Test Blu-ray / La Pirate, réalisé par Jacques Doillon

LA PIRATE réalisé par Jacques Doillon, disponible en DVD et Blu-ray depuis le 26 septembre 2018 chez LCJ Editions

Acteurs : Jane Birkin, Maruschka Detmers, Philippe Léotard, Andrew Birkin, Laure Marsac, Michael Stevens…

Scénario : Jacques Doillon

Photographie : Bruno Nuytten

Musique : Philippe Sarde

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1984

LE FILM

Déchirée entre l’amour qu’elle voue à son mari et la passion qui la lie à son amie Carol, Alma est plongée dans la confusion la plus totale. Un mystérieux enfant la délivrera de ses tourments.

La Pirate est le septième long métrage de Jacques Doillon (né en 1944) et reste l’un de ses films les plus célèbres en raison du scandale suscité auprès du public lors de sa présentation au Festival de Cannes, où il était sélectionné en compétition officielle. Mais au-delà de ça, La Pirate demeure également une de ses œuvres les plus emblématiques, qui cristallise ses thèmes et obsessions. Intimiste et complexe, personnel et intellectuel, mais en même temps animé par le sujet universel de la confusion des sentiments amoureux, La Pirate ne cesse d’étonner, d’irriter, de prendre aux tripes, d’exciter, de jouer avec la patience, le coeur et l’âme du spectateur pendant 90 minutes. Parallèlement, le film renvoie à la propre situation de Jane Birkin (qui avait déjà tourné La Fille prodigue), à l’époque partagée entre deux hommes, Serge Gainsbourg, qu’elle a quitté en septembre 1980, et Jacques Doillon lui-même. Amoureuse des deux hommes, Jane Birkin devra néanmoins prendre une décision et se séparer de Serge Gainsbourg. La Pirate s’imprègne de cette histoire. Parallèlement, la passion charnelle entre les deux femmes annonce La Vie d’Adèle : Chapitres 1 et 2 d’Abdellatif Kechiche trente ans avant, avec ces corps nus filmés frontalement en train de faire l’amour, mais avec une élégance absente de la Palme d’or 2013. La Pirate est un film qui ne s’adresse pas à tous les spectateurs, qui continue à diviser et c’est d’autant mieux comme cela.

Alors qu’elle rentre le soir chez elle en compagnie de son mari, Andrew, Alma voit resurgir dans sa vie Carol, flanquée d’une enfant, une adolescente androgyne. Carol, toujours dans le sillage d’Alma, qu’elle aime passionnément et qu’elle voudrait arracher à un mari qui la malmène et la considère comme sa chose. Mais malgré les disputes, Alma aime Andrew, et se complaît dans cette valse hésitation des désirs. Car autour d’elle, il y a aussi un homme, baptisé n°5 par l’enfant, le cinquième élément de ce puzzle humain, qui l’aime à sa façon. C’est l’ange gardien engagé par Andrew pour surveiller sa femme. Dévorée par la passion que lui inspire Carol, déchirée par la violence de ses sentiments contraires, Alma se laisse finalement enlever par sa maîtresse, cherchant en vain la paix.

Malgré le chaos de la passion qui anime tous les personnages de La Pirate, on ne peut s’empêcher de ressentir de l’attachement pour eux, raison pour laquelle on se laisse entraîner du début à la fin dans cette valse de corps qui se quittent, qui se rattrapent, qui s’agrippent, qui se dévorent, se scrutent, se caressent et se frappent. Jacques Doillon filme ses protagonistes comme des héros d’opéra. A l’instar d’un de ses derniers films en date Mes séances de lutte, ce qui intéresse ici le cinéaste est essentiellement de montrer des corps qui se livrent bataille. Véritable expérience visuelle et sensorielle, La Pirate est autant habitée par le metteur en scène que par ses comédiens, investis corps et âme, dont la prestation laisse pantois.

Ici, si un homme (Philippe Léotard) et une jeune fille (Laure Marsac, César du meilleur espoir féminin) sont surtout ici observateurs et témoins, un homme (Andrew Birkin, frère de Jane, dans le rôle de son époux) et deux femmes (Jane Birkin et Maruschka Detmers), se battent et s’apprivoisent, dans une véritable chorégraphie. L’attraction des êtres et leurs relations ne se font pas sans heurts chez Jacques Doillon. Le corps doit d’abord être meurtri pour pouvoir remettre les fonctions vitales en marche. Les dialogues, véritable affrontement à part entière, sont foisonnants, tandis que les acteurs mettent leur corps à rude épreuve, comme dans un ballet sensuel situé dans l’espace clos d’un hôtel.

Jacques Doillon insuffle une énergie revigorante à son film et une tension permanente distillées par l’usage de plans-séquences avec une caméra qui virevolte, le tout magnifiquement photographié par Bruno Nuytten et souligné par la sublime, sensuelle et intrigante partition de Philippe Sarde. Souvent fascinant et virtuose, La Pirate et une des plus belles déclarations d’amour d’un cinéaste à son art, mais aussi et surtout à la femme qu’il aime.

LE BLU-RAY

La Pirate a rejoint le catalogue de LCJ Editions en septembre 2018, dans la collection Films Classiques. Très belle jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur noire, qui indique les nominations du film de Jacques Doillon. Le menu principal est animé et musical.

Prolongez votre visionnage avec les deux entretiens réalisés spécialement pour la sortie de La Pirate dans les bacs. On commence par celui de Jane Birkin (14’) qui se confie face caméra sur sa vie personnelle, alors tiraillée entre Serge Gainsbourg et Jacques Doillon, situation qui a comme qui dirait donné naissance à La Pirate. La comédienne s’exprime aussi sur ce rôle différent par rapport à tout ce qu’elle avait pu interpréter jusqu’alors. On apprend également qu’Isabelle Adjani devait interpréter le rôle d’Alma, avant de se rétracter quelques jours avant le tournage. Elle sera finalement remplacée par Maruschka Detmers, mais les rôles sont finalement échangés. Quelques anecdotes de tournage sont également partagées ici, ainsi que sur la présentation du film au Festival de Cannes.

Le réalisateur Jacques Doillon (33’) revient à son tour sur La Pirate. Dans une première partie, le cinéaste évoque tout d’abord sa place dans le cinéma français, tout en expliquant ses difficultés à trouver les financements pour ses films actuels. C’est alors compliqué pour lui de parler de ses œuvres, même s’il trouve ensuite son rythme de croisière pour aborder la genèse, le tournage et la sortie de La Pirate. La « projection odieuse, catastrophique et épouvantable » du Festival de Cannes est bien évidemment évoquée.

L’Image et le son

Superbe restauration 4K pour La Pirate. Le cadre large est suprêmement élégant, la propreté admirable, la stabilité de mise. Aucune trace de ces 35 dernières années sur cette copie sublime. En revanche, certains seront étonnés par le grain argentique très épais, mais les partis pris de Bruno Nuytten sont entièrement respectés. Les séquences nocturnes apparaissent donc nettement plus grumeleuses, mais cela n’entraîne pas de fourmillements. Les contrastes sont de toute beauté, les noirs denses, le piqué plus affirmé sur les scènes diurnes et lumineuses. Quelques effets de pompage, mais rien d’important.

La piste DTS-HD Master Audio Stéréo 2.0 comporte quelques craquements. Mais l’ensemble se tient bien avec une belle dynamique, des dialogues vifs et la musique de Philippe Sarde est joliment restituée. Les sous-titres destinés aux spectateurs sourds et malentendants sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © L.C.J. Editions & Productions / Open Art Productions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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