L’ENFER DES TROPIQUES (Fire Down Below) réalisé par Robert Parrish, disponible en DVD et Blu-ray le 16 juillet 2019 chez Rimini Editions
Acteurs : Rita Hayworth, Robert Mitchum, Jack Lemmon, Herbert Lom, Bonar Colleano, Bernard Lee, Edric Connor, Peter Illing…
Scénario : Irwin Shaw d’après le roman de Max Catto
Photographie : Desmond Dickinson
Musique : Arthur Benjamin, Douglas Gamley, Kenneth V. Jones
Durée : 1h50
Date de sortie initiale : 1957
LE FILM
Aux Caraïbes, Felix Bower et Tony Finn, deux aventuriers, vivent de petits trafics. Moyennant une jolie somme d’argent, ils acceptent d’emmener clandestinement Irena, ex-danseuse au passé mystérieux, jusqu’à l’île de Santa Nada. Tony tombe amoureux d’elle. Les rapports entre les deux hommes dégénèrent.
Il y a des films qui n’ont apparemment rien de transcendant, mais qui pourtant fascinent en raison de leurs comédiens. Soyons honnêtes, L’Enfer des tropiques (1957) ne serait sûrement pas resté dans l’histoire du cinéma si le film de Robert Parrish (1916-1995), ancien comédien vu dans une dizaine de films de John Ford (également monteur parfois), n’avait pas eu comme têtes d’affiche Robert Mitchum, Rita Hayworth et Jack Lemmon. Ce film d’aventures et triangle amoureux pèche par son manque d’enjeux et d’un dernier tiers où l’histoire semble s’arrêter, s’immobiliser, se figer comme si le réalisateur ne savait plus quoi faire de ses personnages. Néanmoins, Fire Down Below, à ne pas confondre, mais ce serait difficile, avec le film de Steven Seagal du même nom et sorti en France sous le titre Menace toxique (parce qu’on aime toujours parler de tonton Stevie quand on en a l’occasion), reste une curiosité, assez lisse et proprette, qui vaut pour la confrontation de ses trois monstres hollywoodiens qui s’aiment et se déchirent dans des décors paradisiaques.
LE QUATRIÈME HOMME (Kansas City Confidential) réalisé par Phil Karlson, disponible en combo Blu-ray/DVD le 16 juillet 2019 chez Rimini Editions
Acteurs : John Payne, Coleen Gray, Preston Foster, Neville Brand, Lee Van Cleef, Jack Elam, Dona Drake, Mario Siletti…
Scénario : George Bruce, Harry Essex d’après une histoire originale de Harold R. Greene et Rowland Brown
Photographie : George E. Diskant
Musique : Paul Sawtell
Durée : 1h39
Date de sortie initiale : 1952
LE FILM
Joe Rolfe, un ancien détenu, est arrêté pour l’attaque d’un camion blindé où quatre gangsters masqués ont dérobé 1,2 millions de dollars en petites coupures. Après avoir subi un interrogatoire musclé orchestré par la police, il ressort blanchi. Mais Joe n’en reste pas là pour autant et avec l’aide de ses complices mafieux, il retrouve la trace d’un des braqueurs et usurpe son identité sans éveiller le moindre soupçon…
Réalisé par Phil Karlson (1908-1985) en 1952, Le Quatrième homme – Kansas City Confidential est un film noir produit par la United Artists, qui montre le savoir-faire en la matière du metteur en scène, spécialiste des séries B, à qui l’on doit Behind the Mask (1946), L’Inexorable enquête (1952), L’Affaire de la 99ème rue (1953) ou bien encore On ne joue pas avec le crime (1955) et The Phenix City Story (1955). Phil Karlson deviendra également un spécialiste du western avec quelques titres restés célèbres comme Le Dernier passage (1961) avec Richard Widmark et La Poursuite des tuniques bleues (1967) avec Glenn Ford. Le Quatrième homme reste emblématique du genre, un film noir très prisé par les amateurs et les cinéphiles, d’autant plus que cette œuvre reste la principale source d’inspiration du braquage de L’Affaire Thomas Crown (1968) de Norman Jewison, puis d’un des éléments d’Usual Suspects de Bryan Singer (1995). Autant dire que Kansas City Confidential reste une savoureuse découverte et mérite qu’on s’y attarde.
MISSOURI BREAKS (The Missouri Breaks) réalisé par Arthur Penn, disponible en DVD et Blu-ray le 23 mai 2019 chez Rimini Editions
Acteurs : Marlon Brando, Jack Nicholson, Randy Quaid, Kathleen Lloyd, Frederic Forrest, Harry Dean Stanton, John McLiam, John P. Ryan, Richard Bradford, Luana Anders…
Scénario : Thomas McGuane
Photographie : Michael C. Butler
Musique : John Williams
Durée : 2h06
Date de sortie initiale : 1976
LE FILM
A la fin du XIXe siècle, dans le Montana… Une bande s’installe dans une ferme voisine et Logan, sous le couvert d’un honnête fermier, prépare sa vengeance. Il entretient même une liaison avec la fille de Braxton. Soucieux de démasquer les voleurs de chevaux, le riche propriétaire engage un tueur professionnel, Lee Clayton, pour nettoyer le territoire. Averti de ce danger, Tom Logan et sa bande poursuivent néanmoins leurs fructueuses activités. Mais pour donner le change, ils achètent un ranch à côté de celui de Braxton.
Quel film étrange ! Mais en même temps quelle claque ! En 1976, Arthur Penn a déjà à son actif, Miracle en Alabama (1962), La Poursuite impitoyable (1966), et surtout Bonnie and Clyde (1967), Alice’s Restaurant (1969) et Little Big Man (1970) ! Excusez du peu ! Un an après La Fugue – Night Moves, dans lequel il venait de diriger Gene Hackman, James Woods et la jeune Melanie Griffith, Arthur Penn décide de revenir au western et de sceller ses retrouvailles avec Marlon Brando, dix ans après leur association sur The Chase. Sur un scénario de l’écrivain Thomas McGuane, la légende d’Un tramway nommé désir donne la réplique à Jack Nicholson. Seulement le scénario est loin d’être terminé et Arthur Penn est dans l’obligation de tourner en raison de l’emploi du temps chargé de ses deux têtes d’affiche. Qu’à cela ne tienne, Marlon Brando, dont le rôle existe à peine sur le papier, obtient carte blanche pour créer son personnage de toutes pièces. Le résultat est époustouflant. Non seulement Missouri Breaks est un film quasi-inclassable, mais le personnage de « régulateur », Robert Lee Clayton, incarné par Brando s’imprime dans la mémoire des cinéphiles. La confrontation Nicholson/Brando a bel et bien lieu et offre aux spectateurs de grands moments de cinéma.
1880, dans les terres accidentées (Missouri Breaks) du centre du Montana. Le jeune Tom Logan et ses quatre acolytes sont des rustlers (voleurs de bétail). Pour faciliter leurs déplacements et stocker discrètement les animaux qu’ils volent, ils décident d’acquérir un ranch. Ils s’autofinancent grâce au hold-up d’un train et achètent un petit ranch à côté de l’immense propriété d’un grand éleveur. Ce voisin est David Braxton, riche éleveur arrivé dans la région trente ans auparavant, qui perpétue les traditions du jugement expéditif des voleurs de bétail et de chevaux. Un jeu du chat et de la souris commence alors entre Braxton et Logan : le jeune homme, tout en se faisant passer pour un paisible fermier, vole les bêtes du notable, pend son contremaître (car il a pendu un des voleurs, le jeune Sandy) et couche avec sa fille unique. Aussi Braxton engage-t-il un regulator réputé, Robert Lee Clayton, personnage atypique et traqueur impitoyable de voleurs de bétail, afin d’éliminer tous les gêneurs, Tom y compris. Quand Clayton, qui a compris qui est le chef des voleurs, commence à éliminer un par un les amis de Tom avec une grande perversité, celui-ci se défend.
Un duel au sommet ! Quand il entreprend Missouri Breaks, Marlon Brando n’a pas tourné depuis quatre ans, ce qui ne l’empêche pas d’être au top puisque ses derniers films étaient ni plus ni moins Le Parrain de Francis Ford Coppola (Oscar du meilleur acteur, qu’il a d’ailleurs décliné) et Le Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci. Quant à Jack Nicholson, les années 1970 ont déjà été prolifiques puisqu’il aura enchaîné Cinq pièces faciles de Bob Rafelson, La Dernière corvée de Hal Ashby, Chinatown de Roman Polanski, Profession : Reporter de Michelangelo Antonioni et Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman, qui lui vaut d’être récompensé par l’Oscar du meilleur acteur. Si Marlon Brando met près de 40 minutes pour apparaître à l’écran, et quelle introduction, le comédien bouffe évidemment chacune de ses scènes. En totale improvisation, ou presque, selon les indications d’Arthur Penn, Robert Lee Clayton change de peau, de costume (allant même parfois s’habiller en femme), de démarche et même d’accent pour mieux perdre le spectateur, rendant ainsi son personnage totalement imprévisible. Même chose pour ceux qui se retrouvent face à lui, ne sachant plus sur quel pied danser. Excentrique, les cheveux en bataille, ou arborant la même capote en rubans que Caroline Ingalls, en robe-tablier ou bien dans un costume immaculé à franges (empestant le lilas et l’armoise), jouant du ukulele en riant, puis capable l’instant d’après d’abattre un homme froidement avec un rare sadisme, le pervers Robert Lee Clayton est comme qui dirait l’ancêtre d’Anton Chigurh, le tueur monstrueux merveilleusement incarné par Javier Bardem dans No Country for Old Men des frères Coen. A voir pour le croire.
Quant à Jack Nicholson, loin de se laisser tirer la couverture, même si c’est pourtant difficile, son personnage trouble et ambigu recherche visiblement la tranquillité. Voleur de bétails certes, mais très sensible, donnant tout ce qu’il peut pour un petit lopin de terre. Touché par la mort d’un de sa bande (dont fait partie Harry Dean Stanton), la première séquence du film est d’ailleurs incroyable et inattendue, Tom Logan finit même par tomber amoureux de Jane Braxton (magnifique Kathleen Lloyd), la fille d’un riche propriétaire terrien. Le comédien fait preuve d’une rare délicatesse, comme lors de la scène où Tom déshabille lentement Jane, qui contraste avec la haine et la violence de son adversaire, supposé incarner « le bon » côté de la loi.
Arthur Penn reste sur la frontière tendue entre le western et le thriller, avec une noirceur et un nihilisme, opposés à une vraie mélancolie distillée du début à la fin (renforcée par la splendide composition de John Williams) et même beaucoup d’humour (l’attaque du train), dans un monde qui se meurt. Le bien et le mal sont ainsi brouillés, interchangeables, qui se confrontent dans de gigantesques paysages (photo de Michael Butler) où ils n’ont plus aucun repère et où les chevaux, tout comme le reste de la nature, reprennent enfin leurs droits. Arthur Penn s’empare de tous les ingrédients du genre, les malaxe, les triture, dans le but de refléter la décadence de l’âme humaine. Et c’est un chef d’oeuvre.
LE BLU-RAY
Il y a quinze ans, Missouri Breaks avait bénéficié d’une sortie en DVD chez MGM, aujourd’hui épuisée. Merci à Rimini Editions de faire resurgir le film d’Arthur Penn dans les bacs ! Le disque, à la très belle sérigraphie (qu’on ne mentionne jamais assez), repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné. La jaquette est très élégante, tout comme le menu principal, animé sur la musique de John Williams.
Tout d’abord, on doit au spéléologue Jérôme Wybon la joie de pouvoir écouter la Masterclass d’Arthur Penn donnée en août 1981 au National Film Theatre de Londres. 55 minutes (en vostf) à passer en compagnie du réalisateur cela ne se refuse évidemment pas. Les propos sont passionnants, notamment quand Arthur Penn revient sur la production et le tournage de Missouri Breaks. Le cinéaste aborde son enfance, ses débuts à la télévision au début des années 1950, son travail dans le monde du théâtre, quelques rencontres (François Truffaut, Jean-Luc Godard), l’influence du cinéma européen, tout en passant en revue l’ensemble de sa filmographie et ses thèmes de prédilection. En fin de programme, Arthur Penn répond à quelques questions des spectateurs.
Fidèle à Rimini Editions, l’excellent Frédéric Mercier est de retour pour présenter Missouri Breaks, qu’il affectionne tout particulièrement (33’). Le critique et journaliste replace tout d’abord le film dans la carrière d’Arthur Penn. Puis, il en vient plus précisément à Missouri Breaks en évoquant tour à tour les lieux de tournage, la préparation du film (seulement six semaines en raison de l’emploi du temps chargé des deux stars), l’improvisation sur le plateau et bien évidemment le travail de Marlon Brando qui a complètement créé son personnage au quotidien. Frédéric Mercier rentre plus en détails et l’analyse thématique, tout en abordant les partis pris et les intentions d’Arthur Penn. Une intervention passionnante.
L’éditeur est allé ensuite à la rencontre d’Hélène Valmary, maître de conférences à l’Université de Caen (27’30). C’est devenu une spécialité de Rimini Editions et surtout un rendez-vous que l’on apprécie tout particulièrement, plaçant l’éditeur parmi les leaders des suppléments de qualité. Ici, l’intervention d’Hélène Valmary est consacrée à Marlon Brando. Son enfance, ses débuts au théâtre, ses rencontres déterminantes (Stella Adler, Elia Kazan), ses premiers pas au cinéma, puis sa consécration. Dans un second temps, le jeu unique du comédien est analysé (recherche de l’authenticité, de la vérité à travers la méthode Strasberg), ainsi que son travail sur Missouri Breaks. Regorgeant d’anecdotes de tournage et d’informations, cette brillante présentation est immanquable pour tous les fans du monstre sacré et pour les autres cinéphiles. Ce bonus est uniquement disponible sur le Blu-ray.
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L’Image et le son
Le générique fait un peu peur avec des fourmillements et des plans flous. Puis, tout s’arrange après avec une jolie clarté et surtout des plans rapprochés plaisants avec des détails sur les visages, comme les taches de rousseur du jeune Sandy. La texture argentique est conservée, bien gérée et certaines séquences, comme toutes celles dans le repaire de la bande de Tom sont vraiment très belles avec des contrastes fermes. Si certains plans s’avèrent plus vaporeux ou plus abîmés (en raison des partis pris), ce master HD de Missouri Breaks est flatteur pour les mirettes, à l’instar des scènes chez Braxton, baignant dans des éclairages jaunes du plus bel effet.
Evitez à tout prix la version française qui dénature le jeu de Marlon Brando. D’autant plus que cette piste s’accompagne d’un souffle chronique, avec des dialogues chuintants. De son côté, la version originale est plus claire, plus aérée, et la composition de maestro John Williams est dynamique à souhait, comme lors des envolées soulignant le caractère burlesque de l’attaque du train. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
HAPPY BIRTHDAY TO ME réalisé par J. Lee Thompson, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 9 mai 2019 chez Rimini Editions
Acteurs : Melissa Sue Anderson, Glenn Ford, Lawrence Dane, Sharon Acker, Frances Hyland, Tracey E. Bregman, Jack Blum, Matt Craven, Lenore Zann, Lisa Langlois…
Scénario : John C.W. Saxton, Peter Jobin, Timothy Bond
Photographie : Miklós Lente
Musique : Bo Harwood, Lance Rubin
Durée : 1h50
Année de sortie : 1981
LE FILM
Virginia a été victime d’un grave accident dans lequel a péri sa mère; Après une opération du cerveau, elle retourne au lycée. Très bonne, élève, elle souffre cependant de troubles de la mémoire. Elle intègre rapidement une confrérie réunissant les meilleurs élèves. Mais les membres de ce petit groupe sont assassinés les uns après les autres dans des circonstances aussi sanglantes que surprenantes.
Complètement méconnu en France, en dehors – bien entendu – des aficionados qui en ont fait depuis un vrai petit classique, Happy Birthday To Me sous-titré Souhaitez ne jamais être invité dans nos contrées, est un slasher tourné en plein âge d’or du (sous-)genre, au début des années 1980. Le plus étonnant, c’est de retrouver derrière la caméra J. Lee Thompson (1914-2002), réalisateur britannique passé à la postérité avec Les Canons de Navarone (1961) et Les Nerfs à vif (1962), tous deux avec Gregory Peck. Excellent technicien et ayant dirigé les plus grands acteurs, on lui doit également Tarass Boulba (avec Tony Curtis et Yul Brynner), La Conquête de la planète des singes (1972) suivi l’année suivante de La Bataille de la planète des singes (1973), ainsi que moult longs métrages avec Charles Bronson, avec lequel il s’associera sur près d’une dizaine de films dont le désormais culte (malgré-lui) Le Justicier braque les dealers (1987). C’est peu dire qu’on ne l’attendait pas à la barre d’un slasher, genre qui remplissait alors les salles depuis Black Christmas (1974) de Bob Clark et surtout Halloween, La Nuit des masques de John Carpenter (1978).
Produit par André Link et John Dunning, à qui l’on doit quelques pépites aux titres fleuris du style Tendre et sensuelle Valérie (1969), Initiation d’une lycéenne (1970), Y’a plus de trou à percer (1971), mais aussi et surtout Frissons (1975) et Rage (1977) de David Cronenberg, Happy Birthday To Me es un très bon slasher qui annonce l’évolution d’un genre et les codes, y compris formels, qui seront repris dans les années 1990 par le scénariste Kevin Williamson, notamment pour Wes Craven avec la tétralogie Scream et Souviens-toi…l’été dernier de Jim Gillespie. Happy Birthday To Me, dont le titre rappelle d’ailleurs le délirant Happy Birthdead (2017) de Christopher Landon, est donc largement à réhabiliter.
Virginia est fière d’appartenir à la confrérie des meilleurs élèves de son école privée. Mais une série de meurtres déciment ce groupe, et tout porte à croire qu’elle serait la coupable idéale…C’est sur ce postulat de départ (mais également sur le titre) que les producteurs du cultissime Meurtres à la St-Valentin de George Mihalka basent leur nouveau bébé. Alors que les seconds opus d’Halloween et de Vendredi 13 débarquent dans les salles, les canadiens profitent de cet engouement avec ce fort sympathique Happy Birthday To Me. Non seulement les producteurs bénéficient d’un réalisateur chevronné aux manettes, mais ils jouissent également de la présence de l’immense Glenn Ford et de la superbe Melissa Sue Anderson au générique. Si le premier entamait alors la dernière partie de son illustre carrière, la seconde, popularisée dans le monde entier avec son rôle de Mary Ingalls dans la série La Petite maison dans la prairie, venait de dire au revoir à la population de Walnut Grove et tentait une reconversion au cinéma. Pour cela, la comédienne âgée de 19 ans avait donc jeté son dévolu sur un rôle contemporain où elle pouvait se lâcher quelque peu en fumant un pétard et en apparaissant en soutien-gorge.
Happy Birthday To Me est une réussite. Si l’on excepte un final nawak (mais bien morbide) et une intrigue qui part un peu dans tous les sens, force est d’admettre que la mise en scène est encore aujourd’hui très solide. J. Lee Thompson soigne chacun de ses plans et semble prendre beaucoup de plaisir à filmer tous ces jeunes, pour ensuite les trucider les uns après les autres. D’ailleurs, la censure devra mettre son grain de sel pour atténuer certaines scènes jugées trop gores et trop violentes (l’écharpe prise dans la roue de moto notamment), ce qui se ressent au nouveau du montage. Malgré des meurtres « édulcorés » pour l’exploitation du film au cinéma, ce slasher demeure particulièrement bien rythmé, réjouissant et s’appuie sur un casting brillant, excellemment dirigé. Les séquences d’exécution de ce thriller horrifique sont sèches et bien amenées, tandis qu’une scène de trépanation – aux effets spéciaux très réussis – n’a absolument rien à envier à celle réalisée 25 ans plus tard par Darren Lynn Bousman pour Saw 3. Le charme félin de Melissa Sue Anderson rappelle parfois celui de Michelle Pfeiffer et l’actrice est ici très à l’aise dans ce rôle ambigu, naïf et impitoyable. Dommage que ses apparitions au cinéma soient ensuite restées très sporadiques.
Ajoutons à cela une élégante photographie signée Miklós Lente et une partition soignée de Bo Harwood (Une femme sous influence et Opening Night de John Cassavetes) et Lance Rubin, et vous obtenez un cocktail bien frappé, qui n’a rien perdu de sa fraîcheur et qui a su préserver son goût métallique de sang. A déguster sans tarder !
LE
BLU-RAY
Nous avons entre les mains l’un des plus beaux packagings du mois de mai 2019 et nous le devons une fois de plus à Rimini Editions. Cette édition collector DVD-Blu-ray-Livret d’Happy Birthday To Me se présente sous la forme d’un Digipack à trois volets, glissé dans un surétui cartonné du plus bel effet, reprenant le très célèbre visuel de l’affiche du film. Attention toutefois, le menu principal, animé et musical, révèle le final du film !
Le
livre de 20 pages écrit par Marc Toullec est bien illustré et donne
moult informations sur la production du film qui nous intéresse,
mais également sur l’histoire du slasher.
Ensuite, l’éditeur nous gâte puisque nous pouvons enfin découvrir le documentaire Slice and Dice : The Slasher Film Forever (1h15), réalisé par Calum Waddell en 2012, qui aborde évidemment le sous-genre horrifique du slasher à travers de très nombreux témoignages, le tout agrémenté d’images tirées de bandes-annonces diverses et variées. Participent à ce film : Emily Booth (scream queen), Tom Holland (Vampire, vous avez dit vampire?, Jeu d’enfant), Fred Olen Ray (Hollywood Chainsaw Hookers), Mick Garris (Critters 2), Scott Spiegel (producteur de la franchise Hostel), John Carl Buechler (Vendredi 13, chapitre 7: Un nouveau défi), Patrick Lussier (Dracula 2001, Meurtres à la Saint-Valentin 3D), Christopher Smith (Creep), Jeffrey Reddick (créateur de la franchise Destination Finale), Tobe Hooper (Massacre à la tronçonneuse 1 & 2), Corey Feldman (Vendredi 13: Chapitre final, Vendredi 13, chapitre 5: Une nouvelle terreur), Marysia Kay (scream queen), Felissa Rose (Massacre au camp d’été), Robert Rusler (La Revanche de Freddy), Eduardo Sánchez (Le Projet Blair Witch) et bien d’autres. N’attendez pas une étude poussée du slasher, mais plutôt un retour bon enfant, souvent amusant et informatif sur le genre par quelques noms qui ont participé à certains fleurons du thriller horrifique. La genèse (avec Psychose d’Alfred Hitchcock et La Baie sanglante de Mario Bava), les codes, les figures maléfiques, les ingrédients, les règles de survie, les effets gore, l’importance du son, les remakes divers et le retour en force du genre sont largement abordés dans ce film-documentaire très sympa qui devrait ravir les fans.
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L’Image
et le son
Le logo Columbia et le générique d’ouverture sont émaillés de points blancs et les noirs paraissent bien poreux. Heureusement, le master HD trouve son équilibre immédiatement après. Les couleurs sont joliment rafraîchies, la copie est stable, les contrastes denses, le piqué agréable, tout comme la patine argentique bien équilibrée et gérée. Certaines séquences sortent du lot, notamment toutes les scènes sur le campus avec un lot de détails très appréciables, sur les décors, mais également et surtout sur les gros plans et les beaux yeux bleus de Melissa Sue Anderson. Une définition très solide qui participe à la (re)découverte de ce slasher des années 1980.
La version originale est proposée en Dolby Digital 5.1, ainsi qu’en LPCM Stéréo. La première option n’exploite guère l’ensemble des canaux, même si l’accompagnement musical est plaisant. En dehors de cela, les différences avec la LPCM sont minimes et l’on préférera finalement sélectionner cette piste aux dialogues clairs et aux effets percutants, bref la plus dynamique du lot. L’éditeur joint également la version française Mono au rendu plus confiné et moins spectaculaire. Mais les puristes qui auront découvert le film ainsi dans leur jeunesse (il y en a), miseront une fois de plus sur cette adaptation au doublage par ailleurs très chouette.
MIRACLE EN ALABAMA (The Miracle Worker) réalisé par Arthur Penn, disponible le 16 avril 2019 en DVD et Blu-ray chez Rimini Editions
Acteurs : Anne Bancroft, Patty Duke, Victor Jory, Andrew Prine, Inga Swenson, Kathleen Comegys…
Scénario : William Gibson d’après sa pièce de théâtre
Photographie : Ernesto Caparrós
Musique : Laurence Rosenthal
Durée : 1h46
Année de sortie : 1962
LE FILM
Helen Keller a 12 ans. Elle ne voit pas, n’entend pas et présente tous les symptômes d’une déficience mentale. Ses parents font appel à Annie Sullivan, éducatrice aux méthodes révolutionnaires, et elle-même mal-voyante. Les premiers contacts entre l’enfant et l’éducatrice sont difficiles et parfois violents.
Aux Etats-Unis, Helen Keller (1880-1968) fait figure de sainte. Auteure, conférencière et militante politique américaine, elle devient sourdaveugle à l’âge d’un an et demi des suites d’une fièvre. Elle grandit difficilement dans sa famille, impuissante face à son handicap. Il faudra attendre son septième anniversaire, pour que la jeune fille parvienne à s’extraire de son isolement grâce à l’obstination et à l’acharnement d’Anne Mansfield Sullivan (1866-1936), sa professeure et éducatrice, qui parvient à instaurer avec elle un langage, permettant à Helen Keller de s’épanouir en apprenant à communiquer. Plus tard elle devient la première personne handicapée à obtenir un diplôme universitaire. Elle écrira une douzaine de livres et d’articles tout au long de sa vie, devenant ainsi un modèle pour les individus handicapés. Admirée dans le monde entier, la vie d’Helen Keller aura ainsi inspiré un ballet, la télévision, le théâtre, avant d’être transposée au cinéma. Avant son premier long métrage pour le cinéma, Le Gaucher (1958), Arthur Penn (1922-2010) signe un téléfilm de 90 minutes intitulé The Miracle Worker, avec Teresa Wright dans le rôle d’Annie Sullivan et Patty McCormack dans celui d’Helen Keller. Record d’audience sur la chaîne CBS en cette année 1957. L’année suivante, suite à l’échec critique et commercial du Gaucher, Arthur Penn se tourne vers le théâtre et transpose à nouveau le script de William Gibson, lui-même adapté du livre d’Helen Keller (Sourde, muette, aveugle : histoire de ma vie). La pièce interprétée par Anne Bancroft et Patty Duke est un triomphe à Broadway, où elle est jouée plus de 700 fois. Un Tony Award viendra récompenser Anne Bancroft et son metteur en scène. Arthur Penn décide alors d’adapter la pièce au cinéma, en confiant les deux rôles principaux à ses comédiennes qu’il avait dirigées sur scène. Miracle en Alabama est un chef d’oeuvre absolu du septième art, probablement l’un des plus beaux films de tous les temps.
Quel choc ! Arthur Penn filme ses deux protagonistes comme deux adversaires lâchés sur le ring ou même sur un champ de bataille. A l’aide d’une caméra portée, au plus près des personnages d’Helen et d’Annie, le réalisateur filme l’impensable. La jeune fille mitraille sa préceptrice de gifles, qui rétorque également et de plus en plus violemment. Helen Keller, seule dans sa prison de chair, se retrouve face à une présence coriace, qui semble décidée – entre autres – à ne pas la laisser piocher à sa guise dans les assiettes des autres – sa famille avait alors renoncé à l’idée de lui donner une quelconque éducation, tiraillée entre amour, pitié et sentiment de culpabilité – en se nourrissant avec les doigts. LA scène centrale du film étant celle où Annie tente d’apprendre à Helen, à se servir de sa fourchette, assise à table. Une vraie séquence éprouvante, tout droit tirée d’un film de guerre ou d’action où les deux femmes se mordent, se frappent, s’attrapent, se lancent de l’eau à la figure, cassent le mobilier, se jettent à terre, s’agrippent. Puis reprennent leur souffle avant qu’Helen reparte de plus belle, tandis qu’Annie, visage fermé, l’attrape à nouveau.
On reste estomaqués encore aujourd’hui par la puissance extraordinaire du jeu des stupéfiantes têtes d’affiche, Anne Bancroft (le studio aurait alors préféré Audrey Hepburn ou Elizabeth Taylor) et Patty Duke, toutes deux récompensées par un Oscar. Si l’âge d’Helen a été changé pour les besoins du film – une jeune comédienne de sept ans aurait eu du mal à se mettre dans la peau du personnage – Miracle en Alabama se focalise sur cette relation troublante, violente et explosive, en respectant la véritable histoire d’Helen Keller. Dans un N&B somptueux concocté par le directeur de la photographie Ernesto Caparrós, Arthur Penn utilise pas moins de trois caméras tournant en simultanée pour obtenir le maximum d’angles lors des diverses confrontations de ses personnages. Celle du repas susmentionné aura nécessité quatre jours de tournage. Patty Duke est ahurissante dans la peau d’Helen Keller, mais Anne Bancroft l’est tout autant en composant une femme traumatisée par une enfance placée sous le signe du handicap (elle est mal-voyante) et marquée par la mort de son frère invalide. Face à l’hostilité d’Helen et de ses parents effrayés par ses méthodes, Annie fonce tête baissée, comme si elle jouait sa propre vie à travers cette mission qui lui a été confiée. Quelques flashbacks apparaissent en surimpression, mettant à nu la psyché perturbée d’Annie, luttant quotidiennement contre des cauchemars et visions.
Point de conflit armé dans Miracle en Alabama, même si le spectre de la Guerre de Sécession plane sur cette propriété du sud des Etats-Unis où l’esclavagisme est encore présent, mais cela n’empêche pas les deux femmes de s’affronter corps et âme. Jusqu’au dénouement où la communication s’instaure enfin, où les doigts tendus et les mains tordues prennent tout leur sens pour Helen qui s’éveille et renaît enfin au contact d’une eau baptismale. La famille d’Helen, alors de plus en plus sceptique, comprend enfin. Les méthodes d’Annie – utiliser les sens dont Helen disposait, le toucher, le goût, l’odorat, pour l’éveiller – ont payé, elle qui était alors persuadée depuis le début que les fonctions intellectuelles d’Helen étaient intactes.
Arthur Penn n’a pas peur de jouer avec l’antipathie première inspirée par les personnages. Pourtant, le spectateur ne peut détacher ses yeux de ce spectacle immense, de cette intensité et de ce feu ardent qui crèvent l’écran chaque seconde, qui refuse alors tout pathos et se permet même quelques pointes d’humour inattendues. A la fin, les nerfs des personnages comme ceux des spectateurs se relâchent, les corps s’effondrent, les larmes coulent et les sourirent éclairent les visages.
LE BLU-RAY
C’est un vrai miracle oui ! L’immense chef d’oeuvre d’Arthur Penn est enfin disponible en Blu-ray en France chez Rimini Editions, plus de quinze ans après une sortie en DVD chez MGM, aujourd’hui épuisée. Le disque est installé dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné. Disposé dans le boîtier, nous trouvons un très beau livret de 36 pages écrit par Christophe Chavdia.
C’est devenu l’un de nos chouchous sur Homepopcorn.fr, Frédéric Mercier (Transfuge, Le Cercle) nous propose une fantastique analyse de Miracle en Alabama (35’). Vous saurez tout sur la genèse du film qui nous intéresse, ainsi que sur le casting, les trois adaptations de la vie d’Helen Keller par Arthur Penn (à la télévision, au théâtre, puis au cinéma), mais aussi sur les thèmes abordés. Dans un second temps, Frédéric Mercier explique pourquoi selon-lui Miracle en Alabama rompt avec les codes alors en usage à Hollywood au début des années 1960, mettant ainsi en relief la modernité toujours intacte du film, par ailleurs replacé dans l’oeuvre de son réalisateur. Le fond et la forme sont ainsi habilement croisés, avec des propos toujours posés et passionnants. On savoure chaque propos en espérant retrouver le critique, déjà présent sur les opus de Billy Wilder édités chez Rimini, sur de prochains titres.
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L’Image et le son
La copie HD proposée est très impressionnante. Premièrement, la restauration effectuée est absolument sidérante de beauté et aucune scorie (ou presque) n’a survécu au lifting numérique. Les noirs sont denses, les blancs éclatants, la gestion des contrastes magnifique et le piqué affiche une précision hallucinante. Le codec AVC consolide l’ensemble, les fondus enchaînés sont fluides et n’occasionnent aucun décrochage et le grain argentique demeure flatteur, volontairement plus accentué sur les réminiscences d’Annie. Toutes les scènes, en intérieur comme en extérieur, arborent un relief et une restitution des matières fort étonnants. Le Blu-ray est au format 1080p (AVC).
Bien que le doublage français soit réussi et dispose d’un écrin DTS-HD Master Audio 2.0, privilégiez la version originale encodée dans les mêmes conditions. Le confort acoustique y est plus agréable, les petites ambiances appréciables, malgré un léger souffle et des dialogues un peu chuintants, surtout durant le dernier acte. La piste française s’en sort néanmoins fort bien, même si les voix y sont plus sourdes. Notons que le film démarre directement en Audiodescription. L’éditeur joint également les sous-titres français, destinés au public sourd et malentendant.
JULES CÉSAR (Julius Caesar) réalisé par Stuart Burge, disponible le 19 mars 2019 en DVD et Blu-ray chez Rimini Editions
Acteurs : Charlton Heston, Jason Robards, John Gielgud, Richard Johnson, Robert Vaughn, Richard Chamberlain, Diana Rigg, Christopher Lee…
Scénario : Robert Furnival d’après la pièce de William Shakespeare « Jules César » (« Julius Caesar »)
Photographie : Kenneth Higgins
Musique : Michael J. Lewis
Durée : 1h57
Année de sortie : 1970
LE FILM
An 44 avant Jésus-Christ. Jules César est de retour à Rome, après être sorti vainqueur de la guerre civile contre Pompée. Si le peuple célèbre ce retour, quelques sénateurs, emmenés par Cassius, redoutent que César ne veuille instaurer une dictature et mettent sur pied un complot visant à l’assassiner.
Difficile de trouver un ton et un angle inédit pour adapter William Shakespeare au cinéma. Ecrite (selon les sources) en 1599 et publiée pour la première fois en 1623, Julius Caesar est l’une des tragédies les plus prisées du dramaturge par le 7e art. Avant la transposition qui nous intéresse, l’oeuvre de William Shakespeare avait déjà été adaptée à sept reprises, dont cinq fois au temps du muet dès 1908. Mais celle qui demeure la plus connue est sans conteste celle réalisée par l’immense Joseph Leo Mankiewicz avec Marlon Brando dans le rôle de Marc Antoine et James Mason dans celui de Brutus. Avant ce Jules César version 1953, David Bradley avait déjà livré sa version de la pièce de théâtre originale trois ans auparavant. Bien que peu connu, le film donnait alors la chance à un jeune acteur de 26 ans de faire ses premiers pas devant la caméra dans le rôle de Marc Antoine, Charlton Heston, qui venait de triompher à Broadway dans Antoine et Cléopâtre. Vingt ans plus tard et alors qu’il est devenu l’une des plus grandes stars du cinéma, le comédien endosse à nouveau la toge du personnage dans Jules César, mis en scène cette fois par Stuart Burge (1918-2002), en format large (peu exploité il faut bien le dire) et en couleurs. Venu de la télévision, le réalisateur avait déjà adapté William Shakespeare au cinéma en 1965, avec Othello, porté par sir Laurence Olivier dans le rôle-titre. En toute honnêteté, la version de Jules César de Stuart Burge vaut essentiellement pour son casting exceptionnel où Charlton Heston écrase purement et simplement ses partenaires. Même si sa participation reste limitée sur deux heures, le comédien bouffe l’écran à chaque apparition et la séquence de Marc Antoine s’adressant aux romains après l’assassinat de Jules César est très impressionnante.
La pièce originale est respectée. Le spectateur découvre le peuple de Rome célébrant le retour victorieux de Jules César, vainqueur de la Guerre civile contre Pompée. Deux tribuns blâment la versatilité du peuple, qui célébrait Pompée lorsqu’il se trouvait à la place de son rival. Ils tentent de disperser la foule et se donnent pour mission de dépouiller les statues de leurs décorations. Durant la fête de Lupercale, César défile en triomphe dans Rome ; un devin l’avertit contre le danger qui le menace le jour des Ides de Mars, mais César l’ignore. Par ailleurs Cassius tente de convaincre Brutus de se joindre à sa conspiration pour renverser César. Brutus hésite, tiraillé entre son affection pour César et la crainte que celui-ci abuse de son pouvoir (il est nommé dictateur à vie), remettant en cause la liberté du peuple romain. Les différents conspirateurs se rencontrent et réaffirment leur détermination face au projet du Sénat d’instituer César roi.
Bien que la pièce porte son nom, Jules César n’est pas le personnage principal de l’oeuvre. Dans le film de Stuart Burge, il est interprété par John Gielgud, considéré comme l’un des plus grands interprètes du théâtre britannique, et shakespearien en particulier. Chose amusante, il tenait le rôle de Cassius dans la version de Joseph L. Mankiewicz. Il incarne ici un Jules César vieillissant, à moitié sourd, tiraillé entre la grandeur divine et son besoin d’être aimé par le peuple. En revanche, gros mauvais point pour Jason Robards qui interprète Brutus. Visiblement peu préoccupé par ce qu’il tournait (il apprenait, voire découvrait ses répliques juste avant d’entrer sur le plateau), l’inoubliable Cheyenne d’Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone conserve un visage figé du début à la fin, les yeux bas, la bouche pincée. D’un autre côté, avec ses boucles bien dessinées sur le crâne, ses traits renvoient aux statues antiques et peuvent alors dissimuler aussi bien le feu ardent que la détresse du personnage en plein dilemme. Toujours est-il que Jason Robards n’arrive pas à la cheville de Charlton Heston. Se succèdent également à l’écran Richard Johnson (L’Enfer des zombies), Robert Vaughn, Richard Chamberlain, Christopher Lee, Michael Gough et même la magnifique Diana Rigg. Un casting de haut vol pour un film somme toute plaisant à suivre, même si les dialogues sont évidemment très présents et que l’ensemble prend la forme d’une succession de vignettes parfois trop figées et au rythme en dents de scie, surtout dans son dernier acte forcément moins prenant dans ses scènes de bataille peu inspirées.
Mais le film sert également de « premier volet » pour un diptyque. Ayant de la suite dans les idées, Charlton Heston envisageait déjà de reprendre le rôle de Marc Antoine dans Antoine et Cléopâtre, qu’il réalisera lui-même l’année suivante. La version Stuart Burge reste donc une curiosité.
LE BLU-RAY
Inédit dans les bacs français, Jules César apparaît en DVD et en Blu-ray sous la bannière incontournable de Rimini Editions. Comme d’habitude chez l’éditeur, l’objet est soigné avec une jaquette aussi attrayante qu’élégante, glissée dans un boîtier classique de couleur noire, lui-même disposé dans un surétui cartonné. Le menu principal est animé et musical.
Après le film, sélectionnez immédiatement l’intervention de Sarah Hatchuel, professeure en études cinématographiques et audiovisuelles, université Paul-Valéry, Montpellier 3 (32’). Pétillante, passionnante, l’invitée de Rimini Editions propose une formidable présentation et un retour sur l’oeuvre de William Shakespeare, Jules César. Les premières représentations, les personnages, l’évolution du point de vue de la pièce, les thèmes (dont ceux de la spectralité et de la prophétie), les différentes adaptations au cinéma, le casting sont longuement abordés ici, sans aucun temps mort. Moult informations sont également donnés sur la production (indépendante) du film, comme l’investissement de Charlton Heston, grand passionné de Shakespeare, qui avait accepté un cachet réduit de 100.000 dollars et un intérêt de 15 % sur les recettes.
L’Image et le son
Comme l’indique Sarah Hatchuel dans le module précédent, Jules César de Stuart Burge est enfin proposé dans son format respecté 2.35 (16/9) et en Blu-ray (AVC, 1080p). Quelques points blancs et rayures verticales subsistent. La gestion du grain est aléatoire – tout comme celle des contrastes – très grumeleux sur les plans de ciel et les séquences sombres, la colorimétrie assez froide est plutôt fraîche. La restauration n’est visiblement pas de première jeunesse, mais la copie permet de (re)découvrir Jules César avec ses partis pris et volontés artistiques originaux. La profondeur de champ est limitée par la mise en scène de Stuart Burge, mais certains gros plans étonnent par leurs détails, tout comme le piqué. Divers effets de pompages, mais rien de bien alarmant.
Jules César est disponible en version originale et française LPCM 2.0. La première instaure un confort acoustique plaisant avec une délivrance suffisante des dialogues, des effets annexes convaincants et surtout une belle restitution de la musique. La piste française est étouffée par un imposant souffle chronique.