Test Blu-ray / Meurtres sous contrôle, réalisé par Larry Cohen

MEURTRES SOUS CONTRÔLE (God Told Me To) réalisé par Larry Cohen, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 18 mars 2021 chez Rimini Editions.

Acteurs : Tony Lo Bianco, Deborah Raffin, Sandy Dennis, Sylvia Sidney, Sam Levene, Robert Drivas, Mike Kellin, Richard Lynch…

Scénario : Larry Cohen

Photographie : Paul Glickman

Musique : Frank Cordell

Durée : 1h26

Année de sortie : 1976

LE FILM

A New York, un tireur isolé tue plusieurs passants sans mobile apparent. Dépêché sur les lieux, l’inspecteur Peter Nicolas n’obtient qu’une seule explication de la part du tueur : « Dieu m’a demandé de le faire ». Plusieurs meurtres similaires se produisent.

Larry Cohen (1936-2019) a toujours oeuvré en tant qu’artisan, en bon technicien et surtout en tant qu’excellent scénariste. Il sera très vite entré dans la légende pour avoir créé la légendaire série des Envahisseurs en 1967. Le cinéma s’empare très vite de son talent et Larry Cohen y abordera tous les genres, le western avec Le Retour des Sept (1966) de Burt Kennedy et El Condor (1967) de John Guillermin, la blaxploitation avec Black Caesar, le parrain de Harlem (1973) et sa suite Casse dans la villeHell Up in Harlem (1973), qu’il réalise après son premier coup d’essai Bone (1972), avec le regretté Yaphet Kotto. Il signe ensuite quelques épisodes de la série Columbo, dont le très célèbre (épisode 2 de la saison 3) Quand le vin est tiré – Any Old Port in a Storm. Il revient derrière la caméra pour ce qui sera l’un de ses films les plus connus Le Monstre est vivant – It’s Alive, qui lui permet d’approcher pour la première fois le genre horrifique. Nous arrivons enfin à Meurtres sous contrôleGod Told Me To, l’une de ses œuvres les plus étranges, les plus barrées, les plus insolites, les plus inclassables et insondables sans doute, pour beaucoup son chef d’oeuvre. Mélange des genres qui avait tout pour être improbable, Meurtres sous contrôle est un ride violent et mystique, qui vaut assurément plus pour sa forme que pour son fond, puisqu’au-delà de son côté nawak complètement assumé, la mise en scène de God Told Me To est superbe et totalement immersive. Pari réussi pour Larry Cohen qui avait voulu tourner son film comme un documentaire à l’aide d’une caméra à l’épaule, qui à l’instar de cette séquence ahurissante du défilé de la Saint-Patrick, plonge directement le spectateur dans le feu de l’action. Évidemment, certains risquent probablement de décrocher lors des envolées religieuses et quand le récit s’engouffre dans la science-fiction de façon inattendue, mais le voyage vaut sacrément le détour et Meurtres sous contrôle demeure une expérience cinématographique à part entière.

À New York, un homme armé et perché au sommet d’un château d’eau ouvre le feu avec un fusil de calibre .22 dans les rues bondées en contrebas, tuant au hasard quinze piétons. Peter Nicholas (Tony Lo Bianco), un flic catholique pieux du NYPD, escalade la tour pour parler au tireur d’élite. Avant de sauter, le tireur dit à Nicolas que Dieu lui a dit de commettre les meurtres. Bien que traumatisé par l’attaque, Nicholas enquête sur une série de meurtres apparemment non prémédités qui s’ensuivent : un coup de couteau en masse dans un supermarché, une fusillade commise par un policier lors du défilé de la Saint-Patrick et un homme qui assassine sa femme et ses enfants, sans aucun remord. Ils ont tous été commis par une variété d’assaillants sans lien, apparemment normaux, qui prétendent que Dieu leur a dit de tuer. Un indice conduit Nicholas à enquêter sur un jeune homme aux cheveux longs du nom de Bernard Phillips. Lorsque Nicholas visite l’adresse de ce dernier, la mère de Phillips attaque Nicholas avec un couteau, puis meurt pendant l’attaque en tombant dans un escalier. L’autopsie révèle que cette femme était vierge et avait prétendu toute sa vie avoir été enlevée par des extraterrestres. Les supérieurs de Nicholas refusent de reconnaître une motivation religieuse pour les meurtres et décident de le suspendre. Il divulgue cette histoire à la presse, provoquant une panique générale. Un groupe d’hommes, membres d’une secte religieuse, est conscient que leur chef, Bernard Phillips (Richard Lynch), influence les meurtriers, en les contactant puis en les contrôlant via des pouvoirs psychiques. Un membre de cette secte étrange tente de tuer Nicholas en le poussant devant une rame de métro, mais lorsqu’il échoue, Nicholas le force à le conduire au repère de Phillips, qui s’isole profondément sous terre. Ce qu’il va apprendre dépasse l’entendement.

Meurtres sous contrôle est représentatif de la méthode de travail de Larry Cohen, qui avait avoué lui-même ne pas savoir où l’histoire et ses personnages l’emmenaient lorsqu’il écrivait le film. Il était d’ailleurs le premier surpris à voir le récit bifurquer progressivement dans le genre horrifique et de la science-fiction, ce qui peut se faire ressentir au fur et à mesure. La scène d’exposition de God Told Me To est extraordinaire. Après divers plans qui plantent le décor, les rues agitées de New York, plusieurs passants tombent comme des mouches, après avoir été pris pour cible par un sniper isolé et perché sur un château d’eau avec son fusil à lunette à calibre 22. Cette violence sèche percute d’emblée les spectateurs qui ne s’y attendaient pas forcément, juste après le générique. 15 victimes sont ainsi touchées en un instant. C’est alors que l’inspecteur Peter J. Nicholas fait son apparition et tente d’aller échanger avec ce tueur mystérieux. Le plus étonnant pour Nicholas, c’est que l’arme était ancienne, que le viseur était mal réglé, mais que ses quinze balles tirées ont quand même atteint leurs cibles. Comment le tueur a-t-il pu tirer aussi précisément ? Qui a guidé sa main ? Nicholas, homme très croyant, partagé entre deux femmes, son épouse légitime Martha (Sandy Dennis, vue dans La Fièvre dans le sang – Splendor in the Grass de Elia Kazan et Qui a peur de Virginia Woolf ? – Who’s Afraid of Virginia Woolf ? de Mike Nichols) et sa maîtresse Casey (Deborah Raffin, connue des cinéphiles pour avoir joué dans La Sentinelle des maudits – The Sentinel et Le Justicier de New York – Death Wish 3 de Michael Winner), qui va à la messe et au confessionnal, voit sa foi ébranlée, d’autant plus que d’autres drames du même acabit se multiplient dans la Grosse Pomme, les auteurs des meurtres déclarant eux aussi la même rengaine en se faisait alpaguer, « God Told Me To ». Nicholas continue malgré tout son enquête. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que sa propre existence sera progressivement liée à tous ces phénomènes qui virent au paranormal.

Meurtres sous contrôle est un film comme qui dirait fourre-tout, dans lequel Larry Cohen brasse à la fois un thriller classique, mais de fort bonne facture et nous l’avons dit à la mise en scène magistrale, ainsi qu’un double-récit sur la nature violente de Dieu (Cohen faisait référence aux épisodes meurtriers narrés dans la Bible), sur les rapports entre les hommes et une divinité, sans oublier sur la résultante d’un contact entre les terriens et les extraterrestres. Cela peut faire beaucoup pour un seul et même film, surtout que Larry Cohen n’a jamais été réputé pour sa finesse, mais contre toute attente et même si Meurtre sous contrôle n’échappe pas à une certaine lourdeur dans son dernier acte, God Told Me To est très réussi. Outre la virtuosité de nombreuses séquences susmentionnées, l’interprétation est aussi l’un des gros points forts du film. A ce titre, Tony Lo Bianco (né en 1936) se taille la part du lion dans le rôle Peter Nicholas. Découvert dans Les Tueurs de la lune de miel – The Honeymoon Killers (1970) de Leonard Kastle, le comédien aura ensuite marqué les cinéphiles dans French Connection – The French Connection (1971) de William Friedkin et Police Puissance 7 – The Seven-Ups (1973) de Philip D’Antoni. Dans Meurtres sous contrôle, il trouve ce qui est probablement le rôle de sa vie et s’en acquitte admirablement, en étant à la fois charismatique et talentueux, attachant et ambigu, sensible et impitoyable. La face cachée de son personnage se dévoile petit à petit, jusqu’à la révélation finale, loin de ce qu’on pouvait imaginer, qui pourra entraîner quelques sourires, rires nerveux ou même moqueurs, comme bien souvent chez le scénariste/réalisateur. Mais Larry Cohen reste sur sa ligne directrice et embrasse tout autant son histoire que le destin de son personnage principal à bras le corps, avec sérieux et ambitions, sans jamais omettre l’aspect divertissant de son film.

Bourrée d’inventions, marquée par de multiples fulgurances, Meurtres sous contrôle, récompensé par le Prix spécial du jury au festival international du film fantastique d’Avoriaz en 1977, est une petite pépite complexe, paranoïaque et anxiogène, signée une fois de plus par le spécialiste ès séries B, monsieur Larry Cohen.

LE COMBO BLU-RAY + DVD + LIVRET

Le dernier-né de la collection fantastique/épouvante disponible chez Rimini Editions est arrivé ! Meurtres sous contrôle rejoint ainsi Magic, Mother’s Day, Incubus, Hell Night, Trauma, Mutations, Le Bal de l’horreur, Happy Birthday To Me, Terror Train – Le Monstre du train, Harlequin et Patrick, dont vous pouvez à n’importe quel moment retrouver les chroniques en cliquant sur le lien de votre choix. Les deux disques reposent dans un Digipack à trois volets, le troisième recevant le livret de 20 pages habituel rédigé par Marc Toullec. L’ensemble est glissé dans un fourreau cartonné qui reprend l’un des visuels d’exploitation du film. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur joint un module rétrospectif sur le film, écrit et réalisé par l’excellent journaliste et réalisateur Alexandre Jousse (24’), que l’on salue d’ailleurs au passage. Dieu me l’a ordonné revient habilement sur tous les aspects de Meurtres sous contrôle, à travers un montage soigné et une réalisation dynamique. Les propos sont clairs et précis. Alexandre Jousse explore la filmographie – à la fois comme scénariste et réalisateur, pour le cinéma et la télévision – de Larry Cohen, « maître du cinéma d’exploitation », les thèmes récurrents de son oeuvre, avant d’en venir plus précisément à God Told Me To, « son chef d’oeuvre » pour Alexandre Jousse, dont il explore la genèse, les intentions, les références et les sources d’inspiration, le sujet de l’induction (autrement dit des aliens qui inséminent artificiellement une femme terrienne), le casting du film (on apprend que Robert Forster a été remplacé par Tony Lo Bianco, deux jours après le début des prises de vue), les thèmes, les conditions de tournage (à l’arrache, sans autorisation comme lors de la scène de la parade), les effets spéciaux (avec des stock-shots provenant de la série Cosmos 1999 et même de 2001 l’Odyssée de l’espace !), la musique (Bernard Herrmann, à qui le film est dédié, aurait dû signer la partition), sans oublier l’accueil (plus que mitigé de la part de la critique américaine) de Meurtres sous contrôle. Un segment de haute qualité et exhaustif.

L’éditeur livre ensuite une rencontre avec le réalisateur/scénariste Larry Cohen (20’), invité au cinéma New Beverly de Los Angeles en 2015 à venir parler de Meurtres sous contrôle à l’occasion de sa projection. C’est ici l’occasion pour le cinéaste de revenir sur tous les aspects de ce film « complètement fou », sur le casting (ou comment Robert Forster a été viré au bout de deux jours car il ne voulait pas se débarrasser de son chewing-gum) et le tournage « riche en anecdotes ». L’apparition d’Andy Kaufman avant qu’il soit connu (on vous renvoie à notre chronique consacrée à Man on the Moon de Milos Forman) et que Larry Cohen a infiltré au milieu du défilé de la St Patrick (« Je suis un grand malade » dit-il) où paradaient 5000 vrais policiers, la séquence de la tuerie qui ouvre le film (ou comment demander un fusil aux badauds), l’hommage à Bernard Herrmann (qui devait écrire la musique du film), les effets spéciaux, Larry Cohen aborde ces sujets, tout en égratignant au passage Roger Corman, qui distribuait alors Meurtres sous contrôle, et dont il critique le côté pingre.

En plus de la bande-annonce, les deux suppléments précédents sont disponibles à la fois sur le DVD et le Blu-ray. Mais l’édition HD contient également d’autres bonus, à savoir une autre rencontre avec Larry Cohen au Lincoln Center, en octobre 2002 (8’). Cette intervention, filmée par un spectateur, est forcément légèrement redondante avec la précédente, puisque le réalisateur y aborde une fois de plus les conditions de tournage de Meurtres sous contrôle, qui venait d’être projeté.

Ne manquez pas l’interview de Tony Lo Bianco (11’30), visiblement ravi de revenir sur ce « film décalé, peu commun, inventif et créatif ». Le comédien revient surtout sur sa collaboration avec Larry Cohen, qu’il couvre de louanges et qu’il remercie de lui avoir confié l’un de ses plus grands rôles. La psychologie de son personnage, les conditions de tournage, le casting et d’autres sujets sont au programme.

Le dernier module donne la parole à Steve Neil (9’), responsable des effets spéciaux sur Meurtres sur contrôle. L’artiste évoque son parcours, ses rencontres déterminantes, notamment Rick Baker et bien évidemment Larry Cohen. Steve Neil analyse son travail pour God Told Me To, autrement dit la prothèse vaginale qu’arbore le personnage interprété par Richard Lynch.

L’interactivité se clôt sur cinq spots TV.

L’Image et le son

Meurtres sous contrôle est arrivé en Blu-ray ! Vous vous rendez compte ! Dans un nouveau master Haute Définition qui plus est ! Et la copie est pas mal du tout en plus. Cette galette bleue au format 1080p, présente le film de Larry Cohen dans de superbes conditions, identiques à la restauration 4K réalisée à partir du négatif original et sortie aux Etats-Unis chez Blue Underground. L’image est stable tout du long, les scènes diurnes sont lumineuses et très détaillées, le piqué agréable (mention spéciale aux gros plans) et les couleurs retrouvent une nouvelle fraîcheur. Le grain est respecté, même si la gestion est sensiblement plus instable sur les séquences nocturnes, mais rien de vraiment gênant. Le lifting respecte l’oeuvre originale, les contrastes sont au beau fixe. Bref, c’est du tout bon et on en redemande ! Signalons qu’il s’agit ici de la version intégrale du film et qu’un passage coupé pour l’exploitation de Meurtres sous contrôle en France, passe ici directement en version originale sous-titrée en français. Ce que l’éditeur n’oublie pas d’indiquer en avant-programme. En un mot, il s’agit d’un des plus beaux masters HD disponibles en ce mois de mars 2021.

En ce qui concerne le son, la version originale est disponible en DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0. Oublions le remixage anecdotique puisque les puristes se tourneront immédiatement vers la Stéréo. Cette option acoustique est la plus riche. Les frontales sont vives, les effets annexes concrets, la musique de Frank Cordell (Khartoum, Cromwell) est excellemment restituée et les dialogues solides. Certains voudront privilégier la version française, proposée en DTS-HD Master Audio Stéréo, qui reste efficace et propre, même si les voix tendent cette fois encore à se détacher du reste de façon artificielle. Il serait dommage de se priver de l’excellent doublage qui rajoute toujours un plaisir supplémentaire au film de Larry Cohen.

Crédits images : © Rimini Editions / Blue Underground / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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