Test Blu-ray / Les Nouvelles Aventures de Cendrillon, réalisé par Lionel Steketee

LES NOUVELLES AVENTURES DE CENDRILLON réalisé par Lionel Steketee, disponible en DVD et Blu-ray chez Pathé le 21 février 2018

Avec :  Marilou Berry, Arnaud Ducret, Josiane Balasko, Didier Bourdon, Vincent Desagnat, Jérôme Commandeur, Joséphine Draï, Camille Verschuere…

Scénario : Daive Cohen

Photographie : Stéphane Le Parc

Musique : Maxime DesprezMichaël Tordjman

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

C’est l’anniversaire de Julie mais elle semble être la seule à s’en souvenir… Jusqu’à ce que Marco, l’homme qu’elle aime secrètement, l’appelle et lui annonce qu’il va passer chez elle pour lui déposer son fils car la baby-sitter a eu un contretemps. Julie est effondrée, tout le monde la considère comme une boniche. Seule avec ce petit garçon, particulièrement odieux, Julie décide de lui raconter l’histoire de Cendrillon… enfin presque.

Il fallait s’y attendre. Ou pas. Le triomphe des Nouvelles Aventures d’Aladin (4,5 millions d’entrées) a donné quelques idées aux producteurs, dont celle d’étendre cet « univers » à l’instar du Marvel Cinematic Universe aux Etats-Unis ! Ouais, bon, on ne sait pas si le concept ira bien loin, toujours est-il que Les Nouvelles Aventures de Cendrillon ont donc vu le jour immédiatement après. S’il n’a pas connu le même destin dans les salles avec un peu plus de 800.000 entrées, cette nouvelle relecture du conte de Charles Perrault est contre toute attente plus amusant que le truc doré avec Kev Adams.

Tout d’abord, la mise en scène de Lionel Steketee, ancien premier assistant sur de grosses productions comme Le Pacte des loups, Hôtel Rwanda, Perdus dans l’espace, Lucky Luke et Fatal, puis coréalisateur à succès de Case départ et Le Crocodile du Botswanga est bien plus agitée et efficace que celle d’Arthur Benzaquen pour Les Nouvelles Aventures d’Aladin. Le cinéaste fait fi d’un budget somme toute plus modeste, mais parvient à insuffler un rythme à sa comédie du début à la fin. Pas étonnant que la production l’ait rappelé pour cette fois mettre en scène la suite des aventures d’Aladin, intitulée Alad’2.

Autre point positif de cette mouture, les seconds rôles. Si Marilou Berry est la tête d’affiche du film, son jeu hystérique, son non-jeu diront certains avec raison, a de quoi taper sur les nerfs. Non, l’actrice n’a pas plus d’humour aujourd’hui que quand elle était en surpoids. Un régime draconien n’a jamais apporté du talent en retour. Ok pour la partie Cendrillon en souillon mais alors non en Cendrillon princesse. Heureusement, elle est très bien épaulée par sa mère, Josiane Balasko, géniale marâtre qui s’en donne à coeur joie dans la méchanceté et l’hypocrisie (et qui fait un petit clin d’oeil à la troupe du Splendid), Arnaud Ducret joue un prince Marco foncièrement abruti et porté sur les grosses poitrines, Didier Bourdon excelle dans le rôle du roi libidineux, toujours prêt à raconter ses anciennes prouesses sexuelles à son fils. Egalement au générique, Vincent Desagnant est le prince Gilbert, frère aîné du prince Marco, qui rêve de devenir bouffon et de ce fait enchaîne les vannes pourries avec innocence et décontraction. Ajoutez au générique un Jérôme Commandeur qui semble être le seul à avoir la tête sur les épaules et qui en tant que duc, tente de maintenir l’équilibre fragile du royaume. Une comédie chorale qui ne repose pas uniquement sur son personnage principal. C’est déjà ça de pris.

En revanche, gros point négatif pour sa représentation de la bonne fée représentée par un personnage gay (Andy Cocq, toujours dans le même rôle) qui vit dans le Marais, comprenez donc le marais comme Shrek, dont l’humour particulièrement douteux laisse à désirer.

Dire que l’histoire de Cendrillon est dépoussiérée est un euphémisme. Les grandes lignes sont toutefois respectées, les décors (dont le magnifique château de Pierrefonds) et les costumes plutôt soignés et le scénariste Daive Cohen, également l’auteur des Nouvelles Aventures d’Aladin (un clin d’oeil est d’ailleurs fait au film), paraît plus libre de faire des blagues – disons le mot – de cul avec un côté plus décalé qui fait parfois mouche. Certes, Les Nouvelles Aventures de Cendrillon ne renouvelle rien, il n’en a pas la prétention, mais l’humour y est bon enfant, tout comme les anachronismes et les comédiens ont l’air de s’amuser. Si le score du film au box-office n’a pas été si déshonorant, on ne sait pas si cet « univers étendu » passera un nouveau conte à la moulinette. Tout dépendra de l’accueil d’Alad’2.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray des Nouvelles Aventures de Cendrillon, disponible chez Pathé, repose dans un boîtier classique de couleur bleue. La jaquette reprend le même visuel coloré que l’affiche du film. Le menu principal est dynamique et lumineux, animé et musical.

En ce qui concerne les suppléments, l’éditeur propose tout d’abord un minuscule bêtisier d’une minute. Certaines mauvaises langues diront qu’on y rit plus que sur le film en entier.

Une featurette d’une minute compile les propos du réalisateur Lionel Steketee, des comédiens Marilou Berry, Josiane Balasko et Arnaud Ducret sur les personnages.

Le making of de 19 minutes remplit son contrat, à savoir dévoiler l’envers du décor avec des images de tournage, des répétitions et des interviews de l’équipe.

L’Image et le son

Ce transfert HD (1080p, AVC) est superbe. L’univers coloré est bien retranscrit avec une prédominance de couleurs chaudes, vives et pétillantes, les contrastes sont au beau fixe, la profondeur de champ abyssale et le piqué agréable. Ce master s’avère un bel objet, le relief est omniprésent, les détails foisonnants, les séquences en extérieur sont magnifiques et étincelantes.

La piste DTS-HD Master Audio 5.1 distille les voix des comédiens avec un beau ramdam, tandis que les latérales ont fort à faire avec la bande-originale. Une spatialisation suffisamment immersive avec un caisson de basses qui délivre ses effets avec efficacité et des ambiances solides sur les frontales. La piste Stéréo est tout aussi pointilleuse en ce qui concerne la restitution des dialogues. Une version Audiovision ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : © 2017 74 FILMS – PATHE FILMS – TF1 FILMS PRODUCTION / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Les Sorcières du bord du lac, réalisé par Tonino Cervi

LES SORCIÈRES DU BORD DU LAC (Le Regine) réalisé par Tonino Cervi, disponible en DVD aux Editions Montparnasse le 3 janvier 2018

Avec :  Silvia Monti, Ray Lovelock, Ida Galli, Haydée Politoff, Gianni Santuccio, Guido Alberti…

Scénario : Tonino Cervi, Benedetto Benedetti

Photographie : Sergio D’Offizi

Musique : Angelo Francesco Lavagnino

Durée : 1h22

Date de sortie initiale : 1970

LE FILM

Les Sorcières du bord du lac, également connu sous le titre Les Sorcières, ou bien encore Adorables et atroces créatures, Queens of Evil pour son titre international et Le Regine et/ou Il Delitto del Diavolo en version originale, est un pur film d’exploitation transalpin, une série B réalisée par Antonio Cervi aka Tonino Cervi. Né en 1929 et mort en 2002, fils de l’acteur Gino Cervi (Peppone dans la saga don Camillo) et père de la sublime Valentina Cervi (Portrait de femme, Rien sur Robert), le cinéaste et scénariste reste peu connu en France, mais Les Sorcières du bord du lac (1970), mis en scène deux ans après son premier coup d’essai Cinq gâchettes d’or (coécrit par Dario Argento), demeure son film le plus célèbre. Considéré comme la version « adulte » du conte Hansel et Gretel, ce petit film surfe alors sur le succès du cinéma de genre qui remplit les salles et le tiroir-caisse des producteurs. Une vraie curiosité.

David (Ray Lovelock) est un hippie se réclamant libre et indépendant dans une société mercantile qui ne respecte plus ses propres valeurs. Afin de ne pas s’enraciner, il a pris pour habitude de voyager sans véritable but, sur sa moto, à travers tout le pays. Une nuit, il s’arrête afin de porter secours à ce qui s’avère être un riche homme d’affaires (Gianni Santuccio). Ce dernier, même s’il accepte son aide, lui fait la morale à propos de convictions dénuées de propositions et d’alternatives sociétales, qu’il juge somme toute immatures. Après que sa roue ait été changée, l’homme repart. A ce moment-là, David s’aperçoit que son pneu a été crevé. Son sang ne fait qu’un tour, il répare sa bécane pour rattraper l’homme. Arrivé à sa hauteur, l’homme, dans un moment d’inattention, s’écrase contre un arbre et meurt sous les yeux de David. Ce dernier prend peur et s’enfuit immédiatement. Plus loin, un barrage de police l’oblige à prendre un chemin à travers les bois. Il arrive devant une étrange cahute et se réfugie dans une grange. Le lendemain, il se réveille et rencontre les propriétaires de cette habitation. Trois sœurs, Bibiana (Ida Galli), Liv (Haydée Politoff) et Samantha (Silvia Monti) l’accueillent chaleureusement. David se retrouve petit à petit hypnotisé par ces trois séduisantes jeunes femmes, pour lesquelles il éprouve une attirance physique. Voulant néanmoins retrouver la route et sa liberté, David va avoir de plus en plus de mal à se détacher de ses trois hôtesses. Un soir, le riche propriétaire d’un château caché au fond des bois, organise une fête.

Les Sorcières du bord du lac joue sur l’attente et parvient à créer un étrange suspense. Si le titre dévoile immédiatement le pot aux roses, il faudra attendre la dernière bobine pour que les trois sœurs passent à l’action et dévoilent réellement leur véritable nature. Tonino Cervi est malin et économise ses cartouches en instaurant une ambiance étrange et éthérée, en privilégiant les séquences oniriques. Le metteur en scène joue sur l’étrangeté et le décalage des décors comme cette cabane banale en extérieur, qui renferme en réalité un intérieur ultra-moderne et cosy. Comme David, le spectateur tombe également sous le charme des trois hôtesses interprétées par Silvia Monti (Le Cerveau, Journée noire pour un bélier), Ida Galli (Le Guépard, Le Jardin des délices, Le Corps et le Fouet) et la française Haydee Politoff (La Collectionneuse, L’Amour l’après-midi). Les trois comédiennes s’amusent à jouer les nymphes fatales.

Malgré des baisses de rythme, Les Sorcières du bord du lac possède encore un charme fou, ne manque pas d’originalité (tout comme de petites séquences érotiques soft), laisse passer son message (rejet des vieilles mœurs, touche de féminisme) et a tout pour plaire aux amateurs de cinéma Bis.

LE DVD

Le DVD des Sorcières du bord du lac, disponible aux Editions Montparnasse, repose dans un superbe slim Digipack au visuel très attractif. Le menu principal est animé et musical.

Une galerie de photos (de tournage et d’exploitation) est disponible en guise de supplément.

L’Image et le son

C’est une surprise, Les Sorcières du bord du lac débarque dans les bacs en France sous l’égide des Editions Montparnasse. Le master proposé est élégant et très bien restauré. La propreté est indéniable, tout comme la stabilité. Le grain original ainsi que le format respecté 1.85 (16/9) créent un confort de visionnage évident, les couleurs ne manquent pas de classe, la gestion des contrastes est solide. La copie trouve un équilibre jamais pris en défaut et la clarté est de mise sur les séquences en extérieur. Si l’on excepte les visages un peu rosés des comédiens, les partis pris esthétiques de la photographie légèrement ouatée du chef opérateur Sergio D’Offizi (Cannibal Holocaust, La Longue nuit de l’exorcisme) sont savamment conservés et trouvent ici un très joli écrin.

Les Editions Montparnasse présente Les Sorcières du bord du lac en version originale aux sous-titres français imposés et placés trop haut sur l’image, ainsi qu’en version française. Pour les deux pistes, le confort acoustique est suffisant et propre. Cependant, la version originale l’emporte du point de vue délivrance des dialogues, effets annexes et surtout sur la restitution de la musique d’Angelo Francesco Lavagnino. Le doublage français s’accompagne d’un souffle chronique.

Crédits images : © Editions Montparnasse / DFL.DVD /  Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Oies sauvages, réalisé par Andrew V. McLaglen

LES OIES SAUVAGES (The Wild Geese) réalisé par Andrew V. McLaglen, disponible en DVD et Blu-ray chez Movinside le 10 octobre 2017

Avec :  Richard Burton, Roger Moore, Richard Harris, Hardy Krüger, Stewart Granger, Winston Ntshona, John Kani, Jack Watson, Frank Finlay…

Scénario : Reginald Rose d’après le roman de Daniel Carney

Photographie : Jack Hildyard

Musique : Roy Budd

Durée : 2h14

Date de sortie initiale : 1978

LE FILM

En Afrique du Sud, à la suite d’un coup d’état, le président Limbani est capturé par son rival, Ndofa. Sir Edward Matherson, un banquier londonien dont les intérêts financiers sont menacés, charge le colonel Faulkner d’aller délivrer Limbani. Faulkner s’adjoint deux amis, Shawn Fynn et Rafer Janders, et recrute une cinquantaine de mercenaires. L’opération est un succès. Limbani est libéré. Il ne reste plus qu’à le faire monter à bord d’un avion à destination de l’Europe. Mais, très vite, les choses se gâtent…

Si son nom n’est pas vraiment connu du grand public, le réalisateur anglo-américain Andrew V. McLaglen (1920-2014) a pourtant signé quelques pépites et classiques très prisés par les cinéphiles. Fils de Victor McLaglen, ancien boxeur poids lourd devenu comédien, Oscar du meilleur acteur pour Le Boxeur, chef d’oeuvre de John Ford dont il devient très proche, Andrew V. McLagen accompagne souvent son père sur les plateaux de cinéma et contracte très vite le virus du 7e art. Il grandit en côtoyant et en admirant John Ford et John Wayne, et décide très vite de devenir metteur en scène. Il est tout d’abord assistant-réalisateur, y compris sur L’Homme tranquille (1952) et passe enfin à la réalisation avec son premier long métrage, Légitime défenseGun the Man Down (1956), un western où il dirige James Arness et Angie Dickinson. Les séries télévisées Perry Mason et surtout Rawhide lui permettent de se perfectionner et de peaufiner son style. Il signe son retour au cinéma en 1963 avec le célèbre Le Grand McLintock avec John Wayne, Maureen O’Hara et Yvonne De Carlo. La consécration publique vient réellement en 1965 avec Les Prairies de l’honneurShenandoah et ce en dépit de critiques virulentes venues de la presse qui déclarent notamment que le réalisateur plagie le style de son modèle John Ford. Cela n’empêche pas le film d’être un grand succès (mérité), mais aussi de marquer le début d’une grande amitié et d’une collaboration fructueuse entre Andrew V. McLagen et le comédien James Stewart.

Dans les années 1970, le cinéaste persiste et signe dans le western avec Chisum, Le Dernier train pour Frisco, Rio Verde, Les Cordes de la potence et La Loi de la haine. Il se voit alors proposer Les Oies sauvagesThe Wild Geese, adapté de l’oeuvre de Daniel Carney par Reginald Rose, l’auteur de Douze hommes en colère, mais également scénariste de L’Homme de l’Ouest d’Anthony Mann en 1958. L’histoire est alors prétexte pour réunir quelques grands noms du cinéma pour un film d’aventures qui allait devenir alors une référence.

Le Colonel vétéran Allen Faulkner (Richard Burton), un mercenaire britannique, est embauché par Sir Edward Matherson (Stewart Granger) avec pour mission d’aller en Afrique centrale (dans un pays fictif proche du Burundi) libérer Julius Limbani, un homme censé pouvoir relever son pays. Faulkner recrute alors cinquante mercenaires, les « Oies sauvages », pour mener à bien sa mission. Parmi ces mercenaires : le pilote Shaun Fynn (Roger Moore), le Sud-Africain Pieter Coetzee (Hardy Krüger), et Rafer Janders (Richard Harris) un vieil ami de Faulkner qui prépare la mission. Avec l’accord tacite du gouvernement britannique, les mercenaires sont d’abord envoyés au Swaziland pour s’y entraîner. Ils se rendent ensuite dans leur pays de destination. Là, les Oies sauvages s’infiltrent dans la prison du Zembala et libèrent Limbani. Ils doivent ensuite s’emparer d’un aéroport pour rentrer à Londres. Pendant ce temps en Angleterre, Sir Edward Matherson négocie avec le gouvernement du Zembala et trahit les mercenaires. Ainsi l’avion qui devait les prendre est rappelé à la dernière minute, laissant les Oies sauvages seuls au milieu d’un territoire hostile.

Imaginez cette affiche ! Roger Moore cigare au bec, Richard Harris semblant crier Taïaut !, Hardy Krüger en pleine réflexion et Richard Burton prêt à défourailler ! Le quatuor star – sans compter leurs fabuleux partenaires – entouré d’explosions, de parachutistes et d’avion en fâcheuse posture ! Les aventures de ces Expendables des années 1970 restent encore jubilatoires quarante ans après. Assisté à la mise en scène par le monteur John Glen (réalisateur de cinq formidables James Bond dans les années 1980), Andrew V. McLagen signe un très bon film de guerre et d’action. Mené tambour battant durant plus de deux heures, interprété par des comédiens visiblement heureux de se donner la réplique qui ne manque pas de punchlines, Les Oies sauvages fait partie de ces films que l’on a plaisir à revoir.

S’il est évident que cette production n’est ni plus ni moins qu’une grosse série B de luxe, le casting phénoménal apporte toute la crédibilité nécessaire pour pardonner le caractère nawak de certaines séquences. Mention spéciale à Roger Moore qui campe tout de même un personnage plus « sérieux » et sombre que son James Bond plus pince-sans-rire et à qui le style sied à ravir. On en vient presque à regretter qu’il n’ait pas plus abordé cette face cachée pour l’agent 007. Roger Moore retrouvera le cinéaste pour le génial Les Loups de haute mer et Le Commando de Sa Majesté, tous deux sortis en 1980. L’alchimie avec ses partenaires est évidente, les paysages sont superbes, le récit rondement mené, les scènes d’action musclées, l’émotion et l’humour jamais oubliés, la chanson de Joan Armatrading et la musique de Roy Budd sont entêtantes, bref, Les Oies sauvages, très grand succès commercial de l’année 1978, reste un film culte au charme intact et toujours aussi divertissant. Ce ne sera pas le cas des Oies sauvages 2 réalisé sept ans plus tard, désastre artistique, mais c’est une autre histoire.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray des Oies sauvages, disponible chez Movinside, repose dans un élégant boîtier classique de couleur noire. Visuel très beau et attractif reprenant celui de l’affiche originale. Le menu principal est animé sur la chanson du film. Le film d’Andrew V. McLaglen était déjà sorti en Blu-ray chez Filmedia. Malheureusement, l’édition Movinside n’a pas repris l’intégralité des suppléments. Manquent à l’appel le commentaire audio d’Euan Lloyd, John Glen et Roger Moore, ainsi que le documentaire sur le producteur Euan Lloyd.

Nous retrouvons en revanche le documentaire d’époque (24’30), qui donne un bel aperçu du plateau, de l’ambiance et des conditions de tournage en Afrique (avec 300 techniciens et comédiens) et le travail du réalisateur avec les comédiens. Quelques propos du producteur Euan Lloyd et de Roger Moore (qui fêtait ses 50 ans avec l’équipe) s’entrecroisent avec des images filmées entre les prises.

S’ensuit un petit reportage sur la Première du film au cinéma de Leicester Square de Londres. Le gratin mondain et de têtes couronnées déambule sur le tapis rouge, tandis qu’une voix annonce les nouveaux arrivants. Le tout organisé au profit d’une association d’aide pour les enfants handicapés. Après la projection, tout ce beau monde (ou presque) se retrouve dans un grand hôtel de la ville pour s’empiffrer, boire comme des trous et danser en chemise à col pelle à tarte (7’).

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Il semble que ce master soit le même que celui précédemment sorti chez Filmedia. Le titre indique que la copie provient d’une source allemande. Points positifs : la propreté est de mise, les couleurs sont plutôt belles et chaudes, l’image stable et la clarté éloquente sur toutes les séquences africaines. Points négatifs : le DNR est encore passé par là et le grain original est bien trop lissé à notre goût. Résultat, les visages manquent de naturel et d’aspérité, les détails sont pauvres.

Point de Haute-Définition pour le son avec deux mixages LPCM 2.0 anglais et français. Si la version originale est bien supérieure, la piste française convoque des géants du doublage avec Jean-Claude Michel pour Richard Burton, Claude Bertrand pour Roger Moore, William Sabatier pour Richard Harris et Marc Cassot pour Hardy Krüger. Dans les deux cas, le confort est assuré, mais sans esbroufe, ce qui est dommage pour les scènes d’action.

Crédits images : © Victory Films MMV. All Rights reserved / Movinside /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Espions sur la Tamise, réalisé par Fritz Lang

ESPIONS SUR LA TAMISE (Ministry of Fear) réalisé par Fritz Lang, disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Eléphant Films le 6 février 2018

Avec :  Ray Milland, Marjorie Reynolds, Carl Esmond, Hillary Brooke, Percy Waram, Dan Duryea…

Scénario : Seton I. Miller d’après le roman de Graham Greene

Photographie : Henry Sharp

Musique : Victor Young

Durée : 1h27

Date de sortie initiale : 1944

LE FILM

Londres, Deuxième Guerre mondiale. Stephen Neale sort d’un hôpital psychiatrique. Pour se persuader qu’il n’est pas fou et forcer son destin à s’éclaircir, il décide de se distraire dans une fête foraine. Il y gagne un gâteau dans lequel se cache un microfilm qui ne lui était pourtant pas destiné et que des agents secrets nazis vont tenter de récupérer par tous les moyens…

Grand amateur du travail de Sigmund Freud, Fritz Lang n’aura de cesse au cours de sa longue et prolifique carrière, de se pencher sur la question du meurtre, des assassins, de la culpabilité. En 1933, Joseph Goebbels propose au cinéaste le poste de directeur du département cinématographique de son ministère, celui de la propagande. Fritz Lang refuse. La légende dit que le réalisateur aurait déclaré à Goebbels que sa mère était juive. Il s’enfuit en France avant de s’installer aux Etats-Unis. Furie, son premier film américain et réquisitoire contre le lynchage, montre l’engagement du réalisateur. Suivront J’ai le droit de vivre (1937), Casier judiciaire (1938), Le Retour de Frank James (1940), Les Pionniers de la Western Union (1941) puis Chasse à l’homme la même année. Avec ce film, Fritz Lang entame une tétralogie antinazie avec Les Bourreaux meurent aussi, Espion sur la Tamise (1944) et Cape et Poignard (1946).

Après Chasse à l’homme, la carrière américaine de Fritz Lang patine et ses projets n’aboutissent pas. Le cinéaste milite pour aider ses compatriotes intellectuels à venir se réfugier aux Etats-Unis. Au même moment, Reinherd Heydrich, protecteur adjoint du Reich en Bohême-Moravie, adjoint d’Himmler, surnommé “le Bourreau”, meurt dans un attentat organisé par la résistance tchèque le 4 juin 1942. Fritz Lang décide d’en faire le sujet de son prochain film et de rendre ainsi un vibrant hommage à la résistance. Les Bourreaux meurent aussiHangmen Also Die!, longtemps envisagé sous le titre Never Surrender ou tout simplement No Surrender (repris dans la dernière séquence du film avec le célèbre “NOT THE END” dans le montage intégral) est réalisé en 1943 sur un scénario écrit par John Wexley et surtout l’immense dramaturge Bertolt Brecht, également allemand exilé aux Etats-Unis, dont il s’agit de l’unique collaboration avec Hollywood. Toutefois, il n’est pas mentionné en tant que scénariste au générique suite à une décision du syndicat des scénaristes américains.

Compromis entre réalité historique et divertissement hollywoodien, le film de Fritz Lang traite de la traque de l’assassin de Reinhard Heydrich sous forme d’une fiction prétexte à mettre en valeur le courage de chaque homme, femme et enfant, tous unis contre le Troisième Reich. Fritz Lang instaure une atmosphère oppressante, où la résistance s’organise à chaque coin de rue. Une œuvre captivante et formidable, noire et âpre, au suspense haletant, à la frontière de l’expressionnisme et du cinéma hollywoodien classique, mais profondément européenne dans l’âme.

En revanche, Espions sur la TamiseMinistry of Fear, connu également sous le titre français Le Ministère de la peur, troisième volet de cette tétralogie consacrée à la lutte contre le nazisme, apparaît comme étant le plus anecdotique. Pur film de commande, thriller d’espionnage, Fritz Lang n’a aucun droit de regard sur le scénario, ni sur le casting concernant cette adaptation du roman de Graham Greene, par le scénariste (et producteur) Seton I. Miller (L’Insoumise, Scarface, Le Cygne noir). Malgré tout, le film demeure solidement réalisé, très bien interprété et excellemment photographié.

Durant la Seconde Guerre mondiale, à Londres, Stephen Neale est relâché après un séjour de deux ans en hôpital psychiatrique, après avoir aidé son épouse malade à mourir sans souffrance. De retour à la vie normale, et désireux de goûter aux joies simples de la vie, il se laisse attirer par le charme et l’ambiance d’une fête foraine. Après y avoir rencontré une voyante, il joue et remporte un beau gâteau. Ce dont il ne se doute pas, c’est qu’il n’aurait jamais dû accepter l’innocente pâtisserie qui renferme, en fait, un microfilm destiné à des espions nazis. S’ensuit alors une course-poursuite engagée par les agents secrets du Reich pour retrouver les compromettants et précieux documents ainsi que son infortuné propriétaire.

Durant 1h30, on sent que le cinéaste n’est guère intéressé par ce qu’il filme, ce qu’il avouera publiquement des années plus tard. Rien n’est vraisemblable et Fritz Lang ne le cache pas. De ce fait, en grand professionnel, le réalisateur allemand ne s’embarrasse pas de psychologie et privilégie l’action, les rebondissements, l’histoire d’amour et l’aventure. Sans temps mort, on suit donc les comédiens Ray Milland et Marjorie Reynolds, pourchassés par les nazis dont ils vont remonter le réseau. Avec ce personnage ordinaire plongé malgré lui dans une histoire extraordinaire, l’ombre d’Alfred Hitchcock plane sur Espions sur la Tamise, parfois proche des 39 marches et de Correspondant 17. Mais contrairement au maître britannique et en dépit de l’investissement de Ray Milland, on ne croît guère aux quiproquos rocambolesques qui ponctuent la trajectoire de Stephen Neale dès sa sortie de l’institut psychiatrique. Les séquences de la kermesse et du voyage en train sont superbes et indéniablement languiennes, mais le reste du film patine quelque peu, même si encore une fois le spectateur n’a pas le temps de s’ennuyer.

Les événements s’enchaînent trop vite et de façon mécanique, tandis que le personnage demeure stoïque, comme si tout ce qui lui arrivait lui était finalement banal. Si la rencontre avec la jeune réfugiée autrichienne n’apporte pas grand-chose au final, à part pour plaire aux amateurs de bluettes, Espions sur la Tamise passe également du coq à l’âne sans embarras, dans l’unique but de divertir les spectateurs. Ce qu’il réussit haut la main !

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’Espions sur la Tamise, disponible chez Eléphant Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. Ce titre intègre tout naturellement l’exceptionnelle collection Cinéma Master Class.

Aux côtés d’une galerie de photos, de bandes-annonces et des credits du disque, l’éditeur propose une présentation d’Espions sur la Tamise par le journaliste Eddy Moine (13’). Cinéphile passionné comme son père, Eddy Moine, filmé en plan fixe et lisant son texte, ne manque pas d’arguments ni d’anecdotes et encore moins de références et de titres pour évoquer le huitième long métrage américain de Fritz Lang. Dans un premier temps, le journaliste parle du cinéma de propagande anti-nazi qui fleurissait à Hollywood au début des années 1940. Puis Espions sur la Tamise est disséqué sur le fond comme sur la forme, et replacé dans l’oeuvre de Fritz Lang. Durant cette intervention très sympathique et éclairante, Eddy Moine n’hésite pas à critiquer le manque de charisme de Marjorie Reynolds et malgré quelques points négatifs déclare tout de même qu’il s’agit d’un des meilleurs films du genre.

L’Image et le son

Exit l’édition DVD Carlotta sortie en 2007. Soutenu par un encodage AVC solide, ce très beau master (1.33, 4/3) parvient à tirer parti de la HD et impose une clarté élégante ainsi qu’une restauration notable. La gestion des contrastes est équilibrée, les scories et accrocs (points blancs et noirs, rayures verticales) ont quasiment tous disparu, la propreté de l’image demeure souvent impressionnante. Les blancs sont lumineux, les yeux des comédiens brillent avec un nouvel éclat, le N&B est dense et stylisé, la palette de gris étant étendue tout du long jusqu’à la dernière bobine. Si le piqué demeure aléatoire, le grain est habilement restitué, les quelques flous sporadiques ne perturbent jamais l’homogénéité de la copie et les arrière-plans sont assurés. Hormis quelques effets de pompage, la qualité technique apparaît ici optimale pour un film des années 40.

Comme pour l’image, le son a également été restauré de fond en comble. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage anglais DTS-HD Master Audio 2.0. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets, très rarement étouffés, les effets annexes probants et les plages de silence très impressionnantes. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Eléphant Films /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Ça, réalisé par Andy Muschietti

ÇA (It) réalisé par Andy Muschietti, disponible en DVD, Blu-ray et 4K Ultra HD chez Warner Bros. le 24 janvier 2018

Avec :  Bill Skarsgård, Jaeden Lieberher, Finn Wolfhard, Jack Dylan Grazer, Sophia Lillis, Jeremy Ray Taylor, Wyatt Oleff, Chosen Jacobs…

Scénario : Chase Palmer, Cary Fukunaga, Gary Dauberman d’après le roman Ça de Stephen King

Photographie : Chung Chung-hoon

Musique : Benjamin Wallfisch

Durée : 2h14

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

À Derry, dans le Maine, sept gamins ayant du mal à s’intégrer se sont regroupés au sein du « Club des Ratés ». Rejetés par leurs camarades, ils sont les cibles favorites des gros durs de l’école. Ils ont aussi en commun d’avoir éprouvé leur plus grande terreur face à un terrible prédateur métamorphe qu’ils appellent « Ça »…
Car depuis toujours, Derry est en proie à une créature qui émerge des égouts tous les 27 ans pour se nourrir des terreurs de ses victimes de choix : les enfants. Bien décidés à rester soudés, les Ratés tentent de surmonter leurs peurs pour enrayer un nouveau cycle meurtrier. Un cycle qui a commencé un jour de pluie lorsqu’un petit garçon poursuivant son bateau en papier s’est retrouvé face-à-face avec le Clown Grippe-Sous … 

Tout d’abord, revenons en arrière. C’est une madeleine pour beaucoup de (télé)spectateurs, une mini-série culte qui compte des millions de fans à travers le monde et qui en gagne sans cesse de nouveaux, notamment en France où elle est très régulièrement diffusée sur la TNT après avoir été programmée pendant des années sur M6, sa première diffusion à la télé française remontant à octobre 1993 : Ça, plus connu en France sous le titre « Il » est revenu. Périodiquement, la ville de Derry dans le Maine est hantée par une terrible créature, un clown pervers capable de changer à loisir d’apparence afin de personnifier les peurs les plus intimes de ses victimes. Dans les années 1950, des événements tragiques se produisent à nouveau. S’attaquant uniquement aux enfants, qui disparaissent ou qui sont retrouvés morts dépecés, «Ça» est un jour vaincu par un groupe de sept jeunes amis de onze ans, six garçons et une fille, ayant fait la promesse de toujours poursuivre l’odieuse entité, qui a disparu dans les égouts abandonnés. Trente ans plus tard, alors que chacun mène une vie paisible aux quatre coins du pays, «Ça» réapparaît à nouveau à Derry. Conformément à leur promesse, le groupe des sept devra se reformer à l’âge de 40 ans pour affronter ses peurs d’enfants.

En 1990, cette adaptation est un événement. Certes, les plus passionnés du chef d’oeuvre absolu de Stephen King publié en 1986 trouveront toujours à redire sur sa transposition, le ton édulcoré pour toucher une plus large audience, les changements inévitables apportés pour le passage du livre à l’écran, mais Ça demeure une véritable référence et finalement le livre et la mini-série en deux parties se complètent parfaitement. D’ailleurs, ceux qui auront vu la mini-série avant de lire le roman, projetteront inévitablement le visage des comédiens au fil de mots du maître de l’horreur.

Le casting est remarquable, que ce soit les enfants ou les adultes, tous extrêmement attachants et solidement dirigés par Tommy Lee Wallace (Halloween 3 : Le Sang du sorcier, Vampire, vous avez dit vampire ? 2), qui par ailleurs soigne sa mise en scène et regorge d’inventions pour faire peur et divertir. L’alchimie entre les deux groupes est indéniable et participe à l’immersion du spectateur dans cette histoire fantastique, qui en a traumatisé plus d’un, au point d’en devenir coulrophobiques, autrement dit phobique des clowns. Il faut dire que Tim Curry est particulièrement angoissant dans le rôle-titre et signe une de ses plus grandes performances après The Rocky Horror Picture Show de Jim Sharman et Legend de Ridley Scott. Si ses apparitions sont finalement limitées sur plus de trois heures, chacune demeure marquante et donne de nombreuses sueurs froides, tant aux personnages qu’aux spectateurs.

Si la télévision ne bénéficiait pas des mêmes budgets et de la même liberté créatrice qu’aujourd’hui, Ça« Il » est revenu fait partie de ces rares productions devenues des classiques dès leur première diffusion. Avec son aspect film-noir, notamment avec le personnage de Mike Hanlon qui mène son enquête et dont les mémoires sont dites en voix-off, combiné à une histoire fantastique, d’horreur, d’épouvante, dramatique, d’amour et d’amitié (les retrouvailles du Club des paumés 30 ans après sont très émouvantes), Ça traverse les décennies sans prendre de rides – à part au niveau des effets spéciaux, mais est-ce bien là le plus important ? – et reste précieux dans le coeur des spectateurs.

En juillet 2015, alors qu’il travaille sur une nouvelle transposition du roman de Stephen King, le réalisateur Cary Fukunaga (la première saison de True Detective) quitte finalement le projet suite à des divergences avec la production, qui trouve alors ses idées trop sombres, d’autant plus que le studio souhaitait faire un seul et unique long métrage et non deux comme le désirait le réalisateur. Dommage, d’autant plus le comédien Will Poulter (glaçant dans Detroit de Kathryn Bigelow), qui devait interpréter Pennywise, quitte également le navire. Néanmoins, la Warner Bros. fait finalement appel au cinéaste argentin Andrés Muschietti, révélé par Mamá, pour reprendre le flambeau. Moins torturée, moins sanglante et sexuelle que l’approche de son prédécesseur, Andrés Muschietti livre néanmoins une version très prenante du roman de Stephen King. A titre de comparaison, cette nouvelle mouture 2017 fait moins peur que le téléfilm original et effraie beaucoup moins que le livre. Néanmoins, marqué par des références aux productions Amblin (la première partie a d’ailleurs été déplacée dans les années 1980), Ça version 2017 peut compter sur un casting admirable, avec tout d’abord la nouvelle incarnation du Clown par Bill Skarsgård.

Fils de l’acteur Stellan Skarsgård et frère d’Alexander (True Blood, Melancholia, Tarzan), le jeune comédien de 27 ans s’avère remarquable et sa prestation ne cherche jamais à rivaliser ou à égaler celle inoubliable de Tim Curry. Il s’agit d’un autre Pennywise, plus monstrueux, et bien que ses apparitions restent dispersées sur 2h15, Bill Skarsgård crève l’écran. Cette première partie se focalise uniquement sur l’enfance des personnages, contrairement au téléfilm qui croisait les deux époques. Le chapitre 2 prévu dans les salles en septembre 2019, se concentrera sur la partie adulte, avec quelques flashbacks sur les personnages enfants. Le nouveau club des ratés se compose d’exceptionnels comédiens, bourrés de talent et au charisme magnétique : Jaeden Lieberher – Bill Denbrough (Midnight Special), Finn Wolfhard – Richie Tozier (Mike Wheeler dans la série Stranger Things), Sophia Lillis – Beverly Marsh (immense révélation), Jack Dylan Grazer – Eddie Kaspbrak, Wyatt Oleff – Stan Uris, Jeremy Ray Taylor – Ben Hanscom et Chosen Jacobs – Mike Hanlon. Un casting haut de gamme et tous très prometteurs.

Pour celles et ceux qui attendaient une adaptation fidèle au roman, sachez que ce n’est pas le cas ici. Si la première séquence, celle qui oppose le petit Georgie au Clown dans le caniveau se révèle être plus sanglante, Ça 2017 surfe plutôt sur la nostalgie des divertissements des années 1980, dans ses partis pris et dans son atmosphère. Certes, cela peut paraître déconcertant, mais le film d’Andy Muschietti est un fabuleux et très attachant divertissement, excellemment mis en scène, photographié et interprété, drôle, poétique, mélancolique et qui contient son lot de séquences morbides à défaut d’être réellement effrayantes.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Ça, disponible chez Warner Bros., est disposé dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un fourreau cartonné. Le menu principal est fixe et musical.

Contrairement au Blu-ray d’Il est revenu sorti en 2016, l’éditeur ne vient pas les mains vides et propose une heure de suppléments.

Le premier module se focalise sur la transformation et la performance de Bill Skarsgård en Pennywise (16’), à travers quelques images de tournage et les propos des comédiens, de la productrice Barbara Muschietti (sœur du cinéaste) et du réalisateur Andy Muschietti. Pas un mot sur l’ancienne version et le travail de Tim Curry, mais Bill Skarsgård indique point par point comment il a su s’approprier ce rôle emblématique. Chose amusante, l’acteur a su faire des économies à la production en se passant d’effets visuels pour la lèvre inférieure pendante du personnage, ainsi que son strabisme et même pour l’ensemble des cascades. Pour l’anecdote, Bill Skarsgård n’est arrivé sur le plateau que deux mois après le début des prises de vue et n’est apparu devant ses jeunes partenaires qu’au dernier moment afin de préserver la surprise.

Le documentaire suivant donne cette fois la parole à l’ensemble du club des losers (16’). Les merveilleux jeunes acteurs interviennent à tour de rôle pour parler de leurs personnages, mais aussi et surtout de la véritable alchimie et l’amitié nées sur le plateau. De nombreuses images de tournage viennent également illustrer l’ensemble.

Place au maître Stephen King en personne (14’), qui propose un retour sur les origines et ses inspirations de son roman Ça. Nous sommes étonnés d’apprendre que de nombreux faits divers survenus à Bangor (dans le Maine) ont grandement inspiré l’histoire, tout comme la topologie de la ville.

Les scènes coupées ou rallongées (15’) n’apportent pas grand-chose, si ce n’est un prologue tourné comme un gag raté (en gros Georgie récupère son bateau et Pennywise pousse un juron devant son échec) et la Bar Mitsvah dans son intégralité de Stan durant laquelle le jeune homme fustige l’aveuglement des adultes sur les mystérieuses d’enfants à Derry depuis toujours.

L’Image et le son

Sublime. Warner Bros. soigne son master HD qui se révèle exemplaire. Les contrastes sont d’une densité rarement démentie, y compris sur séquences sombres, avec une image sans cesse affûtée. La clarté demeure frappante, le piqué est acéré, les gros plans riches, les contrastes denses et la colorimétrie reste chatoyante. Les détails sont légion aux quatre coins du cadre large et la copie restitue les volontés artistiques du chef opérateur Chung-hoon Chung (Mademoiselle, Stoker, Old Boy). Ce Blu-ray offre de fabuleuses conditions pour revoir le film d’Andy Muschietti et profiter de la superbe photographie. L’apport HD sur ce titre est évidemment indispensable.

Dès la première séquence, l’ensemble des enceintes des pistes anglaise et française DTS-HD Master Audio 5.1 (ou Dolby Atmos si votre installation vous le permet) est mis à contribution aux quatre coins cardinaux. Les ambiances fusent de tous les côtés, la musique de Benjamin Wallfisch (Blade Runner 2049, A Cure for Life) bénéficie d’un traitement de faveur avec une large ouverture, plongeant instantanément le spectateur dans l’ambiance. Les dialogues ne sont jamais pris en défaut et demeurent solidement plantés sur la centrale tandis que les effets ne cessent d’être balancés de gauche à droite, et des enceintes avant vers les arrières. N’oublions pas le caisson de basses, qui se mêle ardemment à ce spectacle acoustique aux effets fracassants.

Crédits images : © WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC. /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Liaisons à New York, réalisé par Marc Webb

LIAISONS À NEW YORK (The Only Living Boy in New York) réalisé par Marc Webb, disponible en DVD chez Metropolitan Vidéo le 21 février 2018

Avec :  Callum Turner, Kate Beckinsale, Jeff Bridges, Pierce Brosnan, Cynthia Nixon, Kiersey Clemons, Debi Mazar, Tate Donovan, Wallace Shawn…

Scénario : Allan Loeb

Photographie : Stuart Dryburgh

Musique : Rob Simonsen

Durée : 1h25

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Thomas Webb, vient de décrocher son diplôme universitaire et tente désormais de trouver sa place dans le monde. Le jeune homme se lie d’amitié avec son voisin, un écrivain excentrique, qui devient pour lui une sorte de mentor. Thomas fait un jour la connaissance de la maîtresse de son père, très vite une relation charnelle s’installe entre eux, bouleversant sa vie et ses convictions.

Révélé en 2009 par le désormais culte (500) jours ensemble, avec Joseph Gordon-Levitt et Zooey Deschanel, le réalisateur Marc Webb, venu du clip-vidéo, a immédiatement été convoité par les studios hollywoodiens. Pour son second long métrage, il fait son entrée par la très grande porte en se voyant confier un budget de 230 millions de dollars pour rebooter la franchise Spider-Man. The Amazing Spider-Man sort sur les écrans en 2012 et engrange plus de 750 millions de dollars de recette. La suite est évidemment lancée, mais le résultat sera beaucoup plus mitigé artistiquement parlant. Si le tiroir-caisse est rempli une fois de plus, le succès est moindre, la critique désastreuse et le bouche-à-oreille très négatif. Osons le dire, The Amazing Spider-Man 2 est l’un des pires films de super-héros et s’apparente le plus souvent à jeu vidéo destiné aux enfants et aux adolescents. Bye bye Marc Webb qui finalement ne pourra pas réaliser de trilogie consacrée à l’Homme-Araignée, d’autant plus que les pourparlers étaient déjà en cours entre Sony et Marvel pour rapatrier le héros à la maison mère. Après un détour par la série télévisée (Limitless, Crazy Ex-Girlfriend), Marc Webb signe son retour au cinéma avec deux très beaux films à petit budget, deux réussites. Le premier, Mary (Gifted), bénéficie d’une sortie dans les salles françaises et offre à Chris Evans l’occasion de montrer qu’il n’est pas que Captain America. Mais celui qui nous intéresse ici est plus confidentiel et débarque directement dans les bacs en France. Il s’agit de Liaisons à New YorkThe Only Living Boy in New York.

Thomas Webb, un étudiant fraichement diplômé issu d’une riche famille d’éditeurs New Yorkais, rêve en secret de devenir écrivain. Velléitaires et souvent maladroit avec les filles, c’est encore un adolescent dans sa tête… jusqu’au jour où il surprend son père en plein rendez-vous romantique avec une très belle femme. Voulant protéger sa mère de nature fragile, il décide de ne rien lui dire. Obsédée par cette vision, il décide de découvrir l’identité de cette liaison extra-conjugale et parvient très vite à faire la connaissance de Johanna. Contre toute attente, elle décide de faire de Thomas son autre amant. Tiraillé entre morale et passion, Thomas va vivre de façon tumultueuse son entrée dans l’âge adulte.

Le titre renvoie à la chanson éponyme des mythiques Simon & Garfunkel. Rien d’étonnant puisque le scénariste éclectique Allan Loeb (Las Vegas 21, Wall Street: l’argent ne dort jamais, Beauté cachée) n’a jamais caché son admiration pour le cinéma de Mike Nichols, en particulier pour Le Lauréat, dont Liaisons à New York est comme qui dirait une relecture. Le spectre du Graduate plane donc sur ce récit initiatique où l’on suit le parcours de Thomas Webb, interprété par le sympathique Callum Turner (Assassin’s Creed), qui rappelle furieusement Richard Gere dans ses jeunes années. Partagé entre son amour pour la jeune et jolie Mimi (Kiersey Clemons) et sa découverte de la sexualité avec la maîtresse de son père, incarnée par la divine Kate Beckinsale, Thomas se retrouve au premier carrefour de sa vie puisqu’il doit également choisir sa profession. Rêvant de devenir écrivain, mais refroidi par les propos de son père éditeur (Pierce Brosnan), Thomas ne peut même pas compter sur sa mère (Cynthia Nixon), femme dépressive. Alors quand Thomas surprend son paternel avec une autre femme, ses piliers déjà fragiles s’écroulent véritablement. Le seul soutien qu’il trouve est en la personne de son nouveau voisin (Jeff Bridges), qui va très vite devenir son confident et tenter de lui montrer qu’il peut et doit être le seul à décider de sa propre vie. Pour cela, il doit tout d’abord apprendre, comprendre et savoir ce qu’il souhaite réellement faire de sa propre existence, plutôt que de se préoccuper de celles et de ceux qui l’entourent.

Comme pour (500) jours ensemble et Mary, Liaisons à New York témoigne de l’immense sensibilité de Marc Webb, qui livre une comédie dramatique finement écrite, intimiste, délicate, très bien réalisée et interprétée. Malgré un twist qui arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, il serait dommage de passer à côté de cette histoire très attachante.

LE DVD

Le test du DVD de Liaisons à New -York, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical. Jaquette élégante.

Peu de choses à se mettre sous la dent dans la section des bonus. Trois featurettes promotionnelles (11’ au total), donnent brièvement la parole au scénariste, au réalisateur, au chef-opérateur, aux producteurs et aux comédiens. Chacun revient sur le dilemme des personnages et le tournage à New York. On apprend que le scénario avait été écrit en 2004, que Le Lauréat est évidemment une source d’inspiration pour Allan Loeb et que la production a imposé un tournage écolo-responsable.

L’Image et le son

Pas d’édition HD pour Liaisons à New York. Ce master offre des conditions de visionnage banales et sans esbroufe. La colorimétrie est plutôt bien agencée, mais la définition demeure passable, même sur les quelques plans rapprochés. La clarté est de mise, les contrastes corrects, cependant le piqué manque de précision et certaines séquences apparaissent plus ternes que d’autres. Néanmoins, ce DTV chez un autre éditeur n’aurait pas connu le même traitement technique ou même une sortie dans les bacs.

Liaisons à New York n’est pas à proprement parler d’un film à effets, mais les pistes anglaise et française Dolby Digital 5.1 parviennent à distiller ici et là quelques ambiances. La plupart des séquences reposent sur les dialogues et les mixages se concentrent souvent sur les enceintes avant. Il ne faut pas vous attendre à des effets explosifs, la spatialisation est essentiellement musicale, les effets latéraux sont rares (à part la cacophonie new-yorkaise) et le caisson de basses reste au point mort. Les voix des comédiens sont ardentes en version originale, tout comme en français, même si cette piste les met un peu trop à l’avant. Le confort acoustique est assuré tout du long.

Crédits images : © AMAZON CONTENT SERVICES LLC. / Metropolitan Filmexport /  Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test Blu-ray / Zardoz, réalisé par John Boorman

ZARDOZ réalisé par John Boorman, disponible en DVD et Blu-ray chez Movinside le 13 novembre 2017

Avec :  Sean Connery, Charlotte Rampling, John Alderton, Sara Kestelman, Sally Anne Newton, Niall Buggy, Bosco Hogan, Jessica Swift…

Scénario : John Boorman

Photographie : Geoffrey Unsworth

Musique : David Munrow

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

2293. La Terre a été totalement dévastée et la société est divisée en plusieurs castes : les Brutes, les Exterminateurs et les Barbares qui vouent un culte sans limites au dieu Zardoz. Tous oeuvrent pour les Éternels, un groupe d’humains immortels. Ce nouvel équilibre social va être bouleversé lorsque Zed, un Exterminateur, décide de pénétrer chez les Éternels, défiant ainsi le dieu Zardoz…

Pour la plupart, Zardoz se résume à l’accoutrement de Sean Connery dans le film. En effet, difficile d’échapper aux photogrammes du comédien avec sa grosse moustache à la Burt Reynolds (à qui le rôle avait d’abord été proposé), son catogan, sa cartouchière placée sur son torse velu, son cache-sexe rouge bombé et ses cuissardes en vinyle. D’ailleurs, nombreux sont ceux à avoir classé Zardoz – sans l’avoir vu – dans la catégorie nanar, ce qu’il n’est absolument pas. Malgré tout, le sixième long métrage de John Boorman, réalisé deux ans après Délivrance, demeure une vraie curiosité, souvent hermétique, qui vaut essentiellement pour ses recherches plastiques. Mais quand si l’on creuse un peu, on se rend compte que Zardoz va bien plus loin.

D’entrée de jeu, nous voilà plongés en 2293. Ce que nous pouvons comprendre : 300 ans après l’effondrement de la civilisation industrielle, dans un futur post-apocalyptique, la population humaine est divisée entre les Éternels, des humains ayant atteint l’immortalité grâce à la technologie, et les Brutes. Ces derniers vivent sur une terre ravagée et fournissent de la nourriture aux Éternels, peuplés de savants et d’intellectuels, qui vivent dans des régions isolées du reste du monde par un mur invisible et appelées « Vortex » et passent une existence luxueuse mais apathique. Arthur Frayn (Niall Buggy), l’Éternel chargé de gérer les « terres extérieures », se fait passer auprès des Brutes pour un dieu nommé Zardoz, qui se manifeste sous la forme d’un énorme masque de pierre volant. Ayant sélectionné des brutes, il a constitué un groupe d’exterminateurs, chargé de réduire en esclavage les autres humains, et auxquels il fournit des armes en échange de la nourriture qu’ils collectent. Zed (Sean Connery) est un de ces exterminateurs. Il se cache à bord du masque de pierre lors d’un voyage. Arrivé au Vortex, Zed est étudié en tant que spécimen : les Éternels n’ayant pas eu de contact depuis des siècles avec l’extérieur, ils essaient de comprendre comment les Brutes ont évolué. Il se retrouve au cœur d’une dissension entre deux Éternelles, Consuella (Charlotte Rampling) et May (Sara Kestelman), et doit effectuer des tâches pour Friend (John Alderton).

Zed découvre au fur et à mesure que cette société en apparence lissée et idéale est en fait violente et désespérée. Les Éternels sont dirigés et protégés de la mort par une intelligence artificielle appelée « le Tabernacle », un gros cristal qui est relié à l’esprit de tous les Éternels et qui conserve leur mémoire dans ses réflexions lumineuses. Du fait de leur immortalité, les Éternels ont arrêté de procréer et les hommes sont devenus impuissants. Certains sont victimes d’une maladie, qui les plonge en catatonie. Les dissidents, ceux qui refusent le système ou bien introduisent la discorde, sont vieillis, voire sont exclus et sont délibérément rendus séniles.

Voilà, bienvenue dans Zardoz, dont le nom provient du livre L. Frank Baum, The WiZARD of OZ, que le personnage de Sean Connery découvre dans une bibliothèque en ruine à l’extérieur du Vortex. Cette révélation le met alors face aux réalités, tout n’est que supercherie, d’autant plus que Zed, contrairement à ce que pensent les Eternels, n’est pas non plus un être primitif. Analyser ainsi Zardoz permet de réévaluer le film de John Boorman. Des manipulations politiques destinées à voiler la réalité, afin d’engranger des ressources naturelles. Plus près de nous, cela rappelle furieusement l’invasion de l’Irak en 2003 sous l’administration W. Bush. Mais Zardoz est une œuvre tellement étrange, difficile d’accès et marquée par une esthétique kitsch, que chacun est en fait libre d’y voir et de ressentir ce qu’il a envie. Les personnages et divinités ne sont pas ce qu’ils paraissent être, tout n’est que faux-semblants et superstitions, ce qui permet à la société de demeurer au lieu de penser et de réfléchir.

Zed apparaît comme le grain de sable qui va faire enrayer une machine jusqu’alors trop bien huilée. Son apparition dans le Vortex va ainsi rendre leur mortalité aux Éternels. Du point de vue formel, John Boorman joue avec les moyens mis à sa disposition et des effets spéciaux certes désuets, mais qui n’en restent pas moins bourrés de charme. On s’amusera des scènes dans le Tabernacle ou des trips psychédéliques qui rappellent parfois le Barbarella de Roger Vadim. Magnifiquement photographié par l’immense chef opérateur Geoffrey Unsworth, Zardoz, écrit, produit et mis en scène par John Boorman, est une fable philosophique qui ne laisse pas indifférent avec ses images éthérées sur fond de 7e symphonie de Beethoven et Sean Connery qui court torse-poil au ralenti avec sa queue-de-cheval qui se balance sur ses épaules. Pas un chef d’oeuvre de la science-fiction certes, en aucun cas un navet et encore moins un nanar, mais un film culte assurément.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Zardoz, disponible chez Movinside, repose dans un élégant boîtier classique de couleur noire. Visuel très beau et attractif. Le menu principal est un peu plus cheap, animé et muet…

Spécialiste du cinéma américain et notamment du Nouvel Hollywood, Jean-Baptiste Thoret replace le sixième long métrage de John Boorman dans son contexte cinématographique, en croisant habilement le fond et la forme. Toujours aussi didactique, spontané et captivant, notre interlocuteur explique que John Boorman a ouvert sa propre boîte de Pandore avec Zardoz. Jean-Baptiste Thoret trouve le film passionnant, dissèque les thèmes explorés par le cinéaste, détaille les conditions de production et l’implication de Sean Connery – dont le costume a longtemps été moqué et l’est d’ailleurs encore aujourd’hui – qui souhaitait s’éloigner encore et toujours du personnage de James Bond. Une formidable présentation (26’).

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Bon…en tant que puristes, nous ne pouvons pas laisser passer ça. Le bulldozer DNR est passé par là une fois de plus chez l’éditeur et la texture argentique de la merveilleuse photographie de l’immense Geoffrey Unsworth (Superman, Cabaret) a été lissée quasiment intégralement. C’est bien beau de proposer des films rares en Haute-Définition, mais pourquoi dénaturer les partis pris esthétiques et volontés artistiques ? Pour satisfaire certains consommateurs qui ne jurent que par une image sans aspérité ? Comme si le film avait été tourné en numérique ! Si la propreté de la copie est indéniable, on ne peut que tiquer tout du long face à l’aspect cireux des visages et sa définition chancelante. Certes, les photographies souvent éthérées du chef opérateur britannique ont toujours donné du fil à retordre aux éditeurs, mais là on frôle le blasphème. Les détails manquent à l’appel, la gestion des contrastes est aléatoire, tout comme le piqué. Un conseil pour Movinside, STOPPEZ le réducteur de bruit ! Le Blu-ray est néanmoins au format 1080p.

Les mixages anglais et français LPCM 2.0 distillent parfaitement la musique de David Munrow, ainsi que la 7e symphonie de Ludwig van Beethoven. Néanmoins, la piste française se focalise sans doute trop sur le report des voix (Jean-Claude Michel double Sean Connery), au détriment des ambiances annexes. La piste originale est très propre, sans souffle, dynamique et suffisamment riche pour instaurer un très bon confort acoustique.

Crédits images : © Twentieth Centyru Fox Home Entertainment / Movinside Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Flagellations, réalisé par Pete Walker

FLAGELLATIONS (House of Whipcord) réalisé par Pete Walker, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Artus Films le 6 mars 2018

Avec :  Barbara Markham, Patrick Barr, Ray Brooks, Ann Michelle, Sheila Keith, Dorothy Gordon…

Scénario : Pete Walker, David McGillivray

Photographie : Peter Jessop

Musique : Stanley Myers

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

Jeune mannequin français vivant à Londres, Anne-Marie se laisse séduire par Mark, qui l’emmène chez ses parents, dans une vieille et grande maison de campagne. Elle comprend bien vite qu’elle n’est qu’une proie de plus, donnée en pâture à Mme Wakehurst, une ancienne directrice de prison pour femmes, et son mari, le juge Bailey. Sous prétexte de rédemption et de lutte contre la dépravation, ces deux pervers assouvissent en fait leur sadisme et leur perversité.

Etrange long métrage que Flagellations, aka House of Whipcord en version originale, écrit par David McGillivray et réalisé par Pete Walker en 1974, cinéaste britannique qui a fait les grandes heures de la sexploitation et de l’épouvante, de la fin des années 1960 au début des années 1980. Né en 1939, Pete Walker débute par des courts-métrages dénudés (Soho Striptease, The Girl That Boys Dream About, Please Do Not Touch) qu’il produit lui-même et revend sous le manteau, avant de passer au long-métrage en 1968 avec The Big Switch. Suivront alors des œuvres aux titres explicites L’Ecole du sexe, Der Porno-Graf von Schweden, Four Dimensions of Greta en relief !. Puis, il change de registre en abordant l’épouvante avec Meurs en hurlant, Marianne et Le Rideau de la mort. Pour les aficionados, les cinéphiles et les amateurs de films de genre, Flagellations reste et demeure son meilleur film. Si l’on est tout d’abord attiré par la sublime affiche qui vend une belle créature en prise avec des matrones mal intentionnées et armées d’un fouet qui donne son titre au film en anglais, Flagellations ne se contente pas de ces quelques ingrédients qui servent finalement à appâter les spectateurs. C’est aussi et surtout un thriller tendu et violent, emblématique de la situation politique britannique alors extrêmement rigoriste et rétrograde.

Anne-Marie DeVarnet (la belle Penny Irving), est une top-modèle venue de France pour tenter sa chance en Angleterre. Remarquée pour avoir fait quelques clichés dénudés, elle se voit inviter lors d’une soirée par un inconnu, un certain Mark E. Desade (Robert Tayman, vu dans Le Cirque des vampires de Robert Young), qui lui propose de l’emmener chez ses parents. Julia accepte et se retrouve dans une gigantesque demeure qui semble inhabitée. Elle va bientôt découvrir le secret de cet endroit insolite et de sa présence ici : elle vient en réalité de se faire kidnapper et se retrouve devant une directrice (Barbara Markham, glaçante), son mari aveugle (Patrick Barr) et deux gardiennes sadiques (Sheila Keith et Dorothy Gordon) qui vont lui inculquer le savoir-vivre, sous peine de lui faire subir quelques tortures dont la punition du fouet. La demeure entourée de hauts murs impénétrables et plantée au milieu de nulle part dans la campagne anglaise est une ancienne prison abandonnée devenue un lieu de séquestration pour jeunes filles, dirigée par des individus prônant le retour de l’ordre moral et de la civilité.

Non seulement Pete Walker parvient à flatter son public de base, souvent plus intéressé par les formes exposées des jolies actrices que par l’histoire qui leur est racontée, mais le réalisateur parvient également à dresser un constat aussi réaliste que pessimiste sur l’Angleterre au début des années 1970. Les institutions et autorités en prennent pour leurs grades, Pete Walker n’hésitant pas à fustiger des juges (également bourreaux) qui décident de rendre une autre justice, en punissant des jeunes femmes qui enfreignent selon eux les codes moraux. Décidées à les faire revenir dans le droit chemin, des gardiennes revêches, vieilles filles, à la sexualité refoulée et dépourvue de sentiments, ont alors recours à des méthodes brutales en traitant ces jeunes « délurées » comme des animaux parqués dans d’anciennes cellules glauques et suintantes.

Si l’une des pensionnaires vient à fauter, celle-ci est mise en isolement. En cas de récidive, elle est déshabillée et fouettée. Si jamais la pécheresse venait à commettre une troisième faute, elle est condamnée à être pendue. Le processus de déshumanisation est en cours. Même s’il a toujours nié faire passer un message politique dans ses films qu’il revendiquait comme étant uniquement commerciaux, Flagellations – titre français évidemment racoleur et pas du tout représentatif de l’histoire – incite à la réflexion. Ceci dès le carton introductif « Ce film est dédié à ceux que le relâchement des codes moraux actuels inquiète et qui attendent impatiemment le retour du châtiment corporel et de la peine de mort » jusqu’à la fin redoutablement sombre avec ses costumes ternes et la photographie pluvieuse de Peter Jessop.

Alors que la Hammer est morte en emportant avec elle ses créatures démoniaques et ses couleurs baroques, des monstres apparaissent en déambulant dans la société d’aujourd’hui sous un ciel grisâtre. Joyaux de la British Horror, Flagellations, classé X à sa sortie, s’apparente plus à un thriller psychologique et pervers dont le statut culte n’est pas usurpé.

LE BLU-RAY

Avec Flagellations, l’éditeur Artus Films signe ses premiers pas dans le domaine de la Haute-Définition. Le film de Pete Walker est chouchouté puisque disponible dans un beau combo Blu-ray-DVD. Le visuel est attractif et la jaquette glissée dans un boîtier classique de couleur bleue. Le menu principal est fixe et muet.

Qui de mieux que l’incontournable et érudit David Didelot pouvait nous présenter Flagellations ? Pendant une heure (1h01 pour être précis), le co-fondateur du fanzine Vidéotopsie revient armé jusqu’aux dents de VHS, d’ouvrages et de DVD pour illustrer ses propos toujours aussi passionnants et qui donnent furieusement envie de se jeter sur tous les titres Bis évoqués. Pas un seul moment de répit pour David Didelot qui dans la première demi-heure dresse un fabuleux portrait du réalisateur Pete Walker. Ses débuts au cinéma, ses films, ses partis pris, ses intentions, mais également son ambiguïté sont passés au crible. Ne tarissant pas d’éloges sur ce réalisateur indépendant qu’il affectionne tout particulièrement, David Didelot déclare que Pete Walker mériterait d’être reconsidéré à sa juste valeur. Au bout de 27 minutes, Flagellations est analysé – dans le fond comme dans la forme – par notre spécialiste du Bis, évoquant également le casting, l’accueil critique, la sortie du film et les divers titres d’exploitation tels que La Pension du plaisir ou Mutilator !

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Une belle entrée en fanfare dans la HD pour l’éditeur ! Le transfert est irréprochable, le master immaculé, stable et dépourvu de déchets résiduels. Les noirs sont concis, la colorimétrie est volontairement atténuée et tire vers les gris-bruns. Les décors dépouillés sont omniprésents et les personnages n’ont aucun mal à ressortir devant un fond uni, froidement éclairé, avec de très beaux gros plans qui foisonnent de détails. La gestion des contrastes est également très solide. Malgré un très léger voile apparent sur les séquences nocturnes et tamisées, ainsi que de menus changements chromatiques au cours d’une même séquence ou sur un champ-contrechamp, ce master HD présenté dans son format d’origine 1.66. est exemplaire. Le Blu-ray est au format 1080p.

Le film de Pete Walker bénéficie d’un doublage français, le film étant sorti en 1984 dans nos contrées. Au jeu des comparaisons avec la version originale, la piste française au doublage réussi s’accompagne de quelques chuintements. Véritable gruyère suite à de nombreuses coupes, cette version passe directement en version originale sous-titrée en français lors des séquences jamais doublées. La piste anglaise est plus dynamique, propre et intelligible, homogène dans son rendu, notamment au niveau des effets sonores. Les sous-titres français ne sont pas imposés.


Crédits images : © Artus Films Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Happy End, réalisé par Michael Haneke

HAPPY END réalisé par Michael Haneke, disponible en DVD et Blu-ray chez TF1 Studio le 6 février 2018

Avec :  Isabelle Huppert, Jean-Louis Trintignant, Mathieu Kassovitz, Fantine Harduin, Franz Rogowski, Laura Verlinden, Aurélia Petit, Toby Jones…

Scénario : Michael Haneke

Photographie : Christian Berger

Durée : 1h47

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

« Tout autour le Monde et nous au milieu, aveugles. » Instantané d’une famille bourgeoise européenne.

Pour Happy End, son douzième long métrage, Michael Haneke a voulu s’amuser, se faire plaisir. Bien entendu, ne vous attendez pas une gaudriole devant laquelle on se tape sur les cuisses. Non, ce que le réalisateur a voulu faire, c’est jouer avec la réputation de ses précédentes œuvres controversées et abstraites, en insufflant un humour très sombre et grinçant dans un drame psychologique. Le cinéaste autrichien détourne certains codes du genre, comme s’il était devenu l’un des tueurs sadiques Funny Games, sachant que le spectateur, désormais « complice », venu voir son nouvel opus sera normalement au fait de ses intentions et thèmes récurrents. Dans Happy End (titre aussi ironique que Funny Games), le mal n’est plus montré explicitement à l’écran, pas vraiment du moins, mis à part durant certaines séquences liées aux réseaux sociaux, notamment l’ouverture du film.

L’action se situe à Calais, dans une famille de bourgeois, les Laurent. Industriels concentrés sur leurs affaires, ils « refusent » de voir la crise des migrants. Cette famille est perturbée par l’arrivée d’Eve (glaçante et troublante Fantine Harduin, vue dans Le Voyage de Fanny de Lola Doillon), treize ans, la jeune fille de Thomas (impeccable Mathieu Kassovitz), docteur et fils de George Laurent (Jean-Louis Trintignant, impérial), un vieil homme aigri et suicidaire. Chacun des membres de la famille cache un secret inavouable : Eve a des pulsions meurtrières et a tué sa mère dépressive en l’empoisonnant avec ses antidépresseurs ; son père Thomas trompe sa nouvelle femme frigide avec une violoncelliste, partageant avec lui ses fantasmes sadomasochistes sur Facebook ; Anne (Isabelle Huppert, étrangement effacée dans sa quatrième collaboration avec le cinéaste), la sœur de Thomas, est la mère de Pierre (fragile Franz Rogowski), un homme dépressif qui refuse de diriger leur société, marquée entre-temps d’un accident mortel sur un chantier, ce qui la pousse à se marier avec un homme d’affaires (l’excellent Toby Jones) ; le grand-père George, échouant à se donner la mort à de nombreuses reprises, avoue à sa petite-fille Eve qu’il a lui aussi des envies de mourir et qu’il a étouffé sa femme gravement malade. Ce qui crée évidemment un lien avec Amour, où l’acteur interprétait déjà le père d’Isabelle Huppert. Alors que de nombreux migrants se trouvent à Calais, les Laurent, malgré leurs névroses refoulées, tentent d’ignorer leur arrivée pour vivre comme si de rien n’était.

Voilà en gros ce qui se déroule dans Happy End. C’est peut-être beaucoup, mais en réalité, le film ne démarre quasiment jamais et peine à trouver son rythme. L’ensemble s’apparente à une succession de saynètes et le ton tragi-comique qui a fait le sel d’autres longs métrages de Michael Haneke, ne prend pas cette fois. On attend toujours LA scène qui remuera un peu l’ensemble, sans que celle-ci n’intervienne. Evidemment, certaines séquences remuent, notamment tout ce qui concerne les personnages incarnés par Jean-Louis Trintignant et Fantine Harduin, qui représentent ici les deux extrêmes de la vie et qui se révèlent être aussi las et fatigués de l’existence. Jeunes et vieux sont donc logés à la même enseigne chez Haneke, tandis que les générations intermédiaires se contentent de faux-semblants, de jouer le rôle que le destin leur a distribué, en faisant fi des réalités sociales autour de leur royaume. Déjà qu’ils ne sont pas capables de s’intéresser et de s’occuper des événements dramatiques qui se jouent dans leur propre famille, ce n’est pas pour se préoccuper des migrants !

Toutes ces choses sont intéressantes quand on en parle, elles le sont beaucoup moins quand elles sont représentées à l’écran. Si la forme sèche et minimaliste rappelle Caché, Prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 2005, Happy End n’installe pas grand-chose et les personnages n’ont rien d’empathiques. Du coup, aucune accroche ne se fait, on assiste à ce défilé d’excellents comédiens plongés dans des décors froids. Alors qu’habituellement on ressort les nerfs à vif, agacés, bouleversés, d’un film de Michael Haneke, on est ici perplexe, avec la sensation d’avoir gagné un tour de manège supplémentaire, mais qui n’apporte finalement rien par rapport aux précédents, une fois les sensations connues et anticipées. Pour résumer, Happy End apparaît comme un film-somme qui se regarde avec un ennui poli.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Happy End, disponible chez TF1 Studio, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Un making of de vingt minutes accompagne cette édition. C’est ici l’occasion de voir Michael Haneke à l’oeuvre avec ses comédiens, conseiller Franz Rogowski pour la scène de danse, parler avec l’équipe des effets spéciaux pour quelques plans repris en postproduction, mettre en place ses plans avec une folle énergie. Les acteurs interviennent chacun leur tour afin d’évoquer leur collaboration avec le cinéaste. Ce dernier intervient également sur les thèmes explorés dans Happy End, ainsi que sur ses intentions. Quelques images de tournage viennent illustrer l’ensemble. En revanche, visionnez ce documentaire après avoir vu le film puisque toute l’histoire y est racontée du début à la fin.

L’Image et le son

Les volontés artistiques du réalisateur et du chef opérateur Christian Berger (Le Ruban blanc, Caché) sont heureusement préservées à travers cet élégant master HD. La photographie est habilement retranscrite grâce à un encodage costaud. Le cadre subjugue dès les premiers plans, les couleurs froides et même glacées flattent la rétine, le piqué s’en sort avec les honneurs. Les contrastes sont assurés, les détails ne manquent pas, les blancs sont éblouissants et la profondeur de champ demeure soignée.

Un seul mixage au programme, une piste DTS-HD Master Audio 5.1. Le confort acoustique est percutant, une spatialisation convaincante et des effets latéraux probants. Les ambiances naturelles sont présentes sur les scènes en extérieur, la balance frontale est toujours dynamique et équilibrée, et le report des voix solide. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Les Films du Losange / TF1 Studio /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Fellini Roma, réalisé par Federico Fellini

FELLINI ROMA (Roma) réalisé par Federico Fellini, disponible en DVD, Blu-ray et Édition Collector Blu-ray + DVD chez Rimini Editions le 23 janvier 2018

Avec :  Federico Fellini, Anna Magnani, Gore Vidal, Alvaro Vitali, Eleonora Giorgi…

Scénario : Federico Fellini, Bernardino Zapponi

Photographie : Giuseppe Rotunno

Musique : Nino Rota

Durée : 1h55

Date de sortie initiale : 1972

LE FILM

Rome durant la première moitié du XXe siècle… A travers ses souvenirs d’enfance ou d’adolescence, Federico Fellini livre la plus belle des déclarations d’amour à sa ville d’adoption. De la nostalgie à la satire, de la truculence au lyrisme, une fresque inoubliable, aux innombrables séquences d’anthologie.

Sans tenir compte des Feux du music-hall, coréalisé avec Alberto Lattuada en 1950, ni du documentaire TV Bloc-notes d’un cinéaste (1969), Fellini Roma apparaît au beau milieu de l’immense filmographie du maître italien. Véritable œuvre centrale de la carrière de Federico Fellini, ce douzième long métrage est à la fois une œuvre bilan, mais également annonciateur de ce que le maestro comptait alors aborder dans ses prochains rêves éveillés, centrés sur ses souvenirs personnels. Chef d’oeuvre absolu que l’on a de cesse de redécouvrir à chaque visionnage, Fellini Roma n’a pas fini de livrer ses secrets.

Rome d’hier et Rome d’aujourd’hui. Fellini, pressé par ses étudiants de signer un cinéma engagé, se penche sur Rome, sa ville d’adoption. Sur la cité antique des souvenirs scolaires, d’abord, celle de la Louve et de Néron, des gladiateurs de cinéma qui côtoyaient, dans les salles obscures, les fascistes des actualités. Sur la Rome de son adolescence, ensuite, qu’il éprouva dès son arrivée dans la capitale, au sein d’une pittoresque pension de famille dominée par l’imposante et impotente «mamma». Peuplée des truculents clients des trattorias, des spectacles minables du music-hall Jovinelli, cette Rome-là fut aussi, pour le jeune provincial de Rimini, le site des premiers désirs amoureux, apaisés dans des maisons plus ou moins accueillantes, sous les grondements des alertes aériennes et des échos de la guerre…

Si Satyricon donnait le ton sur l’orientation formelle et sensorielle de son auteur, Fellini Roma, réalisé après la parenthèse des Clowns, téléfilm finalement exploité dans les salles, transcende les partis pris de sa précédente fresque. Mais là où Satyricon pouvait parfois être pesant, surtout sur le fond particulièrement hermétique, Fellini Roma est un film qui inspire l’empathie. Pourtant, comme l’indique une voix-off en version française qui imite l’accent italien du cinéaste, Fellini Roma ne ressemble à aucun autre film et en complète rupture avec les structures classiques de la dramaturgie. Collage, patchwork, kaléidoscope, maelström, puzzle onirique, instantanés, mirages, hallucinations, fantasmes, Fellini Roma utilise la forme d’un faux reportage pour entrelacer réalité et rêveries, propres au réalisateur italien. Les saynètes et récits n’ont de point commun que la ville de Rome, qui se transforme au fil de la narration, observée par Fellini qui entrecroise les grandes évolutions de la capitale italienne depuis 1900 et ses propres souvenirs liés à son arrivée à la gare de Rome-Termini.

Dans les années 1930, on suit ainsi l’arrivée d’un jeune provincial dans un monde qu’il ne connaît pas, puis l’on passe dans la Rome moderne avec son autoroute périphérique (reconstituée en studio) où des prostituées aguichent les conducteurs. Puis, retour dans les années 1940 où un spectacle populaire se joue dans un music-hall de bas étage, alors que les bombardements aériens sifflent au-dessus de la tête des spectateurs. S’ensuit alors la découverte de sites antiques au moment de la construction du métro, puis retour à l’époque du fascisme avec ses bordels blindés. Enfin, place à un défilé de mise ecclésiastique avec ses toges en néons, avant de laisser la voie libre aux hippies et aux bikers qui déferlent dans les rues de Rome avec la fleur au bout du fusil, Peace & Love autour du cou et leurs motos aux moteurs pétaradants à qui la ville appartient désormais. Tout cela entremêlé, sans ordre chronologique, en prenant le spectateur par surprise, en le perdant pour mieux le déstabiliser.

Furieusement poétique, Fellini Roma est une succession de tableaux vivants peints par le maître, où la beauté de l’architecture côtoie celle des visages (dont celui d’Anna Magnani, dans une apparition subliminale dans son propre rôle) et corps atypiques, avec ses hommes aux faciès émaciés et ses femmes aux seins lourds et aux fesses larges, composantes de la magnificence de la ville. Caricaturiste, Federico Fellini use de la pellicule comme d’une toile et passe d’un modèle à l’autre, en mélangeant les encres pour en faire ressortir les âmes, les senteurs (celles d’un plat de spaghetti, des joues fardées d’une prostituée, de la pollution sur le périphérique) et la cacophonie de Rome. Un fascinant chef d’oeuvre qui n’a de cesse de stimuler l’imagination encore après, justement récompensé par le Grand Prix Technique au Festival de Cannes en 1972.

LE BLU-RAY

Le test de l’édition collector Blu-ray+DVD de Fellini Roma, disponible chez Rimini Editions, a été réalisé à partir d’un check-disc. Cette édition comprend donc le Blu-ray et le DVD du film, ainsi que deux DVD de suppléments comprenant chacun deux modules issus de la série documentaire intitulée Zoom sur Fellini. Les menus principaux sont animés et musicaux. Fellini Roma est également disponible en DVD et Blu-ray standard.

Le Blu-ray contient tout d’abord un entretien avec le réalisateur et scénariste Italo Moscato (22’), qui dans un premier temps, replace Fellini Roma dans la carrière du cinéaste. Il compare l’oeuvre qui nous intéresse à d’autres films de Fellini, puis analyse plus en profondeur les thèmes, les partis pris et les intentions de Federico Fellini. Parallèlement, Italo Moscato évoque l’évolution de Rome à travers les décennies.

Ce disque contient également les célèbres scènes coupées et plans éliminés de Fellini Roma (17’). En introduction, un carton indique que toutes les bobines ont connu des coupes pour des questions de rythme. Les rejets les plus célèbres concernent les séquences à la fête de Noantri dans le Trastevere avec Marcello Mastroianni et Alberto Sordi, qui ont disparu du montage définitif. Les images ont été restaurées par L’Immagine Ritrovata en 2010. Des différences de colorimétrie indiquent quels sont les plans laissés sur le banc de montage.

L’interactivité du Blu-ray se clôt sur deux bandes-annonces.

Jetez-vous immédiatement sur les deux DVD inclus à l’édition collector.

Le premier disque contient les deux premières parties de Zoom sur Fellini (1983 – Gianfranco Angelucci), consacrées aux comédiens qui ont tourné avec le maestro (47’ et 50’). Interviennent pêle-mêle Marcello Mastroianni, Alberto Sordi, Franco Fabrizi, Leopoldo Trieste, Franco Interlenghi, Terence Stamp, Magali NoëlDonald Sutherland, Donatella Damiani, Freddie Jones, Caterina Boratto, Sandra Milo, Armando Brancia, Giulietta Masina, Ciccio Ingrassia, Alain Cuny, Anouk Aimée, Anita Ekberg et François Périer. Ouf ! Ces artistes exceptionnels ont bien voulu se raconter et parler de leur collaboration avec Federico Fellini, qui apparaît également à travers différentes images de tournage. Les anecdotes se multiplient et s’entrecroisent.

Le second disque Bonus démarre avec la partie 3, Fellini au panier (45’). Comme son titre l’indique, ce supplément se focalise sur des séquences entières coupées des films de Federico Fellini. Ce dernier, accompagné de l’écrivain, journaliste et traducteur Oreste del Buono, présentent et commentent des scènes laissées sur le banc de montage d’Amarcord, des Nuits de Cabiria et même du Casanova de Fellini. Les amateurs (ou mateurs c’est selon) de films Bis auront la surprise de découvrir une séquence où Donald Sutherland poursuit l’impressionnante Chesty Morgan, star du « classique » Supernichons contre mafia de Doris Wishman (1974), alléché par ses formes ultra-généreuses. Dommage que les propos soient parfois parasités par des petites interventions supposées être drôles de la starlette Nicoletta Della Corte, mais cela reste anecdotique.

La quatrième et dernière partie intitulée Les Visages de Fellini (49’30) se déroule au beau milieu des studios de Cinecittà, où Federico Fellini est en train de tourner Et vogue le navire. Alors que le réalisateur (et assistant de Fellini sur ce tournage) Andrea De Carlo déambule entre les restes de précédents tournages (La Cité des femmes notamment) laissés à l’abandon, les figurants interviennent face caméra pour raconter comment et pourquoi Federico Fellini les a engagés sur son film. La caméra s’immisce dans les coulisses, certains dorment dans un recoin du décor, Fellini fait un petit tour pour donner quelques indications sur le maquillage de ses acteurs. Un peu plus tard, Marcello Mastroianni est interviewé (en costume) sur le plateau d’Henri IV, le Roi fou de Marco Bellocchio.

L’Image et le son

Premier bon point : Exit le master 4/3 jusqu’alors disponible en DVD chez MGM et bienvenue à ce cher 16/9 qui nous avait tant manqué sur ce titre ! Fellini Roma débarque dans un master Haute-Définition. Bon, en revanche, quelques couacs à signaler. Le Blu-ray est au format 1080i, d’où sa durée d’1h54 puisque le film de 2 heures défile plus rapidement. Ensuite, l’image demeure parfois marquée par des tâches et points disparates, surtout durant la première partie. Toutefois, pour sa première édition en HD dans nos contrées, Fellini Roma s’avère plus que plaisant et même à redécouvrir dans ces conditions. Le confort de visionnage est présent, la colorimétrie est également à l’avenant avec de beaux contrastes, une texture argentique exemplaire, un piqué souvent confondant sur les séquences diurnes et même quelques noirs compacts. Le transfert est élégant et stable.

Il n’y a rien de bien méchant à signaler concernant la piste italienne DTS-HD Master Audio Mono 1.0 qui demeure de fort bon acabit et propre, si ce n’est quelques dialogues étrangement plus sourds que d’autres au cours d’une même séquence, ou bien diverses résonances et saturations émaillées par-ci, par-là. La version française DTS-HD Master Audio Mono manque quant à elle de naturel et se focalise trop sur le rendu des voix.

Crédits images : © Rimini Editions Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr