HURLER DE PEUR (Taste of Fear) réalisé par Seth Holt, disponible en Édition Blu-ray + DVD + Livret le 17 septembre 2019 chez ESC Editions
Acteurs : Susan Strasberg, Ronald Lewis, Ann Todd, Christopher Lee, John Serret, Leonard Sachs, Anne Blake, Fred Johnson…
Scénario : Jimmy Sangster
Photographie : Douglas Slocombe
Musique : Clifton Parker
Durée : 1h18
Date de sortie initiale : 1961
LE FILM
Penny Appleby, jeune femme paralysée et condamnée au fauteuil roulant, revient dans sa demeure familiale située sur la Côte d’Azur après la disparition de son père. Accueillie par Jane, sa belle-mère, et épaulée à chaque instant par Bob, le chauffeur de la famille, voici qu’elle commence à avoir d’épouvantables visions : elle se met à voir le cadavre de son père dans différents endroits de la demeure, lequel disparaît aussitôt…
Même si la Hammer Films demeure emblématique de l’épouvante et du fantastique au cinéma, celle-ci était pourtant loin de se cantonner aux genres qui lui ont donné ses lettres de noblesse. Des films de pirates et d’aventures sont nés également au sein de la Hammer, y compris des thrillers dramatiques et psychologiques, à l’instar de Hurler de peur – Taste of Fear pour les puristes (Ou bien encore Scream of Fear aux Etats-Unis), réalisé par Seth Holt en 1961, qui découle de deux des plus grands films de l’histoire du cinéma qui venaient alors de secouer la planète entière, Les Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot (1955) et Psychose d’Alfred Hithcock (1960). Opus méconnu de la société de production britannique, petite production tournée en N&B en décors naturels, Hurler de peur s’avère un film très étonnant, osé et moderne, emblématique de l’ambition et de l’éclectisme de la Hammer.
LA MEILLEURE FAÇON DE MARCHER réalisé par Claude Miller, disponible en DVD, Blu-ray et combo Blu-ray+DVD depuis le 24 janvier 2018 chez LCJ Editions
Acteurs : Patrick Dewaere, Patrick Bouchitey, Christine Pascal, Claude Piéplu, Marc Chapiteau, Michel Blanc…
Scénario : Luc Béraud, Claude Miller
Photographie : Bruno Nuytten
Musique : Alain Jomy
Durée : 1h25
Date de sortie initiale : 1976
LE FILM
Durant l’été 1960, Marc et Philippe sont moniteurs dans une colonie de vacances en Auvergne. Tout les oppose : le premier se veut viril, tandis que le second se montre beaucoup plus réservé et taciturne. Au cours d’un malheureux concours de circonstance, Marc surprend Philippe habillé en femme. Une relation ambigüe, mélange de sadisme et de vénération, s’instaure alors entre les deux hommes.
J’ai déjà longuement parlé des films de Claude Miller (1942-2012), de Garde à vue (1981) en passant par Mortelle randonnée (1983), ses deux films avec Charlotte Gainsbourg, L’Effrontée (1985) et La petite voleuse (1988), et plus récemment de La Classe de neige (1999). Près d’une vingtaine de films et documentaires réalisés en l’espace de 45 ans. Un cinéaste inégal, touche-à-tout, inclassable, mais dont la sensibilité me touchait dans chacun de ses opus. Ancien assistant de Marcel Carné sur Trois chambres à Manhattan (1965), de Robert Bresson sur Au hasard Balthazar (1966), de Michel Deville sur Martin soldat (1966), de Jacques Demy sur Les Demoiselles de Rochefort et même de Jean-Luc Godard sur Weekend (1967), cet ancien diplômé de l’IDHEC, devenu directeur de production de François Truffaut sur La sirène du Mississipi (1969), décide de passer derrière la caméra avec quelques courts-métrages. Juliet dans Paris (1967) avec Juliet Berto, La Question ordinaire (1969) et Camille ou La comédie catastrophique (1971) lui apprennent le travail de metteur en scène, le perfectionnent à la technique et à la direction d’acteurs. Parallèlement, il assiste Gérard Pirès sur ses deux opus mythiques, Fantasia chez les ploucs (1971) et Elle court, elle court la banlieue (1973), avant de passer le cap du long métrage en 1976 avec La Meilleure façon de marcher.
Dans une grande propriété décatie et isolée de Volterra (en Toscane), Sandra, riche héritière juive, revient après des années d’absence, en compagnie de son mari américain. Une cérémonie doit être organisée en hommage à son père, mort à Auschwitz, suite à la délation probable de sa mère et de son amant, toujours en vie. Les retrouvailles avec ces derniers et surtout avec son frère, Gianni, naguère objet d’un amour interdit, vont faire resurgir les fantômes du passé…
Comme il le fera souvent ultérieurement après son accident vasculaire cérébral survenu sur le tournage de Ludwig ou le Crépuscule des dieux et qui le laissera à moitié paralysé, Luchino Visconti signe avec Sandra un quasi-huis clos qui lui permet de travailler dans un cadre sécurisé, à la limite de la théâtralisation. Après la flamboyance du Guépard, le cinéaste revient déjà derrière la caméra deux ans plus tard, alors qu’il lui fallait habituellement de trois à cinq ans pour peaufiner un nouveau projet, avec son huitième long métrage, Sandra donc. Le titre original Vaghe stelle dell’Orsa, que l’on peut traduire par « Pâles étoiles de la Grande Ourse », est emprunté au début du poème Le Ricordanze du recueil Canti de Giacomo Leopardi (1798-1837), écrivain, poète et philosophe italien, souvent considéré comme le deuxième plus célèbre et influent écrivain italien après Dante Alighieri.
LA CLASSE DE NEIGE réalisé par Claude Miller, disponible en DVD et Blu-ray depuis le 23 mai 2018 chez LCJ Editions
Acteurs : Clément Van Den Bergh, Lokman Nalcakan, François Roy, Yves Verhoeven, Emmanuelle Bercot, Tina Sportolaro, Yves Jacques, Chantal Banlier…
Scénario : Claude Miller, Emmanuel Carrère d’après le roman de ce dernier
Photographie : Guillaume Schiffman
Musique : Henri Texier
Durée : 1h37
Date de sortie initiale : 1998
LE FILM
Nicolas est un enfant grave, fragile et perturbé, qui vit dans son monde intérieur, peuplé de fantasmes terrifiants. Son père l’accompagne lui-même sur les lieux de la classe de neige où il rejoint ses camarades de classe. Malgré l’attention de Mademoiselle Grimm, sa maîtresse, Nicolas reste isolé, retiré dans son monde d’hallucinations morbides. Il sympathise avec Hodkann, un enfant turbulent, qu’il entraîne dans sa dérive mentale en lui racontant des histoires terribles. Au chalet, Nicolas, tombé malade, est choyé par le moniteur Patrick et par sa maîtresse. Pour Nicolas et Hodkann, la réalité se révèle plus éprouvante que ses fantasmes les plus cruels.
L’un des thèmes récurrents de l’oeuvre du cinéaste Claude Miller (1942-2012) est l’enfance. Dans tous ses états. Ou le passage à l’âge adulte, la fin de l’innocence, cet instant de révolte où l’être est en guerre contre le reste du monde. Ou tout simplement celui de l’enfance perturbée et mise à mal en raison d’un facteur extérieur. Le roman d’Emmanuel Carrère, La Classe de neige, publié en 1995 et Prix Fémina, ne pouvait pas laisser le réalisateur indifférent.
EL REINO réalisé par Rodrigo Sorogoyen, disponible en DVD et Blu-ray le 21 août 2019 chez Le Pacte
Acteurs : Antonio de la Torre, Monica Lopez, Josep María Pou, Nacho Fresneda, Ana Wagener, Bárbara Lennie, Luis Zahera, Francisco Reyes…
Scénario : Isabel Peña, Rodrigo Sorogoyen
Photographie : Alejandro de Pablo
Musique : Olivier Arson
Durée : 2h11
Date de sortie initiale : 2019
LE FILM
Manuel López Vidal est un homme politique influent dans sa région. Alors qu’il doit entrer à la direction nationale de son parti, il se retrouve impliqué dans une affaire de corruption qui menace un de ses amis les plus proches. Pris au piège, il plonge dans un engrenage infernal.
« Demain, c’est ton tour. »
Révélation de l’année 2016, le cinéaste Rodrigo Sorogoyen avait conquis la critique et les spectateurs avec son premier long métrage réalisé en solo, Que Dios nos perdone. Après 8 citas (2008) et Stockholm (2013), qu’il avait respectivement cosigné avec Peris Romano et Borja Soler, Rodrigo Sorogoyen a bien fait de voler de ses propres ailes. Pour El Reino, il signe un nouveau coup de maître, coécrit une fois de plus avec Isabel Peña, complice du réalisateur depuis plus de dix ans et qui avaient déjà collaboré sur les séries Impares (2008) et La pecera de Eva (2010). El Reino agit comme une caméra embarquée dans un bocal de piranhas. Bienvenue dans le monde des politiciens véreux et corrompus ! Un sujet universel et intemporel, qui renvoie souvent au cinéma engagé transalpin des années 1960, celui de Francesco Rosi, Elio Petri et Giuliano Montaldo. Veine que l’on retrouvera plus tard dans le cinéma américain chez Sidney Lumet et Alan J. Pakula, ou bien encore chez nous chez Costa-Gavras et Yves Boisset dans les années 1970. Mais il y a définitivement un héritage latin dans El Reino, drame politique et psychologique admirable, rythmé comme un thriller paranoïaque, percutant, un véritable uppercut cinématographique.
LE BATEAU PHARE (The Lightship) réalisé par Jerzy Skolimowski, disponible en DVD et Blu-ray le 2 juillet 2019 chez L’Atelier d’images & Malavida Films
Acteurs : Klaus Maria Brandauer, Robert Duvall, Robert Costanzo, Tim Phillips, Badja Djola, Tom Bower, Calvin Caspary, William Forsythe…
Scénario : Siegfried Lenz, William Mai, David Taylor
Photographie : Charly Steinberger
Musique : Stanley Myers
Durée : 1h28
Date de sortie initiale : 1985
LE FILM
Le Capitaine Miller, récupère son fils adolescent, Alex, des mains de la police. De retour sur le Hatteras, un bateau-phare ancré au large des côtes de Virginie, l’équipage recueille trois hommes dérivant dans leur canot endommagé…
Avec Le Bateau phare – The Lightship, le réalisateur polonais Jerzy Skolimoswki (Travail au noir, Deep End, Essential Killing) signe l’une de ses rares incursions dans le cinéma hollywoodien. Marqué par une narration trouble, une atmosphère étrange, un montage surprenant, une musique très 80ies qui crée un décalage et porté par un casting parfait avec Klaus Maria Brandauer et Robert Duvall en tête d’affiche, Le Bateau phare, adapté d’un roman de Siegfried Lenz et récompensé par le Prix Spécial du Jury à la 42e Mostra de Venise, agrippe littéralement le spectateur dès les premières séquences, pour ne plus le lâcher jusqu’à la fin.
CELLE QUE VOUS CROYEZ réalisé par Safy Nebbou, disponible en DVD et Blu-ray le 2 juillet 2019 chez Diaphana
Acteurs : Juliette Binoche, Nicole Garcia, François Civil, Marie-Ange Casta, Guillaume Gouix, Charles Berling, Jules Houplain, Jules Gauzelin…
Scénario : Safy Nebbou, Julie Peyr d’après le roman de Camille Laurens
Photographie : Gilles Porte
Musique : Ibrahim Maalouf
Durée : 1h37
Date de sortie initiale : 2019
LE FILM
Pour épier son amant Ludo, Claire Millaud, 50 ans, crée un faux profil sur les réseaux sociaux et devient Clara une magnifique jeune femme de 24 ans. Alex, l’ami de Ludo, est immédiatement séduit. Claire, prisonnière de son avatar, tombe éperdument amoureuse de lui. Si tout se joue dans le virtuel, les sentiments sont bien réels. Une histoire vertigineuse où réalité et mensonge se confondent.
Découvert en 2004 avec son excellent premier long métrage Le Cou de la girafe, le réalisateur Safy Nebbou (né en 1968) a su imposer sa griffe et son univers au fil de ses six films mis en scène en quinze ans. Si l’on remarque une nette prédilection pour le suspense, genre dans lequel il est d’ailleurs le plus habile et le plus convaincant (L’Empreinte en 2008, Comme un homme en 2012), le cinéaste s’est également illustré dans le biopic avec L’Autre Dumas (2010), par forcément pour le meilleur, et Dans les forêts de Sibérie (2016), adapté du récit autobiographique éponyme de Sylvain Tesson. Avec Celle que vous croyez, Safy Nebbou s’attaque au drame psychologique. En adaptant le roman homonyme de Camille Laurens publié en 2016, le réalisateur signe un film fort sur les rencontres 2.0., sur le désir féminin et sur celui de plaire après 50 ans, tout en offrant à Juliette Binoche l’un de ses plus beaux rôles depuis quinze ans.
Claire Milaud est une femme divorcée de cinquante ans et professeur de son métier. Un jour, elle crée son faux profil sur Facebook sous l’apparence d’une jeune femme de vingt-quatre ans, ajoutant un faux prénom, Clara, de fausses photos et de faux caractères. Tout cela pour espionner son ex-amant Ludo, mais elle y tombe sur son meilleur ami Alex avec qui elle va s’amuser virtuellement et sentimentalement…
Juliette Binoche n’a jamais arrêté de tourner. La comédienne n’a pas chômé dans les années 2010 qui avait ouvert la décennie avec Copie conforme d’Abbas Kiarostami. Capable de métamorphoses inattendues, l’actrice née en 1964 aura enchaîné grands spectacles hollywoodiens (Godzilla de Gareth Edwards, Ghost in the Shell de Rupert Sanders), comédies insignifiantes dans lesquelles elle abuse de son rire contagieux (La Vie d’une autre de Sylvie Testud, Telle mère, telle fille de Noémie Saglio) ou gigantesque délire (Ma Loute de Bruno Dumont). Mais Juliette Binoche c’est aussi l’incarnation de femmes matures, confrontées à leur demi-siècle et aux autres générations, comme dans Elles de Małgorzata Szumowska (dans lequel François Civil jouait d’ailleurs le fils de l’actrice !), Sils Maria d’Olivier Assayas, et dernièrement dans le très beau Un beau soleil intérieur de Claire Denis.
Dans Celle que vous croyez, la comédienne clôt comme qui dirait les années 2010 avec un personnage qui englobe tous ses rôles précédents. Avec sa sensibilité à fleur de peau, sa voix étranglée par l’émotion, ses yeux embués comme un personnage de manga et sa respiration saccadée, Juliette Binoche foudroie le coeur des spectateurs une fois de plus et mériterait sa dixième nomination aux César. A ses côtés, François Civil (né en 1990) confirme tout le bien que l’on pensait de lui depuis sa réelle découverte dans Made in France de Nicolas Boukhrief. Formidable dans Burn Out de Yann Gozlan, le comédien est à l’affiche de quatre films en 2019, Le Chant du loup d’Antonin Baudry, Mon inconnue de Hugo Gélin, Deux moi de Cédric Klapisch et Celle que vous croyez. Quatre longs métrages à travers lesquels le comédien démontre la diversité de son talent.
Safy Nebbou jongle avec les genres, distille quelques effets de comédie dans un drame passionnel pur et dur, tout en instaurant un suspense palpable. L’ombre de Vertigo – Sueurs froides d’Alfred Hitchcock plane parfois sur Celle que vous croyez, toutes proportions gardées. Le réalisateur filme Paris de façon presque anonyme, une ville gigantesque qui referme ses tentacules sur ses habitants, les isole et les place face à eux-mêmes, état souvent mis en relief par l’utilisation de portes-fenêtres, des miroirs ou des écrans dans lesquels se reflètent les visages, le tout magnifié par la photographie du chef opérateur Gilles Porte. Le cinéaste n’a pas peur du romanesque et trouve un juste équilibre entre le mélodrame et son étude souvent passionnante sur les débordements liés aux réseaux sociaux en mélangeant alors réalité et virtuel. Un superbe portrait de femme.
LE DVD
Le DVD et le Blu-ray de Celle que vous croyez sont disponibles chez Diaphana. L’éditeur nous a confié l’édition standard, dont le visuel reprend celui de l’affiche du film. Le menu principal est animé et musical.
Formidable making-of (35’) disponible sur les deux éditions. Ce document se compose d’entretiens avec l’équipe du film, et surtout d’images de tournage où nous pouvons observer le travail du réalisateur Safy Nebbou avec les comédiens. Le roman original de Camille Laurens, son adaptation, la psychologie des personnages, la préparation des comédiens, les partis pris, les conditions de tournage, tous ces sujets sont abordés au cours de ce module bien réalisé.
L’interactivité se clôt
sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Le master SD est assez aléatoire. Les scènes en extérieur bénéficient d’une belle restitution de la photographie de Gilles Porte, avec des couleurs froides et un piqué acéré. En revanche, là où ça coince ce sont les scènes en intérieur dans l’appartement de Claire où la définition est très aléatoire. La gestion des contrastes est déséquilibrée et le rendu assez terne.
Ce n’est pas avec un film comme Celle que vous croyez que vous mettrez à contribution votre installation sonore. L’éditeur joint tout de même une piste DD 5.1 convaincante, mais la Stéréo également au programme fait son office avec des effets dynamiques. A noter que l’éditeur joint les sous-titres pour sourds et malentendants, ainsi qu’une piste Audiodescription.
MIRACLE EN ALABAMA (The Miracle Worker) réalisé par Arthur Penn, disponible le 16 avril 2019 en DVD et Blu-ray chez Rimini Editions
Acteurs : Anne Bancroft, Patty Duke, Victor Jory, Andrew Prine, Inga Swenson, Kathleen Comegys…
Scénario : William Gibson d’après sa pièce de théâtre
Photographie : Ernesto Caparrós
Musique : Laurence Rosenthal
Durée : 1h46
Année de sortie : 1962
LE FILM
Helen Keller a 12 ans. Elle ne voit pas, n’entend pas et présente tous les symptômes d’une déficience mentale. Ses parents font appel à Annie Sullivan, éducatrice aux méthodes révolutionnaires, et elle-même mal-voyante. Les premiers contacts entre l’enfant et l’éducatrice sont difficiles et parfois violents.
Aux Etats-Unis, Helen Keller (1880-1968) fait figure de sainte. Auteure, conférencière et militante politique américaine, elle devient sourdaveugle à l’âge d’un an et demi des suites d’une fièvre. Elle grandit difficilement dans sa famille, impuissante face à son handicap. Il faudra attendre son septième anniversaire, pour que la jeune fille parvienne à s’extraire de son isolement grâce à l’obstination et à l’acharnement d’Anne Mansfield Sullivan (1866-1936), sa professeure et éducatrice, qui parvient à instaurer avec elle un langage, permettant à Helen Keller de s’épanouir en apprenant à communiquer. Plus tard elle devient la première personne handicapée à obtenir un diplôme universitaire. Elle écrira une douzaine de livres et d’articles tout au long de sa vie, devenant ainsi un modèle pour les individus handicapés. Admirée dans le monde entier, la vie d’Helen Keller aura ainsi inspiré un ballet, la télévision, le théâtre, avant d’être transposée au cinéma. Avant son premier long métrage pour le cinéma, Le Gaucher (1958), Arthur Penn (1922-2010) signe un téléfilm de 90 minutes intitulé The Miracle Worker, avec Teresa Wright dans le rôle d’Annie Sullivan et Patty McCormack dans celui d’Helen Keller. Record d’audience sur la chaîne CBS en cette année 1957. L’année suivante, suite à l’échec critique et commercial du Gaucher, Arthur Penn se tourne vers le théâtre et transpose à nouveau le script de William Gibson, lui-même adapté du livre d’Helen Keller (Sourde, muette, aveugle : histoire de ma vie). La pièce interprétée par Anne Bancroft et Patty Duke est un triomphe à Broadway, où elle est jouée plus de 700 fois. Un Tony Award viendra récompenser Anne Bancroft et son metteur en scène. Arthur Penn décide alors d’adapter la pièce au cinéma, en confiant les deux rôles principaux à ses comédiennes qu’il avait dirigées sur scène. Miracle en Alabama est un chef d’oeuvre absolu du septième art, probablement l’un des plus beaux films de tous les temps.
Quel choc ! Arthur Penn filme ses deux protagonistes comme deux adversaires lâchés sur le ring ou même sur un champ de bataille. A l’aide d’une caméra portée, au plus près des personnages d’Helen et d’Annie, le réalisateur filme l’impensable. La jeune fille mitraille sa préceptrice de gifles, qui rétorque également et de plus en plus violemment. Helen Keller, seule dans sa prison de chair, se retrouve face à une présence coriace, qui semble décidée – entre autres – à ne pas la laisser piocher à sa guise dans les assiettes des autres – sa famille avait alors renoncé à l’idée de lui donner une quelconque éducation, tiraillée entre amour, pitié et sentiment de culpabilité – en se nourrissant avec les doigts. LA scène centrale du film étant celle où Annie tente d’apprendre à Helen, à se servir de sa fourchette, assise à table. Une vraie séquence éprouvante, tout droit tirée d’un film de guerre ou d’action où les deux femmes se mordent, se frappent, s’attrapent, se lancent de l’eau à la figure, cassent le mobilier, se jettent à terre, s’agrippent. Puis reprennent leur souffle avant qu’Helen reparte de plus belle, tandis qu’Annie, visage fermé, l’attrape à nouveau.
On reste estomaqués encore aujourd’hui par la puissance extraordinaire du jeu des stupéfiantes têtes d’affiche, Anne Bancroft (le studio aurait alors préféré Audrey Hepburn ou Elizabeth Taylor) et Patty Duke, toutes deux récompensées par un Oscar. Si l’âge d’Helen a été changé pour les besoins du film – une jeune comédienne de sept ans aurait eu du mal à se mettre dans la peau du personnage – Miracle en Alabama se focalise sur cette relation troublante, violente et explosive, en respectant la véritable histoire d’Helen Keller. Dans un N&B somptueux concocté par le directeur de la photographie Ernesto Caparrós, Arthur Penn utilise pas moins de trois caméras tournant en simultanée pour obtenir le maximum d’angles lors des diverses confrontations de ses personnages. Celle du repas susmentionné aura nécessité quatre jours de tournage. Patty Duke est ahurissante dans la peau d’Helen Keller, mais Anne Bancroft l’est tout autant en composant une femme traumatisée par une enfance placée sous le signe du handicap (elle est mal-voyante) et marquée par la mort de son frère invalide. Face à l’hostilité d’Helen et de ses parents effrayés par ses méthodes, Annie fonce tête baissée, comme si elle jouait sa propre vie à travers cette mission qui lui a été confiée. Quelques flashbacks apparaissent en surimpression, mettant à nu la psyché perturbée d’Annie, luttant quotidiennement contre des cauchemars et visions.
Point de conflit armé dans Miracle en Alabama, même si le spectre de la Guerre de Sécession plane sur cette propriété du sud des Etats-Unis où l’esclavagisme est encore présent, mais cela n’empêche pas les deux femmes de s’affronter corps et âme. Jusqu’au dénouement où la communication s’instaure enfin, où les doigts tendus et les mains tordues prennent tout leur sens pour Helen qui s’éveille et renaît enfin au contact d’une eau baptismale. La famille d’Helen, alors de plus en plus sceptique, comprend enfin. Les méthodes d’Annie – utiliser les sens dont Helen disposait, le toucher, le goût, l’odorat, pour l’éveiller – ont payé, elle qui était alors persuadée depuis le début que les fonctions intellectuelles d’Helen étaient intactes.
Arthur Penn n’a pas peur de jouer avec l’antipathie première inspirée par les personnages. Pourtant, le spectateur ne peut détacher ses yeux de ce spectacle immense, de cette intensité et de ce feu ardent qui crèvent l’écran chaque seconde, qui refuse alors tout pathos et se permet même quelques pointes d’humour inattendues. A la fin, les nerfs des personnages comme ceux des spectateurs se relâchent, les corps s’effondrent, les larmes coulent et les sourirent éclairent les visages.
LE BLU-RAY
C’est un vrai miracle oui ! L’immense chef d’oeuvre d’Arthur Penn est enfin disponible en Blu-ray en France chez Rimini Editions, plus de quinze ans après une sortie en DVD chez MGM, aujourd’hui épuisée. Le disque est installé dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné. Disposé dans le boîtier, nous trouvons un très beau livret de 36 pages écrit par Christophe Chavdia.
C’est devenu l’un de nos chouchous sur Homepopcorn.fr, Frédéric Mercier (Transfuge, Le Cercle) nous propose une fantastique analyse de Miracle en Alabama (35’). Vous saurez tout sur la genèse du film qui nous intéresse, ainsi que sur le casting, les trois adaptations de la vie d’Helen Keller par Arthur Penn (à la télévision, au théâtre, puis au cinéma), mais aussi sur les thèmes abordés. Dans un second temps, Frédéric Mercier explique pourquoi selon-lui Miracle en Alabama rompt avec les codes alors en usage à Hollywood au début des années 1960, mettant ainsi en relief la modernité toujours intacte du film, par ailleurs replacé dans l’oeuvre de son réalisateur. Le fond et la forme sont ainsi habilement croisés, avec des propos toujours posés et passionnants. On savoure chaque propos en espérant retrouver le critique, déjà présent sur les opus de Billy Wilder édités chez Rimini, sur de prochains titres.
L’interactivité se clôt
sur la bande-annonce.
L’Image et le son
La copie HD proposée est très impressionnante. Premièrement, la restauration effectuée est absolument sidérante de beauté et aucune scorie (ou presque) n’a survécu au lifting numérique. Les noirs sont denses, les blancs éclatants, la gestion des contrastes magnifique et le piqué affiche une précision hallucinante. Le codec AVC consolide l’ensemble, les fondus enchaînés sont fluides et n’occasionnent aucun décrochage et le grain argentique demeure flatteur, volontairement plus accentué sur les réminiscences d’Annie. Toutes les scènes, en intérieur comme en extérieur, arborent un relief et une restitution des matières fort étonnants. Le Blu-ray est au format 1080p (AVC).
Bien que le doublage français soit réussi et dispose d’un écrin DTS-HD Master Audio 2.0, privilégiez la version originale encodée dans les mêmes conditions. Le confort acoustique y est plus agréable, les petites ambiances appréciables, malgré un léger souffle et des dialogues un peu chuintants, surtout durant le dernier acte. La piste française s’en sort néanmoins fort bien, même si les voix y sont plus sourdes. Notons que le film démarre directement en Audiodescription. L’éditeur joint également les sous-titres français, destinés au public sourd et malentendant.
M LE MAUDIT (M) réalisé par Fritz Lang, disponible le 16 avril 2019 en combo DVD/Blu-ray chez Tamasa Diffusion
Acteurs : Peter Lorre, Otto Wernicke, Gustaf Gründgens, Inge Landgut, Ellen Widmann, Theodor Loos…
Scénario : Fritz Lang, Thea von Harbou d’après un article d’Egon Jacobson
Photographie : Fritz Arno Wagner
Musique : Edvard Grieg
Durée : 1h51
Année de sortie : 1931
LE FILM
Toute la presse ne parle que de ça : le maniaque tueur d’enfants, qui terrorise la ville depuis huit mois vient de faire une nouvelle victime. Chargé de l’enquête, le commissaire Lohmann multiplie les rafles dans les bas-fonds. Gênée par toute cette agitation la pègre décide de retrouver elle-même le criminel.
Une sombre comptine chantée par des enfants qui s’amusent dans une cour. Des parents qui s’inquiètent de la disparition d’une dizaine de fillettes. C’est l’heure de la sortie de l’école, une mère de famille s’affaire à ses tâches quotidiennes, tout en préparant la table. Elle attend le retour d’Elsie, sa fille. De son côté, un agent de la circulation l’aide à traverser la route, quand une ombre l’aborde. Un sifflement reconnaissable, un leitmotiv (sifflé par Fritz Lang lui-même d’ailleurs), celui de Dans l’antre du roi de la montagne de Peer Gynt. En cinq minutes, le cadre, exceptionnel est posé par Fritz Lang. M le Maudit, ou tout simplement M en version originale est déjà le quinzième long métrage du réalisateur, ainsi que son premier film parlant. Immense chef d’oeuvre absolu de tous les temps, référence incontournable du genre policier, considéré d’ailleurs comme le premier thriller moderne, M le Maudit conserve son aura et son pouvoir d’attraction hypnotique. Près de 90 ans après sa sortie, ce drame anxiogène prend toujours aux tripes et l’on reste abasourdi par son audace scénaristique, sa beauté plastique, l’interprétation habitée de Peter Lorre et sa maîtrise formelle.
Après cette mise en place dans une cité ouvrière, le cadavre de la petite est découvert. La police intensifie ses efforts de recherche, en vain. Les habitants en viennent à se soupçonner les uns les autres. Les dénonciations anonymes font croître la tension et les policiers sont à bout de forces. Cependant, les rafles et les contrôles incessants dérangent les bandes criminelles dans leurs « affaires ». Aussi la pègre décide-t-elle, sous la direction de Schränker, de chercher elle-même le meurtrier et utilise dans ce but le réseau des mendiants. Alors que la police a identifié le meurtrier, celui-ci est reconnu par un vendeur de ballons aveugle grâce à la chanson que le tueur siffle. Un de ses « collègues » marque alors un « M » à la craie sur le manteau du meurtrier qui s’enfuit dans un bâtiment de bureaux cerné par les les bandes diverses. En se servant de leur attirail de cambriolage, ils fouillent l’immeuble, attrapent le meurtrier d’enfants et l’emmènent dans une distillerie abandonnée. Là, toute la pègre rassemblée lui fait un procès macabre.
Peter Lorre, dans son premier rôle au cinéma, entame alors l’une des plus grandes séquences de l’histoire du cinéma, quand son personnage, les yeux exorbités, le visage en sueur, la respiration saccadée, tente d’exprimer, de façon désespérée, son aliénation et son dédoublement intérieur. « Toujours, je dois aller par les rues, et toujours je sens qu’il y a quelqu’un derrière moi. Et c’est moi-même ! […] Quelquefois c’est pour moi comme si je courais moi-même derrière moi ! Je veux me fuir moi-même mais je n’y arrive pas ! Je ne peux pas m’échapper ! […] Quand je fais ça, je ne sais plus rien… Ensuite je me retrouve devant une affiche et je lis ce que j’ai fait, alors je me questionne : J’ai fait cela ? ». Fritz Lang met en parallèle les actions simultanées de la police quasi-impuissante, représentée par le commissaire Lohmann (qui reviendra dans Le Testament du Docteur Mabuse) et la pègre qui a alors une longueur d’avance sur les autorités. Tandis que les criminels se préparent à lyncher le meurtrier au cours d’une parodie de justice où un « avocat » de la défense tente d’expliquer que le tueur de fillettes doit être remis à la police, Lohmann apprend ce qui est sur le point d’arriver.
Tout subjugue dans M le Maudit. Le travail sur le son et le silence. Fritz Lang joue avec la nouvelle technologie mise à sa disposition. Le silence reflète la cacophonie ambiante, les ambiances ne sont jamais utilisées gratuitement, mais comme un véritable personnage à part entière. Le cinéaste, l’un des plus grands à avoir su conjuguer la grammaire cinématographique, évoque la traque d’une bête sauvage, aux abois. Ou quand les malfaiteurs s’associent pour mettre la main sur un assassin, un « outsider » qui gâche leurs affaires et les empêche de vaquer à leurs occupations. En raison de cette suite de meurtres, la police organise des rafles dans les quartiers louches, jusque dans les tripots clandestins où sont saisis les flingues, les portefeuilles, bijoux et fourrures volés. C’est la goutte d’eau pour la pègre, surtout après huit mois de recherches intensives qui n’ont donné aucun résultat en dépit du gigantesque dispositif déployé et des moyens conséquents mis à disposition de la police montrée incompétente, y compris les scientifiques avec leurs analyses d’empreintes. Seuls les cambrioleurs, les arnaqueurs, les tricheurs, les pickpockets, les prostituées, pourront faire quelque chose.
En montrant les habitants d’une grande ville allemande (jamais nommée, même si un journal indique Berlin, tout comme le plan de la ville accroché dans les bureaux de la police) jetés dans la terreur et l’hystérie, Fritz Lang, s’inspirant alors d’un fait divers réel, invite à réfléchir sur les réactions, le comportement et les actions d’une société traumatisée par les crimes commis. Héritier de l’Expressionnisme allemand, M le Maudit crée un genre, transcende les générations, foudroie autant les yeux devant tant de virtuosité, que l’estomac avec son récit tendu du début à la fin. Enfin, en montrant une société se liguer dans le but d’éradiquer un être jugé « nuisible », le réalisateur anticipe alors la Solution finale…Un chef d’oeuvre prophétique. Vingt ans plus tard, Joseph Losey en signera un très grand remake avec David Wayne, avec l’action du film transposée à Los Angeles.
LE BLU-RAY
Après une première édition en DVD chez Opening, puis chez Films sans frontières dans de louches éditions DVD et Blu-ray, le chef d’oeuvre de Fritz Lang fait son retour dans les bacs par la grande porte chez Tamasa Diffusion où il est particulièrement choyé. Ce Digipack très élégant se compose du DVD, du Blu-ray et d’un livret de 16 pages, proposant des extraits du dossier pédagogique rédigé par Mireille Kentzinger et comprenant un retour sur M le Maudit, avec une analyse de séquence, un gros plan sur le montage et diverses photographies. Le menu principal est fixe et bruité.
Pour accompagner M le Maudit, Tamasa propose une intervention de Faruk Günaltay (42’). Le directeur du cinéma l’Odyssée de Strasbourg dissèque le fond et la forme du chef d’oeuvre visionnaire de Fritz Lang. La production du film (à l’époque où il devait s’intituler Les Assassins sont parmi nous), le travail sur le son (premier long métrage parlant du réalisateur), le casting, la psychologie du personnage principal, les effets de cadrage, la critique de la République de Weimar, l’anticipation de la question de l’élimination « du corps en trop » et tout un tas d’éléments sont abordés au cours de cette présentation passionnante durant laquelle quelques séquences sont également analysées.
L’Image et le son
Depuis sa sortie en 1931, M le Maudit a été vu et revu dans de différentes versions et durées. Aucune ne correspondait à la version originale. Les montages français et britannique comprenaient même des scènes filmées ultérieurement. Fritz Lang n’avait aucun contrôle sur ces versions. En 1960, M le Maudit était ressorti dans un montage de 96 minutes, lui aussi très éloigné de l’original de 1931. Le format de l’image avait même été modifié et les têtes des comédiens tronquées. Sans oublier des ambiances sonores ajoutées sur des séquences muettes. Depuis, diverses tentatives avaient été réalisées pour reconstituer l’oeuvre originale de Fritz Lang. En 2001, l’image et le son de 1931 ont enfin été retrouvés sur des pellicules nitrates. 70 % des négatifs originaux survécurent. Pour cette restauration, une copie française du négatif fut réalisée à partir d’un tirage et servit à compléter les scènes tronquées. Pour la première fois, les instabilités récurrentes de l’image dues à des perforations et des erreurs de tirage furent en grande partie corrigées. La restauration numérique de l’image a demandé un soin minutieux pour respecter les partis pris originaux. Toutefois, le montage soumis à la censure allemande de 117 minutes, n’a jamais pu être reconstitué. Alors évidemment tous les défauts n’ont pu être corrigés sur cette version restaurée 2K par TLEFilms, AFF et Deutsche Kinematek, quelques rayures subsistent par exemple, mais il faut bien admettre que le confort de visionnage est total et que la tenue des contrastes est souvent ébouriffante. Divers effets de pompages demeurent également, mais le piqué ne cesse d’impressionner, même si plus émoussé sur les parties du film provenant des copies d’exploitation.
La bande-son respecte l’idée originale de Fritz Lang avec des contrastes saisissants entre les scènes sonores et muettes. Un souffle chronique est inhérent à l’âge du film, mais ne dérange pas l’écoute. Le mixage est propre, équilibré, les bruitages précis, les dialogues sensiblement pincés, mais intelligibles.