LE SOLITAIRE DE FORT HUMBOLDT (Breakheart Pass) réalisé par Tom Gries, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 19 août 2021 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Charles Bronson, Ben Johnson, Richard Crenna, Jill Ireland, Charles Durning, Ed Lauter, Bill McKinney, David Huddleston…
Scénario : Alistair MacLean, d’après son roman
Photographie : Lucien Ballard
Musique : Jerry Goldsmith
Durée : 1h35
Date de sortie initiale: 1975
LE FILM
Deakin est en apparence un tricheur qui se fait prendre sur le fait et emmener dans un train de soldats qui doit se rendre à Fort Humboldt, pour y renforcer une garnison décimée par une épidémie de diphtérie. Mais les passagers du train sont curieusement éliminés les uns après les autres.
En 1975, Charles Bronson, âgé de 54 ans, est revenu en haut de l’affiche aux Etats-Unis, après le triomphe d’Un justicier dans la ville – Death Wish de Michael Winner, sorti l’année précédente. La parenthèse européenne qui a fait de lui une star grâce au succès international d’Il était une fois dans l’Ouest – Once Upon a Time in the West de Sergio Leone est refermée et l’ami Charly peut cette fois tenir un film sur ses seules épaules sur le sol de l’oncle Sam. S’ensuivent le formidable Mister Majestyk de Richard Fleischer, puis le burné Bagarreur – Hard Times de Walter Hill, qui confirment la nouvelle aura du comédien dans son pays. Il va alors enchaîner coup sur coup deux longs-métrages avec le réalisateur Tom Gries (1922-1977), célèbre pour avoir mis en scène deux westerns étonnants à la fin des années 1960, Will Penny, le solitaire avec Charlton Heston, et Les 100 fusils – 100 Rifles avec Jim Brown et la sculpturale Raquel Welch, dont la scène d’amour demeure aussi hot qu’anthologique. Si L’Évadé – Breakout était une histoire contemporaine, Le Solitaire de Fort Humboldt – Breakheart Pass propose un retour dans les années 1870, dans l’ouest américain. Adapté du roman Le Défilé de Crêve-Cœur, du prolifique Alistair MacLean (Commando pour un seul homme, Les Canons de Navarone, Quand les aigles attaquent), qui transpose d’ailleurs lui-même son propre livre, ce western atypique surfe sur le récent succès rencontré l’année précédente par Le Crime de l’Orient-Express – Murder on the Orient Express de Sidney Lumet, puisque Le Solitaire de Fort Humboldt est ni plus ni moins un whodunit dans lequel ce bon vieux Bronson serait comme qui dirait l’ancêtre d’Hercule Poirot, dissimulé sous l’identité d’un ancien professeur de médecine de l’Iowa, recherché pour dettes, incendie criminel, meurtre et vol. L’acteur a l’air plus impliqué que d’habitude et semble prendre beaucoup de plaisir à interpréter ce rôle pour lequel il fait preuve d’élégance et s’avère impliqué dans les scènes physiques, à l’instar de la séquence de baston se déroulant sur un véritable train en marche, dans un décor enneigé et glacé de toute beauté. Assez inattendu et original dans la filmographie de Charles Bronson, Le Solitaire de Fort Humboldt a très bien vieilli et se révèle être un ersatz d’Agatha Christie particulièrement réjouissant, dans lequel le cinéphile reconnaîtra quelques tronches indispensables du cinéma US.
Dans les années 1870, les soldats de la garnison de l’avant-poste frontalier de Fort Humboldt, souffriraient d’une épidémie de diphtérie. Un train express se dirige vers les chaînes de montagnes reculées vers le fort, rempli de renforts et de fournitures médicales. Il y a aussi des passagers civils dans le train dans la luxueuse voiture privée arrière – le gouverneur du Nevada Fairchild (Richard Crenna) et sa fiancée Marica (Jill Ireland), la fille du commandant du fort. Le train s’arrête brièvement dans le petit campement de Myrtle, où il prend à bord un homme de loi local, le maréchal américain Pearce (Ben Johnson) et son prisonnier, John Deakin (Charles Bronson), un hors-la-loi soi-disant notoire qui a été identifié via une photo dans une annonce dans un journal offrant une récompense de 2 000 $. Mais alors que le voyage se poursuit à travers les montagnes enneigées, plusieurs passagers du train, dont la plupart des soldats d’escorte, sont mystérieusement tués ou disparaissent. Deakin, qui est en fait un agent secret des services secrets américains, découvre en cours de route que « l’épidémie » à l’avant-poste est en fait une conspiration entre un groupe de tueurs dirigé par le célèbre hors-la-loi Levi Calhoun (Robert Tessier) et une tribu d’Indiens sous Chef White Hand (Eddie Little Sky). Au lieu de fournitures médicales, le train transporte une importante cargaison secrète d’armes, de fusils, de munitions et de dynamite volés aux fabricants américains pour les vendre aux Indiens, en échange de l’autorisation de Calhoun et de ses hommes d’extraire et de faire passer de l’or de leurs terres. John Deakin prend les choses en main.
Outre Charles Bronson, impeccable, les cinéphiles retrouveront à ses côtés toute une ribambelle d’admirables seconds couteaux. Richard Crenna (La Canonnière du Yang-Tse – The Sand Pebbles de Robert Wise, Seule dans la nuit – Wait until dark de Terence Young, les trois premiers Rambo), Ben Johnson (grand collaborateur de John Ford, vu aussi chez Howard Hawks, Sam Peckinpah), Charles Durning (Sœurs de sang – Sisters de Brian De Palma, L’Arnaque – The Sting de George Roy Hill, Spéciale Première – The Front Page de Billy Wilder), Ed Lauter (Le Flic se rebiffe – The Midnight Man de Roland Kibbee et Burt Lancaster, Plein la gueule – The Longest Yard de Robert Aldrich, King Kong de John Guillermin), Bill McKinney (Délivrance – Deliverance de John Boorman, Échec à l’organisation – The Outfit de John Flynn, Le Canardeur – Thunderbolt and Lightfoot de Michael Cimino)…n’en jetez plus, c’est trop de bonheur. Même s’ils auraient pu intégrer la rubrique de feu Première – à l’époque où le magazine ressemblait encore à quelque chose – « On ne sait jamais comment ils s’appellent », voir et revoir ces acteurs, surtout réunis ensemble à l’écran, est toujours un immense moment. Cela prouve aussi à quel point ceux-ci ont contribué à la pérennité de beaucoup de films auxquels ils ont participé, puisque leurs carrières respectives sont souvent marquées par des collaborations avec les plus grands noms du septième art. Tout ce beau petit monde se trouve réuni pour un quasi- huis clos, dans le sens où le plus gros de l’action du Solitaire de Fort Humboldt se déroule à bord d’un train lancé sur les rails plantés au milieu de paysages à couper le souffle et merveilleusement mis en valeur par Tom Gries et son chef opérateur Lucien Ballard (Les 4 Fils de Katie Elder, Boeing Boeing, L’Aventurier du Texas, Baïonnette au canon, Jack l’Éventreur).
A l’exception de la participation de Jill Ireland, madame Charles Bronson, imposée par son mari aux cinéastes avec lesquels il tournait, qui comme d’habitude peine à convaincre, Le Solitaire de Fort Humboldt est une œuvre franchement surprenante et surtout plaisante à suivre. Les multiples rebondissements, la classe du casting, la richesse des décors et des costumes, les cascades impressionnantes (le crash du train est brutal à souhait), le côté polar et film d’aventure qui se greffent au western traditionnel, l’efficacité habituelle et reconnaissable de l’écriture de l’écossais Alistair MacLean, sans oublier la magnifique partition du maître Jerry Goldsmith, font de Breakheart Pass un divertissement de qualité et sans doute – pour ne pas dire contre toute attente – l’un des meilleurs opus de Charles Bronson des années 1970.
LE BLU-RAY
Sidonis Calysta n’en finit plus et ce pour notre plus grand plaisir, d’explorer la filmographie de Charles Bronson (Protection rapprochée, La Loi de Murphy, Le Justicier de minuit, Le Bagarreur…), en nous proposant cette fois Le Solitaire de Fort Humboldt en DVD, ainsi qu’en Édition Collection Silver Blu-ray + DVD. Une belle résurrection pour le film de Tom Gries, qui était disponible en France en édition Standard non restaurée chez MGM depuis 2003, puis qui était passé dans la musette de Filmedia dix ans plus tard. Le menu principal est animé sur la géniale BO signée Jerry Goldsmith, tandis que le visuel de la jaquette reprend celui de la très belle affiche originale.
Depuis quelques mois, Jean-François Giré est devenu l’un des visages incontournables sur les éditions DVD et Blu-ray de Sidonis Calysta. On le retrouve ici pour nous présenter Le Solitaire de Fort Humboldt (12’). Un carton indique que ce module contient quelques spoilers et que la fin y est entre autres dévoilée. Au cours de cette intervention, vous en saurez plus sur le réalisateur Tom Gries, sur l’écrivain Alistair MacLain, sur ce mélange des genres étonnant qui donne son originalité au film qui nous intéresse aujourd’hui. L’histoire, le casting, les scènes marquantes (celle du crash du train notamment), la photographie, la musique de Jerry Goldsmith, les cascades sont aussi passés au peigne fin. Jean-François Giré indique qu’il « trouve un certain relâchement de la mise en scène et du scénario dans le dernier tiers du film, avec une confusion dans la gestion de l’espace et des indiens quelque peu improbables, comme si tout le monde s’était un peu précipité pour retourner à la maison ».
On reste toujours sceptique devant les présentations et les analyses de Kim Newman, que nous avons déjà croisé à plusieurs reprises, à l’instar des éditions du Chien des Baskerville de Terence Fisher, Harlequin de Simon Wincer, And Soon the Darkness de Robert Fuest, Je suis un aventurier d’Anthony Mann et Mission 633 de Walter Grauman. Durant près de 25 minutes, l’auteur et critique, vêtu de son gilet rouge habituel, compile les titres de films et les noms d’acteurs, de façon bordélique. Son intervention fait office de remplissage, ses propos partent dans tous les sens, sans construction, en passant du coq à l’âne. On y parle des Dents de la mer, de Star Wars, des films catastrophe des années 1970, de cinéma Bis, de Clint Eastwood, de Lee Marvin, de George Kennedy, d’Ernest Borgnine…ah et puis heureusement (tout de même) de Charles Bronson, d’Alistair MacLain, de Tom Gries, mais pour cela il vous faudra accélérer ce bonus jusqu’à la douzième minute (à moitié quoi) pour espérer glaner quelques informations sur Le Solitaire de Fort Humboldt. Comme d’habitude (ou presque), Kim Newman évoque beaucoup de monde et une tonne de films, mais au final ne développe pas grand-chose.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces du film.
L’Image et le son
La qualité de ce nouveau master HD est suffisamment éloquente pour que vous puissiez revendre votre ancien DVD au Cash Converters le plus proche de chez vous. Un lifting très appréciable, pas exceptionnel certes, mais qui redonne un petit coup de fouet au film de Tom Gries. Les contrastes affichent une densité inédite, la copie est très propre (hormis diverses poussières), le piqué est impressionnant sur les gros plans et les détails abondent surtout sur les plans diurnes en extérieur. Si l’on excepte deux ou trois plans flous, ces menus accrocs sont bien trop anecdotiques compte tenu de la clarté réjouissante, de la bonne gestion du grain argentique, de la colorimétrie vive et du relief inattendu.
L’éditeur ne propose pas un remixage inutile, mais encode les pistes originale et française en DTS-HD Master Audio mono 2.0. Passons rapidement sur la version française au doublage old-school très réussi (l’immense Claude Bertrand prête sa voix à Charles Bronson), qui se concentre essentiellement sur le report des voix parfois au détriment de certains effets annexes. L’écoute demeure propre et nette. Elle n’est pas en revanche aussi fluide et homogène que la version originale, même si le report des dialogues aurait pu être plus ardent. Dans les deux cas, les séquences de train lancé à fond sur les rails sont merveilleusement restituées, dynamiques et vives, tout comme le score de Jerry Goldsmith, qui profite d’une excellente exploitation des frontales. Les sous-titres ne sont pas imposés sur la version originale.