Test Blu-ray / Le Sang des innocents, réalisé par Dario Argento

LE SANG DES INNOCENTS (Non ho sonno) réalisé par Dario Argento, disponible en Édition Blu-ray + Livret le 31 janvier 2024 chez Extralucid Films.

Acteurs : Max von Sydow, Stefano Dionisi, Chiara Caselli, Gabriele Lavia, Paolo Maria Scalondro, Roberto Zibetti, Rossella Falk, Roberto Accornero, Barbara Lerici…

Scénario : Dario Argento, Franco Ferrini & Carlo Lucarelli

Photographie : Ronnie Taylor

Musique : Goblin

Durée : 1h58

Année de sortie : 2001

LE FILM

A Turin, un tueur assassine des jeunes filles dans des circonstances identiques à celles d’une série de meurtres perpétrés vingt ans auparavant. La police piétine et le commissaire Ulysse Moretti, qui fut autrefois chargé de l’enquête, reprend du service. Il est aidé par Giacomo Gallo, un jeune homme dont la mère fut jadis victime du meurtrier sanguinaire.

Après le four tant critique que commercial rencontré par Le Fantôme de l’Opéra en 1998, Dario Argento décide de revenir au giallo pur et dur avec Le Sang des innocents, mis en route afin de faire oublier ce que beaucoup considéraient comme un nanar éhonté, porté par des acteurs calamiteux, qui laissaient penser que le réalisateur n’avait plus rien à offrir à ses fans de la première heure. C’était évidemment sans compter sur le désir du cinéaste de rebondir, d’expérimenter à nouveau et pourquoi pas de toucher une nouvelle génération. C’est là qu’arrive Non ho sonno (en français, « je n’ai pas sommeil »), thriller qui reprend les motifs du genre qui a fait la renommée du maître italien depuis L’Oiseau au plumage de cristalL’Uccello dalle piume di cristallo en 1970, tout en calquant son scénario sur l’un de ses plus grands succès, Les Frissons de l’angoisseProfondo Rosso (1975). Retour notamment à Turin, ville que Dario Argento affectionne tout particulièrement, qui devient le terrain de jeu d’un nouveau tueur en série, recherché par un ancien flic à la retraite et touché par la maladie d’Alzheimer, impeccablement campé par Max von Sydow, qui reprend du service près de vingt ans après avoir classé l’affaire suite à la mort présumée de l’assassin. Dario Argento livre un opus soigné, tant sur le fond que sur la forme, parsème son récit de petites touches gores assez brutales et de psychologie, même si certains éléments peuvent aisément se deviner avant la supposée révélation finale. Un bon voire un excellent cru.

Turin, 1983. Giacomo Gallo, un garçon de treize ans, assiste impuissant à l’assassinat de sa mère à l’aide d’un cor anglais, sans pouvoir voir le visage du meurtrier. Le commissaire Ulisse Moretti promet à Giacomo qu’il trouvera le coupable. Le commissaire pense que le meurtrier est le tueur en série surnommé le « Nain assassin », le surnom donné à Vincenzo de Fabritiis, un auteur de romans policiers atteint de nanisme. Mais avant d’avoir pu retrouver l’écrivain et meurtrier présumé, il est retrouvé noyé, une balle dans la tête : tout porte à croire qu’il s’agit d’un suicide et l’affaire est classée. Turin, 2000. Angela, une prostituée, s’enfuit de la maison de son client après avoir remarqué son comportement étrange et avoir été chassée par lui. Dans sa fuite, elle renverse un petit meuble et, en ramassant ses affaires, ramasse accidentellement une enveloppe bleue appartenant au client lui-même, qui contient des photos et des articles sur des meurtres brutaux commis dans le passé, dont la femme suppose qu’ils pourraient être liés au Nain. Après avoir prévenu son amie Amanda, une autre prostituée, Angela est assassinée après une longue et audacieuse fuite à l’intérieur d’un train en marche. L’enveloppe se retrouve entre les mains d’Amanda, qui est montée dans le train pour chercher son amie, mais cette dernière se fait également tuer. L’ambitieux commissaire Manni, au vu des similitudes avec les morts précédentes, en déduit que le Nain assassin est de retour ou que quelqu’un tente de réitérer ses exploits à l’identique et demande de l’aide à Moretti. Moretti, cependant, est maintenant un vieil homme, retraité et souffrant de problèmes cardiaques et de mémoire, mais sa conversation avec Manni, qui est convaincu que le désormais ex-flic ne peut pas l’aider, semble débloquer ses souvenirs, et il décide donc de s’occuper de lui. Les décès reprennent, avec les mêmes caractéristiques bizarres : le tueur en série laisse sur les lieux du crime des découpages en carton en forme d’animal, à chaque fois différents. Après les nouveaux épisodes, Giacomo est rappelé à Turin par un coup de téléphone de Lorenzo, son ami de longue date et fils de l’avocat Betti. Dans l’espoir de découvrir le meurtrier de la mère tuée plusieurs années auparavant, Giacomo commence à enquêter avec Moretti.

Rétrospectivement, il n’est pas interdit de préférer Le Sang des innocents à Profondo Rosso, le second ayant pris de sacrées rides, surtout dans sa première partie marquée par un manque de rythme et un montage que l’on pourrait aujourd’hui qualifier de paresseux. Non ho sonno n’est certes pas un chef d’oeuvre, mais l’histoire coécrite par Dario Argento, le fidèle Franco Ferrini et Carlo Lucarelli (romancier spécialisé dans le polar) enchaîne les rebondissements et les scènes brutales sans interruption et sans laisser le temps au spectateur de réfléchir. Le but avoué ici est de divertir, d’offrir au public ce qu’il est venu chercher et de ce point de vue, Le Sang des innocents remplit parfaitement son contrat. Après une introduction emballante qui plante le décor de l’action, Turin donc (comme aussi dans L’Oiseau au plumage de cristal et Inferno), le réalisateur nous embarque dans une véritable attraction lancée à fond les manettes, avec la longue séquence du train quasi-désert, où une jeune prostituée est poursuivie par un tueur bien décidé à la faire passer de vie à trépas. Les plans s’enchaînent de façon chaotique, mais lisible, traduisant la peur du personnage, la caméra s’immisce dans chaque recoin, tandis que le tueur aux gants et à la lame effilée se rapproche toujours plus de l’épiderme fragile et pénétrable de sa future victime.

S’il ne retrouvera pas cette efficacité dans le reste du métrage, Dario Argento met le paquet et emballe tout de même jusqu’au dénouement. Max von Sydow a peu à faire pour trôner sur une distribution solidement dirigée, également composée de Stefano Dionisi (Les Enfants du siècle, Farinelli : Il Castrato), Chiara Caselli (Le Père de mes enfants, My Own Private Idaho) et Gabriele Lavia qui fait le lien avec Les Frissons de l’angoisse. L’éternelle et évidente complicité instaurée entre Dario Argento et ses aficionados fait que Le Sang des innocents est assurément l’un des films les plus attachants du maestro, qui reste marqué par quelques scories d’écriture ou d’ordre technique, mais de nombreuses scènes demeurent marquantes à l’instar de ce meurtre violent à l’aide d’un instrument de musique, ou avec celle d’un stylo en or, sans parler d’une scène de décapitation.

Des formes d’animaux découpées dans du carton, une comptine, une vieille bâtisse, de l’hémoglobine, une partition signée Goblin, une photographie stylisée de Ronnie Taylor (déjà à l’oeuvre sur Opéra et Le Fantôme de l’opéra), des effets visuels créés par Silvio Stivaletti (Phenomena, Le Syndrome de Stendhal, La Secte, Sanctuaire), tout y est et tout y passe pour notre plus grand plaisir.

LE BLU-RAY

Après Lunettes noires et The Card Player, nous passons aujourd’hui en revue l’édition Blu-ray + Livret de Non ho sonno, aka Le Sang des innocents dans nos contrées, disponible chez Extralucid Films. À l’instar de ses autres éditions HD consacrées au cinéma de Dario Argento, celle de ce giallo se compose tout d’abord d’un livret de 48 pages, comprenant un extrait de Peur, Autobiographie par Dario Argento (Rouge Profond, 2018) – forcément conseillée par l’auteur de ces mots – centré sur Non ho sonno, plusieurs articles et entretiens, réunissant les propos de Jean-François Rauger, Jean-Baptiste Thoret et Antoine De Baeque. Enfin, le menu principal est animé et musical. Notons que les interviews que nous passons en revue ci-dessous ont toutes été produites par l’éditeur lui-même et que le film avait déjà bénéficié d’une sotie en DVD, en pack avec Le Syndrome de Stendhal en 2003 chez Aventi Distribution, puis en coffret avec Zombie, deux ans plus tard dans la même crémerie.

Le premier supplément est une interview inédite de Dario Argento, réalisée pour le Blu-ray Extralucid Films (8’). Dans la langue de Molière, le cinéaste s’exprime sur ce « film compliqué, avec beaucoup de psychologie, de psychanalyse », un opus qu’il a « adoré faire » et qui marquait son retour à Turin. Les difficultés liées au tournage pour la séquence du train, ainsi que la rencontre (sur les hauteurs de Nice) et le travail avec Max von Sydow sont aussi les sujets abordés de ce module.

Place à Jean-Baptiste Thoret, qui est partout, chez tous les éditeurs, mais qui comme d’habitude connaît son sujet sur le bout des doigts et nous a concocté une passionnante présentation et analyse de Non ho sonno (13’30). Sans interruption, le journaliste et par ailleurs réalisateur de Dario Argento : Soupirs dans un corridor lointain (2019), revient point par point sur l’origine du film qui nous intéresse aujourd’hui, sur la place du Sang des innocents dans la carrière et la filmographie de Dario Argento, « qui sort alors d’une décennie compliquée et qui n’a pas eu de succès important depuis longtemps ». Autres points abordés ? Les partis-pris et les intentions du cinéaste (« le désir de renouer avec le succès et de retrouver les faveurs du public »), les liens étroits avec les autres films de Dario Argento, plus particulièrement Les Frissons de l’angoisse, sans oublier le casting et les codes du giallo.

Le sieur Thoret reprend la parole dans le segment suivant, pour analyser plus en profondeur, en long, en large (et en travers), de gauche à droite, de bas en haut comme vous le souhaitez, la séquence d’ouverture (9’), la plus célèbre du film. Évidemment, les propos sont passionnants, même si l’on pourra en trouver certains exagérés (« on sait que c’est pas bien en réalité, mais c’est un plaisir coupable »), les arguments sur la technique ne sont pas trop hermétiques et surtout JBT met en relief le fait que le cinéaste utilise la grammaire cinématographique, dans un sens toujours psychologique, narratif et sensoriel.

Nous trouvons ensuite une rencontre avec Claudio Simonetti, auteur-compositeur de onze longs-métrages (comme réalisateur ou producteur) de Dario Argento (des Frissons de l’angoisse à Dracula 3D, en passant par Suspiria, Ténèbres…), pionnier de l’italo-disco et bien sûr claviériste du groupe de rock progressif Goblin. Celui-ci revient sur son parcours, sur sa rencontre avec Dario Argento, puis à son tour sur son travail pour Le Sang des innocents, avant d’évoquer plus précisément son approche musicale pour ce thriller (16’35).

On termine par un making of d’époque (15’), composé d’images de tournage et d’interviews de l’équipe, y compris de Dario Argento, qui s’exprime sur ce retour au giallo « qui était ma spécialité » indique-t-il.

L’interactivité se clôt sur une double bande-annonce.

L’Image et le son

On ne change pas une équipe qui gagne (ou pas pour certaines mauvaises langues) puisque Dario Argento a de nouveau fait appel à l’excellent chef opérateur Ronnie Taylor (Opéra, Le Fantôme de l’Opéra). Les contrastes sont denses et flatteurs pour les mirettes, la copie se révèle claire et lumineuse sur les scènes diurnes, le relief est appréciable la texture argentique est préservée, la colorimétrie équilibrée mais quelques fourmillements sont constatables sur les arrière-plans et quelques détails manquent à l’appel. Le piqué est parfois émoussé mais cela n’entrave en rien les conditions de visionnage qui demeurent plaisantes. Ce Blu-ray est au format 1080p (AVC). Restauré en 2020 à partir d’un scan 4K du négatif original 35mm.

La musique composée par Goblin a est admirablement délivrée et spatialisée par le mixage italien DTS-HD Master Audio 5.1. Les voix des comédiens s’imposent sans mal sur la centrale, toujours claires et distinctes. Quelques ambiances naturelles parviennent à percer sur les latérales sur les séquences en extérieur, la balance gauche-droite est dynamique, même si le caisson de basses reste plus ou moins au point mort. L’éditeur joint également une piste française 5.1, à éviter absolument, ainsi qu’un doublage anglais 2.0 qui pour le coup s’en tire très bien, d’autant plus qu’il s’agit de la langue du tournage.

Crédits images : © Extralucid Films / Medusa Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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