Test Blu-ray / La Fille sur la balançoire, réalisé par Richard Fleischer

LA FILLE SUR LA BALANÇOIRE (The Girl in the Red Velvet Swing) réalisé par Richard Fleischer, disponible en DVD et Blu-ray le 2 octobre 2018 chez Rimini Editions

Acteurs : Ray Milland, Joan Collins, Farley Granger, Luther Adler, Cornelia Otis Skinner, Glenda Farrell, Frances Fuller, Phillip Reed…

Scénario : Walter Reisch, Charles Brackett

Photographie : Milton R. Krasner

Musique : Leigh Harline

Durée : 1h49

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Dans l’Amérique des années 1900, Stanford White, célèbre architecte new-yorkais, marié mais séducteur réputé âgé de 47 ans, remarque dans une troupe de danseuses de cabaret Evelyn Nesbit, qui n’a que 16 ans. Cette dernière tombe sous son charme, mais celui-ci, torturé par sa conscience, cherche à éloigner la jeune femme, dont il est tombé amoureux. La jeune fille est également convoitée par un riche oisif, Harry Thaw. Quatre ans plus tard, celui-ci l’épouse. Mais, sa jalousie s’exacerbe à l’encontre de White. Un soir, dans un cabaret fréquenté par la haute société, il abat l’architecte de trois coups de revolver. Lors du procès Evelyn cédera aux pressions de sa belle mère et fera un faux témoignage pour sauver la tête de son mari.

Fils du pionnier de l’animation Max Fleischer (producteur de Popeye et de Betty Boop), Richard Fleischer (1916-2006) tente d’abord de devenir comédien mais se retrouve rapidement dans la salle de montage pour s’occuper des films d’actualités pour la RKO. Après quelques courts-métrages remarqués en tant que réalisateur, Richard Fleischer se voit confier quelques séries B. C’est le cas d’Assassin sans visage, remarquable film noir d’une heure montre en main tourné en seulement dix jours en 1949. Jalon de l’histoire du film criminel, l’oeuvre de Richard Fleischer repose sur une mise en scène stylisée et demeure l’un des premiers films à traiter de manière réaliste de la figure du serial killer.

Sous contrat avec la RKO, Richard O. Fleischer, signe plus tard Bodyguard, un petit polar à l’intrigue banale et même sans surprise, qu’il parvient à élever grâce à une mise en scène inspirée et dynamique, une direction d’acteurs parfaite (parfait Lawrence Tierney et dernière apparition de l’adorable Priscilla Lane) et même quelques touches d’humour qui font mouche. Série B vive et dynamique, particulièrement intéressante sur le plan visuel et faisant fi d’un budget somme toute restreint, bourrée d’idées (la scène finale dans l’abattoir) et de trouvailles sympathiques (un gros plan sur un oeil), Bodyguard, ce quatrième long-métrage de Richard Fleischer, se voit encore aujourd’hui comme une belle curiosité.

Tous ces petits longs métrages vont permettre à Richard Fleischer de révéler son savoir-faire. Sa spécialité ? Les polars secs et nerveux à l’instar du Pigeon d’argile grâce auquel le cinéaste transcende une fois de plus un postulat de départ classique pour s’amuser avec les outils techniques mis à sa disposition. Dès 1952 avec L’Enigme du Chicago Express, le réalisateur est reconnu dans le monde entier comme étant un nouveau maître du cinéma. Cette ascension fulgurante lui ouvrira les portes des grands studios Hollywoodiens où il démontrera son immense talent et son goût pour un éclectisme peu commun : Vingt Mille lieues sous les mers (1954), Les Inconnus dans la ville (1955), Les Vikings (1958). Juste après avoir connu le succès dans le monde entier avec sa transposition de l’oeuvre de Jules Verne, Richard Fleischer enchaîne avec La Fille sur la balançoire. Si ce film semble plus classique qu’à son habitude, The Girl on the Red Velvet Swing annonce pourtant les œuvres à venir de Richard Fleischer, notamment celles basées sur des faits divers criminels. Ou comment La Fille sur la balançoire s’inscrit bel et bien dans une filmographie éclectique – 60 films en 45 ans – et pourtant cohérente.

Ayant envisagé dans sa jeunesse des études pour devenir psychiatre, Richard Fleischer s’est toujours intéressé aux obsessions de ses personnages, d’un côté ou de l’autre de la justice. Ce sera notamment le cas dans Le Génie du mal (1959), adapté du roman Crime (1956) de l’écrivain et journaliste Meyer Levin, dans lequel le cinéaste s’inspire de l’affaire Leopold et Loeb, que Levin avait par ailleurs couvert pour le compte du Daily News en 1924 alors qu’il fréquentait la même Université que les deux criminels. Nathan Leopold et Richard Loeb étaient deux riches et brillants étudiants en droit de l’Université de Chicago, fascinés par la théorie du surhumain de Friedrich Nietzsche. Se sentant intellectuellement au-dessus du commun des mortels et donc des lois, les deux étudiants ont décidé de tuer un adolescent de 14 ans pour le seul plaisir de réaliser un crime parfait et d’éliminer un être inférieur, donc « inutile ». Un fait divers qui avait déjà inspiré La Corde d’Alfred Hitchcock, réalisé dix années auparavant. Ce qui intéresse Richard Fleischer et ce qui le passionnera tout au long de sa vie, c’est surtout ce qui peut conduire un homme à commettre l’irréparable. Le Génie du mal sera d’ailleurs le premier volet d’une trilogie criminelle en devenir avec L’Étrangleur de Boston en 1968 et L’Étrangleur de la place Rillington en 1971. Cinéaste prolifique, il est et demeure assurément l’un des plus grands metteurs en scène et raconteur d’histoires de l’industrie hollywoodienne.

Quand on se couche avec des chiens, on se lève avec des puces…

Entre le film à costumes, une touche de comédie musicale, le mélodrame passionnel, l’étude psychologique et un soupçon d’histoire criminelle, La Fille sur la balançoire, inspiré d’une histoire vraie qui avait été appelée « Le Procès du siècle » et qui avait défrayé la chronique au début du XXe siècle, repose sur un scénario en béton écrit par les immenses Walter Reisch (Voyage au centre de la terre de Henry Levin, Niagara de Henry Hathaway, Ninotchka d’Ernst Lubitsch) et Charles Brackett (Boulevard du crépuscule, La Scandaleuse de Berlin). Richard Fleischer a donc les mains libres pour dérouler son récit à travers une reconstitution soignée, une virtuosité unique et un art jamais démenti de la conduite dramaturgique, tout en se penchant sur une nouvelle approche du « Mal » et des recoins les plus sombres de l’âme humaine.

Avec son CinémaScope sublime et la flamboyante photographie du chef opérateur Milton R. Krasner (Ève, 7 ans de réflexion, La Conquête de l’Ouest) aux couleurs étincelantes qui contrastent avec la noirceur du propos, La Fille sur la balançoire demeure un vrai joyau et continue aujourd’hui de faire le bonheur des cinéphiles.

Dans la première partie de La Fille sur la balançoire, Richard Fleischer observe ses personnages avec une patience et l’oeil aiguisé d’un entomologiste. Le réalisateur pose le cadre, donne aux spectateurs ce qu’ils sont venus voir, à savoir un trio de stars élégantes, superbes et qui portent admirablement le costume. Le décor est faste, les couleurs éclatantes, le cadre large renvoie aux plus grands spectacles cinématographiques d’alors. Pourtant, il y a quelque chose de menaçant, pour ne pas dire pourri qui couve dans La Fille sur la balançoire. Si les faits réels ont été quelque peu « adoucis » – la jeune Evelyn Nesbit, 14 ans, avait  été violée par Stanford White – Richard Fleischer n’est pas dupe quant au comportement inapproprié de ses protagonistes masculins.

Ray Milland compose un architecte de renom, peut-être le plus connu des Etats-Unis, marié, qui entreprend une relation avec une très jeune femme (ici âgée de 16 ans), plus ou moins consentie. Le film étonne par sa frontalité, surtout lorsque White décide finalement de s’occuper d’Evelyn comme s’il s’agissait de « sa fille », en voulant lui faire reprendre des études. Fantasme incestueux ? Pédophilie ? Il s’agit bien de cela, mais Richard Fleischer est assez malin pour faire passer le message malgré un code Hays omnipotent. De son côté, Farley Granger compose un Harry K. Thaw ambiguë, playboy colérique et millionnaire qui vit sous le joug d’une mère qu’on imagine à la fois castratrice et également incestueuse. Troisième élément de ce triangle « amoureux », Joan Collins, dans un rôle pensé pour Marilyn Monroe, subjugue à chaque apparition. Mais en dépit de son apparente innocence, le spectateur s’interroge sur le caractère arriviste de cette apparente oie blanche qui souhaite s’élever dans l’échelle sociale. Son jeune âge la perdra puisqu’elle se retrouvera au milieu d’un règlement de comptes fatal, qui lui fera comprendre qu’on ne peut jouer innocemment dans le monde adulte.

Le dernier acte, après le meurtre, est un modèle du genre. Ou l’art de l’ellipse chez Richard Fleischer. Les grandes étapes du procès sont résumées via le titre des manchettes affiché sur les devantures d’un magasin, jusqu’au verdict. Quant à l’épilogue dans la prison, il reste d’une brutalité peu commune et d’un cynisme tout aussi rare. Un autre bijou noir dissimulé dans l’immense filmographie du cinéaste. Ce fait divers sera également évoqué dans Ragtime de Milos Forman (1981) et repris par Claude Chabrol dans La Fille coupée en deux (2007).

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de La Fille sur la balançoire, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui très élégant. Le menu principal est animé et musical.

Critique cinéma et chargée de cours à l’université Paris 3, Ophélie Wiel replace La Fille sur la balançoire dans la carrière de Richard Fleischer et revient sur les thèmes, les partis pris, la psychologie des personnages et le casting du film qui nous intéresse, sans oublier d’évoquer le fait divers qui l’a inspiré (20’). Ophélie Wiel indique comment le cinéaste et les scénaristes ont su contourner le tristement célèbre code Hays, afin d’aborder la sexualité déviante du personnage incarné par Ray Milland.

L’Image et le son

L’édition HD de La Fille sur la balançoire est aléatoire. Rien à redire sur le fabuleux cadre large et la vivacité de la colorimétrie, en particulier sur les quelques scènes chantées aux costumes étincelants (jaune, rose, on en prend plein les yeux) ou de la balançoire éponyme. En revanche, le master est encore parsemé de points blancs, de scories diverses et variées, de raccords de montage. La définition décroche sur les fondus enchaînés et la dernière bobine est la plus abîmée du lot avec une recrudescence des poussières. Les contrastes sont malgré tout fabuleux, malgré des fourmillements, des flous intempestifs, des séquences tournées en transparence visibles comme le nez au milieu de la figure. La gestion du grain est également inégale avec de temps en temps des scènes plus lissées et à l’aspect plus artificiel. Ce Blu-ray est une exclusivité mondiale.

Point de Haute-Définition en ce qui concerne l’acoustique. La version originale bénéficie d’une piste LPCM 2.0 (à privilégier), mais également d’une option Dolby Digital 5.1 correcte, qui spatialise la musique de façon dynamique. Quelques effets latéraux parviennent à se faire entendre, même si l’ensemble reste essentiellement frontal. Les voix sont de temps à autre assez confinées ou au contraire trop aiguës. La piste française LPCM 2.0 est de bon acabit, au doublage soigné. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : ©  Twentieh Century Fox Home Entretainment LLC All Rights Reserved / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Engrenages, réalisé par David Mamet

ENGRENAGES (House of Games) réalisé par David Mamet, disponible en DVD et Blu-ray le 4 septembre 2018 chez ESC Editions

Acteurs :  Lindsay Crouse, Joe Mantegna, Mike Nussbaum, Lilia Skala, J.T. Walsh, Willo Hausman, Karen Kohlhaas, Steven Goldstein, Jack Wallace, William H. Macy…

Scénario : David Mamet

Photographie : Juan Ruiz Anchía

Musique : Alaric Jans

Durée : 1h42

Année de sortie : 1987

LE FILM

Le docteur Margaret Ford, brillante psychanalyste, considérée comme trop froide par ses clients, est un jour poussée à bout par un de ses patients, Billy Haln, qui la menace de se suicider si elle ne l’aide pas à honorer ses dettes de jeu vis-à-vis d’un certain Mike. Margaret accepte. Elle se rend à la maison de jeux et découvre un univers qui la fascine. Mike et ses amis, après avoir tenté de la plumer, lui démontrent quelques-unes de leurs arnaques favorites. Pour Margaret, c’est l’engrenage et sa vie rigide va tout à coup être bouleversée par cette passion.

A la barre d’EngrenagesHouse of Games, il y a le dramaturge, producteur, réalisateur, scénariste et essayiste américain David Mamet. Né en 1947, lauréat du Prix Pulitzer en 1984 pour Glengarry Glen Ross, cet auteur de renom débute sa carrière à Hollywood en signant les scénarios du Facteur sonne toujours deux fois de Bob Rafelson (1981), Le Verdict de Sidney Lumet (1982) pour lequel il est nommé à l’Oscar et Les Incorruptibles de Brian de Palma (1987). Trois chefs d’oeuvre. Il décide de passer derrière la caméra avec Engrenages, son premier long métrage, dont il cosigne l’histoire avec le comédien et scénariste Jonathan Katz. Tout ce qui fera la renommée des films de David Mamet, à l’instar de La Prisonnière espagnole, se retrouve déjà dans ce coup d’essai. Radiographie de l’âme humaine, scénario empreint de psychologie, forme quasi-anachronique et inspirée du cinéma américain des années 1950, solide direction d’acteurs, élégance omniprésente, récit passionnant. Engrenages est un savoureux tour de force.

Margaret Ford est une psychanalyste solitaire qui bénéficie d’une certaine renommée, en particulier depuis la publication d’un livre intitulé Driven: Compulsion and Obsession in Everyday Life, dont les ventes lui assurent un revenu confortable. Lors d’une séance de psychanalyse, Billy, un joueur compulsif, lui confie qu’il doit la somme de 25 000 dollars à un criminel et qu’il sera probablement abattu s’il ne s’acquitte pas de sa dette. Le soir venu, Margaret décide de se rendre dans un bar appelé The House of Games pour y rencontrer l’homme dont Billy lui a parlé – un certain Mike, dont la jeune femme fait rapidement connaissance. Mike lui propose un deal : il efface l’ardoise de Billy, qui en réalité s’élève à seulement 700 dollars, si elle l’aide à gagner une partie de poker en observant les tics de son adversaire. Margaret accepte, et débute alors une expérience qui va peu à peu confronter les théories de la psychanalyste à une troublante réalité…

Engrenages est l’histoire d’une femme aux désirs refoulés qui se retrouve face à sa propre psyché, à la tentation et au passage à l’acte. Jusqu’alors, le personnage impeccablement interprété par Lindsay Crouse (La Castagne, Le Prince de New York) au regard glacial, se contentait de guérir et de soulager les maux de ses patients, sans penser une seconde à sa propre existence. Ne vivant que pour son métier et ses patients, Margaret commence à perdre le fil de ses pensées, en faisant notamment quelques lapsus révélateurs, en mentionnant « pressions » au lieu de « passions ». Suite à une affaire en cours, elle décide de sortir de sa zone de confort et plonge malgré elle dans le monde de la nuit peuplé d’escrocs, en rencontrant notamment un expert, Mike, incarné par le toujours classe Joe Mantegna (Le Parrain 3, la série Esprits criminels). Sa véritable nature va alors éclore au fur et à mesure que Margaret apprend les rudiments d’arnaques en tous genres. Mais de par son métier qui exige contrôle et dans un sens manipulation, Margaret acceptera t-elle de se retrouver face à plus fort qu’elle et surtout de devenir victime d’un jeu qu’elle pensait alors contrôler ? Lequel de ces deux professionnels parviendra à prendre le dessus sur l’autre ?

House of Games, c’est le lieu où se réunissent celles et ceux qui ont décidé de prendre l’ascendant sur ceux qu’ils ont désignés comme leurs proies, en les arnaquant et en profitant de leur crédulité. En pénétrant dans ce lieu, Margaret voit s’animer tout ce qu’elle dissimulait au plus profond d’elle-même, sous l’apparence d’une psy stricte, corsetée dans un tailleur droit, qui préfère passer ses soirées à peaufiner ses dossiers en cours, plutôt que de penser à elle. La rencontre avec Mike va non seulement réveiller en elle ses instincts dissimulés, ses envies compulsives, mais également sa sexualité.

Les films de David Mamet donnent toujours cette impression d’avoir été tournés en N&B. Engrenages ne fait pas exception. Avec ses angles de caméra insolites, sa musique jazzy, ses rues au bitume détrempé après la pluie, ses nombreux gros plans, le film prend la forme d’un polar made in fifties, mais en couleur. Sans en dévoiler davantage, disons que l’ombre de Pas de printemps pour Marnie d’Alfred Hitchcock (1964) plane constamment sur Engrenages. David Mamet signe un vrai coup de maître, jouant constamment avec les apparences et les faux-semblants, probablement encore plus passionnant aujourd’hui qu’à sa sortie.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’Engrenages, disponible chez ESC Editions, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

ESC Editions fait décidément confiance à Mathieu Macheret, qui réalise une fois de plus une analyse du film qui nous intéresse (21’30). Le critique cinéma pour Le Monde présente tout d’abord le parcours et l’oeuvre de David Mamet, à travers ses thèmes récurrents, mais se trompe en avançant que ce premier long métrage est l’adaptation d’une des pièces de son auteur. Puis, Engrenages est abordé à la fois dans le fond, mais aussi sa forme. Si le journaliste paraphrase parfois l’histoire, tout en se gardant bien d’en dévoiler les principaux rebondissements, les arguments avancés sont souvent passionnants et mettent en valeur l’intelligence d’un scénario sur lequel repose entre autres la très grande réussite du film.

L’Image et le son

Merci à ESC Editions d’avoir exhumé ce titre tombé dans l’oubli, qui était sorti en DVD il y a près de quinze ans chez MGM / United Artists ! A cette occasion, la copie a été restaurée. Cela se voit, même si on dénombre encore quelques points blancs et pas mal de points noirs qui ont échappé au Biactol numérique, surtout lors du changement de bobine. Cela n’empêche pas la copie d’être lumineuse et stable. Les couleurs retrouvent un réel éclat (voir les bleus et les rouges), le grain argentique est heureusement conservé. Toutefois, la définition est parfois chancelante au cours d’une même séquence avec quelques flous sporadiques. Mais cela n’entame en rien le plaisir de (re)voir cet excellent premier long métrage de David Mamet.

Deux pistes DTS HD Master Audio 2.0 au programme. Evitez la version française, d’autant plus que les dialogues sont souvent sourds et mis trop en avant. La piste anglaise est plus naturelle et aérée, même si un léger souffle se fait entendre. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © MGM / United Artists / ORION / ESC EDITIONS / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Drone, réalisé par Jason Bourque

DRONE réalisé par Jason Bourque, disponible en DVD et Blu-ray le 22 août 2018 chez M6 Vidéo

Acteurs : Sean Bean, Patrick Sabongui, Mary McCormack, Maxwell Haynes, Joel David Moore, Viv Leacock, Sharon Taylor, Bradley Stryker…

Scénario : Paul A. Birkett, Jason Bourque d’après une histoire originale de Ian Birkett, Roger Patterson, Paul A. Birkett

Photographie : Graham Talbot, Nelson Talbot

Musique : Michael Neilson

Durée : 1h27

Année de sortie : 2017

LE FILM

Neil est un pilote de drone chevronné qui réalise des missions secrètes pour la CIA tout en menant une vie de famille discrète dans une banlieue sans histoire. Jusqu’à ce qu’une fuite sur un site web de dénonciation fasse de lui la cible d’un homme d’affaires pakistanais énigmatique convaincu qu’il est responsable de la mort de sa femme et de son enfant. Cette traque de tous les instants va l’exposer à une menace mortelle et mener à une confrontation pleine de suspense.

Au fait, il devient quoi Sean Bean depuis Game of Thrones ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’acteur n’a pas chômé dans les années 2010. Celui qui est mort près d’une trentaine de fois à l’écran a récemment incarné Zeus (rien que ça) dans les deux épisodes de la franchise Percy Jackson, le père de Blanche-Neige dans le film de Tarsem Singh, fait un petit tour chez les sœurs Wachowski (Jupiter : Le Destin de l’univers) et Ridley Scott (Seul sur Mars), tourné deux saisons de la série The Frankenstein Chronicles. Etonnamment, on le retrouve à bord d’une minuscule production canadienne, Drone, réalisée et coécrite par un certain Jason Bourque (et non pas Bourne), auteur d’une multitude de téléfilms catastrophes (ou catastrophiques c’est selon), aux titres explicites comme Asteroid impact, Tornades de pierres, Le jugement dernier, Termination Point, La dernière tempête et ainsi de suite. Autant dire que si Sean Bean a accepté d’apparaître dans Drone, c’est uniquement pour payer un arriéré d’impôts.

Si le comédien espérait que le film reste réservé au Canada, c’est raté. Comme Drone lui-même d’ailleurs. L’affiche annonce un film d’action ou de guerre. Il n’en est rien. A part deux explosions qui explique le contexte, Drone est en réalité un drame psychologique sur le deuil et la culpabilité, teinté de home-invasion. Et encore, toutes proportions gardées. Sean Bean interprète un pilote de drone de haut niveau, Neil Wistin, qui partage sa vie entre ses contrats classés secret défense par la CIA et sa vie de famille compliquée en raison de son fils distant Shane. Neil vient de perdre son père et cette perte renferme encore plus Shane, qui était très proche de son grand-père. Ellen, la femme de Neil, lassé de ce mari taciturne, entame une liaison avec un autre homme. Jusqu’au jour où des informations confidentielles sont dévoilées au grand jour sur internet. Certaines d’entre elles sont interceptées par un homme, Imir Shaw, qui prend pour cible Neil, convaincu que celui-ci est l’auteur de l’explosion ayant abattu son épouse et sa fille au Pakistan un an auparavant. Alors que Shaw cherche à se venger, Wistin est confronté aux conséquences fatales de son métier.

Pas grand-chose à défendre de ce thriller canadien qui se contente de faire du surplace après une exposition pourtant intéressante et plutôt impressionnante. Cinq minutes après, le film adopte alors un rythme de croisière très lent, qui sera conservé jusqu’à la fin. Aucun rebondissement à l’horizon, Drone essaye d’instaurer une tension qui va crescendo, mais la technique d’ensemble est tellement pauvre avec sa mise en scène fonctionnelle, ses décors aseptisés et sa médiocre direction d’acteurs que l’on se désintéresse rapidement de ce qui peut bien se dérouler à l’écran. Si Sean Bean assure tant bien que mal, c’est surtout sur sa mauvaise teinture qui attire le regard, et le comédien se fait finalement voler la vedette par Patrick Sabongui. L’acteur québécois vu dans la série Flash et certains blockbusters hollywoodiens comme le Godzilla de Gareth Edwards, Warcraft: Le commencement de Duncan Jones, et prochainement à l’affiche de The Predator de Shane Black, compose un personnage intéressant et finalement plus attachant que les membres de cette famille dysfonctionnelle. Le film vaut essentiellement pour lui. Car le reste du temps, on rit involontairement devant le jeu souvent outrancier du jeune Maxwell Haynes, très peu convaincant et qui en fait des tonnes, tout comme la pauvre Mary McCormack (À la Maison-Blanche, US Marshals : Protection de témoins) qui doit faire avec son rôle réduit à celui de la femme infidèle.

On peut excuser le fait de s’être fait blouser par la jaquette qui vendait un film d’action, mais on peut difficilement être magnanime avec ce mauvais drame standard, très bavard, pauvrement mis en scène et mollement interprété.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Drone, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est sobre, animé et musical. Nous l’avons dit précédemment, mais contrairement à ce que l’on pourrait croire en voyant la jaquette explosive (« La riposte a commencé… »), le film de Jason Bourque n’est en aucun cas un film d’action ou de guerre.

A la bande-annonce en version française, l’éditeur joint deux scènes coupées (3’) non sous-titrées ! Ces deux séquences n’ont absolument aucun intérêt, notamment la seconde qui montre tout simplement Sean bean boire un verre d’eau…

L’Image et le son

Nous ne savons pas s’il s’agit uniquement de notre exemplaire, mais le Blu-ray que nous avons reçu est parasité par quelques pixels gênants, des traits verts verticaux, qui s’incrustent et qui restent très longtemps en bas à droite de l’écran. Si l’on fait abstraction de ce défaut de compression, qui encore une fois est peut-être notable que sur notre disque, alors ce master HD de Drone est on ne peut plus correct. Les séquences au Pakistan sont très colorées avec un ciel bleu orangé que ne renierait pas Michael Bay, sans oublier une impressionnante profondeur de champ. Les scènes américaines sont volontairement froides, voire glaciales comme l’intérieur de la maison des Wistin. Le piqué est bien ciselé, les détails éloquents (voir les cheveux étranges de Sean Bean), les contrastes corrects et la clarté abondante.

Drone n’est pas vraiment le film avec lequel vous pourrez épater la galerie et faire une démonstration de gros son. Les versions française et anglaise sont certes proposées en DTS HD Master Audio 5.1, mais les latérales ne servent réellement qu’à instaurer quelques ambiances naturelles et à spatialiser la musique. Le caisson de basses n’est pas oublié sur les quelques explosions. Notons toutefois que les dialogues manquent cruellement de coffre sur la centrale en français comme en anglais. Deux pistes Dolby Digital 5.1 sont également disponibles.

Crédits images : © Concorde Home Entertainment / M6 Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Comme un chien enragé, réalisé par James Foley

COMME UN CHIEN ENRAGÉ (At Close Range) réalisé par James Foley, disponible en DVD et Édition Prestige limitée – Blu-ray + DVD + goodies le 22 août 2018 chez Carlotta Films

Acteurs : Sean Penn, Christopher Walken, Mary Stuart Masterson, Crispin Glover, Tracey Walter, Chris Penn, Kiefer Sutherland, Millie Perkins, Eileen Ryan, R.D. Call, David Strathairn, J.C. Quinn, Candy Clark, Stephen Geoffreys…

Scénario : Nicholas Kazan

Photographie : Juan Ruiz Anchía

Musique : Patrick Leonard

Durée : 1h56

Année de sortie : 1986

LE FILM

Brad Jr. vient de quitter l’école et s’ennuie dans sa petite ville de Pennsylvanie. Il revoit son père, Brad Sr., qui a depuis longtemps quitté sa famille pour vivre en bande avec ses copains avec lesquels il a monté un gang de vols de véhicules. Brad Jr., de plus en plus admiratif, finit avec un groupe de copains par faire la même chose. Encouragé par les aînés, le jeune gang vole des tracteurs. Le drame éclate lorsque la police s’en mêle. Ce film est tiré d’un fait divers où un gang, en 1978, recruta des adolescents et les assassina froidement comme des témoins dangereux.

Tout juste âgé de 25 ans, Sean Penn est à un tournant de sa carrière. Après avoir débuté dans quelques teenage movies comme Ça chauffe au lycée Ridgemont, le jeune comédien va alors enchaîner trois films qui vont lancer définitivement sa carrière, Crackers de Louis Malle (1984), Le Jeu du faucon de John Schlesinger (1985) et surtout Comme un chien enragéAt Close Range, deuxième long métrage de James Foley. Si ce dernier n’a pas connu de succès à sa sortie dans les salles, surtout aux Etats-Unis, Comme un chien enragé va rapidement devenir un film culte grâce à son exploitation en VHS où il s’arrache des deux côtés de l’Atlantique.

Coécrit par Nicholas Kazan, fils de l’illustre Elia, l’oeuvre de James Foley possède ce parfum propre à Un Tramway nommé désir (1951), A l’est d’Eden (1955) et La Fièvre dans le sang (1961), la prestation et le charisme de Sean Penn n’étant pas sans rappeler ceux de Marlon Brando, James Dean et Warren Beatty. Les thèmes de l’héritage et de la filiation sont donc non seulement évidents à l’écran, mais aussi en dehors. Par ailleurs Comme un chien enragé, même si inspiré par un fait divers survenu en 1978 à Chester County dans la banlieue de Philadelphie, aurait tout aussi bien pu se passer dans les années 50 et être filmé en N&B ou en Technicolor. Brillant formaliste, James Foley convoque donc tout un pan du cinéma classique Hollywoodien et inscrit également son film dans la droite lignée du Nouvel Hollywood né au début des années 1970, doublé d’une esthétique moderne et représentative des années 1980. Oeuvre hybride et malgré certains éléments qui auraient pu sembler hétérogènes, Comme un chien enragé est pourtant une très grande réussite et l’un des plus grands films du cinéaste avec Glengarry (1992).

1978. Brad Whitewood vit dans une petite ville des Etats-Unis avec sa mère, sa grand-mère et son demi-frère Tommy. Au chômage et désœuvré, il passe son temps à regarder la télévision, boire de la bière, fumer des joints et traîner avec ses copains. Mais deux événements vont lui permettre de sortir de sa grisaille quotidienne. Tout d’abord, il tombe amoureux d’une jeune adolescente, Terry, puis il fait la connaissance de son père, Brad Sr., qu’il n’a pas vu depuis sa petite enfance. Ce dernier est un voleur professionnel à la tête d’une équipe expérimentée. Ses activités, qui s’étendent sur plusieurs états, lui permettent de vivre grassement, protégé par ses appuis dans la police. Lorsqu’une violente dispute oppose Brad au nouveau compagnon de sa mère, c’est tout naturellement auprès de ce père qui le fascine que le jeune homme va se réfugier. Il rencontre les autres membres de la bande et la compagne de son père et participe avec eux à des expéditions, initiant son frère à son tour ainsi que ses copains. Mais, après avoir assisté à l’assassinat d’un indicateur de la police par l’un des membres de la bande de son père, Brad se rend compte que ce dernier est un monstre cruel et immoral.

Si Sean Penn crève littéralement l’écran, ses partenaires ne sont pas en reste, en particulier Christopher Walken, dans un rôle envisagé pour Robert De Niro, capable de donner une véritable humanité à son personnage pourtant monstrueux, comme il l’avait déjà fait précédemment pour son rôle de bad guy dans le James Bond Dangereusement vôtre. En un clin d’oeil, on le voit passer d’une indéniable douceur et même d’un amour évident pour son fils, à une colère explosive et une violence impitoyable envers la personne qui se met sur son chemin. Brad Jr., sans repère, va se tourner vers son géniteur qui ne s’était alors jamais occupé de lui. C’est alors qu’il tombe amoureux de Terry, incarnée par la superbe et trop rare Mary Stuart Masterson (Beignets de tomates de vertes), celle par qui la rédemption sera envisageable. Mais malgré les avertissements de son père, Brad Jr. apprendra malheureusement trop tard qu’une fois plongé dans le crime, il est impossible d’en réchapper.

Comme un chien enragé est autant un thriller qu’un drame psychologique et familial, dont le final prend même une dimension quasi-shakespearienne. Merveilleusement interprété, y compris par Chris Penn et Eileen Ryan, le frère de Sean Penn et leur véritable mère, qui joue curieusement ici leur grand-mère, sans oublier les tronches des jeunes Crispin Glover et Kiefer Sutherland, Comme un chien enragé est justement animé par une fureur de vivre irriguée par un infini désir d’aimer et d’être aimé. Seul petit reproche que l’on pourrait faire au film, l’utilisation systématique de la musique qui a tendance à surligner l’émotion et qui sert principalement à annoncer le final chanté par Madonna avec son tube Live to Tell, avec parfois une approche clippesque. Mais ce bémol est finalement anecdotique, puisque le spectateur est sans cesse aspiré dans cette confrontation de sentiments fulgurants, le tout élégamment mis en scène par James Foley et magnifiquement photographié par le chef opérateur espagnol Juan Ruiz Anchía.

Beaucoup de séquences s’impriment définitivement dans les mémoires, force des grands classiques, ce qu’est indubitablement devenu Comme un chien enragé.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Comme un chien enragé a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est sobre, fixe et musical. Le film de James Foley est disponible en DVD, mais aussi et surtout en édition dite Prestige et limitée à 2000 exemplaires, comprenant le Blu-ray, le DVD, ainsi que le fac-similé du dossier de presse d’époque, l’affiche du film et 8 reproductions de photos d’exploitation d’époque.

En plus de la bande-annonce, Carlotta Films propose un formidable entretien avec le réalisateur James Foley (31’). Dans la première partie de son interview, le cinéaste aborde la genèse de Comme un chien enragé, projet amené par Sean Penn, que James Foley rencontre lorsque l’acteur passait des essais pour Reckless (1984), son premier film. Le casting est ensuite passé au peigne fin, tout comme les personnages et leur évolution, la méthode de jeu de Sean Penn et de Christopher Walken, la chanson de Madonna qui a contribué à la seconde vie du film après son échec dans les salles. Dans un deuxième temps, James Foley en vient à parler de sa carrière et de sa place au sein des studios hollywoodiens. Avec franchise (« il m’est arrivé de me disperser car vous devez prouver votre rentabilité »), le réalisateur indique que la série House of Cards lui a ouvert de nouvelles portes au cinéma (« comme si ce que j’avais fait avant n’avait jamais compté »), en se faisant notamment confier l’adaptation du second et du troisième volet de la saga Cinquante nuances. « Pour être attractif, il faut plaire sur le moment » dit-il plus ou moins pince-sans-rire. Deux succès commerciaux sur lesquels il indique « avoir dû se confronter aux faiblesses des romans » dont il avait parfaitement conscience. Deux films sur lesquels il ne pouvait pas s’exprimer personnellement, mais qui l’ont remis finalement en bonne position à Hollywood, où il espère pouvoir un jour mettre en scène son chef d’oeuvre, qu’il n’a pas encore réalisé selon lui.

L’Image et le son

Ce nouveau transfert Haute Définition permet de redécouvrir Comme un chien enragé sous toutes ses coutures, dans un master enfin digne de ce nom. Cette élévation HD offre à la colorimétrie un nouveau lifting et retrouve pour l’occasion une nouvelle vivacité, notamment sur les séquences diurnes. Si la gestion du grain demeure aléatoire et plus altérée sur les séquences sombres, y compris durant la première et la dernière bobine, au moins la patine argentique est respectée sans réduction de bruit, les détails (magnifique cadre large) et le piqué impressionnent avec un joli rendu des visages des comédiens, quelque peu rosés ceci dit, des contrastes solides et une clarté de mise. Notons quelques noirs qui tirent sensiblement sur le bleu, mais rien de rédhibitoire. Avec tout cela, on oublierait presque de mentionner la propreté de la copie. Si certains points et tâches ont échappé à la restauration, les poussières, scories, griffures et tâches en tous genres ont été éradiqués. Enfin une copie qui rend justice au film de James Foley, très prisé par les cinéphiles, dont l’attente est enfin récompensée.

La version originale DTS-HD Master Audio 2.0 donne un nouveau coffre à la partition de Patrick Leonard. Cependant, les voix restent parfois légèrement confinées et peinent à créer une dynamique digne de ce nom. Toutefois, cette version surpasse la piste française, proposée en 1.0, encore plus sourde et étriquée. Dans les deux cas, l’écoute est propre, aucun souffle n’est constaté. Mais au jeu des différences, la version anglaise s’avère plus aérée, naturelle et fluide. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © 1985 METRO-GOLDWYN-MAYER STUDIOS INC. Tous droits réservés. / Carlotta Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Chasseuse de géants, réalisé par Anders Walter

CHASSEUSE DE GÉANTS (I Kill Giants) réalisé par Anders Walter, disponible en DVD et Blu-ray le 6 juin 2018 chez Lonesome Bear

Acteurs :  Zoe Saldana, Imogen Poots, Jennifer Ehle, Noel Clarke, Madison Wolfe, Rory Jackson, Ciara O’Callaghan, Sydney Wade, Aideen Wylde…

Scénario : Joe Kelly

Photographie : Rasmus Heise

Musique : Laurent Perez Del Mar

Durée : 1h46

Année de sortie : 2017

LE FILM

Barbara est une adolescente solitaire différente des autres, et en conflit permanent avec son entourage. Ses journées au collège sont rythmées par les allers-retours entre le bureau du proviseur et la psychologue. Aux sources de l’inquiétude des adultes qui veillent sur elle, il y a son obsession pour les Géants, des créatures fantastiques venues d’un autre monde pour semer le chaos. Armée de son marteau légendaire, Barbara s’embarque dans un combat épique pour les empêcher d’envahir le monde…

En l’espace d’un an et demi, trois films traitant peu ou prou du même sujet, le deuil vu à travers le regard d’un enfant, sont sortis à quelques mois d’intervalle. Il y a eu tout d’abord A Monster Calls – Quelques minutes après minuit, réalisé par J.A. Bayona, qui a connu une exploitation dans les salles. Echec totalement injustifié, mais laissons le temps faire son office. Bien que datant de 2016, il aura fallu attendre plus d’un an pour découvrir également La Neuvième Vie de Louis DraxThe 9th Life of Louis Drax d’Alexandre Aja. Merveille visuelle, expérience sensorielle qui n’a absolument rien à envier à l’oeuvre de Bayona, ce drame à la frontière du fantastique interprété par Jamie Dorman et Sarah Gadon n’a été exploité qu’en DVD et Blu-ray en France. Pas de surprise donc pour Chasseuse de géants, qui arrive également dans les bacs, sans passer par la case cinéma.

Il s’agit de l’adaptation cinématographique du roman graphique (édité chez Image Comics) I Kill Giants de Ken Niimura et Joe Kelly, ce dernier s’occupant seul de la transposition. Chasseuse de géants est une production belgo-britannico-américano-chinoise, financée par Chris Colombus (un temps envisagé à la mise en scène) via sa société 1492 Pictures. C’est aussi le premier long métrage du réalisateur danois Anders Walter, lui-même ancien dessinateur de comics, remarqué en 2014 avec son magnifique court-métrage Helium, récompensé par un Oscar. Par ailleurs, Helium, ainsi que son précédent court métrage 9 meter (2012) étaient déjà très proches de Chasseuse de géants dans ses intentions. Ce film revenait donc « de droit » à Anders Walter, qui signe un drame à la photographie très soignée, formidablement interprété et à la mise en scène élégante. Ce qui est dommage, c’est que Chasseuse de géants arrive « après la bataille » et l’on ne peut s’empêcher de faire des comparaisons avec les œuvres de Bayona et d’Aja. Surtout qu’il partage beaucoup de points communs du point de vue visuel avec A Monster Calls – Quelques minutes après minuit, notamment en ce qui concerne la représentation du monde intérieur de l’enfant. Anders Walter utilise également l’animation en images de synthèse pour évoquer l’origine de ses monstres. Des ressemblances particulièrement troublantes, mais on ne peut en aucun cas parler de plagiat puisque tous ces films ont été produits et mis en scène quasi-simultanément.

S’il ne possède pas la poésie de A Monster Calls – Quelques minutes après minuit, ni la virtuosité de La Neuvième Vie de Louis Drax, on ne pourra pas reprocher à Chasseuse de géants son manque de rigueur (malgré une production particulièrement chaotique), sa belle réussite technique et surtout son irréprochable direction d’acteurs. La jeune Madison Wolfe campe un personnage attachant et s’acquitte admirablement de la double facette de Barbara. On comprend très vite que la jeune fille préfère se réfugier dans son imaginaire, plutôt que d’affronter un drame qui semble toucher toute sa famille, dont s’occupe Karen, incarnée par la lumineuse Imogen Poots. Le casting compte également dans ses rangs la sublime Zoe Saldana, parfaite en psychologue qui essaye de percer la carapace de Barbara.

L’affiche peut être trompeuse. Voir cette petite fille armée, qui fait face à une créature surdimensionnée, avec pour accroche « Par les producteurs de la saga Harry Potter » annonce un film de fantasy, ce qui n’est absolument pas le cas. Chasseuse de géants est un drame intimiste et psychologique, centré sur le déni d’une adolescente, qui préfère oublier le drame qui se joue dans sa famille en ayant recours au rêve. Ou comment se raccrocher au monde de l’enfance, en l’occurrence le jeu, en essayant de repousser le plus longtemps possible l’entrée dans le monde adulte, constitué entre autres de la maladie et de la mort. La peur d’affronter ses démons, au sens propre comme au figuré.

Chasseuse de géants n’est donc pas destiné au jeune public, du moins aux spectateurs dans l’attente d’un film de science-fiction. Mais le deuil est un événement personnel et chaque spectateur est invité à projeter son propre vécu et à réaliser sa propre interprétation de ce très beau premier long métrage finalement universel et prometteur.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Chasseuse de géants, disponible chez Lonesome Bear, a été réalisé à partir d’un check-disc. Comme nous le mentionnons dans la critique, le visuel de la jaquette est comme qui dirait une arnaque puisque l’ensemble est conçu pour faire croire aux spectateurs que le film d’Anders Walter est un blockbuster à la Jack et le chasseur de géants ! Veillez à bien vous renseigner sur le long métrage avant l’achat. Le menu principal est animé et musical.

Excellente initiative de la part de l’éditeur de nous faire profiter des deux superbes courts-métrages réalisés par Anders Walter, 9 meter (17’-2012) et Helium (23’-2013), dont les thèmes (la maladie, le deuil, l’imaginaire comme échappatoire) s’avèrent très proches de Chasseuse de géants, surtout le second, récompensé par l’Oscar du meilleur court métrage de fiction en 2014.

Le reste de l’interactivité est plus anecdotique avec d’un côté un clip d’une minute consacré à la création des monstres en images de synthèse, et de l’autre un mini-making of (5’) centré sur le tournage (en Belgique) de l’affrontement de Barbara avec le titan.

L’Image et le son

Tourné grâce aux caméras numériques Arri Alexa XT, Chasseuse de géants doit être découvert en Haute définition. Les quelques effets numériques sont très beaux, le piqué est affûté, les couleurs impressionnantes, les contrastes léchés, les noirs denses et la profondeur de champ omniprésente. Les détails sont légion à l’avant comme à l’arrière-plan, de jour comme de nuit, le relief ne cesse d’étonner et le rendu des textures est subjuguant. Le nec plus ultra pour apprécier toute la richesse de la photographie du chef opérateur Rasmus Heise. Quant aux diverses séquences réalisées en animation, elles sont tout simplement sublimes.

Les versions française et anglaise sont proposées en DTS-HD Master Audio 5.1. Dans les deux cas, les dialogues y sont remarquablement exsudés par la centrale, les frontales sont saisissantes, les effets et ambiances riches, les enceintes arrière instaurent constamment un environnement musical, tout comme le caisson de basses qui se mêle habilement à l’ensemble, notamment quand le géant se déplace. Un grand spectacle acoustique !

Crédits images : © The Jokers / Lonesome Bear / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Une balle signée X, réalisé par Jack Arnold

UNE BALLE SIGNÉE X (No Name on the Bullet) réalisé par Jack Arnold, disponible en DVD et combo DVD/Blu-ray le 31 mai 2018 chez Sidonis Calysta

Acteurs :  Audie Murphy, Charles Drake, Joan Evans, Virginia Grey, Warren Stevens, R.G. Armstrong, Willis Bouchey, Edgar Stehli, Simon Scott…

Scénario : Gene L. Coon d’après une histoire originale de Howard Amacker

Photographie : Harold Lipstein

Musique : Herman Stein

Durée : 1h17

Année de sortie : 1959

LE FILM

Un cavalier solitaire et énigmatique arrive dans la petite ville de Lordsburg. L’homme est plutôt discret et taciturne, mais il est bientôt reconnu comme John Gant, un impitoyable tueur à gages. Cette arrivée équivaut donc à un arrêt de mort pour l’un des habitants de la tranquille localité…

Spécialiste des séries B et bien que disposant de budgets très modestes, Jack Arnold Waks alias Jack Arnold (1916-1992) n’en est pas moins un immense réalisateur. Prolifique, il prend son envol dans les années 1950 où il enchaîne les films qui sont depuis devenus de grands classiques : Le Météore de la nuit (1953), L’Etrange Créature du lac noir (1954), La Revanche de la créature (1955), Tarantula (1955), L’Homme qui rétrécit (1957) sans oublier La Souris qui rugissait (1959). Au total, près d’une vingtaine de longs-métrages tournés à la suite, toujours marqués par le professionnalisme et le talent de son auteur, combinant à la fois les effets spéciaux alors à la pointe de la technologie, des personnages ordinaires et attachants, plongés malgré eux dans une histoire extraordinaire.

Le cinéaste clôt cette éclectique décennie avec son plus grand western, Une balle signée XNo Name on the Bullet (1959), pour le compte des studios Universal. Ancien assistant du documentariste Robert Flaherty, Jack Arnold comprend l’importance d’un montage resserré. Peu importe le genre abordé, la durée de ses films avoisinait souvent 80 minutes. Une balle signée X ne fait pas exception à la règle et c’est sans doute l’une des grandes forces de ce western d’exception puisque Jack Arnold peut ainsi instaurer une tension constante, en jouant quasiment avec une unité de lieu, de temps et d’action. Une balle signée X est l’un de ses chefs d’oeuvre et offre également à Audie Murphy l’un de ses plus grands rôles à l’écran.

John Gant, cavalier mystérieux, arrive à Lordsburg, petite ville tranquille du Sud-ouest des Etats-Unis. Peu loquace, c’est un tueur professionnel. Les habitants de la ville, terrifiés, cherchent à savoir quel est l’homme que le tueur doit abattre. Le banquier Thad Pierce et le transporteur Earl Stricker croient que Ben Chaffee dont ils ont volé la mine, a payé Gant pour les tuer. Ce dernier fait la connaissance du docteur Luke Canfield. La tension monte dans la petite ville mais Gant ne révèle toujours pas quelle est sa future victime…

L’une des grandes trouvailles d’Une balle signée X est d’avoir confié le rôle principal à Audie Murphy. Avant d’être acteur, Audie Leon Murphy (1925-1971) fut l’un des soldats américains les plus décorés de la Seconde Guerre mondiale. Bardé de toutes les médailles militaires internationales existantes, il est notamment connu pour avoir stoppé et bloqué seul pendant une heure l’assaut d’une troupe allemande en janvier 1945 dans la poche de Colmar. Ayant participé aux campagnes d’Italie et de France, sa maîtrise des armes est remarquée par quelques producteurs qui souhaitent alors surfer sur sa notoriété. Il entame alors une carrière à la télévision et au cinéma et joua dans une quarantaine de longs métrages, y compris dans l’adaptation cinématographique de son autobiographie L’Enfer des hommesTo Hell and Back, réalisé par Jesse Hibbs en 1955, dans lequel il interprète son propre rôle. Audie Murphy reste surtout connu par les amateurs de westerns, genre dans lequel il s’est ensuite principalement illustré. Citons quelques titres : La Parole est au Colt (1966), Représailles en Arizona (1965), La Fureur des Apaches (1964), La Patrouille de la violence (1964), Les Cavaliers de l’enfer (1961), Le Diable dans la peau (1960), Le Fort de la dernière chance (1957).

Jack Arnold a su utiliser le visage poupin et la taille modeste d’Audie Murphy pour distiller un malaise latent, un peu à la manière d’un James Cagney. Le comédien campe un personnage qui s’exprime peu et lentement, qui s’installe souvent sur un porche ou dans un fauteuil pour ne plus en bouger, observant ceux qui l’entourent en les fixant du regard. Si Audie Murphy n’était pas l’acteur le plus expressif, il n’en demeure pas moins formidable ici en tueur à gages notoire qui compte déjà près d’une trentaine d’assassinats à son palmarès. Sa présence signifie que ses « talents » ont été loués pour descendre quelqu’un en ville. C’est alors que la paranoïa s’empare des habitants, qui ont tous quelque chose à se reprocher. Le mode d’opération de Gant est toujours le même. Ce dernier attend patiemment que sa future victime vienne directement à lui. Prise de peur, la proie en vient alors aux armes. Gant n’a plus qu’à agir en état de légitime défense, ce qui lui évite ainsi de devenir hors-la-loi et de finir en prison.

Parmi la population de Lorsburg se distingue le médecin. Très vite, une relation ambiguë s’installe entre Gant et le Dr. Luke Canfield, excellemment interprété par Charles Drake. En voyant ce dernier dévoué à son travail, Gant se rend compte qu’il existe finalement de la bonté chez l’être humain et que chaque action n’est pas obligatoirement liée à l’argent. Avec sa solide direction d’acteurs, son montage nerveux, son intrigue digne d’un véritable thriller psychologique et son suspense maintenu jusqu’au dénouement, Une balle signée X est un western remarquable et passionnant, à connaître absolument et à diffuser dans les réseaux cinéphiles.

LE DVD

Le test du DVD d’Une balle signée X, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est typique de la collection, animé et musical.

Grand défenseur du cinéaste Jack Arnold, Bertrand Tavernier se taille la part du lion dans les suppléments, en revenant sur Une balle signée X pendant près de 25 minutes. Pour lui, No Name on the Bullet est ni plus ni moins le meilleur western du réalisateur, « le plus fort et le plus original ». Bertrand Tavernier évoque le scénariste Gene L. Coon, mais se penche surtout sur l’interprétation d’Audie Murphy et son personnage d’ange exterminateur. La mise en scène de Jack Arnold est également passée au peigne fin.

C’est ensuite au tour de l’imminent Patrick Brion de présenter ce qu’il considère comme étant un chef d’oeuvre, « un western superbe, magnifique, passionnant, d’une simplicité éblouissante et certainement sous-estimé » (12’). L’historien du cinéma aborde ce « modèle de construction », qui « témoigne de la mutation d’un genre » , tout en mettant lui aussi en avant l’interprétation d’Audie Murphy.

La vie de soldat et la carrière de ce dernier sont également au centre d’un petit module réalisé en 2010, avec Patrick Brion face caméra (5’30).

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce non restaurée.

L’Image et le son

Dommage de ne pas avoir pu mettre la main sur l’édition HD. Néanmoins, ce DVD ne démérite pas. Le master d’Une balle signée X s’avère lumineux, d’une propreté correcte (on note des points blancs, quelques rayures et tâches), stable et franchement plaisant pour les mirettes. Le cadre large 2.35 étonne par son lot de détails, le piqué est pointu, les contrastes sont fermes, même si parfois accompagnés d’effets de pulsations, et les fondus enchaînés n’entraînent pas de décrochage. Seule la colorimétrie est parfois un peu délavée sur certaines séquences, mais le fait est que la copie demeure de haute tenue, surtout que le grain original est respecté et très bien géré.

Que votre choix se porte sur la version originale (avec sous-titres français imposés) ou la version française (plus couverte et étriquée), la restauration est également satisfaisante. Aucun souffle constaté sur les deux pistes, l’écoute est frontale et assez dynamique. Les effets annexes sont plus conséquents sur la version originale que sur la piste française, moins précise, mais le confort acoustique est assuré sur les deux options. Le changement de langue est verrouillé à la volée.

Crédits images : © Universal Pictures / Sidonis Calysta Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Point de chute, réalisé par Robert Hossein

POINT DE CHUTE réalisé par Robert Hossein, disponible en combo DVD/Blu-ray le 5 juin 2018 chez TF1 Studio

Acteurs :  Johnny Hallyday, Robert Hossein, Pascale Rivault, Albert Minski, Robert Dalban, Christian Barbier, Marie-Christine Boulard, Yasmine Zimmerman…

Scénario :  Claude Desailly, Robert Hossein

Photographie : Daniel Diot

Musique : André Hossein

Durée : 1h20

Année de sortie : 1970

LE FILM

Trois voyous enlèvent une jeune fille de quinze ans, Catherine, pour obtenir de son père le versement d’une rançon. Ils la séquestrent dans une cabane perdue au bord de la mer et la battent. Seul Eddie, un jeune voyou, gardien de la jeune fille, s’insurge contre ces méthodes. À travers un fait divers tragique, le portrait de deux adolescents dans un climat d’angoisse et de violence.

Tout de suite après Le Spécialiste de Sergio Corbucci, Johnny Hallyday persévère dans le cinéma et enchaîne avec Point de chute, un drame sentimentalo-policier coécrit, mis en scène et interprété par Robert Hossein, qui était passé derrière la caméra dès 1955 avec Les Salauds vont en enfer. Si ce petit film reste méconnu, Johnny Hallyday y trouve l’un de ses meilleurs rôles et signe d’ailleurs une excellente performance. Quasi-mutique du début à la fin, les dialogues sont d’ailleurs réduits à leur plus strict minimum, le comédien est bien dirigé, filmé et s’impose sans mal dans la peau de ce personnage de bad boy malgré-lui, qui va tomber amoureux de la jeune fille que lui et ses complices ont kidnappé dans le but de demander une rançon. Jeux de masques, au sens propre comme au figuré, retournements de situations et valse des sentiments, Point de chute est une très jolie surprise, délicate et qui n’a pas peur des envolées romanesques.

Lui, Vlad « le Roumain », est un jeune voyou, dur, sans scrupules. Elle, Catherine, une toute jeune fille, une lycéenne, d’une famille de la haute bourgeoisie. Ils n’ont rien en commun l’un et l’autre. Catherine est enlevée par des gangsters, et Vlad est chargé de la garder dans une cabane isolée au bord de la mer. Un monde les sépare, ils n’ont rien à se dire et ce n’est pas la situation qui va les rapprocher. Pourtant, en dépit de tout, au fil des heures qui s’écoulent dans l’attente de la rançon, des liens silencieux et invisibles se créent entre eux…

Le film démarre sur une séquence en N&B. Une plage comme décor principal. On assiste à la reconstitution d’un crime qui vient d’avoir lieu. Un inspecteur de police (Robert Dalban, très belle présence) découvre la clé de l’énigme dans un cahier d’écolière caché sous un matelas. Puis, dix minutes après, les événements passés sont racontés en couleur. Sur un rythme lent, mais maîtrisé, Robert Hossein prend le temps d’observer le regard bleu azur de son protagoniste, dissimulé derrière un masque blanc sans expression. A l’instar de deux animaux sauvages, Vlad (Johnny Hallyday donc) et Catherine (Pascale Rivault) s’observent, s’affrontent, rivalisent, avant de finalement s’apprivoiser. Vlad tombe alors le masque, se révèle attentionné envers Catherine malgré ses tentatives d’évasion. Quand ses complices reviennent, Vlad se rend compte qu’il ne peut plus supporter le traitement violent accordé à Catherine.

Robert Hossein instaure une très belle atmosphère éthérée et dépouillée grâce à la photo de Daniel Diot, mais aussi avec le décor de la petite cahute en bois paumée sur une plage du Nord sur fond de ciel ivoire, tandis que la musique récurrente d’André Hossein, qui rappelle le thème principal de Jeux interdits, apporte une vraie mélancolie à l’ensemble. On s’attache à ce voyou repenti auquel Johnny Hallyday apporte une vraie sensibilité et même une certaine poésie. Le chanteur prouve d’ailleurs qu’il n’est jamais aussi bon comédien que lorsque ses répliques sont rares. Contrairement au Spécialiste, dans lequel son jeu était à la limite de la parodie involontaire (ou pas) de Clint Eastwood, Lee Van Cleef et Franco Nero, Johnny Hallyday signe une vraie prestation émouvante dans Point de chute, peut-être la plus convaincante de sa carrière sur grand écran.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Point de chute, disponible chez TF1 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Comme sur le Blu-ray du Spécialiste, Jean-François Rauger présente ici Point de chute. Le directeur de la programmation de la Cinémathèque française est beaucoup plus succinct que pour l’autre film avec Johnny Hallyday, puisque son introduction ne dure que sept minutes. Rauger se penche surtout sur l’évolution du jeu d’acteur de Johnny Hallyday au cinéma, sur les personnages et les thèmes du film de Robert Hossein.

Ce qui va ravir les fans du chanteur, c’est la présence du concert de Johnny Hallyday à la prison de Bochuz (40’). Cette prestation légendaire de 1974 a été filmée par la Radio Télévision Suisse. Durant cette représentation présentée pour la première fois en version restaurée Haute Définition, Johnny Hallyday enchaîne onze titres (dont Que je t’aime, Toute la musique que j’aime, Les Portes du pénitencier, Blue Suede Shoes, Tutti frutti) devant les prisonniers visiblement conquis.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce, durant laquelle une critique enflammée affirme que « Robert Hossein est désormais l’égal d’un Hitchcock ». Cette édition combo Blu-ray/DVD dispose également un livret exclusif et inédit de 36 pages comprenant des photos d’exploitation du film et les propos de Robert Hossein et Johnny Hallyday sur Point de chute.

L’Image et le son

Difficile de faire mieux que ce master restauré 4K à partir du négatif image ! Ce Blu-ray permet aux spectateurs de redécouvrir totalement Point de chute, dès la séquence d’ouverture en N&B. La définition est exemplaire avec des contrastes denses, des noirs profonds, des blancs lumineux et un grain original heureusement préservé. La partie en couleur est peut-être moins précise, mais la clarté est de mise, le piqué aussi tranchant qu’inédit et les détails étonnent par leur précision. Toutefois, en raison des partis pris esthétiques, quelques flous sporadiques sont à noter, des séquences paraissent plus douces et les arrière-plans peuvent paraître moins précis. Mais cela reste anecdotique.

L’éditeur est aux petits soins avec le film de Robert Hossein puisque la piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations et chuintements demeurent, l’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises. Les dialogues sont clairs, sans souffle. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : ©  TF1 Studio / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test DVD / La Belle et la meute, réalisé par Kaouther Ben Hania

LA BELLE ET LA MEUTE réalisé par Kaouther Ben Hania, disponible en DVD le 4 avril 2018 chez Jour2Fête

Acteurs :  Mariam Al Ferjani, Ghanem Zrelli; Noomane Hamda; Mohamed Akkari; Chedly Arfaoui, Anissa Daoud, Mourad Gharsalli…

ScénarioKaouther Ben Hania

Photographie : Johan Holmquist

Musique : Amine Bouhafa

Durée : 1h36

Année de sortie : 2017

LE FILM

Mariam, 21 ans, se rend à une soirée étudiante à Tunis. A peine arrivée, elle sympathise avec un certain Youssef (Ghanem Zrelli, fantastique), avec lequel elle décide de finir la soirée sur la plage. Mais celle-ci tourne court quand trois policiers s’en prennent au couple. Menottant Youssef, ils violent la jeune Mariam, puis la relâchent. Traumatisée, elle est emmenée par Youssef à l’hôpital afin de pouvoir déposer plainte par la suite. Mais les deux jeunes gens vont se retrouver empêtrés dans un véritable cauchemar bureaucratique dont ils ne sortiront pas indemnes.

Inspiré d’un fait divers réel qui a ébranlé le gouvernement Tunisien en 2012, produit par six pays différents pour seulement 850 000 euros, La Belle et la meute est ce que l’on peut appeler un tour de force. Réalisé par Kaouther Ben Hania, originaire de Tunis, la cinéaste se fait avant tout remarquer via une poignée de courts-métrages dont Le Challat De Tunis , satire sociale sur son pays. Des courts-métrages féministes et réfléchis, non dépourvus d’humour grinçant. Le Challat De Tunis résonne d’ailleurs comme les prémisses du véritable brûlot étouffant que signera Ben Hania avec La Belle et la meute.

Présenté en 2017 au Festival de Cannes dans la catégorie Un Certain Regard, le film se compose, à la manière du Kidnapped de Miguel Ángel Vivas, sans l’ultra-violence, d’une dizaine de très longs plans séquences, qui comme dans l’électrochoc hispanique, nous plonge sous une chape de plomb picturale, plus proche d’un réalisme âpre et d’une ambiance souvent glauque et brutale. Le chemin de croix d’une femme voulant faire entendre sa voix dans un pays qui nous est décrit (allégoriquement parlant évidemment) comme proche de la rupture. Cette femme blessée sera entraînée, sans possibilité de recul, dans une multitude d’endroits qui feront office de paliers, entamant sa descente aux enfers. On peut y voir un voyage kafkaïen, le découpage sec du film nous faisant ressentir chaque nouvelle scène comme une tourmente supplémentaire que devra surmonter Mariam.

Au cours de cette nuit, elle devra se battre, mais elle sera aussi soutenue. Divers personnages (dont Youssef) la forceront à enfoncer les portes qui se dresseront devant elle, afin qu’elle puisse s’affirmer et se battre pour ses droits. Victime d’avoir été victime. Le film parvient à faire vivre chaque situation avec beaucoup de réalisme, le choix d’ajouter au casting des acteurs venant du théâtre d’improvisation amène le spectateur à rester scotcher quant au déroulement de certaines situations et échanges. Mariam Al Ferjani est sidérante. Dans un rôle que l’on imagine aussi épuisant psychologiquement que physiquement, elle donne toute sa force à son personnage pour remporter cet affrontement, sans jamais vouloir abandonner. Elle passe d’une épreuve à une autre, se relevant constamment malgré les humiliations dont elle est victime. Le film brille par la virtuosité de sa mise en scène. Ben Hania utilise à bon escient le plan séquence, via de très jolis ballets chorégraphiques d’une fluidité assez incroyable, et parvient à nous faire vivre chaque minute de ce fait divers sordide en maintenant une tension constante.

Véritable thriller et drame social, La Belle et La Meute touche également par sa sincérité cinématographique et par son message politique fort que la réalisatrice assume jusque dans sa dernière séquence. Le personnage de Youssef en viendra même à comparer son pays à un film de zombies, en décrivant le système comme carnassier, avide de scandales et d’images chocs. Jusque dans une scène où la caméra s’envole au-dessus d’un corps inconscient, noyant dans l’image ce que le spectateur se résigne à voir depuis le début. Ajoutons également une mention spéciale au plan séquence « Numéro 6 » qui fait monter la tension de manière très brutale, se terminant sur une scène de course poursuite à la lisière du film d’horreur dont la conclusion assourdissante en remuera plus d’un.

Toutefois, le film n’est peut-être pas exempt de défauts. Il peut se montrer parfois maladroit dans sa manière de souligner certains passages de manière un peu trop démonstrative (l’introduction ou encore la scène du voile) ou un peu trop verbeux dans sa conclusion qui aurait gagné à être aussi directe que le reste du métrage.

Mais, La Belle et La Meute est une très bonne surprise. Direct, froid, le premier film de Kaouther Ben Hania devrait marquer les mémoires. Une œuvre difficile, mais intelligente et consciente de sa portée sociale et politique. On en ressort lessivés, mais l’expérience est nécessaire puisqu’elle permet d’aborder un sujet qui resterait dans l’ombre si le cinéma n’osait pas s’en emparer.

LE DVD

Le test du DVD de La Belle et la meute, disponible chez Jour2Fête, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. Présenté dans une copie très convenable on ne pourra donc regretter qu’un duo de suppléments assez légers et un chapitrage DVD absent. Nous n’aurons malheureusement pas la chance de mettre la main sur un quelconque Blu-ray, le film n’ayant pas la possibilité d’accéder au format.

Côté supplément, on retrouve une scène coupée (8’) qui semblait se trouver entre la séquence «Numéro 7» et la séquence «Numéros 8». Une scène plutôt intéressante qui nous fait rapidement nous demander pourquoi celle-ci fut non retenue au montage final.

Une interview de Kaouther Ben Hania (22’) chapeautée par le philosophe Michel Onfray vient boucler ce rapide tour des bonus. Un entretien plutôt intéressant si on oublie la qualité assez médiocre du cadrage, ainsi que la présentation un peu confuse de l’interview.

L’Image et le son

Pas d’édition HD donc pour La Belle et la meute, mais un DVD de fort bonne facture, qui restitue habilement l’omniprésence des gammes bleues avec les costumes et les éléments du décor, qui s’opposent avec les ambiances plus chaudes des bureaux. Les contrastes sont légers mais très beaux. Si quelques baisses de la définition demeurent constatables, le piqué reste appréciable, les détails sont agréables sur le cadre large, la clarté est de mise. Un transfert très élégant.

Seule la version originale est disponible. La piste Dolby Digital 5.1 délivre habilement les dialogues et les ambiances frontales, mais peine à instaurer une spatialisation autre que musicale. Les latérales ont peu à faire, mais il est vrai que le film ne s’y prête pas. N’hésitez pas à sélectionner la Stéréo, dynamique et percutante. Les sous-titres français et anglais sont disponibles.

Crédits images : ©  Jour2fête / Critique du film, parties généralités et suppléments : Alexis Godin / Captures DVD et partie technique : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

 

 

Test DVD / Si tu voyais son coeur, réalisé par Joan Chemla

SI TU VOYAIS SON COEUR réalisé par Joan Chemla, disponible en DVD le 15 mai 2018 chez Diaphana

Acteurs :  Gael García Bernal, Marine Vacth, Nahuel Perez Biscayart, Karim Leklou, Mariano Santiago, Manuel « Manole » Munoz, Antonia Malinova, Patrick de Valette…

ScénarioJoan Chemla, Santiago Amigorena d’après le roman de Guillermo Rosales

Photographie : André Chemetoff

Musique : Gabriel Yared

Durée : 1h23

Année de sortie : 2017

LE FILM

Suite à la mort accidentelle de son meilleur ami, Daniel échoue à l’hôtel Métropole, un refuge pour les exclus et les âmes perdues. Rongé par la culpabilité, il sombre peu à peu dans la violence qui l’entoure. Sa rencontre avec Francine va éclairer son existence.

Si tu voyais son coeur est le premier long métrage de la réalisatrice franco-argentine Joan Chemla. Venue au cinéma après des études de journalisme et de droit, elle signe en 2008 son premier court-métrage Mauvaise route. Suivront Dr Nazi (2010) et The Man with the Golden Brain (2012). Atypiques, à la lisière du fantastique, inclassables même, ces films sont remarqués dans les festivals. Joan Chemla passe donc naturellement au long métrage et le moins que l’on puisse dire c’est que l’on retrouve toute la singularité de ses œuvres précédentes dans Si tu voyais son coeur, drame sombre et austère, interprété par Gael Garcia Bernal. Limite expérimental, ce premier film ne manque pas d’intérêt, mais demeure cependant trop hermétique.

Après avoir perdu son meilleur ami dans un accident, Daniel, un gitan exilé à Marseille, quitte sa communauté. Il s’installe à l’hôtel Métropole, véritable purgatoire où les écorchés de la vie tentent de survivre au jour le jour. Se sentant coupable de la mort de son ami, Daniel s’auto-détruit jusqu’à sa rencontre avec Francine qui va bouleverser sa vie.

Il y a de très bonnes choses dans Si tu voyais son coeur. Tout d’abord les comédiens. On est heureux de revoir Gael Garcia Bernal rejouer dans la langue de Molière. Immense sensibilité, charisme ravageur, l’acteur mexicain porte le film du début à la fin. Il donne ici la réplique à Nahuel Pérez Biscayart, révélation 2017 de 120 battements par minute de Robin Campillo (César du meilleur espoir masculin) et Au revoir là-haut d’Albert Dupontel. Si ce dernier apparaît finalement très peu à l’écran, sa présence reste marquante tout du long. N’oublions pas la sublime Marine Vacth (Jeune et jolie, Belles familles, La Confession), dont la participation même fugace foudroie à la fois les yeux et le coeur.

Adaptation libre du roman Mon ange de l’écrivain cubain Guillermo Rosales par Santiago Amigorena, Si tu voyais son coeur peut rebuter avec sa photo poisseuse, voire cendreuse, son rythme très lent, mais le personnage de Daniel est malgré tout attachant. On le suit dans son errance, dans son processus de deuil, dans son retour à la vie grâce à Francine, jeune femme également cassée par l’existence, mais toujours vivante malgré les coups reçus. On pense alors à Orphée et Eurydice, se rapprochant de la lumière après avoir connu les Enfers. Si l’action du roman se déroulait aux Etats-Unis et suivait un exilé cubain, le film de Joan Chemla se concentre sur un exilé de la communauté gitane, paumé dans les environs de Marseille.

Présenté en compétition au Festival international de Toronto, Si tu voyais son coeur marque la naissance d’une véritable auteure et metteur en scène, par ailleurs récompensées par le Prix du meilleur réalisateur (sic) au Festival international du film de Varsovie. Tragique, sensoriel (la musique de Gabriel Yared n’y est pas pour rien), romantique et teinté d’humour noir, cette première œuvre possède une vraie patte esthétique et un sens formel indiscutable, qui rappelle parfois La Lune dans le caniveau de Jean-Jacques Beineix. Dommage que le scénario ne soit finalement pas à la hauteur de ses ambitions plastiques (on pense d’ailleurs au cinéma de Paweł Pawlikowski) et espérons que Joan Chemla saura ouvrir un peu plus son univers et faire preuve de lâcher prise dans son prochain film pour une portée plus universelle.

LE DVD

Le test du DVD de Si tu voyais son coeur, disponible chez Diaphana, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Excellente initiative de la part de l’éditeur de nous proposer les trois courts-métrages de Joan Chemla comme suppléments au programme !

Mauvaise route (12’ – 2008) : Sur une route déserte, un jeune homme se lance à la poursuite d’une moto. En chemin, les présages d’un destin tragique s’accumulent. N&B éthéré, aucun dialogue, conte singulier et dénouement surprenant, Mauvaise route impose d’emblée le style visuel de Joan Chemla.

Dr Nazi (15’ – 2010) : Charles Chinaski est un type à problèmes et se considère comme responsable de la plupart de ses problèmes : les femmes, l’alcool, son hostilité envers les groupes d’individus. Il décide un jour de consulter le premier docteur venu. Adaptation de la nouvelle de Charles Bukowski et Lauréat du Prix Canal + à Clermont-Ferrand.

The Man With the Golden BrainL’Homme à la cervelle d’or (16’ – 2012) : Stanley a sept ans quand il découvre par accident que sa cervelle est en or. Transposition d’une nouvelle d’Alphonse Daudet (La Légende de l’homme à la cervelle d’or) avec Marine Vacth et Vincent Rottiers.

Trois courts-métrages très étonnants, marqués par quelques références, notamment à Stanley Kubrick, qui montrent que Joan Chemla a vraiment le potentiel pour réaliser un jour un vrai film fantastique.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Pas de Blu-ray pour Si tu voyais son coeur, mais un DVD de bonne qualité. La photo cendreuse, hivernale et morose de André Chemetoff (Dog Pound, Les Malheurs de Sophie) est impeccablement restituée avec un léger grain. Le piqué, les contrastes, le relief, les détails sont très appréciables, tout comme la stabilité de la copie.

La version française est disponible en Dolby Digital 5.1 et 2.0. D’emblée, le premier mixage impose une petite spatialisation discrète mais bel et bien palpable avec diverses ambiances qui percent les enceintes latérales, en plongeant directement le spectateur dans l’atmosphère du mariage. Certes, le film repose en grande partie sur les dialogues, mais il serait dommage de se priver de ce petit plus. Saluons également la tonicité de la piste 2.0 qui contentera aisément ceux qui ne seraient pas équipés à l’arrière. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : ©  Nord Ouest Films / Diaphana / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Ange exterminateur, réalisé par Luis Buñuel

L’ANGE EXTERMINATEUR (El Ángel exterminador) réalisé par Luis Buñuel, disponible en DVD et Blu-ray le 2 avril 2018 chez Movinside

Acteurs :  Silvia Pinal, Enrique Rambal, Claudio Brook, José Baviera, Augusto Benedico, Antonio Bravo…

ScénarioLuis Buñuel

Photographie : Gabriel Figueroa

Musique : Raúl Lavista

Durée : 1h33

Année de sortie : 1962

LE FILM

Grands bourgeois domiciliés rue de la Providence, les Nobile reçoivent une vingtaine d’amis, après un concert. Tout le personnel de la maison s’éclipse sans raison. Les invités passent la nuit sur le tapis du salon et commencent à perdre la raison…

Oeuvre matricielle de toute la filmographie de Luis Buñuel, L’Ange exterminateurEl Ángel exterminador signe également la fin de la période mexicaine du cinéaste. Cette référence ultime du huis clos permet à son auteur de s’attaquer à l’un de ses thèmes de prédilection, la bourgeoisie, figée et hypocrite, devenant ici prisonnière de son propre système. Repliée sur elle-même, cette caste va alors perdre le contrôle et le vernis de la bienséance commencer à s’écailler. Chef d’oeuvre absolu, unique en son genre, L’Ange exterminateur est un des sommets, si ce n’est le plus grand film de Luis Buñuel.

Edmundo et Lucia de Nobile, un couple bourgeois de Mexico, donnent une réception après l’opéra dans leur luxueuse demeure. Quelques faits bizarres se produisent alors : des domestiques partent l’un après l’autre sans expliquer leur comportement et avant même que la soirée commence. Seul reste le majordome, Julio. Les invités connaissent une impression de déjà-vu (certains se présentent deux fois, d’autres déclament la même tirade), Ana retire de son sac deux pattes de poulet alors que Blanca joue au piano une sonate de Paradisi. Au moment de partir, une étrange réaction interdit aux invités de quitter les lieux. Ces derniers, confinés dans le même salon, finissent par dormir sur place. Mais le lendemain, ils constatent qu’il est toujours impossible de sortir de la pièce. La panique s’empare des maîtres de maison et de leurs invités. La nourriture est épuisée (certains mangent du papier), l’eau est manquante (on envisage un temps de boire celle au fond des vases), l’odeur devient pestilentielle (incapacité de se laver), la promiscuité est de plus en plus révoltante et certains instincts, notamment sexuels, se libèrent. Les jours et les nuits passent, la notion du temps se perd. A l’extérieur, la police, les badauds et les domestiques, victimes du même sortilège, n’arrivent pas à franchir le portail de la propriété. Dans le salon devenu asphyxiant, les véritables caractères et personnalités se révèlent. Soudain, apparaissent un ours et des moutons.

Toujours aussi insaisissable, virtuose et remarquable, L’Ange exterminateur, un temps envisagé sous le titre Les Naufragés de la rue de la Providence, touche au sublime. En voulant rendre réaliste l’inexplicable, Luis Buñuel ne prend pas les spectateurs pour les imbéciles et fait confiance à leur intelligence pour décoder les métaphores et allégories qui constituent son récit. Redoutablement subversif, ce film, réalisé juste après Viridiana, pose les bases de la seconde partie de la carrière du réalisateur, qui seront reprises dans Belle de jour (1967) et surtout Le Charme discret de la bourgeoisie (1972).

S’il enferme ses personnages dans un cadre restreint, la mise en scène est sans cesse en mouvement et chaque cadre capture une réaction, un mouvement, la réaction suite à ce mouvement. Si théâtralité il y a, cela provient uniquement du rôle que l’on joue en société, mais en aucun cas du dispositif, des partis pris et de la mise en scène. La peur engendre le cauchemar, le cauchemar entraîne la fatigue, l’épuisement, réduisant l’homme aisé à l’état d’animal qui se laisse aller. Les vêtements se froissent, les coiffures de ces dames s’écroulent, l’hygiène devient secondaire. Peu importe si le comportement manque aux règles les plus élémentaires de l’étiquette. Il n’y a plus que des hommes et des femmes, quasiment rendus à l’état primitif, qui tentent de survivre et la religion ne peut rien faire pour eux dans cette situation.

Luis Buñuel peint ses protagonistes, merveilleusement incarnés entre autres par Silvia Pinal (Viridiana, Simon du désert), Claudio Brook (Du rififi à Paname, La Grande vadrouille, La Voie lactée), avec un pinceau à pointe sèche et acérée, sans oublier un humour noir savoureux. La bourgeoisie est un naufrage, le salon est l’île déserte de cette vingtaine de rescapés. Sans révéler le dénouement, le réalisateur n’est pas dupe quant à ce que ses personnages pourraient tirer de cette expérience. Si l’histoire fait alors l’effet d’une boucle, l’épilogue montre que seule l’Apocalypse permettrait une remise à égalité de tous les êtres humains. Mais pour combien de temps ?

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de L’Ange exterminateur, disponible chez Movinside, repose dans un élégant boîtier classique de couleur noire. Visuel très beau et attractif. Le menu principal est simple, animé et musical. Mention spéciale à la sérigraphie bien pensée du disque.

Seule la bande-annonce est proposée comme bonus sur cette édition.

L’Image et le son

Le générique fait un peu peur. L’image est claire, mais les contrastes laissent à désirer. Même chose concernant la première bobine. Puis, la propreté de la copie devient évidente, la stabilité est de mise et les noirs retrouvent une vraie fermeté. Certes les partis pris limitent la profondeur de champ, mais le grain est joliment restitué, les détails sont parfois présents sur les visages. Signalons tout de même quelques plans plus abimés ou à la définition beaucoup plus aléatoire. Mais dans l’ensemble, cette édition HD est convenable.

En ce qui concerne la mixage espagnol proposé en PCM, l’écoute est également fluctuante. Tout va bien durant les quarante premières minutes, quand soudain un souffle important se fait entendre. Les dialogues sont chuintants, parfois sourds, tandis que les notes de piano s’accompagnent de saturations. Pas de craquement intempestif, mais le souffle demeure chronique et souvent entêtant. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © 1962 Producciones Gustavo Alatriste / Movinside / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr