LA PIRATE réalisé par Jacques Doillon, disponible en DVD et Blu-ray depuis le 26 septembre 2018 chez LCJ Editions
Acteurs : Jane Birkin, Maruschka Detmers, Philippe Léotard, Andrew Birkin, Laure Marsac, Michael Stevens…
Scénario : Jacques Doillon
Photographie : Bruno Nuytten
Musique : Philippe Sarde
Durée : 1h24
Date de sortie initiale : 1984
LE FILM
Déchirée entre l’amour qu’elle voue à son mari et la passion qui la lie à son amie Carol, Alma est plongée dans la confusion la plus totale. Un mystérieux enfant la délivrera de ses tourments.
La Pirate est le septième long métrage de Jacques Doillon (né en 1944) et reste l’un de ses films les plus célèbres en raison du scandale suscité auprès du public lors de sa présentation au Festival de Cannes, où il était sélectionné en compétition officielle. Mais au-delà de ça, La Pirate demeure également une de ses œuvres les plus emblématiques, qui cristallise ses thèmes et obsessions. Intimiste et complexe, personnel et intellectuel, mais en même temps animé par le sujet universel de la confusion des sentiments amoureux, La Pirate ne cesse d’étonner, d’irriter, de prendre aux tripes, d’exciter, de jouer avec la patience, le coeur et l’âme du spectateur pendant 90 minutes. Parallèlement, le film renvoie à la propre situation de Jane Birkin (qui avait déjà tourné La Fille prodigue), à l’époque partagée entre deux hommes, Serge Gainsbourg, qu’elle a quitté en septembre 1980, et Jacques Doillon lui-même. Amoureuse des deux hommes, Jane Birkin devra néanmoins prendre une décision et se séparer de Serge Gainsbourg. La Pirate s’imprègne de cette histoire. Parallèlement, la passion charnelle entre les deux femmes annonce La Vie d’Adèle : Chapitres 1 et 2 d’Abdellatif Kechiche trente ans avant, avec ces corps nus filmés frontalement en train de faire l’amour, mais avec une élégance absente de la Palme d’or 2013. La Pirate est un film qui ne s’adresse pas à tous les spectateurs, qui continue à diviser et c’est d’autant mieux comme cela.
INDISCRET (Indiscreet) réalisé par Stanley Donen, disponible en DVD le 21 octobre 2019 chez Les Films du Paradoxe
Acteurs : Cary Grant, Ingrid Bergman, Cecil Parker, Phyllis Calvert, David Kossoff, Megs Jenkins…
Scénario : Norman Krasna d’après sa pièce de théâtre
Photographie : Frederick A. Young
Musique : Richard Rodney Bennett, Ken Jones
Durée : 1h40
Date de sortie initiale : 1958
LE FILM
De retour de Londres, une célèbre comédienne, célibataire endurcie, tombe sous le charme d’un ami de son beau-frère. Fonctionnaire de l’OTAN, il se présente comme l’un de ses plus fervents admirateurs et l’invite à assister à son discours. Mais cet homme séduisant cache un gros défaut : il est un célibataire convaincu ! Pour éviter de s’engager en amour, il fait croire que son épouse refuse le divorce…
En 1958, le cinéaste Stanley Donen (1924-2019) a le vent en poupe ! 14 films réalisés en à peine dix ans ! Ancien danseur et collaborateur de Gene Kelly, il devient réalisateur à la fin des années 1940 avec Un jour à New York, film musical mettant en scène son acolyte et Frank Sinatra. Sa carrière est lancée et sera placée sous le signe de la comédie-musicale, dont le film le plus emblématique restera à jamais Chantons sous la pluie (1952). Dans les années 1950, Stanley Donen enchaîne les projets et dirige les plus grands, les plus grandes surtout, comme Janet Leigh, Debbie Reynold, Cyd Charisse, Audrey Hepburn et Doris Day. En 1957, il signe Embrasse-la pour moi – Kiss Them for Me avec Cary Grant, qui donne la réplique à la sulfureuse Jayne Mansfield. Enchantés par cette collaboration le comédien et Stanley Donen décident de remettre le couvert tout de suite après. Ce sera Indiscret – Indiscreet, adapté de la pièce de théâtre de Norman Krasna, scénariste émérite et auteur du formidable La Femme la plus riche du monde (1934) de William A. Seiter et du légendaire Noël Blanc – White Christmas (1954) de Michael Curtiz. Cette comédie très élégante vaut essentiellement pour son couple vedette, Cary Grant et Ingrid Bergman, réunis à l’écran douze ans après le chef d’oeuvre d’Alfred Hitchcock, Les Enchaînés – Notorious.
Nullo et Carmela s’aiment. Lui, militant communiste et syndicaliste, elle, sicilienne, catholique et soumise à l’autorité d’un frère. Quoi qu’ils fassent, leur amour est condamné d’avance et leur vie quotidienne contaminée par l’environnement, la différence entre les gens du Nord et du Sud, et par cette usine de Milan dont le patron empoisonne plus ou moins volontairement les ouvriers…
Alors qu’il vient de tourner l’un de ses films les plus corrosifs, L’Argent de la vieille – Lo Scopone scientifico, le grand Luigi Comencini (1916-2007) enchaîne rapidement avec Un vrai crime d’amour – Delitto d’amore, une œuvre pudique, immense de sensibilité et divinement interprété par le couple Stefania Sandrelli et Giuliano Gemma. Histoire d’amour bouleversée par la classe sociale, l’origine, la religion et l’orientation politique de leurs familles respectives, les deux amants renvoient à Roméo et Juliette de William Shakespeare. Luigi Comencini signe un mélodrame bouleversant et romanesque, tout en fustigeant son pays englué dans ses traditions inamovibles et archaïques, qui se tourne alors vers la course au profit, au détriment des sentiments humains et du respect de l’environnement. Un vrai crime d’amour est un film méconnu du maestro, mais n’en demeure pas moins riche et n’a de cesse d’approfondir les thèmes qui parcourront l’oeuvre à venir du cinéaste.
SÉDUIS-MOI SI TU PEUX ! (Long Shot) réalisé par Jonathan Levine, disponible en DVD le 25 septembre 2019 chez M6 Vidéo
Acteurs : Charlize Theron, Seth Rogen, O’Shea Jackson Jr., Andy Serkis, June Diane Raphael, Bob Odenkirk, Alexander Skarsgård, Ravi Patel, Lisa Kudrow…
Scénario : Dan Sterling, Liz Hannah
Photographie : Yves Bélanger
Musique : Marco Beltrami, Miles Hankins
Durée : 2h00
Année de sortie : 2019
LE FILM
Fred, un journaliste au chômage, a été embauché pour écrire les discours de campagne de Charlotte Field, en course pour devenir la prochaine présidente des Etats-Unis et qui n’est autre… que son ancienne baby-sitter ! Avec son allure débraillée, son humour et son franc-parler, Fred fait tâche dans l’entourage ultra codifié de Charlotte. Tout les sépare et pourtant leur complicité est évidente. Mais une femme promise à un si grand avenir peut-elle se laisser séduire par un homme maladroit et touchant ?
Remarqué dès son premier long métrage Tous les garçons aiment Mandy Lane (2006) qui a révélé Amber Heard, le réalisateur Jonathan Levine (né en 1976) a ensuite confirmé avec Wackness (2008) et surtout l’excellent 50/50 (2011) avec Joseph Gordon-Levitt et Seth Rogen. S’il délaisse momentanément la comédie pour le film fantastique Warm Bodies (2013), il y revient très vite avec The Night Before (2015) et Larguées (2017). Séduis-moi si tu peux !, titre français improbable de Long Shot est comme qui dirait le film de la maturité pour le cinéaste, qui pour l’occasion collabore avec Seth Rogen pour la troisième fois. Comédie-romantique teinté de politique, Séduis-moi si tu peux ! rappelle quelques classiques du genre des années 1990. Si Pretty Woman est ouvertement cité à travers la chanson It must have been love tirée de Pretty Woman, le film mixe surtout Président d’un jour – Dave (1993) d’Ivan Reitman et Le Président et Miss Wade – The American President (1995) de Rob Reiner, en inversant les rôles et en confiant celui de la (possible) future présidente des Etats-Unis à la sublime Charlize Theron. L’alchimie entre les deux têtes d’affiche est évidente et Séduis-moi si tu peux ! s’impose rapidement comme étant l’une des comédies de l’année.
L’ENFER DES TROPIQUES (Fire Down Below) réalisé par Robert Parrish, disponible en DVD et Blu-ray le 16 juillet 2019 chez Rimini Editions
Acteurs : Rita Hayworth, Robert Mitchum, Jack Lemmon, Herbert Lom, Bonar Colleano, Bernard Lee, Edric Connor, Peter Illing…
Scénario : Irwin Shaw d’après le roman de Max Catto
Photographie : Desmond Dickinson
Musique : Arthur Benjamin, Douglas Gamley, Kenneth V. Jones
Durée : 1h50
Date de sortie initiale : 1957
LE FILM
Aux Caraïbes, Felix Bower et Tony Finn, deux aventuriers, vivent de petits trafics. Moyennant une jolie somme d’argent, ils acceptent d’emmener clandestinement Irena, ex-danseuse au passé mystérieux, jusqu’à l’île de Santa Nada. Tony tombe amoureux d’elle. Les rapports entre les deux hommes dégénèrent.
Il y a des films qui n’ont apparemment rien de transcendant, mais qui pourtant fascinent en raison de leurs comédiens. Soyons honnêtes, L’Enfer des tropiques (1957) ne serait sûrement pas resté dans l’histoire du cinéma si le film de Robert Parrish (1916-1995), ancien comédien vu dans une dizaine de films de John Ford (également monteur parfois), n’avait pas eu comme têtes d’affiche Robert Mitchum, Rita Hayworth et Jack Lemmon. Ce film d’aventures et triangle amoureux pèche par son manque d’enjeux et d’un dernier tiers où l’histoire semble s’arrêter, s’immobiliser, se figer comme si le réalisateur ne savait plus quoi faire de ses personnages. Néanmoins, Fire Down Below, à ne pas confondre, mais ce serait difficile, avec le film de Steven Seagal du même nom et sorti en France sous le titre Menace toxique (parce qu’on aime toujours parler de tonton Stevie quand on en a l’occasion), reste une curiosité, assez lisse et proprette, qui vaut pour la confrontation de ses trois monstres hollywoodiens qui s’aiment et se déchirent dans des décors paradisiaques.
TULIP FEVER réalisé par Justin Chadwick,disponible en DVD et Blu-ray le 4 septembre 2018 chez TF1 Studio
Acteurs : Alicia Vikander, Dane DeHaan, Christoph Waltz, Judi Dench, Holliday Grainger, Zach Galifianakis, Cara Delevingne, Jack O’Connell…
Scénario : Deborah Moggach, Tom Stoppard d’après le roman « Le Peintre des vanités » – « Tulip Fever » de Deborah Moggachd
Photographie : Eigil Bryld
Musique : Danny Elfman
Durée : 1h41
Date de sortie initiale: 2017
LE FILM
Amsterdam – 1636. La ville est plongée dans une fièvre spéculative autour du commerce de la tulipe. Un riche marchand décide d’engager un célèbre portraitiste pour immortaliser la beauté de sa jeune femme. Au premier coup de pinceau, une passion dévorante débute entre la jeune Sophia et le séduisant peintre. Alors qu’une liaison torride et fougueuse s’installe, les jeunes amants cherchent à se débarrasser du mari envahissant et à s’enfuir. Une soif de liberté qui aura un prix, aussi précieux que celui d’une tulipe..
Tulip Fever est un film qui revient de loin. Il aura fallu près de dix ans pour que cette adaptation du roman Le Peintre des vanités – Tulip Fever de Deborah Moggach (1999) puisse voir le jour dans les salles ou en e-cinéma. A l’origine prévue avec Jude Law et Keira Knightley sous la direction de John Madden (Shakespeare in love, Miss Sloane), cette romance historico-dramatique aura connu moult déboires et notamment des changements de règles fiscales dans la production de film au Royaume-Uni. Résultat, cette histoire est restée dans les tiroirs jusqu’au jour où le réalisateur Justin Chadwick (Deux sœurs pour un roi, Mandela : Un long chemin vers la liberté) mette la main dessus et parvienne à réunir les fonds nécessaires. Tous deux oscarisés, la sylphide Alicia Vikander (pour Danish Girl) et Christoph Waltz (pour Inglourious Basterds et Django Unchainded) héritent des deux rôles principaux, tandis que Dane Dehaan interprète le jeune peintre qui va troubler l’existence de Sophia. Le film est tourné en 2014, mais restera bloqué jusqu’en 2017.
Metteur en scène du mal aimé et pourtant très réussi Deux sœurs pour un roi, qui réunissait Scarlett Johansson et Natalie Portman, Justin Chadwick prouve une fois de plus que la reconstitution historique lui sied à ravir avec une direction artistique solide, des décors et des costumes soignés, ainsi qu’une photo rappelant certaines œuvres de Rembrandt et de Vermeer. Tulip Fever peut paraître académique, mais on croit et l’on plonge volontiers dans cette ville d’Amsterdam du XVIIe siècle, marquée par la folie du commerce des tulipes, qui se revend à prix d’or, surtout lorsque l’une d’entre elles est marquée par une anomalie chromatique, comme la tant convoitée tulipe marbrée. Tel un bulbe en pleine éclosion, Sophia, délicatement incarnée par la sublime Alicia Vikander donc, va commencer à s’épanouir quand elle rencontre un artiste venu lui tirer le portrait avec son époux (Christoph Waltz), fortuné, d’âge mûr, veuf. Sans enfant, décédé lors de l’accouchement de son épouse, qui n’a également pas survécu, Cornelis Sandvoort « achète » Sophia, orpheline, pour qu’elle lui donne un héritier. Mais les mois passent et la jeune femme ne tombe pas enceinte. C’est alors que le film prend une tournure digne d’un boulevard avec la servante des Sandvoort (Holliday Grainger), enceinte des œuvres du poissonnier, qui par peur d’être renvoyée va finalement accepter la proposition de Sophia.
Cette dernière ayant une liaison avec l’artiste Jan Van Loos, s’est fait remarquée par la servante Maria. En échange de son silence, Sophia décide de faire semblant d’être enceinte, tandis que Maria devra dissimuler sa grossesse. A la naissance du bébé, Sophia adoptera l’enfant et Maria, dont le fiancé demeure mystérieusement introuvable, conservera son travail. Justin Chadwick joue avec les genres, avec les tons et l’empathie des spectateurs pour les personnages. Si Cornelis Sandvoort est d’abord présenté comme un négociant en épices riche et froid, l’homme se révélera attentionné, amoureux de sa femme, voulant à tout prix être père. Christoph Waltz domine la distribution du début à la fin. Alicia Vikander, tour à tour ingénue et stratège, crève l’écran une fois de plus par sa beauté diaphane, sa fragilité et sa sensualité. Seule ombre au tableau, Dane DeHaan reste bien fade face à ses partenaires, semblant constamment avoir été tiré du lit juste avant de tourner. Mais bon, nous n’aurions rien gagné au change puisque le monolithique Matthias Schoenaerts avait un temps été envisagé.
Finalement, l’aspect romantique l’emporte moins que la psychologie du personnage formidablement interprété par Christoph Waltz, de loin son meilleur rôle depuis longtemps. Alors certes, Tulip Fever part un peu dans tous les sens, ne sait pas quelle position adoptée et a souvent du mal à trouver une identité propre, mais ses petites imperfections (multiplication des rebondissements, fin expédiée) sont attachantes et les comédiens formidables (dont Zack Galifianakis et Dame Judi Dench) emportent facilement l’adhésion.
LE DVD
Après un détour par la case e-cinéma, Tulip Fever est arrivé dans les bacs en DVD et Blu-ray. Le test de l’édition SD dispinible chez TF1 Studio a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
L’éditeur accompagne le film de Justin Chadwick d’un making of (15’). De facture classique, ce documentaire se compose d’images de tournage, mais surtout des propos des comédiens et du réalisateur. Les intervenants ne font jamais mention de très longue gestation du film (dix ans en raison de problèmes financiers) et font surtout l’éloge de toute l’équipe, tout en parlant des personnages et du contexte social à Amsterdam au XVIIe siècle.
L’Image et le son
L’éditeur ne nous a pas fourni l’édition HD et c’est bien dommage. Nous aurions bien voulu découvrir les partis pris du directeur de la photographie danois Eigil Bryld (Bons baisers de Bruges) dans les meilleures conditions possibles. Il faudra se contenter d’un DVD très moyen, à la compression souvent hasardeuse et aux couleurs fanées. La définition est parfois médiocre, les contrastes limités, les flous occasionnels et le visage des comédiens paraît trop cireux pour être honnête.
Bien qu’elle soit essentiellement musicale, la spatialisation instaure un réel confort acoustique. Par ailleurs, les quelques effets glanés ici et là sur les enceintes arrière permettent de plonger le spectateur dans l’atmosphère du film comme sur les canaux bondés de marchands ou lors des transactions enflammées. Les voix sont solidement plantées sur la centrale en anglais comme en français avec un net avantage pour la première piste. L’éditeur joint également deux pistes Stéréo, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
En 1942, en riposte à l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, l’US Air Force décide de bombarder Tokyo. Mais sur le chemin du retour, l’avion du jeune pilote Jack Turner, à court de carburant, s’écrase dans la jungle de la province de Zhejiang en Chine. Les aviateurs qui ont pu sauter en parachute sont capturés par les forces d’occupation japonaise. Jack, blessé, est secouru par Ying, une jeune veuve chinoise du village voisin. Aidée par sa fille de 12 ans et la résistance chinoise, elle va cacher le soldat américain chez elle, alors que les troupes japonaises ratissent la zone à sa recherche. Au coeur des combats, ying et Jack vont-ils réussir à s’exfiltrer et à fuir le chaos ?
Etrange carrière que celle du danois Bille August. Si son nom reste souvent méconnu des cinéphiles et des spectateurs, il est pourtant l’un des rares réalisateurs à avoir remporté deux fois la Palme d’or au Festival de Cannes pour Pelle le Conquérant en 1988, inspiré du livre de son compatriote Martin Andersen Nexo et Les Meilleures intentions en 1992, portrait de jeunesse des parents d’Ingmar Bergman, dont il était un ami proche. Ses plus grands succès restent La Maison aux esprits (1994) grâce à son casting international et sa version Reader’s Digest des Misérables réalisé en 1998 avec Liam Neeson dans le rôle de Jean Valjean. En dehors de cela, Bille August, ancien directeur de la photographie, n’a jamais vraiment arrêté de tourner, même si ses œuvres restent marquées par un académisme souvent ronflant. C’est comme qui dirait le cas de The Lost Soldier, sorti également sous le titre In Harm’s Way aux Etats-Unis, The Hidden Soldier en Angleterre ou bien encore The Chinese Widow dans le reste du monde. Cette romance entre une chinoise, veuve éplorée et un soldat américain manque singulièrement de mordant, d’entrain et d’intérêt et vaut essentiellement pour ses comédiens.
Après avoir bombardé Tokyo, les pilotes d’avion tentent de renflouer sur les zones côtières de Zhejiang en raison du manque de carburant pour rentrer en Amérique. Après s’être parachuté, l’un d’entre eux, Jack Turner, est sauvé par une jeune veuve locale, Ying, qui le cache dans une grotte. Rapidement, bien qu’ils ne soient pas capables de communiquer verbalement, ils tombent amoureux et une histoire d’amour commence entre ce soldat blessé et cette mère de famille hantée par la mort de son mari. Mais l’Américain est traqué par l’armée japonaise qui veut l’éliminer…
Bille August sait faire des belles images. C’est indéniable. Mais malheureusement il n’y a pas vraiment grand-chose d’autre à sauver de cette production chinoise. Révélation de The Girl Next Door de Gregory Wilson en 2004, puis lancé définitivement avec Into the Wild de Sean Penn en 2007, Emile Hirsch est un comédien qui a toujours inspiré la sympathie. C’était également le cas dans le sensationnel Speed Racer des Wachowski, Harvey Milk de Gus Van Sant, Killer Joe de William Friedkin et Prince of Texas de David Gordon Green. Un C.V. plutôt impressionnant. Mais il n’est guère convaincant dans The Lost Soldier dans le rôle-titre. Son charisme semble éteint et son personnage passe même au second plan. L’actrice Liu Yifei, vue dans Le Royaume interdit de Rob Minkoff et future Mulan dans la prochaine adaptation live des studios Disney, tire son épingle du jeu. Sa sensibilité, sa beauté et son talent transcendent The Lost Soldier.
Les effets visuels sont étonnamment laids et rappellent parfois un nanar d’Asylum, comme lorsque Jack et son équipe décollent du porte-avions, ainsi que toutes les scènes de bombardements et de vol aérien qui sentent les CGI à deux balles. Admettons. Le reste du film, qui au passage a été projeté en ouverture au Festival international du film de Shanghaï en juin 2017, adopte un rythme de croisière très lent, peu aidé par un montage conventionnel. The Lost Soldier devient alors trop contemplatif, tandis que l’amourette entre Jack et Ying arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, sans signes annonciateurs, sans évolution des personnages. Bille August ne prend aucun risque et apparaît ici plutôt en tant que technicien au service d’un film intéressant dans son propos, auquel il ne parvient jamais à insuffler une âme pour le distinguer du tout-venant. Dommage.
LE BLU-RAY
The Lost Soldier arrive directement dans les bacs, sans passer par la case cinéma. Le test de l’édition Blu-ray, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
M6 Vidéo ne vient pas les mains vides.
On commence par l’interview du réalisateur réalisée lors de la présentation de The Lost Soldier au Festival international du film de Shanghaï (13’). Bille August répond à des questions sans véritable intérêt. Il revient sur le casting, les conditions de tournage (quelques images à l’appui), le scénario, la reconstitution. Puis, l’entretien dévie sur Pelle le Conquérant et sur l’amitié du cinéaste avec Ingmar Bergman.
Emile Hirsch intervient également sur The Lost Soldier, une fois encore dans le cadre du festival évoqué plus haut (4’). Les questions d’une journaliste chinoise sont traduites en anglais. Le comédien évoque le travail avec Bille August, son personnage et sa partenaire Liu Yifei.
Si les cours d’histoire vous embêtaient à l’école, passez votre chemin. Autrement, nous ne pouvons que vous conseiller d’écouter l’exposé de François Garçon, docteur en histoire, auteur, enseignant et chercheur à l’université de Paris I (15’). Ce dernier présente le contexte historique du film, à travers quelques cartes et images d’archives.
Des images d’archives il en est encore question dans le dernier module, puisque l’éditeur a mis la main sur un reportage d’époque, résumant l’histoire de la guerre du Pacifique (10’). Les images sont très impressionnantes, violentes, frontales.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce en VF et VO.
L’Image et le son
Un master HD loin d’être optimal. De nombreux flous parasitent le visionnage, le piqué est aléatoire et les contrastes sont à la traîne. Les horribles images de synthèse passent très mal le cap du petit écran. La photo aux ambiances bleutées et verdâtres est assez bien restituée, surtout sur les séquences en extérieur. Malgré tout, le teint des acteurs est assez cireux, les détails manquent à l’appel.
M6 Vidéo propose de visionner le film en français et version originale, en DTS HD Master Audio 5.1 ou en simple Dolby Digital 5.1 ! Evidemment, notre choix est évident puisque nous ici en Haute-Définition. La piste originale mêle anglais et mandarin, tandis que la version française conserve les dialogues en mandarin et seuls les dialogues anglais sont doublés, ce qui conserve une touche d’authenticité. En VO, les propos en anglais sont sous-titrés en français avec des caractères plus épais. Dans les deux cas, la spatialisation est convaincante, surtout lors des scènes de bombardement au début du film, ainsi que sur les raids aériens. La pluie est également et subtilement distillée sur les enceintes latérales.
LES AMANTS DU TAGEréalisé par Henri Verneuil,disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livretle 22 octobre 2018 chez Coin de mire Cinéma
Acteurs : Daniel Gélin, Françoise Arnoul, Trevor Howard, Marcel Dalio, Amalia Rodriguez, Ginette Leclerc, Georges Chamarat, Betty Stockfled, Jacques Mulières…
Scénario : Jacques Companéez, Marcel Rivet d’après le roman éponyme de Joseph Kessel
Photographie : Roger Hubert
Musique : Lucien Legrand
Durée : 1h52
Date de sortie initiale: 1955
LE FILM
Pour fuir un passé trop douloureux, Pierre Roubier s’est exilé à Lisbonne… en compagnie d’amis de rencontre, de maîtresses de hasard, il essaie d’oublier le jour maudit où, par jalousie, il a tué sa femme. Perdu dans le grouillement bigarré de la ville, il fait alors la connaissance de Kathleen Dinver…
Comme je l’indiquais dans la critique des Gens sans importance, Les Amants du Tage est le premier vrai grand virage du réalisateur d’Henri Verneuil après ses immenses succès populaires mettant en scène Fernandel. Dans cette adaptation d’un roman de Joseph Kessel (qui signe ici les merveilleux dialogues) publié en 1954, le cinéaste passe à la vitesse supérieure en jouant sur le cadre et avec toute la technique mise à disposition, tandis que son récit mélodramatique lui permet de démontrer son art du storytelling. Romanesque, exotique et émouvant, Les Amants du Tage est un très beau film méconnu à travers lequel naît véritablement l’un de nos plus grands réalisateurs.
Paris, août 1944 : la guerre finie, Pierre Roubier rentre chez lui et découvre sa femme dans les bras de son amant. De colère, il les abat tous deux d’un coup de mitraillette, mais, grâce à son passé de résistant, écope d’une peine symbolique. Il s’exile à Lisbonne où il devient chauffeur de taxi. Il rencontre la séduisante Kathleen Dinver. La jeune femme, récemment veuve, est elle-même aux prises avec un passé pesant : elle est en effet soupçonnée par l’opinion publique d’avoir contribué à la mort de son mari, Lord Denver, dans un tragique accident. Un amour naît entre Pierre et Kathleen, qui va être contrarié par le poids du passé, surtout que Kathleen fait l’objet d’une filature de la part de l’inspecteur Lewis, bien décidé à démontrer sa culpabilité.
En 1955, Henri Verneuil délaisse momentanément Fernandel après six films et autant d’immenses succès populaires en commun. Tourné entre Paris et Lisbonne, Les Amants du Tage joue la carte de la romance contrariée avec comme toile de fond la capitale portugaise, une musique bouleversante signée Michel Legrand et le fado de la grande Amália Rodrigues. Loin d’utiliser Lisbonne comme simple carte postale, Henri Verneuil joue avec les contrastes entre une ville solaire et chaleureuse et l’amour d’un jeune couple parasité par le passé trouble de la jeune femme où le personnage de l’inspecteur retors symboliserait l’éclipse du feu ardent qui les anime.
Pour sa seule incursion dans le cinéma d’Henri Verneuil, Daniel Gélin campe un antihéros sombre, négatif, éteint, torturé, qui tente de se reconstruire (en en faisant un peu trop c’est vrai) après un terrible drame qui lui a fait perdre les pédales. Une possible rédemption lui apparaîtra sous l’apparence d’une jeune femme divine, sensuelle, mais qui dissimule également un drame récent. Comme dans Des gens sans importance, la vie réunit ces deux individus écorchés, en marge. Pierre et Kathleen se reconnaissent et vont s’aimer. Cette dernière est incarnée par la sublime Françoise Arnoul, alors comédienne fétiche du cinéaste. Sa beauté naturelle, magnifiquement photographiée par Roger Hubert, crève l’écran une fois de plus et Les Amants du Tage vaut en très grande partie pour la puissance de son jeu et son charisme flamboyant, mystérieux et envoûtant. Celui qui tire également son épingle du jeu n’est autre que l’immense acteur britannique Trevor Howard, dans le rôle de Lewis, l’obstiné inspecteur de Scotland Yard, bien décidé à démontrer la culpabilité de Kathleen, pour ensuite la mettre sous les verrous. En français dans le texte, en phonétique certes, l’acteur fait le lien avec Brève rencontre et Les Amants passionnés de David Lean, sortis en 1945 et 1949. Son flegme so british dissimule en réalité un flic diabolique, opiniâtre, implacable, prêt à tout pour aller au bout de sa mission.
S’il lui manque un certain souffle pour convaincre entièrement, Les Amants du Tage démontre l’indéniable virtuosité de son metteur en scène et le sort réservé à ces deux amants rattrapés par le destin marque définitivement les esprits. Un charme rétro toujours intact et élégant, transcendé par sa beauté plastique. Un coup d’essai que transformera Henri Verneuil en coup de maître avec Des gens sans importance, tourné dans la foulée.
LE DIGIBOOK
Nous en avons déjà parlé à trois reprises, si vous désirez en savoir plus sur la présentation de l’objet concocté par Coin de Mire Cinéma, reportez-vous aux chroniques d’Archimède le clochard, Les Grandes familles et Des gens sans importance. Même chose que pour ces trois titres, le menu principal est fixe et musical.
Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités Pathé du moment démarrent alors, suivies de la bande-annonce d’un film, puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores. Le film démarre une fois que le salut du petit Jean Mineur (Balzac 00.01).
L’édition desAmants du Tage contient donc les actualités de la 11e semaine de l’année 1955 comme la venue à Paris de la comédienne Gina Lollobrigida pour la présentation de son nouveau film, la création d’un tissu inusable ou le salon des arts ménagers parasité par le groupe vocal des Quatre Barbus (10’).
Ne manquez pas les formidables réclames de l’année 1955 avec une publicité pour les esquimaux Gervais, les caramels Valentin, l’eau Vichy Célestins, Nescafé et un shampooing étrange constitué d’oeufs (8’).
La bande-annonce des Amants du Tage et celles des cinq autres titres de la collection édités le 22 octobre sont également disponibles.
L’Image et le son
En dehors de quelques images d’archives en début de film, forcément marquées et non retouchées, et de la dernière séquence aux légers fourmillements, le master restauré en Haute-Définition des Amants du Tage est superbe. On ne s’attendait pas à un tel rendu. La copie est étincelante, avec des noirs denses qui côtoient des blancs immaculés et la palette de gris est largement étendue. La restauration est exceptionnelle, aucune scorie n’a survécu au nettoyage numérique et le piqué est bluffant. Le grain original est heureusement conservé et excellemment géré. Ce Blu-ray permettra de (re)découvrir totalement cette œuvre d’Henri Verneuil. Exit l’ancienne édition DVD disponible chez LCJ !
La piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations demeurent inévitables surtout sur les quelques dialogues aigus et les fados, l’écoute se révèle fluide, limpide et surtout saisissante. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.
MIDNIGHT SUN réalisé par Scott Speer,disponible en DVD et Blu-rayle 16 octobre 2018 chez TF1 Studio
Acteurs : Bella Thorne, Patrick Schwarzenegger, Rob Riggle, Quinn Shephard, Ken Tremblett, Suleka Mathew, Jennifer Griffin, Nicholas Coombe…
Scénario : Eric Kirsten d’après le film Taiyô no uta de Kenji Bando
Photographie : Karsten Gopinath
Musique : Ethan Dorr, Morgan Dorr, Nate Walcott
Durée : 1h32
Date de sortie initiale: 2018
LE FILM
Katie Price est une adolescente comme les autres, ou presque. Elle ne peut en aucun cas être exposée à la lumière du jour, sous peine d’en mourir. La journée, elle compose et joue de la guitare, et observe le monde depuis sa chambre, notamment Charlie Reed, son voisin. À la nuit tombée, ses rêves prennent vie ! Elle sort chanter dans la gare près de chez elle. Un soir, elle se retrouve face à Charlie. Lui est instantanément sous le charme et se met en tête de la revoir… Pourront-ils s’aimer au grand jour ?
Le cinéma a toujours aimé les histoires contrariées par la maladie ou un grave accident de l’un des deux protagonistes. Citons pêle-mêle Love Story d’Arthur Hiller,Nos étoiles contraires avec Shailene Woodley, Le Temps d’un automne d’Adam Shankman, Le Choix d’aimer avec Julia Roberts, Si je reste avec Chloë Grace Moretz, Un automne à New York avec Richard Gere et Winona Ryder, Restless de Gus Van Sant, Moulin Rouge de Baz Luhrmann. Midnight Sun est le remake américain du film japonais Taiyō no Uta (2006) de Norihiro Koizumi. Toutefois, on pense également au film La Permission de minuit de Delphine Gleize, sorti en 2011, dont le jeune héros était comme le personnage de Katie dans Midnight Sun, atteint de Xeroderma pigmentosum, une maladie génétique extrêmement rare – celle des « enfants de la Lune » qui touche un individu sur un million aux Etats-Unis – qui contraint la personne à rester à l’abri de la lumière du jour en raison des rayons ultraviolets qui provoquent des dommages à l’ADN que ses cellules ne peuvent naturellement réparer, entraînant irrémédiablement des cancers cutanés multiples. Un sujet fait pour le cinéma quoi.
Ce qui attire également le spectateur ici, c’est la présence de Patrick Schwarzenegger, 25 ans, fils de qui vous savez, qui se retrouve pour la première fois en haut de l’affiche et qui forme un joli couple avec Bella Thorne, comédienne et chanteuse, ancienne égérie de la chaîne Disney Channel. L’un et l’autre ne manquent pas de charisme ni de talent et font passer la pilule de cette bluette somme toute banale et qui ne manquera pas de faire pleurer dans les chaumières.
Katie, 17 ans, est atteinte d’une maladie orpheline appelée xeroderma pigmentosum : elle ne peut exposer sa peau aux rayons du soleil sous peine d’être gravement brûlée. Alors, depuis qu’elle est toute petite, elle reste enfermée à la maison, avec pour seule compagnie son père, Jack. Une fois la nuit tombée, Katie s’aventure à l’extérieur. Elle se rend à la gare locale la plus proche et joue de la guitare pour les voyageurs de passage. Un soir, Katie fait la connaissance de Charlie, une ancienne gloire sportive du lycée qu’elle admire en secret depuis sa plus tendre enfance. Elle lui cache la vérité à propos de sa maladie. Katie et Charlie ne tardent pas à tomber amoureux.
Alors oui, on sait d’avance comment tout cela va se terminer. Mais ça fonctionne. Il faudrait vraiment avoir un coeur de pierre pour ne pas être ému par cette histoire, très bien interprétée par deux jeunes acteurs charismatiques, complices et au sourire contagieux. Bella Thorne s’impose sans mal avec sa beauté qui n’est pas sans rappeler celle d’une Julianne Moore juvénile ou bien encore celle de notre Ana Girardot nationale. Aussi à l’aise devant la caméra que derrière un micro – le film contient quelques chansons assez entraînantes – Bella Thorne est un nom à garder en tête. A ses côtés, Patrick Schwarzenegger est tout aussi chouette et la ressemblance avec son père est parfois assez troublante. Habitué des comédies et des rôles frappadingues dans Ricky Bobby : Roi du circuit, Frangins malgré eux, 21 Jump Street, Rob Riggle trouve ici un très beau contre-emploi dans le rôle du père de Katie, veuf, qui a sacrifié sa vie pour s’occuper de sa fille.
Du point de vue mise en scène, Scott Speer, spécialiste du clip vidéo et réalisateur d’un Sexy Dance 4, s’en sort pas trop mal, d’une part en mettant en valeur les vocalises de Bella Thorne, sans pour autant tomber dans le cliché clipesque, d’autre part en insufflant un rythme et en composant de belles images. Si beaucoup trouveront le film naïf, un brin désuet, Midnight Sun évite pourtant les niaiseries à la Twilight et consorts, et saura séduire les adolescents auxquels il est clairement destiné.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Midnight Sun, disponible chez TF1 Studio, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Du côté des bonus, quasiment rien à signaler, si ce n’est une mini-featurette de deux minutes. Si l’on pense tout d’abord être en présence de la bande-annonce, quelques rapides propos de l’équipe et des images de tournage viennent remplir ces quelques secondes dispensables.
L’Image et le son
Le master HD édité par TF1 Studio restitue habilement la photo du film en conservant des couleurs à la fois froides et chaudes, des contrastes denses ainsi qu’un relief constamment palpable. Ces volontés artistiques entraînent certes une image parfois plus douce, une légère perte de la définition sur les séquences nocturnes, mais ce serait vraiment chipoter car la compression AVC consolide l’ensemble, les détails sont légion, le piqué aiguisé et la copie éclatante.
Le spectacle est largement assuré par les mixages DTS-HD Master Audio 5.1, en anglais comme en français. La spatialisation musicale bénéficie d’une large ouverture de l’ensemble des enceintes, les dialogues sont solidement plantés sur la centrale, même si l’action latérale demeure finalement limitée. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale.
LA FILLE SUR LA BALANÇOIRE (The Girl in the Red Velvet Swing) réalisé par Richard Fleischer,disponible en DVD et Blu-rayle 2 octobre 2018 chez Rimini Editions
Acteurs : Ray Milland, Joan Collins, Farley Granger, Luther Adler, Cornelia Otis Skinner, Glenda Farrell, Frances Fuller, Phillip Reed…
Scénario : Walter Reisch, Charles Brackett
Photographie : Milton R. Krasner
Musique : Leigh Harline
Durée : 1h49
Date de sortie initiale: 1955
LE FILM
Dans l’Amérique des années 1900, Stanford White, célèbre architecte new-yorkais, marié mais séducteur réputé âgé de 47 ans, remarque dans une troupe de danseuses de cabaret Evelyn Nesbit, qui n’a que 16 ans. Cette dernière tombe sous son charme, mais celui-ci, torturé par sa conscience, cherche à éloigner la jeune femme, dont il est tombé amoureux. La jeune fille est également convoitée par un riche oisif, Harry Thaw. Quatre ans plus tard, celui-ci l’épouse. Mais, sa jalousie s’exacerbe à l’encontre de White. Un soir, dans un cabaret fréquenté par la haute société, il abat l’architecte de trois coups de revolver. Lors du procès Evelyn cédera aux pressions de sa belle mère et fera un faux témoignage pour sauver la tête de son mari.
Fils du pionnier de l’animation Max Fleischer (producteur de Popeye et de Betty Boop), Richard Fleischer (1916-2006) tente d’abord de devenir comédien mais se retrouve rapidement dans la salle de montage pour s’occuper des films d’actualités pour la RKO. Après quelques courts-métrages remarqués en tant que réalisateur, Richard Fleischer se voit confier quelques séries B. C’est le cas d’Assassin sans visage, remarquable film noir d’une heure montre en main tourné en seulement dix jours en 1949. Jalon de l’histoire du film criminel, l’oeuvre de Richard Fleischer repose sur une mise en scène stylisée et demeure l’un des premiers films à traiter de manière réaliste de la figure du serial killer.
Sous contrat avec la RKO, Richard O. Fleischer, signe plus tard Bodyguard, un petit polar à l’intrigue banale et même sans surprise, qu’il parvient à élever grâce à une mise en scène inspirée et dynamique, une direction d’acteurs parfaite (parfait Lawrence Tierney et dernière apparition de l’adorable Priscilla Lane) et même quelques touches d’humour qui font mouche. Série B vive et dynamique, particulièrement intéressante sur le plan visuel et faisant fi d’un budget somme toute restreint, bourrée d’idées (la scène finale dans l’abattoir) et de trouvailles sympathiques (un gros plan sur un oeil), Bodyguard, ce quatrième long-métrage de Richard Fleischer, se voit encore aujourd’hui comme une belle curiosité.
Tous ces petits longs métrages vont permettre à Richard Fleischer de révéler son savoir-faire. Sa spécialité ? Les polars secs et nerveux à l’instar du Pigeon d’argile grâce auquel le cinéaste transcende une fois de plus un postulat de départ classique pour s’amuser avec les outils techniques mis à sa disposition. Dès 1952 avec L’Enigme du Chicago Express, le réalisateur est reconnu dans le monde entier comme étant un nouveau maître du cinéma. Cette ascension fulgurante lui ouvrira les portes des grands studios Hollywoodiens où il démontrera son immense talent et son goût pour un éclectisme peu commun : Vingt Mille lieues sous les mers (1954), Les Inconnus dans la ville (1955), Les Vikings (1958). Juste après avoir connu le succès dans le monde entier avec sa transposition de l’oeuvre de Jules Verne, Richard Fleischer enchaîne avec La Fille sur la balançoire. Si ce film semble plus classique qu’à son habitude, The Girl on the Red Velvet Swing annonce pourtant les œuvres à venir de Richard Fleischer, notamment celles basées sur des faits divers criminels. Ou comment La Fille sur la balançoire s’inscrit bel et bien dans une filmographie éclectique – 60 films en 45 ans – et pourtant cohérente.
Ayant envisagé dans sa jeunesse des études pour devenir psychiatre, Richard Fleischer s’est toujours intéressé aux obsessions de ses personnages, d’un côté ou de l’autre de la justice. Ce sera notamment le cas dans Le Génie du mal (1959), adapté du roman Crime (1956) de l’écrivain et journaliste Meyer Levin, dans lequel le cinéaste s’inspire de l’affaire Leopold et Loeb, que Levin avait par ailleurs couvert pour le compte du Daily News en 1924 alors qu’il fréquentait la même Université que les deux criminels. Nathan Leopold et Richard Loeb étaient deux riches et brillants étudiants en droit de l’Université de Chicago, fascinés par la théorie du surhumain de Friedrich Nietzsche. Se sentant intellectuellement au-dessus du commun des mortels et donc des lois, les deux étudiants ont décidé de tuer un adolescent de 14 ans pour le seul plaisir de réaliser un crime parfait et d’éliminer un être inférieur, donc « inutile ». Un fait divers qui avait déjà inspiré La Corde d’Alfred Hitchcock, réalisé dix années auparavant. Ce qui intéresse Richard Fleischer et ce qui le passionnera tout au long de sa vie, c’est surtout ce qui peut conduire un homme à commettre l’irréparable. Le Génie du mal sera d’ailleurs le premier volet d’une trilogie criminelle en devenir avec L’Étrangleur de Boston en 1968 et L’Étrangleur de la place Rillington en 1971. Cinéaste prolifique, il est et demeure assurément l’un des plus grands metteurs en scène et raconteur d’histoires de l’industrie hollywoodienne.
Quand on se couche avec des chiens, on se lève avec des puces…
Entre le film à costumes, une touche de comédie musicale, le mélodrame passionnel, l’étude psychologique et un soupçon d’histoire criminelle, La Fille sur la balançoire, inspiré d’une histoire vraie qui avait été appelée « Le Procès du siècle » et qui avait défrayé la chronique au début du XXe siècle, repose sur un scénario en béton écrit par les immenses Walter Reisch (Voyage au centre de la terre de Henry Levin, Niagara de Henry Hathaway, Ninotchka d’Ernst Lubitsch) et Charles Brackett (Boulevard du crépuscule, La Scandaleuse de Berlin). Richard Fleischer a donc les mains libres pour dérouler son récit à travers une reconstitution soignée, une virtuosité unique et un art jamais démenti de la conduite dramaturgique, tout en se penchant sur une nouvelle approche du « Mal » et des recoins les plus sombres de l’âme humaine.
Avec son CinémaScope sublime et la flamboyante photographie du chef opérateur Milton R. Krasner (Ève, 7 ans de réflexion, La Conquête de l’Ouest) aux couleurs étincelantes qui contrastent avec la noirceur du propos, La Fille sur la balançoire demeure un vrai joyau et continue aujourd’hui de faire le bonheur des cinéphiles.
Dans la première partie de La Fille sur la balançoire, Richard Fleischer observe ses personnages avec une patience et l’oeil aiguisé d’un entomologiste. Le réalisateur pose le cadre, donne aux spectateurs ce qu’ils sont venus voir, à savoir un trio de stars élégantes, superbes et qui portent admirablement le costume. Le décor est faste, les couleurs éclatantes, le cadre large renvoie aux plus grands spectacles cinématographiques d’alors. Pourtant, il y a quelque chose de menaçant, pour ne pas dire pourri qui couve dans La Fille sur la balançoire. Si les faits réels ont été quelque peu « adoucis » – la jeune Evelyn Nesbit, 14 ans, avait été violée par Stanford White – Richard Fleischer n’est pas dupe quant au comportement inapproprié de ses protagonistes masculins.
Ray Milland compose un architecte de renom, peut-être le plus connu des Etats-Unis, marié, qui entreprend une relation avec une très jeune femme (ici âgée de 16 ans), plus ou moins consentie. Le film étonne par sa frontalité, surtout lorsque White décide finalement de s’occuper d’Evelyn comme s’il s’agissait de « sa fille », en voulant lui faire reprendre des études. Fantasme incestueux ? Pédophilie ? Il s’agit bien de cela, mais Richard Fleischer est assez malin pour faire passer le message malgré un code Hays omnipotent. De son côté, Farley Granger compose un Harry K. Thaw ambiguë, playboy colérique et millionnaire qui vit sous le joug d’une mère qu’on imagine à la fois castratrice et également incestueuse. Troisième élément de ce triangle « amoureux », Joan Collins, dans un rôle pensé pour Marilyn Monroe, subjugue à chaque apparition. Mais en dépit de son apparente innocence, le spectateur s’interroge sur le caractère arriviste de cette apparente oie blanche qui souhaite s’élever dans l’échelle sociale. Son jeune âge la perdra puisqu’elle se retrouvera au milieu d’un règlement de comptes fatal, qui lui fera comprendre qu’on ne peut jouer innocemment dans le monde adulte.
Le dernier acte, après le meurtre, est un modèle du genre. Ou l’art de l’ellipse chez Richard Fleischer. Les grandes étapes du procès sont résumées via le titre des manchettes affiché sur les devantures d’un magasin, jusqu’au verdict. Quant à l’épilogue dans la prison, il reste d’une brutalité peu commune et d’un cynisme tout aussi rare. Un autre bijou noir dissimulé dans l’immense filmographie du cinéaste. Ce fait divers sera également évoqué dans Ragtime de Milos Forman (1981) et repris par Claude Chabrol dans La Fille coupée en deux (2007).
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de La Fille sur la balançoire, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui très élégant. Le menu principal est animé et musical.
Critique cinéma et chargée de cours à l’université Paris 3, Ophélie Wiel replace La Fille sur la balançoire dans la carrière de Richard Fleischer et revient sur les thèmes, les partis pris, la psychologie des personnages et le casting du film qui nous intéresse, sans oublier d’évoquer le fait divers qui l’a inspiré (20’). Ophélie Wiel indique comment le cinéaste et les scénaristes ont su contourner le tristement célèbre code Hays, afin d’aborder la sexualité déviante du personnage incarné par Ray Milland.
L’Image et le son
L’édition HD de La Fille sur la balançoire est aléatoire. Rien à redire sur le fabuleux cadre large et la vivacité de la colorimétrie, en particulier sur les quelques scènes chantées aux costumes étincelants (jaune, rose, on en prend plein les yeux) ou de la balançoire éponyme. En revanche, le master est encore parsemé de points blancs, de scories diverses et variées, de raccords de montage. La définition décroche sur les fondus enchaînés et la dernière bobine est la plus abîmée du lot avec une recrudescence des poussières. Les contrastes sont malgré tout fabuleux, malgré des fourmillements, des flous intempestifs, des séquences tournées en transparence visibles comme le nez au milieu de la figure. La gestion du grain est également inégale avec de temps en temps des scènes plus lissées et à l’aspect plus artificiel. Ce Blu-ray est une exclusivité mondiale.
Point de Haute-Définition en ce qui concerne l’acoustique. La version originale bénéficie d’une piste LPCM 2.0 (à privilégier), mais également d’une option Dolby Digital 5.1 correcte, qui spatialise la musique de façon dynamique. Quelques effets latéraux parviennent à se faire entendre, même si l’ensemble reste essentiellement frontal. Les voix sont de temps à autre assez confinées ou au contraire trop aiguës. La piste française LPCM 2.0 est de bon acabit, au doublage soigné. Les sous-titres français ne sont pas imposés.