FANFAN LA TULIPE réalisé par Christian-Jaque, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 9 avril 2021 chez Coin de Mire Cinéma.
Acteurs : Gérard Philipe, Gina Lollobrigida, Marcel Herrand, Olivier Hussenot, Noël Roquevert, Henri Rollan, Nerio Bernardi, Jean-Marc Tennberg, Jean Paredes, Geneviève Page, Sylvie Pelayo…
Scénario : René Fallet, René Wheeler, Christian-Jaque & Henri Jeanson
Photographie : Christian Matras
Musique : Maurice Thiriet & Georges Van Parys
Durée : 1h35
Date de sortie initiale : 1952
LE FILM
Le sergent recruteur “La franchise” sillonnait la Normandie accompagné de sa fille, la belle Adeline, afin de recruter de nouveaux soldats prêts à aller mourir sur les champs de bataille du roi Louis XV. La tâche s’avérant de plus en plus difficile, ce racoleur avait mis au point un fin stratagème. Adeline, déguisée en bohémienne, arrêtait d’un sourire les garçons et lisait dans leur main une incroyable destinée : ils seraient les meilleurs soldats du royaume et épouseraient l’une des filles du roi. Fanfan la Tulipe, un jeune coq de village, passa par là…
Quelle fougue ! Quel panache ! Quasiment 70 ans après sa sortie, Fanfan la Tulipe de Christian-Jaque, à ne pas confondre avec La Tulipe Noire (1963) du même réalisateur, n’a pas pris une seule ride et demeure LA référence du film d’aventure français, où la cape et l’épée s’entremêlent pour le plus grand plaisir des spectateurs, alors happés par le charme dévastateur, la jeunesse, l’érotisme et la frénésie du couple Gérard Philipe – Gina Lollobrigida. Gigantesque succès international, qui avait attiré près de sept millions de spectateurs en France, qui s’inscrivait alors sur la troisième marche du podium au box office en 1952 derrière les 12,8 millions d’entrées du Petit Monde de Don Camillo et les 8,1 millions de l’opérette Violettes impériales, Fanfan la Tulipe a su mieux traverser la seconde moitié du XXe siècle et le premier quart de ce XXIe siècle grâce à la plume acérée, follement moderne et furieusement poétique de l’immense Henri Jeanson, dont on reconnaît le talent à chaque réplique et ce dès l’incroyable, dantesque et ironique introduction en voix-off. Si le scénario est finalement signé René Fallet (Le Triporteur, Les Vieux de la vieille, Un idiot à Paris, La Soupe aux choux) et René Wheeler (La Cage aux rossignols, Jour de fête, Du rififi chez les hommes), l’âme de Henri Jenson traverse et imprègne Fanfan la Tulipe du début à la fin, tandis que la mise en scène étourdissante de Christian-Jaque, récompensée au Festival de Cannes et par l’Ours d’argent au Festival de Berlin, se révèle être un véritable typhon qui emporte tout sur son passage. Chef d’oeuvre absolu du cinéma français, inoubliable, inaltérable et intemporel.
Sous Louis XV, à l’époque de la guerre en dentelles, soit la Guerre de sept ans (1756-1763). Fanfan, impénitent coureur de jupons, se voit contraint par ses concitoyens d’épouser sa dernière victime, une fille de paysans avec laquelle il passait quelques bons moments dans la paille… Mais tandis qu’il attend le cortège nuptial, il se laisse séduire par les prédictions de la bohémienne Adeline (en réalité la fille du sergent recruteur La Franchise) et s’engage sur le champ. Celle-ci ne lui avait-elle pas prédit qu’il se couvrirait de gloire et qu’il épouserait la fille d’un Roi… Avant d’arriver à la caserne, il sauve la vie de la marquise de Pompadour, la maîtresse du roi et celle d’Henriette de France, la fille de Louis XV, en les arrachant aux griffes de voleurs de grand chemin. En remerciement, il reçoit de madame de Pompadour une broche en forme de tulipe et en tire le surnom de « Fanfan la Tulipe ». Mais lorsqu’il veut quelques semaines plus tard présenter ses respects à la fille du Roi, il est arrêté et condamné à être pendu. Adeline, qui l’aime, obtient sa grâce du Roi. Mais comme elle refuse de « remercier » le Roi de son geste, celui-ci charge son homme de main de l’enlever. Lebel, le valet du roi, découvre où Adeline s’est réfugiée et part l’y chercher. Fanfan ainsi que l’ami de celui-ci se lancent à sa poursuite.
Fanfan la Tulipe est ce que l’on pourrait appeler un miracle du cinéma français. Un divertissement quatre étoiles qui embarque les petits et les grands, sans aucune vulgarité, les enfants étant entraînés par le rythme endiablé et le caractère bondissant et frénétique de Gérard Philipe qui peuvent faire penser à ceux d’un personnage de dessin-animé, tandis que les plus âgés seront conquis par l’intelligence et la verve des dialogues, la beauté de la photographie signée Christian Matras, les combats divinement réglés et dans lesquels le comédien s’investit pleinement, y compris dans les cascades qu’il effectue lui-même. Et n’oublions pas bien évidemment la présence de la somptueuse Gina Lollobrigida, dont le décolleté affriolant, sans doute le plus beau et le plus excitant de toute l’histoire du cinéma, avait dû faire grincer les dents de la censure, tout en donnant la bave aux lèvres des autres.
Christian-Jaque a déjà vingt ans de carrière derrière-lui quand il réalise Fanfan la Tulipe et plus de quarante films à son actif, dont Les Disparus de Saint-Agil (1938), L’Enfer des anges (1941), L’Assassinat du Père-Noël (1941), La Symphonie fantastique (1942), Boule de Suif (1945), La Chartreuse de Parme (1948) et Souvenirs perdus (1950). Des piliers solides qui ont fait de lui un des plus importants cinéastes de l’Hexagone, dont les films rencontraient un large public et s’exportaient à travers le monde. Mais ce n’est pas comparable au raz-de-marée dévastateur qu’allait engendrer Fanfan la Tulipe, qui allait faire de Gérard Philipe une icône mondiale, y compris en Chine où pour la première fois un film français y était doublé. Bien avant Jean Marais et Jean-Paul Belmondo, le comédien venu du Théâtre national populaire (ce que le générique n’oublie pas de mentionner), avait explosé au cinéma en 1947 dans le sulfureux film de Claude Autant-Lara, Le Diable au corps. L’année suivante, Christian-Jaque lui confie le premier rôle dans La Chartreuse de Parme, sa remarquable adaptation de l’oeuvre de Stendhal. Gérard Philipe poursuit alors sa carrière au théâtre et au cinéma, enchaînant les collaborations avec Yves Allégret (Une si jolie petite plage), Max Ophüls (La Ronde), René Clair (La Beauté du diable) et Marcel Carnet (Juliette ou la clé des songes). Il retrouve aussi Christian-Jaque pour un segment du film à sketches Souvenirs perdus, dans lequel il interprète un déséquilibré qui assassine celle et ceux qu’il juge responsables de son internement. La même année que les étonnantes Belles de nuit de René Clair, Gérard Philipe s’associe pour la dernière fois avec Christian-Jaque pour ce qui restera alors leur plus grand succès critique et commercial, Fanfan la Tulipe.
De son côté, Gina Lollobrigida faisait ici ses premiers pas dans une production française. Révélée en 1946 dans L’Aigle noir – Aquila nera de Riccardo Freda, l’actrice tout juste âgée de 20 ans est rapidement remarquée par les réalisateurs transalpins. Sa carrière est très vite lancée, on la voit alors chez Mario Costa, Alberto Lattuada, Luigi Zampa, Mario Monicelli, Steno, Pietro Germi, Carlo Lizzani, dans lesquels sa silhouette est beaucoup plus mise en valeur que ses talents de comédienne. Fanfan la Tulipe va changer définitivement sa carrière et dès l’année suivante, elle trouvera enfin des rôles plus conséquents dans son pays, notamment dans le mythique Pain, Amour et Fantaisie – Pane, amore e fantasia de Luigi Comencini, dans lequel elle interprète la fameuse Bersagliera qui fait tourner la tête au maréchal Antonio Carotenuto, incarné par Vittorio De Sica. Le couple Philipe-Lollobrigida crève l’écran dans Fanfan la Tulipe et l’on comprend pourquoi le jeune homme risquera sa vie pour sauver celle dont il est épris.
Outre sa beauté plastique, on parle ici de la photo et non celle de la sensuelle Gina, des magnifiques décors naturels, du soin apporté aux costumes et de la trépidante composition de Maurice Thiriet et George van Parys, Fanfan la Tulipe repose enfin sur un casting haut de gamme où trône l’impérial Noël Roquevert dans le rôle du maréchal des logis Fier-à-Bras, sans oublier Olivier Hussenot (Tranche-Montagne), Marcel Herrand (génial dans la peau de Louis XV), Nerio Bernardi (le sergent La Franchise) et bien d’autres visages reconnaissables qui participaient souvent à la réussite d’un film rien qu’à leur présence au générique.
Depuis, Fanfan la Tulipe n’a cessé d’inspiré et même d’être plagié. Un premier projet de remake voit même le jour au début des années 1980. Patrick Dewaere est même sérieusement envisagé pour interpréter le rôle-titre, tandis que Claude Miller s’apprête à en prendre les commandes. Mais le film tombe à l’eau et il faudra finalement attendre 2003 pour que Fanfan la Tulipe fasse son retour au cinéma sous les traits de Vincent Pérez, certes convaincant, mais qui ne parviendra jamais à faire oublier son prédécesseur, notamment en raison de la mise en scène de Gérard Krawczyk et l’écriture déjà nawak de Luc Besson, alors scénariste et producteur.
LE DIGIBOOK
Nous en arrivons déjà au cinquième et avant-dernier titre de cette septième vague proposée par l’éditeur Coin de Mire Cinéma. Ainsi, Fanfan la Tulipe rejoint Brelan d’as de Henri Verneuil, La Poudre d’escampette de Philippe de Broca, Les Granges brûlées de Jean Chapot, Les Grandes manœuvres de René Clair et Souvenirs perdus de Christian-Jaque dans la Collection La Séance, en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret ! Il s’agit ici du cinquième titre de l’oeuvre de Christian-Jaque auquel Coin de mire consacre une édition prestigieuse après Les Bonnes causes, Si tous les gars du monde…, Souvenirs perdus et La Chartreuse de Parme. Le menu principal est fixe et musical. Notons que Fanfan la Tulipe était jusqu’à présent disponible en DVD chez René Chateau Vidéo et proposait déjà la version originale N&B sur la face A du disque, ainsi que la version colorisée sur le face B.
Comme pour tous les titres Coin de Mire Cinéma, L’édition de Fanfan la Tulipe prend la forme d’un Digibook (14,5cm x 19,5cm) suprêmement élégant. Le visuel est très recherché et indique à la fois le nom de l’éditeur, le titre du film en lettres d’or, la restauration (HD ou 4K selon les titres), ainsi que l’intitulé de la collection. L’intérieur du Digibook est constitué de deux disques, le DVD et Blu-ray, glissés dans un emplacement inrayable. Une marque est indiquée afin que l’acheteur puisse y coller son numéro d’exemplaire disposé sur le flyer volant du combo, par ailleurs reproduit dans le livret. Deux pochettes solides contiennent des reproductions de dix photos d’exploitation d’époque (sur papier glacé) et de l’affiche du film au format A4. Le livret de 24 pages de cette édition contient également la bio-filmographie de Christian-Jaque avec le film qui nous intéresse mis en surbrillance afin de le distinguer des autres titres, et la reproduction en fac similé des matériels publicitaires et promotionnels, dont le magazine « Film Complet » n°318 du 10 juillet 1952, des fotobustas italiennes, l’affiche argentine…
Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités Pathé du moment démarrent alors, suivies de la bande-annonce du film Brelan d’as, puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores.
Bon, en ce qui concerne les actualités de cette 13e semaine de l’année 1952 (10’), ce journal fait tout d’abord la part belle au sport, avec une rencontre du tournoi des Nations entre la France et le Pays de Galles, puis du cyclisme, de la chasse (attention aux âmes sensibles, le canard y étant justement « canardé » à l’aide de gros calibres), du patinage artistique, de la corrida (la première de la saison à Barcelone) et même du karaté à Tokyo (« ou lutte à mains nues » précise le commentateur). Dans le reste de l’actualité nous noterons l’étrange avant-première du film Massacre en dentelles d’André Hunebelle, où l’équipe du film (y compris quelques invités comme Michel Simon) était invitée à tirer au revolver ou à la carabine sur les portraits des comédiens…Plus grave et plus impressionnant, l’exode de la population du vieux Tignes (en Savoie), ainsi que les animaux et même les cercueils alors déterrés, suite à l’installation du barrage et donc de l’engloutissement programmé du village. Cette page d’informations se clôt sur la situation de la guerre en Malaisie, les premières expériences sur le napalm aux Etats-Unis, ainsi qu’une étude sur la défense du Franc avec un micro-trottoir réalisé à cette occasion. Évidemment, certains s’expriment sur le pouvoir d’achat des ouvriers ou sur le gouvernement qui ferait bien de baisser les impôts.
Les réclames publicitaires s’enchaînent et contenteront aussi bien les gourmands avec la présentation des glaces Gervais, que les curieux de la nouvelle technologie qui s’incruste dans les foyers, à l’instar des nouvelles machines et appareils électro-ménagers de chez Thomson, « pour vous mesdames » bien entendu !
Enfin, outre un lot de bandes-annonces, Coin de Mire Cinéma propose (uniquement sur le Blu-ray) la superbe version colorisée de Fanfan la Tulipe supervisée en 1997 par Sophie Juin et réalisée par DYNACS DIGITAL. Non seulement il s’agit probablement du plus beau travail de colorisation effectué sur un film français de patrimoine (avec peut-être celle de L’Auberge rouge de Claude Autant-Lara), mais la copie présentée ici est en plus de fort bonne facture.
L’Image et le son
Fanfan la Tulipe a bénéficié d’une restauration 4K réalisée par TF1 Studios à partir du négatif image nitrate original, en collaboration avec le CNC, OCS et Coin de Mire Cinéma. Les travaux numériques ont été confiés au laboratoire Hiventy. Difficile de faire mieux ! Fort d’un master au format respecté 1.37 et d’une compression AVC, ce Blu-ray en met souvent plein les yeux dès le générique d’ouverture avec une définition qui laisse souvent pantois. La restauration numérique se révèle étincelante. Les contrastes sont d’une densité impressionnante, les noirs profonds, les blancs lumineux et le grain original est heureusement préservé, sans lissage excessif et même sensiblement grumeleux, organique, palpable, ce qui du coup amoindrit le piqué, mais préserve les partis pris originaux. En dehors d’une ou deux séquences peut-être moins définies, surtout au début du film qui utilise quelques effets optiques, les séquences sombres sont tout aussi soignées que les scènes en extérieur-jour. La stabilité est de mise et les détails étonnent par leur précision. On ne peut qu’applaudir devant la beauté de ce nouveau master HD !
L’éditeur est aux petits soins avec le film de Christian-Jaque puisque la piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations et chuintements demeurent inévitables, l’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide et surtout saisissante. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises, surtout sur les séquences en extérieur. Les dialogues sont clairs (Gina Lollobrigida y est doublée par Claire Guibert, la voix française de Marilyn Monroe, Doris Day, Linda Darnell…), dynamiques, sans aucun souffle. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiovision.
Une réflexion sur « Test Blu-ray / Fanfan la Tulipe, réalisé par Christian-Jaque »