
QUAND LA MARABUNTA GRONDE (The Naked Jungle) réalisé par Byron Haskin, disponible en Blu-ray + DVD + Livret depuis le 23 août 2024 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Charlton Heston, Eleanor Parker, Abraham Sofaer, William Conrad, Romo Vincent, Douglas Fowley, John Dierkes, Pilar Del Rey, Bernie Gozier, Jerry Groves.…
Scénario : Ranald MacDougall, Ben Maddow & Philip Yordan, d’après une nouvelle de Carl Stephenson
Photographie : Ernest Laszlo
Musique : Daniele Amfitheatrof
Durée : 1h32
Date de sortie initiale : 1954
LE FILM
Joanna rejoint au Brésil l’homme qu’elle a épousé dans le cadre d’un mariage arrangé. Son mari se montre très distant avec elle et ne pense qu’à s’occuper de sa plantation de cacao. D’ailleurs, il apprend un jour que des millions de Marabunta, une espèce de fourmis, sont en passe d’infester et donc de détruire son exploitation. Joanna se montre alors d’un soutien sans faille afin de trouver une solution au problème.

Quand la Marabunta gronde – The Naked Jungle a laissé de beaux et bons souvenirs à de nombreux spectateurs. Charlton Heston n’hésitait pas non plus à déclarer qu’il s’agissait de l’un des meilleurs films de son début de carrière. Passant d’un genre à l’autre, du polar (La Main qui venge) au western (Le Fils de Géronimo), du film politique (Le Général invincible) à la comédie dramatique (Sous le plus grand chapiteau du monde), le comédien aborde le registre de l’aventure avec Quand la Marabunta gronde, réalisé par Byron Haskin (1899-1984), metteur en scène, directeur de la photographie (pour Frank Borzage, Michael Curtiz, Lloyd Bacon…) et technicien de renom dans le domaine des effets spéciaux, spécialité qui lui a valu d’être nommé à plusieurs reprises aux Oscars. Il se voit confier des budgets confortables de la part de Disney (pour la première adaptation entièrement en prise de vue réelle de L’Île au trésor de Robert Louis Stevenson), mais la consécration mondiale viendra avec La Guerre des mondes – The War of the Worlds, produit par George Pal, adaptation du roman de H. G. Wells, film qui fera date et qui demeure encore aujourd’hui une immense référence de la science-fiction. L’année suivante, rebelote pour le producteur et Byron Haskin, qui emmènent cette fois les spectateurs en Amérique du Sud, où un « couple » (les guillemets sont indispensables puisque cet homme et cette femme sont mariés…mais ne s’étaient jamais rencontrés) en crise, va devoir s’unir pour de bon afin de contrer l’invasion de…fourmis rouges. Celles-ci forment une marée destructrice de 30 kilomètres de long sur 3 kilomètres de large, capable d’anéantir tout sur leur passage. Mais elles n’avaient pas pensé à affronter celui qui allait incarner Moïse trois ans après, mister Heston en personne. Si beaucoup trouveront le temps long en raison de la romance contrariée du couple star qui dure au bas mot une bonne heure, les autres se délecteront de la dernière demi-heure qui remplit son contrat dans le genre film catastrophe avant l’heure. On aime ce divertissement désuet, qui offre à Charlton Heston l’occasion d’interpréter un personnage peu sympathique, froid, glacial même, brutal, misogyne…mais qu’on aime détester et auquel l’acteur apporte une réelle et intéressante ambiguïté. À (re)découvrir.


1901, les rives du Rio Negro au Brésil. À la lisière de la forêt amazonienne, Christopher Leiningen gère une gigantesque plantation où le rejoint Joanna Selby, une citadine de la Nouvelle-Orléans qu’il a épousée par procuration. Bien que, entre les mariés, le courant ne passe pas, une épreuve va bientôt les rapprocher dans la douleur : la Marabunta, la migration de milliards de fourmis aussi voraces qu’agressives. Et, justement, elles se dirigent droit vers la plantation de Leiningen, dévastant, dévorant tout sur leur passage. Plutôt que d’embarquer dans le dernier bateau qui puisse la mener en lieu sûr, Joanna décide de rester, prête à se sacrifier pour aider son mari…


Certains se souviennent des fourmis du fabuleux Phase IV (1974) de Saul Bass, adaptation de la nouvelle Le Royaume des fourmis ou L’Empire des fourmis de H. G. Wells (tiens, encore lui), ou bien celles (géantes) de Them ! – Des monstres attaquent la ville (1954) Gordon Douglas et L’Empire des fourmis géantes – Empire of the Ants (1977) de Bert I. Gordon. D’autres ont oublié les fourmis rouges de Quand la Marabunta gronde, espèce que l’on reverra d’ailleurs en 2008 dans le mal-aimé Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal – Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull de Steven Spielberg. À croire que le réalisateur et George Lucas n’auront de cesse de s’inspirer du film d’aventure d’antan avec Charlton Heston, comme c’était déjà le cas pour Le Secret des Incas – Secret of the Incas (1954) de Jerry Hopper, dont le look du héros avait vraisemblablement inspiré celui d’Harrison Ford pour Les Aventuriers de l’Arche perdue – Raiders of the Lost Ark (1981).


Cependant, la créature qu résiste à la star n’est pas une armée d’insectes, mais la magnifique Eleanor Parker, actrice américaine malheureusement oubliée aujourd’hui, qui a pourtant tourné avec les plus grands, Dino Risi (L’Homme à la Ferrari), Robert Wise (La Mélodie du bonheur), Vincente Minnelli (Par qui le scandale arrive), Frank Capra (Un Trou dans la tête), Raoul Walsh (Un Roi et quatre Reines), George Sidney (Scaramouche), Otto Preminger (L’Homme au bras d’or), William Wyler (Histoire de détective)…et l’on pourrait continuer longtemps ainsi. Dans Quand la Marabunta gronde, elle tient tête à son partenaire, malgré les vingt centimètres qui les séparent (on parle ici en hauteur, gourgandins) et l’intrigue reste centrée sur la relation houleuse entre Joanna et Christopher. Le public avide de sensations fortes devra s’armer de patience et « subir » les querelles de ce couple étrange.


Charlton Heston est parfait dans la peau de ce planteur rigide, à fleur de peau (car vraisemblablement puceau), qui perd le contrôle (et on le comprend) face à cette femme magnifique, cultivée, qui détonne (euphémisme) dans le décor. Joanna est malgré tout bien décidée à se faire aimer coûte que coûte, et en dépit de sa déconvenue, fait tout son possible pour dérider cet homme taciturne. Ce qui va définitivement les rapprocher est contre toute attente une invasion de fourmis rouges, qui traversent des régions entières en détruisant tout sur leur passage. Ils vont alors décider de s’opposer à ce terrible fléau…


Le scénario imputable à Ranald MacDougall (Le Monde, la chair et le diable), Ben Maddow (La Route de l’Ouest, Le Vent de la plaine, Quand la ville dort, Les Amants traqués) et Philip Yordan (Les 55 jours de Pékin, La Chute de l’Empire romain, Le Cid) fait donc la part belle à l’histoire d’amour, avant de laisser place aux fourmis venues contrarier cette idylle déjà branlante. Les trucages de John P. Fulton (L’Homme invisible, Les Dix Commandements), sont particulièrement réussis, les seconds rôles excellents (mention spéciale à William Conrad), le spectacle est garanti (Martin Scorsese le fait même apparaître dans la liste de ses plaisirs coupables) et le succès sera au rendez-vous dans le monde entier, y compris en France où le film réalisera plus de 2,2 millions d’entrées.


LE COMBO BLU-RAY + DVD + LIVRET
Quand la Marabunta gronde avait déjà bénéficié d’une sortie en DVD chez Paramount il y a vingt ans, puis avait été réédité chez le même éditeur en 2006 dans la collection « Mes meilleures séances – Eddy Mitchell ». Sidonis Calysta affectionne Charlton Heston et après avoir proposé La Fureur sauvage, Le Maître des îles, Le Seigneur de la guerre, Le Secret des Incas, Horizons lointains, Le Triomphe de Buffalo Bill, La Main qui venge et bien d’autres, revient au comédien en éditant Quand la Marabunta gronde. Notons que nous chroniquerons aussi très prochainement Le Sorcier du Rio Grande et Will Penny le solitaire ! Les deux disques de ce Combo reposent dans un boîtier Amaray classique transparent, glissé dans un fourreau cartonné du plus bel effet. La jaquette est superbe, reprenant un visuel tiré d’une affiche d’exploitation originale, ce dont on raffole. Le menu principal est animé et musical. Notons aussi la présence d’un livret de 24 pages, écrit par Marc Toullec, dont la mise en page rappelle évidemment celle des livrets habituellement conçus par le même auteur, pour le compte de la collection Angoisse chez Rimini Editions. Un excellent complément au bonus vidéo d’Alexandre Jousse, très bien illustré, qui aborde entre autres la production de Quand la Marabunta gronde, l’écriture du scénario, les conditions de tournage, la création des effets spéciaux, le casting, les effets visuels et le triomphe international du film.

Le supplément disponible sur cette édition est un documentaire intitulé George Pal, l’enchanteur (27’30), réalisé par Alexandre Jousse. Formidablement illustré par de nombreuses archives, photographies de tournage, d’extraits de bandes-annonces, ce bonus revient sur l’extraordinaire carrière et le parcours du réalisateur (« l’un des premiers à avoir envoyé un homme dans l’espace, sur la Lune et même sur Mars au cinéma ») et producteur George Pal. L’occasion de revenir sur une multitude de spectacles concoctés par l’intéressé : Les Aventures de Tom Pouce, La Machine à explorer le temps, Atlantis, terre engloutie, Les Amours enchantées, Le Cirque du docteur Lao, Destination…Lune !, Le Choc des mondes, La Guerre des mondes, Houdini le grand magicien, Quand la Marabunta gronde, La Conquête de l’espace, Doc Savage arrive…avec évidemment un gros plan sur le film qui nous intéresse aujourd’hui.










L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Si l’on note quelques baisses de la définition, ainsi que diverses poussières qui subsistent, ce master HD de Quand la Marabunta gronde tient ses promesses et participe à la réhabilitation de ce désormais grand classique du film d’aventure-catastrophe. Le format 1.37 est ici respecté, les couleurs reprennent du poil de la bête, les détails sont plus fermes et éloquents que sur l’ancien DVD Paramount (qui d’ailleurs n’était pas mauvais), les teintes vertes sont superbes, les effets spéciaux se tiennent (quelques légers fourmis-llements mais rien de grave) et les décors ne manquent pas de détails. Blu-ray au format 1080p.

En version originale, les dialogues, tout comme la musique, sont propres et distincts sur cette efficace piste DTS-HD Master Audio 2.0 qui ne comporte aucun souffle parasite. Le confort acoustique est incontestable. Une piste française est disponible, mais s’avère plus confinée et légèrement chuintante.


Crédits images : © Sidonis Calysta / Paramount / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr