Test Blu-ray / Cromwell, réalisé par Ken Hughes

CROMWELL réalisé par Ken Hughes, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 22 septembre 2020 chez Rimini Editions.

Acteurs : Richard Harris, Alec Guinness, Robert Morley, Dorothy Tutin, Frank Finlay, Timothy Dalton…

Scénario : Ken Hughes

Photographie : Geoffrey Unsworth

Musique : Frank Cordell

Durée : 2h20

Date de sortie initiale : 1970

LE FILM

Angleterre, 1640. Oliver Cromwell, membre du Parlement, s’inquiète des injustices commises sous le règne du roi Charles 1er. Tandis que le peuple gronde, le roi refuse de partager son pouvoir avec le Parlement. Une guerre civile éclate, opposant les troupes de Cromwell à celles du roi.

Nous n’aurons pas la prétention de pointer les erreurs historiques, les anachronismes et les libertés prises par le réalisateur Ken Hughes présents dans son film, puisque personnellement nous ne connaissions ni le personnage Oliver Cromwell (1599-1658), ni le contexte social et politique, ni le pourquoi de cette guerre civile. A moins d’être un britannique pur et dur, il est certain que la plupart des spectateurs se trouveront dans le même cas. Toujours est-il que Cromwell est un immense divertissement, absolument passionnant, clair pour les non-initiés (c’est-à-dire pour tout le monde ou presque), qui vaut évidemment avant tout pour la confrontation de deux monstres du cinéma anglais, Richard Harris dans le rôle-titre face à Alec Guinness dans celui de Charles 1er. Considéré comme étant l’un des films historiques les plus exceptionnels des années 1970, Cromwell aura connu une très longue gestation de près de dix ans pour Ken Hughes (1922-2001), véritablement passionné par son sujet – même si le film fait volontairement l’impasse sur le caractère tyrannique du personnage (responsable d’un vrai génocide en Irlande) qui restera l’un des plus controversés de l’histoire des îles Britanniques – et qui n’aura eu de cesse d’approfondir ses recherches pour coller au plus près des faits, avant de s’embarquer dans un tournage qui s’étalera sur près d’une année. Si les experts dénonceront les raccourcis ou les trahisons, le spectateur lui n’est pas perdant dans cette affaire puisque Cromwell demeure un très grand moment de cinéma, qui allie scènes d’action épiques et conspiration politique.

En 1640 Oliver Cromwell, un Puritain membre du Parlement, s’inquiète des injustices commises sous le règne de Charles Ier et craint que la reine Henriette Marie, une Catholique, ne pousse son mari à modifier les rites de l’Église d’Angleterre. Après que Charles Ier a envoyé ses troupes à l’intérieur du parlement pour en prendre le contrôle, Cromwell et ses amis l’accusent de trahison. Une guerre civile éclate entre les Têtes rondes, partisans du Parlement, et les Cavaliers, partisans du roi. Après la bataille de Edgehill, perdue par les Têtes Rondes, Cromwell décide d’entraîner des troupes, qui gagnent la bataille de Naseby en 1645. La reine et le Prince de Galles s’enfuient en France, tandis que Charles Ier cherche des appuis militaires auprès des Irlandais, des Ecossais et des Français, avec le soutien du Vatican. Dénoncé, il est pris et jugé devant le Parlement.

2h20 de très grand spectacle. C’est ainsi que l’on pourrait d’emblée résumer Cromwell, récompensé en 1971 par l’Oscar des meilleurs costumes, film également nommé aux BAFTA et aux Golden Globes. C’est un peu le projet d’une vie ou du moins le plus ambitieux du metteur en scène du très célèbre Chitty Chitty Bang Bang (1968). Ken Hughes est d’ailleurs à la hauteur de son projet car Cromwell en met plein la vue avec déjà une utilisation virtuose du cadre large qui capture les plaines étendues où se déroulent les batailles diverses et autres affrontements. Ensuite, le réalisateur pose les bases de son personnage principal, que l’on présente comme un châtelain, un propriétaire, un exploitant vivant désormais dans quelques coins reculés de l’Angleterre vers Cambridge, en rejetant la façon dont est géré le pays. Celui qui a défendu les droits des gens du peuple semble désormais se mettre à l’écart et d’ailleurs prêt à partir habiter en Amérique. Où est passé l’homme qui se battait pour la liberté du peuple ? Cromwell tacle ouvertement le roi Charles 1er qui surtaxe les riches et vole les pauvres, afin d’entretenir sa Cour et son épouse catholique Henriette-Marie de France. De plus, le roi dissout le Parlement, les écossais armés arrivent à la frontière et risquent de les envahir, le pays est en ébullition. Maudit soit ce roi déclare alors Cromwell et c’est parti pour plus de deux heures de retournements de situations, de combats acharnés et de joutes verbales percutantes.

Juste après Un homme nommé Cheval A man called horse d’Elliot Silverstein et avant Le Convoi sauvageMan in the Wilderness de Richard C. Sarafian, Richard Harris s’impose sans mal dans la peau de Cromwell, sanguin, mais réfléchi, qui souhaite avec ses camarades que le pouvoir revienne au Parlement et que l’on réforme les abus qui depuis douze ans pèsent sur le pays. Pour cela, il faudrait que la Couronne renonce à toute autorité sur le Parlement, ce qui permettrait au roi d’obtenir l’argent nécessaire pour lever une armée, afin de défendre l’Angleterre contre les écossais. Cromwell met en avant le fait que Charles 1er est manipulé par Comte de Strafford, l’un de ses plus proches conseillers. Il sera d’ailleurs condamné à mort par le Parlement et la sentence signée par le roi lui-même. Cromwell mène donc plusieurs fronts, puisqu’il voudrait aussi que l’église catholique disparaisse. Tour à tour l’ennemi de la Couronne, puis stratège, puis meneur et commandant en chef de l’armée, Cromwell est un personnage romanesque et Ken Hughes ne s’est pas trompé sur ce point. Face à Richard Harris, il fallait une pointure. Et qui de mieux que Sir Alec Guinness pouvait le mieux interpréter Charles 1er ? Le comédien caméléon affuble son personnage d’un léger bégaiement (emprunté au père du vrai Charles 1er dit-on) et campe un roi têtu comme un enfant, mal conseillé, pour ne pas dire manoeuvré par son épouse, qui ne peut cacher sa haute estime pour Cromwell, mais qui demeure tout de même son plus redoutable adversaire. Leur face-à-face est le moment le plus attendu du film et le jeu des deux comédiens est à couper le souffle.

Il n’est pas exagéré de déclarer que Ken Hughes signe ici le film de sa vie, celui pour lequel il s’est battu de très nombreuses années et qu’il a porté à bout de bras du début à la fin. Avec sa fabuleuse direction artistique, ses décors naturels impressionnants, ses costumes soignés, sa sublime photographie que l’on doit à l’un des plus grands chefs opérateurs de tous les temps Geoffrey Unsworth (2001, l’Odyssée de l’espace, Superman, Cabaret), sans parler de l’ensemble du casting également composé de l’imposant Robert Morley et d’un certain Timothy Dalton, qui faisait ses débuts devant la caméra dans le rôle de l’arrogant Prince Rupert du Rhin, Cromwell n’a pas usurpé sa réputation et reste un immense film de guerre et historique, émouvant, palpitant et ambitieux.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

Jusqu’à présent, Cromwell existait en édition Standard, un DVD sorti en 2005 chez Sony Pictures. Complètement oublié, le film de Ken Hughes réapparaît dans les bacs sous les couleurs de Rimini Editions, qui à cette occasion propose un superbe combo Blu-ray + DVD. L’objet se présente sous la forme d’un Digipack à trois volet, deux pour les disques et un autre qui renferme un livret de 24 pages intitulé Un homme nommé Cromwell. Le Digipack est glissé dans un fourreau cartonné, qui fait la part belle à Richard Harris, prêt à en découdre sur son cheval. Le menu principal est animé et musical.

Tout d’abord, saluons une fois de plus la qualité du livret que nous propose l’éditeur, en partenariat avec La Plume et écrit par Jean-François Baillon, Professeur des Universités, spécialisé dans la civilisation britannique. Un bonus à part entière, remplit d’informations sur le film de Ken Hughes, sur les évènements historiques, sur le casting, sur le tournage, sur la représentation de la guerre civile britannique au cinéma, le tout étant impeccablement illustré.

Ensuite, si comme nous vous avez adoré Cromwell, n’hésitez surtout pas à écouter la présentation du personnage historique et l’analyse du film de Bertrand Cottret (22’), historien, angliciste et auteur de Cromwell (Editions Fayard, 1992, récompensé par la médaille d’argent du Prix d’histoire Monseigneur-Marcel), malheureusement décédé en juillet 2020. Spécialiste d’histoire moderne, notamment de l’Angleterre et de la Réforme protestante, ancien professeur de civilisation britannique à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Bertrand Cottret revient en long en large sur Oliver ou Olivier Cromwell (1599-1658), militaire et homme politique anglais, resté dans les mémoires pour avoir pris part à l’établissement d’un Commonwealth républicain d’Angleterre (ainsi qu’en Irlande et en Écosse), puis pour en être devenu le lord-protecteur. L’invité de Rimini Editions explique pourquoi il a longtemps étudié et travaillé sur ce personnage (« qu’est ce qui fait qu’un individu devient un homme providentiel ? »), avant de mettre en avant les étapes de la carrière politique et militaire de Cromwell. Puis, Bertrand Cottret explique les erreurs historiques du film de Ken Hughes, les libertés prises avec l’Histoire, puisque Cromwell était tout sauf un défenseur de la démocratie comme il est dépeint dans le long métrage ! Cela n’empêche pas l’historien de trouver Richard Harris et Sir Alec Guinness « absolument remarquables ».

L’Image et le son

En avant-programme, l’éditeur joint un panneau indiquant que le master HD de Cromwell présente quelques défauts générés lors de la masterisation réalisée par la société détentrice des droits du film. Si on dénote effectivement diverses poussières et rayures verticales (dont une persistante pendant quelques secondes), quelques fourmillements, une gestion parfois déséquilibrée des contrastes (avec des noirs bouchés) et un grain très épais durant le générique, ce Blu-ray s’en sort pourtant très bien et avec élégance, même si certains trouveront que la texture argentique a sans doute été trop lissée par la suite. La sublime photographie de Geoffrey Unsworth a souvent donné du fil à retordre avec ses partis pris parfois éthérés, mais force est de constater que les couleurs sont ici chatoyantes et retrouvent même un certain éclat. Le cadre large regorge de détails, la matière des costumes est palpable et le piqué, certes aléatoire, est globalement aiguisé. Si effectivement la restauration semble avoir quelques heures de vol, cette édition HD (au format 1080p) de Cromwell est une belle réussite et dans l’ensemble très propre. Signalons aussi que Cromwell apparaît pour la première fois au monde en Blu-ray et que le master présente des credits dans la langue de Molière !

Passons rapidement sur la version française, qui propose un doublage soigné (William Sabatier pour Richard Harris, Gabriel Cattand pour Sir Alec Guinness, Bernard Murat pour Timothy Dalton), mais se focalise trop sur le report des voix, à la limite de la saturation sur quelques séquences, souvent au détriment des effets annexes. La piste anglaise s’en sort mieux, s’avère plus équilibrée et dynamique, avec des dialogues fins et une restitution percutante du score de Frank Cordell. Les sous-titres français ne sont pas imposés et le changement de langue est non verrouillé à la volée. Les deux pistes sont au format DTS-HD Master Audio 2.0.

Crédits images : © Rimini Editions / Columbia Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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