Test Blu-ray / The Night my Number Came Up, réalisé par Leslie Norman

LE JOUR OÙ MON DESTIN S’EST JOUÉ (The Night my Number Came Up) réalisé par Leslie Norman, disponible en Combo Blu-ray + DVD depuis le 14 janvier 2025 chez Tamasa Distribution.

Acteurs : Michael Redgrave, Sheila Sim, Alexander Knox, Denholm Elliott, Ursula Jeans, Ralph Truman, Michael Hordern, Nigel Stock…

Scénario : R.C. Sheriff, d’après une histoire originale de Victor Goddard

Photographie : Lionel Banes

Musique : Malcolm Arnold

Durée : 1h32

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Au cours d’une escale aérienne entre Hong Kong et le Japon, le colonel Lindsay raconte son rêve de la nuit précédente : son avion était pris dans une tempête et s’écrasait. Peu à peu, tous réalisent qu’ils sont en train de vivre la même histoire. Le destin de l’avion va-t-il dépendre du cauchemar prophétique… ?

Leslie Norman (1911-1993) n’est peut-être pas le nom le plus emblématique issu des studios Ealing et pourtant celui-ci en fut l’un des hommes les plus en vue. Tout d’abord monteur, pour Basil Dearden, Alberto Cavalcanti ou Allan Dwan, Leslie Norman passe derrière la caméra en 1955, à l’heure où le cinéma britannique dit « traditionnel » connaît un ralentissement conséquent, pour laisser place à l’émergence de la Hammer qui se spécialise dans l’épouvante. Ainsi, quelques mois avant le célèbre Le Monstre Quatermass Xperiment de Val Guest, les studios Ealing donnent sa chance à leur poulain de toujours (25 ans d’expérience tout de même), pour tenter de renouer avec la veine fantastique établie avec le sensationnel Au coeur de la nuit Dead of Night sorti dix ans auparavant. The Night my Number Came Up ou La Nuit où mon destin s’est joué en version française, est donc le premier long-métrage comme metteur en scène de Leslie Norman et un véritable bijou. Ce quasi-huis clos et drame fantastique est une expérience sensorielle qui demeure particulièrement efficace 70 ans après sa sortie. Avec son suspense tendu du début à la fin, son atmosphère anxiogène maintenue et son formidable casting, The Night my Number Came Up, nommé à quatre reprises aux BAFTA de 1956, est une indéniable et précieuse découverte pour les cinéphiles, d’autant plus que le postulat n’est pas sans annoncer les intrigues de quelques séries télévisées contemporaines comme Lost et ses ersatz, ainsi que de la franchise Destination Finale.

Un commandant de la marine évoque un rêve qu’il a fait : un Air Marshal et sept compagnons volent à bord d’un Douglas Dakota qui s’écrase sur une côte rocheuse. Hardie doit justement s’envoler pour Tokyo le lendemain, mais il ne s’inquiète pas, car de nombreux détails diffèrent de ceux prévus, notamment un autre type d’avion. Cependant, lorsque des problèmes clouent au sol l’avion prévu, celui-ci est remplacé par un Douglas Dakota, comme dans le rêve. Des passagers supplémentaires arrivent, portant le nombre total à huit passagers et cinq membres d’équipage, également comme dans le rêve. Au fur et à mesure du vol, la plupart des détails correspondent à cet étrange songe. Le Dakota prend de l’altitude pour éviter le mauvais temps, mais commence à geler. Le pilote le fait piquer brusquement pour désencombrer le train d’atterrissage. Il y parvient, mais ils se trouvent désormais dans des nuages ​​épais et l’avion a perdu son guidage et sa radio. Ils pensent se diriger vers la baie de Yokohama, au Japon, mais, ne pouvant voler qu’à vue, ils doivent atterrir avant le coucher du soleil. Ils se perdent et tournent en rond. Les événements commencent à se dérouler de plus en plus comme dans le rêve, et le pilote, conscient de la prémonition, panique. L’officier supérieur exige un amerrissage forcé, mais le pilote veut tenter un atterrissage d’urgence sur la plage.

Leslie Norman est un homme forgé aux images et cela se sent. Aucune fausse note dans cette mise en scène au cordeau, pas de gras au montage grâce au talent tout aussi évident de Peter Tanner, dont la virtuosité s’était déjà fait remarquer dans le remarquable The Gentle Gunman de Basil Dearden trois ans auparavant et Secret People de Thorold Dickinson en 1952. Le récit va droit au but et le cinéaste joue avec la complicité du spectateur, qui se demande comment les éléments du présent vont s’imbriquer pour « reconstituer » le rêve ou le cauchemar plutôt prémonitoire raconté en début de film. Le prologue insiste bien sur les croyances des Chinois, qui comme on nous l’explique « laissent leurs vies être contrôlées par des peurs et des superstitions, qu’on voit comme enfantines ou médiévales ». Seulement voilà, ces « gens curieux » comme il est aussi dit, s’adonnent à une cérémonie consacrée au retour des esprits, durant laquelle pendant une nuit, les morts reviennent dans leur ancienne maison. C’est justement là que le cauchemar fait par l’un de nos personnages principaux est raconté à une assemblée incrédule.

Si La Nuit où mon destin s’est joué est sans doute un poil trop bavard (sans compter le nombre de fois où les protagonistes se saluent à tout bout de champ), le spectateur adopte le point de vue de chaque passager de cet avion susceptible d’être en danger, si l’on en vient à croire ce qui a été raconté le soir d’avant le décollage. La question qui se pose est, la carlingue va-t-elle tombée en panne et s’écraser en haute montagne ? Chaque personnalité de l’équipage est bien déterminée et par ailleurs excellemment incarnée par une distribution élégante, composée entre autres de Michael Redgrave (Le Messager, Un Américain bien tranquille, Les Héros de Telemark), Sheila Sim (Pandora), Alexander Knox (Khartoum, Les Vikings, Le Cavalier de la mort, Europe 51) et Denholm Elliott (Un Fauteuil pour deux, Les Aventuriers de l’Arche perdue). Une poignée d’hommes et de femmes, enfermées dans un coucou à la merci des éléments naturels, qui est supposé survoler Hiroshima et Nagasaki, qui resteront finalement dans le brouillard et inaccessibles. Leslie Norman et son scénariste R.C. Sherriff (L’Homme invisible, La Maison de la mort, Huit heures de sursis), en s’inspirant d’un « fait » rapporté dans un magazine par un ancien officier de la Royal Air Force nommé Victor Goddard (qui aurait « vu » le futur de son cockpit durant les années 1930), convoquent les fantômes d’un passé encore proche, dont le deuil n’a pas encore été fait, qui continue de hanter.

La Nuit où mon destin s’est joué évoque le fait d’accepter, de continuer, de ne pas oublier certes, mais qu’il faut aussi laisser dormir en paix les disparus, tout en marchant avec le poids de la culpabilité sur les épaules. C’est dire à quel point The Night my Number Came Up est un passionnant objet de cinéma qui mérite toute l’attention du passionné de septième art.

LE BLU-RAY

S’il a souvent sorti également des titres italiens, Tamasa Distribution a toujours eu une prédilection pour le cinéma venu d’outre-Manche. C’est encore le cas avec une salve de merveilleux opus que l’on passera en revue, à savoir Pink String and Sealing Wax Ficelle rose et corde à cacheter (1945), The Night my Number Came Up La Nuit où mon destin s’est joué (1955) de Leslie Norman et The Ship that Died of Shame Le Bateau qui mourut de honte (1955) de Basil Dearden. Nous nous penchons aujourd’hui sur le second de ces trois titres. Les deux disques reposent dans un boîtier Digipack à deux volets, illustré avec élégance. Nous y trouvons à l’intérieur un livret de 16 pages, intitulé Dreams are my reality, écrit par Mélanie Boissonneau. La docteure en études cinématographiques et audiovisuelle, enseignante à l’université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle donne moult informations sur les studios Ealing, le fait « réel » à l’origine du film de Leslie Norman et comment le réalisateur crée le suspense. Le menu principal est fixe et musical.

À l’instar de l’édition Blu-ray/DVD de Pink String and Sealing Wax, nous retrouvons N.T. Binh, écrivain, réalisateur, journaliste et critique de cinéma, qui nous présente The Night my Number Came Up (24’). Le film de Leslie Norman est replacé dans l’histoire des studios Ealing, alors en déclin, comme le cinéma britannique en général. Puis N.T. Binh évoque la carrière de Leslie Norman, monteur, producteur, puis metteur en scène, qui faisait ici ses premiers pas derrière la caméra. L’origine du projet, les conditions de tournage, le casting, la psychologie des personnages, le travail sur le son, sont aussi les points analysés.

L’Image et le son

Difficile de faire mieux que cette restauration 2K. Tamasa Distribution présente un master au format 1.33 respecté de The Night my Number Came Up. Un Blu-ray tout à fait convaincant, muni d’une définition solide et un N&B souvent étincelant. Les contrastes sont d’une densité impressionnante, les noirs profonds, les blancs lumineux et le grain original préservé. En dehors d’une ou deux séquences peut-être moins définies (ainsi que divers plans à effets spéciaux), les nombreuses séquences sombres sont tout aussi soignées que les scènes plus claires, le piqué est tranchant, la stabilité de mise, les détails étonnent par leur précision et la profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Leslie Norman et la photo du chef opérateur Lionel Banes.

Seule la version originale Dolby Digital 2.0 mono aux sous-titres français est disponible sur cette édition. La restauration est satisfaisante, l’écoute est frontale, riche, dynamique et vive, sans souffle. Les effets annexes sont conséquents (voir la scène de l’avion gelé) et le confort acoustique assuré.

Crédits images : © Tamasa / Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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