L’ÉTÉ EN PENTE DOUCE réalisé par Gérard Krawczyk, disponible en DVD et Blu-ray le 10 juin 2022 chez Tamasa Diffusion.
Acteurs : Jacques Villeret, Jean-Pierre Bacri, Pauline Lafont, Guy Marchand, Jean Bouise, Jean-Paul Lilienfeld, Jacques Mathou, Dominique Besnehard, Claude Chabrol…
Scénario : Gérard Krawczyk & Jean-Paul Lilienfeld, d’après le roman de Pierre Pelot
Photographie : Michel Cénet
Musique : Roland Vincent
Durée : 1h40
Date de sortie initiale : 1987
LE FILM
En échange d’un lapin cédé à son voisin, Fane reçoit Lilas, brave fille innocente et sensuelle, avec laquelle il décide de partir, tout plaquer pour rejoindre la maison familiale, dans le sud de la France, où il retrouve son frère, Momo. Il débarque le jour de l’enterrement de sa mère. La tenue légère de la pulpeuse Lilas ne manque pas de choquer les bigotes du village. Les problèmes commencent…
Pour la plupart, Gérard Krawczyk (né en 1953) est le réalisateur de Taxi 2, 3 et 4, sans savoir qu’il a aussi signé une grande partie du premier, en remplaçant Gérard Pirès, hospitalisé suite à un accident d’équitation. Certains évoqueront Wasabi, le remake de Fanfan la Tulipe ou même celui de L’Auberge rouge, son dernier opus en date et c’était déjà il y a quinze ans. Son premier film, Je hais les acteurs, exercice de style, misait sur la réunion d’une pléiade de comédiens de renom, Patrick Floersheim, Michel Galabru, Dominique Lavanant, Jean Poiret, Bernard Blier, Michel Blanc, Jean-François Stévenin et même une apparition de Gérard Depardieu. Mais son coup d’éclat est et restera L’Été en pente douce, d’après un roman de Pierre Pelot. Inclassable, nourri de référence au western (jusque dans la splendide composition de Roland Vincent, musicien complice de Paul Vecchiali) et au film noir (deux genres souvent très liés), comédie de mœurs teintée d’érotisme, ce deuxième long-métrage en met plein la vue, emmène vers l’inattendu, fait preuve de virtuosité à chaque scène, à chaque plan et repose bien évidemment sur un casting quatre étoiles sur lequel trône la merveilleuse et sculpturale Pauline Lafont, dans le rôle de sa vie, qui fut malheureusement interrompue en raison d’un accident de randonnée qui surviendra l’année suivante. Elle avait alors seulement 25 ans. L’Été en pente douce est comme qui dirait un poème dédié à la comédienne, qui crève, non, qui enflamme l’écran et les sens des spectateurs, comme ceux des hommes qu’elle croise dans le film (qui n’a pas pris une ride), à commencer par les immenses Jean-Pierre Bacri (fabuleux dans un rôle que devait camper Coluche) et Jacques Villeret. Indémodable, inoubliable.
Un village dans le Sud de la France cuit et recuit sous le soleil de l’été. C’est là que sont nés les frères Leheurt, Fan et Mo, tout comme les frères Voke, André et Olivier, qui sont devenus garagistes. Maintenant, tout sépare les Leheurt des Voke. Surtout cette maison, celle de Fan et de Mo, étranglée entre les deux garages des frères Voke. André avait toujours voulu l’acheter à la mère de Fan, mais la vieille avait refusé. Aujourd’hui qu’elle est morte, André Voke voulait cette maison afin de réunir les deux garages. Seulement, Fan veut s’y installer et y vivre tranquillement entre son frère un peu simple, et sa petite amie, Lilas, belle et sensuelle, mais jusque-là victime de sa beauté. L’irruption de Lilas dans la moiteur de l’été, va porter à chaud et à blanc les défauts et les vices de chacun. Autour de la maison des Leheurs, vont venir danser la morale, la jalousie et la haine.
On peut penser à 37°2 le matin, classique de Jean-Jacques Beineix, adapté de Philippe Djian, sorti l’année précédente, mais à bien y regarder, les deux films sont complètement différents dans leur approche et dans la forme. Gérard Krawczyk, formé à l’IDHEC, insuffle à ses sublimes images, photographiées par Michel Cenêt (L’Amour trop fort et La Dérobade de Daniel Duval), une âme personnelle, un ton singulier, un côté presque fantastique en fait, comme si le monde se résumait uniquement à cette petite bourgade sur laquelle dardent les rayons d’un soleil implacable, échauffant les esprits et les ardeurs des protagonistes. L’autre astre de L’Été en pente douce, c’est donc Pauline Lafont, Lilas, peau diaphane, courbes affriolantes, yeux de biche, qui a pour modèle Marilyn Monroe. Déjà apparue dans Je hais les acteurs, la fille de Bernadette Lafont devient l’objet de toutes les convoitises ici, celle devant qui les mecs deviennent soit trop entreprenants, vulgaires, violents, soit timides, maladroits, empruntés…
Sous ses allures bourrues, Fane décide de prendre soin de Lilas, qu’il a échangé à Shawenhick (Jean-Paul Lilienfeld, aussi coscénariste) contre un lapin volé au supermarché où il travaille. L’existence semble enfin sourire à la jeune femme, habituée à être battue par ceux qui lui ont mis le grappin dessus, mais c’était sans compter sur les envieux qui gravitent autour de Fane, notamment André Voke (Guy Marchand, parfait de charme suintant). Au milieu s’immisce Maurice aka Mo (Jacques Villeret, démentiel), handicapé mental, le frère de Fane, dont la relation rappelle celle de George et Lennie dans Des souris et des hommes – Of Mice and Men de John Steinbeck. Lilas, revenue de tout, compte bien profiter de cette nouvelle et sans doute dernière chance, et surtout ne plus servir de défouloir pour les mecs frustrés. Consciente d’affoler le ciboulot et le caleçon des types à la langue pendue qui croisent son chemin, Lilas se sent armée pour affronter ceux qui n’ont eu de cesse de la rabaisser et de la considérer uniquement comme une poupée gonflable.
Ode aux marginaux, L’Été en pente douce, après Je hais les acteurs, est donc une nouvelle démonstration technique de Gérard Krawczyk, qui filme admirablement bien les décors (superbes), aussi bien de cette cité péri-urbaine défavorisée que le village cramé par la chaleur (on pense à Réveil dans la terreur – Wake in Fright de Ted Kotcheff, la bière chaude étant de circonstance), planté dans le sud-ouest de la France. C’est là que Fane va envisager un meilleur avenir, écrire un roman policier sur sa belle machine à écrire toute neuve, en s’inspirant de celle qui illumine désormais ses jours, Lilas, qui lui rappelle « Marie-Line Monroe ». L’émotion et le rire entrent en collision, dans cette fable à la fois intimiste et populaire, sombre et lumineux, crasseux, étouffant, mélancolique et pourtant optimiste et solaire. Assurément LE chef d’oeuvre de Gérard Krawczyk, jusque dans sa magnifique affiche.
LE BLU-RAY
Cela faisait longtemps qu’on l’attend celui-là ! L’Été en pente douce avait disparu de la circulation après une première édition DVD en 2004 chez Aventi Distribution. Il aura donc fallu attendre près de vingt ans pour que le film de Gérard Krawczyk revienne sur le devant de la scène, dans une nouvelle édition Standard et pour la première fois en Haute-Définition, grâce aux bons soins de Tamasa Diffusion. Le visuel de la jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, reprend heureusement celui de la célèbre affiche d’exploitation, tout comme le menu principal, fixe et musical.
Si comme nous vous êtes un grand admirateur de L’Été en pente douce, nous ne saurons que trop vous conseiller de prolonger votre projection HD avec l’interview de Gérard Krawczyk (40’). Éminemment sympathique et passionnant, le réalisateur revient tout d’abord sur son parcours atypique (c’est par la photographie qu’il est arrivé au cinéma, ce qu’il n’envisageait pas du tout de faire), marqué par l’IDHEC et par la réalisation de pochettes de disques, à travers lesquelles il tentait de raconter des histoires, y compris par la typographie. Ses premières œuvres comme Le Concept subtil, court-métrage inspiré par une nouvelle de Woody Allen, nommé aux Césars, diffusé dans moult festivals et primé à Montréal, ainsi que son premier long-métrage, Je hais les acteurs, sont largement abordés avant d’en arriver plus précisément à L’Été en pente douce, qui devait d’ailleurs être fait avant, mais retardé en raison de l’indisponibilité de Coluche, retenu pour un projet de film qui ne se fera pas Les Mocassins italiens, avec Alain Delon. Gérard Krawczyk évoque ensuite l’envie de se raconter, par bribes, à travers ses deux premiers films, puis sa découverte du roman de Pierre Pelot, l’écriture du scénario, le casting, les thèmes, les partis-pris et ses intentions, la musique de Roland Vincent, les conditions de tournage (marqué par les problèmes d’alcool « maîtrisés » de Jacques Villeret), la création de l’affiche…Puis, dans la dernière partie, le cinéaste parle de son travail dans la publicité, puis de ses difficultés rencontrées après L’Été en pente douce, à se sortir des griffes d’un producteur qui lui avait fait signer un contrat de trois films en exclusivité, Gérard Krawczyk voyant ses projets systématiquement rejetés, ce qui l’a empêché de mettre en scène Cuisine et Dépendances, que Jean-Pierre Bacri était venu lui proposer.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Une vraie redécouverte, un lifting de premier ordre. L’Été en pente douce a subi une numérisation suivie d’une restauration complète en 4K par L’Image Retrouvée. C’est peu dire que cette édition HD ressuscite ce chef d’oeuvre culte et va contribuer à faire de nouveaux aficionados ! Tamasa Diffusion livre un master HD (1080p, AVC) qui frôle la perfection. Les partis pris esthétiques du directeur de la photographie Michel Cénet trouvent en Blu-ray un nouvel écrin et se voient entièrement respectés. Point de réducteur de bruit à l’horizon, le grain est présent, formidablement géré, la photo savamment restituée, la colorimétrie retrouve un éclat inédit et le piqué est souvent dingue. Le cadre large est conservé, la profondeur de champ fort appréciable, les noirs profonds, la définition toujours optimale et les détails pointus, à l’instar des fronts perlés de sueur des personnages. L’encodage AVC demeure solide, la propreté exceptionnelle.
La piste française DTS-HD Master Audio Mono 2.0 de L’Été en pente douce est percutante. Aucun souffle n’est à déplorer, ni aucune saturation dans les aigus. Les dialogues sont vifs, toujours bien détachés, la musique est délivrée avec une belle ampleur. L’ensemble est aéré, fluide et dynamique. L’éditeur joint aussi les sous-titres destinés au public sourd et malentendant, sans oublier une piste Audiodescription. Un sans-faute technique donc pour ce Blu-ray. Rachat obligatoire pour les cinéphiles.
Bravo et merci pour cette déclaration d’amour à ce film inoubliable. Tu m’as convaincu d’acheter cette version restaurée