Tuttles of Tahiti, avant d’être véritablement consacré avec les formidables La Vengeance de l’Homme Invisible et L’Agent invisible contre la gestapo. Un comédien fort sympathique et à reconsidérer, qui sort ici quelques punchlines du style « Maintenant je sais que la différence entre un soldat et une mule, c’est l’uniforme » avec une légèreté et un humour contagieux.
Kit Carson se
regarde comme on lit un roman d’aventures à la couverture aussi
excitante que son contenu, porté par une composition endiablée
d’Edward Ward, qui a conservé beaucoup de charme.
LE DVD
Inédit dans nos contrées, Kit Carson atterrit dans les bacs sous la houlette d’ESC Editions/Movinside. Le test du DVD a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Le premier supplément de cette édition est avant tout réservé aux cinéphiles doublés de férus d’histoire. En effet, IAC, peintre en Art Western et romancier propose un portrait très complet et bourré d’informations sur le véritable Kit Carson (11’30). L’invité d’ESC n’évoque pas le film de George B. Seitz, mais situe le personnage dans son contexte historique, afin de mieux appréhender l’adaptation au cinéma en 1940.
Ensuite, le critique cinéma Vincent Jourdan, auteur de Voyage dans le cinéma de Sergio Corbucci (éditions LettMotif), propose quant à lui un vrai retour sur Kit Carson (24’30). La situation du western à la fin des années 1930, le casting du film, la carrière du producteur Edward Small, les thèmes, les intentions du réalisateur, le tournage à Monument Valley et bien d’autres sujets sont abordés au cours de ce segment très informatif.
L’Image et le son
L’image comporte de très nombreux défauts. C’est le moins qu’on puisse dire. Le master 1.33 est constellé de tâches, de points blancs, de rayures verticales, de fils en bord de cadre. Malgré cela, l’image est étonnamment stable. Cela rajoute un cachet « curiosité » (pour ne pas dire un aspect VHS – Cinéma de minuit) à Kit Carson, dont la copie reste lumineuse, sans doute trop parfois. Notons que l’ensemble est également trop lisse pour être honnête et que la gestion des contrastes est aléatoire.
La version originale est la seule piste disponible sur cette édition. Les dialogues, tout comme la musique, sont dynamiques et le confort acoustique très appréciable, même si un souffle se fait entendre du début à la fin. Les sous-titres français ne sont pas imposés.