EL REINO réalisé par Rodrigo Sorogoyen, disponible en DVD et Blu-ray le 21 août 2019 chez Le Pacte
Acteurs : Antonio de la Torre, Monica Lopez, Josep María Pou, Nacho Fresneda, Ana Wagener, Bárbara Lennie, Luis Zahera, Francisco Reyes…
Scénario : Isabel Peña, Rodrigo Sorogoyen
Photographie : Alejandro de Pablo
Musique : Olivier Arson
Durée : 2h11
Date de sortie initiale : 2019
LE FILM
Manuel López Vidal est un homme politique influent dans sa région. Alors qu’il doit entrer à la direction nationale de son parti, il se retrouve impliqué dans une affaire de corruption qui menace un de ses amis les plus proches. Pris au piège, il plonge dans un engrenage infernal.
« Demain, c’est ton tour. »
Révélation de l’année 2016, le cinéaste Rodrigo Sorogoyen avait conquis la critique et les spectateurs avec son premier long métrage réalisé en solo, Que Dios nos perdone. Après 8 citas (2008) et Stockholm (2013), qu’il avait respectivement cosigné avec Peris Romano et Borja Soler, Rodrigo Sorogoyen a bien fait de voler de ses propres ailes. Pour El Reino, il signe un nouveau coup de maître, coécrit une fois de plus avec Isabel Peña, complice du réalisateur depuis plus de dix ans et qui avaient déjà collaboré sur les séries Impares (2008) et La pecera de Eva (2010). El Reino agit comme une caméra embarquée dans un bocal de piranhas. Bienvenue dans le monde des politiciens véreux et corrompus ! Un sujet universel et intemporel, qui renvoie souvent au cinéma engagé transalpin des années 1960, celui de Francesco Rosi, Elio Petri et Giuliano Montaldo. Veine que l’on retrouvera plus tard dans le cinéma américain chez Sidney Lumet et Alan J. Pakula, ou bien encore chez nous chez Costa-Gavras et Yves Boisset dans les années 1970. Mais il y a définitivement un héritage latin dans El Reino, drame politique et psychologique admirable, rythmé comme un thriller paranoïaque, percutant, un véritable uppercut cinématographique.
LE BATEAU PHARE (The Lightship) réalisé par Jerzy Skolimowski, disponible en DVD et Blu-ray le 2 juillet 2019 chez L’Atelier d’images & Malavida Films
Acteurs : Klaus Maria Brandauer, Robert Duvall, Robert Costanzo, Tim Phillips, Badja Djola, Tom Bower, Calvin Caspary, William Forsythe…
Scénario : Siegfried Lenz, William Mai, David Taylor
Photographie : Charly Steinberger
Musique : Stanley Myers
Durée : 1h28
Date de sortie initiale : 1985
LE FILM
Le Capitaine Miller, récupère son fils adolescent, Alex, des mains de la police. De retour sur le Hatteras, un bateau-phare ancré au large des côtes de Virginie, l’équipage recueille trois hommes dérivant dans leur canot endommagé…
Avec Le Bateau phare – The Lightship, le réalisateur polonais Jerzy Skolimoswki (Travail au noir, Deep End, Essential Killing) signe l’une de ses rares incursions dans le cinéma hollywoodien. Marqué par une narration trouble, une atmosphère étrange, un montage surprenant, une musique très 80ies qui crée un décalage et porté par un casting parfait avec Klaus Maria Brandauer et Robert Duvall en tête d’affiche, Le Bateau phare, adapté d’un roman de Siegfried Lenz et récompensé par le Prix Spécial du Jury à la 42e Mostra de Venise, agrippe littéralement le spectateur dès les premières séquences, pour ne plus le lâcher jusqu’à la fin.
CELLE QUE VOUS CROYEZ réalisé par Safy Nebbou, disponible en DVD et Blu-ray le 2 juillet 2019 chez Diaphana
Acteurs : Juliette Binoche, Nicole Garcia, François Civil, Marie-Ange Casta, Guillaume Gouix, Charles Berling, Jules Houplain, Jules Gauzelin…
Scénario : Safy Nebbou, Julie Peyr d’après le roman de Camille Laurens
Photographie : Gilles Porte
Musique : Ibrahim Maalouf
Durée : 1h37
Date de sortie initiale : 2019
LE FILM
Pour épier son amant Ludo, Claire Millaud, 50 ans, crée un faux profil sur les réseaux sociaux et devient Clara une magnifique jeune femme de 24 ans. Alex, l’ami de Ludo, est immédiatement séduit. Claire, prisonnière de son avatar, tombe éperdument amoureuse de lui. Si tout se joue dans le virtuel, les sentiments sont bien réels. Une histoire vertigineuse où réalité et mensonge se confondent.
Découvert en 2004 avec son excellent premier long métrage Le Cou de la girafe, le réalisateur Safy Nebbou (né en 1968) a su imposer sa griffe et son univers au fil de ses six films mis en scène en quinze ans. Si l’on remarque une nette prédilection pour le suspense, genre dans lequel il est d’ailleurs le plus habile et le plus convaincant (L’Empreinte en 2008, Comme un homme en 2012), le cinéaste s’est également illustré dans le biopic avec L’Autre Dumas (2010), par forcément pour le meilleur, et Dans les forêts de Sibérie (2016), adapté du récit autobiographique éponyme de Sylvain Tesson. Avec Celle que vous croyez, Safy Nebbou s’attaque au drame psychologique. En adaptant le roman homonyme de Camille Laurens publié en 2016, le réalisateur signe un film fort sur les rencontres 2.0., sur le désir féminin et sur celui de plaire après 50 ans, tout en offrant à Juliette Binoche l’un de ses plus beaux rôles depuis quinze ans.
Claire Milaud est une femme divorcée de cinquante ans et professeur de son métier. Un jour, elle crée son faux profil sur Facebook sous l’apparence d’une jeune femme de vingt-quatre ans, ajoutant un faux prénom, Clara, de fausses photos et de faux caractères. Tout cela pour espionner son ex-amant Ludo, mais elle y tombe sur son meilleur ami Alex avec qui elle va s’amuser virtuellement et sentimentalement…
Juliette Binoche n’a jamais arrêté de tourner. La comédienne n’a pas chômé dans les années 2010 qui avait ouvert la décennie avec Copie conforme d’Abbas Kiarostami. Capable de métamorphoses inattendues, l’actrice née en 1964 aura enchaîné grands spectacles hollywoodiens (Godzilla de Gareth Edwards, Ghost in the Shell de Rupert Sanders), comédies insignifiantes dans lesquelles elle abuse de son rire contagieux (La Vie d’une autre de Sylvie Testud, Telle mère, telle fille de Noémie Saglio) ou gigantesque délire (Ma Loute de Bruno Dumont). Mais Juliette Binoche c’est aussi l’incarnation de femmes matures, confrontées à leur demi-siècle et aux autres générations, comme dans Elles de Małgorzata Szumowska (dans lequel François Civil jouait d’ailleurs le fils de l’actrice !), Sils Maria d’Olivier Assayas, et dernièrement dans le très beau Un beau soleil intérieur de Claire Denis.
Dans Celle que vous croyez, la comédienne clôt comme qui dirait les années 2010 avec un personnage qui englobe tous ses rôles précédents. Avec sa sensibilité à fleur de peau, sa voix étranglée par l’émotion, ses yeux embués comme un personnage de manga et sa respiration saccadée, Juliette Binoche foudroie le coeur des spectateurs une fois de plus et mériterait sa dixième nomination aux César. A ses côtés, François Civil (né en 1990) confirme tout le bien que l’on pensait de lui depuis sa réelle découverte dans Made in France de Nicolas Boukhrief. Formidable dans Burn Out de Yann Gozlan, le comédien est à l’affiche de quatre films en 2019, Le Chant du loup d’Antonin Baudry, Mon inconnue de Hugo Gélin, Deux moi de Cédric Klapisch et Celle que vous croyez. Quatre longs métrages à travers lesquels le comédien démontre la diversité de son talent.
Safy Nebbou jongle avec les genres, distille quelques effets de comédie dans un drame passionnel pur et dur, tout en instaurant un suspense palpable. L’ombre de Vertigo – Sueurs froides d’Alfred Hitchcock plane parfois sur Celle que vous croyez, toutes proportions gardées. Le réalisateur filme Paris de façon presque anonyme, une ville gigantesque qui referme ses tentacules sur ses habitants, les isole et les place face à eux-mêmes, état souvent mis en relief par l’utilisation de portes-fenêtres, des miroirs ou des écrans dans lesquels se reflètent les visages, le tout magnifié par la photographie du chef opérateur Gilles Porte. Le cinéaste n’a pas peur du romanesque et trouve un juste équilibre entre le mélodrame et son étude souvent passionnante sur les débordements liés aux réseaux sociaux en mélangeant alors réalité et virtuel. Un superbe portrait de femme.
LE DVD
Le DVD et le Blu-ray de Celle que vous croyez sont disponibles chez Diaphana. L’éditeur nous a confié l’édition standard, dont le visuel reprend celui de l’affiche du film. Le menu principal est animé et musical.
Formidable making-of (35’) disponible sur les deux éditions. Ce document se compose d’entretiens avec l’équipe du film, et surtout d’images de tournage où nous pouvons observer le travail du réalisateur Safy Nebbou avec les comédiens. Le roman original de Camille Laurens, son adaptation, la psychologie des personnages, la préparation des comédiens, les partis pris, les conditions de tournage, tous ces sujets sont abordés au cours de ce module bien réalisé.
L’interactivité se clôt
sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Le master SD est assez aléatoire. Les scènes en extérieur bénéficient d’une belle restitution de la photographie de Gilles Porte, avec des couleurs froides et un piqué acéré. En revanche, là où ça coince ce sont les scènes en intérieur dans l’appartement de Claire où la définition est très aléatoire. La gestion des contrastes est déséquilibrée et le rendu assez terne.
Ce n’est pas avec un film comme Celle que vous croyez que vous mettrez à contribution votre installation sonore. L’éditeur joint tout de même une piste DD 5.1 convaincante, mais la Stéréo également au programme fait son office avec des effets dynamiques. A noter que l’éditeur joint les sous-titres pour sourds et malentendants, ainsi qu’une piste Audiodescription.
MIRACLE EN ALABAMA (The Miracle Worker) réalisé par Arthur Penn, disponible le 16 avril 2019 en DVD et Blu-ray chez Rimini Editions
Acteurs : Anne Bancroft, Patty Duke, Victor Jory, Andrew Prine, Inga Swenson, Kathleen Comegys…
Scénario : William Gibson d’après sa pièce de théâtre
Photographie : Ernesto Caparrós
Musique : Laurence Rosenthal
Durée : 1h46
Année de sortie : 1962
LE FILM
Helen Keller a 12 ans. Elle ne voit pas, n’entend pas et présente tous les symptômes d’une déficience mentale. Ses parents font appel à Annie Sullivan, éducatrice aux méthodes révolutionnaires, et elle-même mal-voyante. Les premiers contacts entre l’enfant et l’éducatrice sont difficiles et parfois violents.
Aux Etats-Unis, Helen Keller (1880-1968) fait figure de sainte. Auteure, conférencière et militante politique américaine, elle devient sourdaveugle à l’âge d’un an et demi des suites d’une fièvre. Elle grandit difficilement dans sa famille, impuissante face à son handicap. Il faudra attendre son septième anniversaire, pour que la jeune fille parvienne à s’extraire de son isolement grâce à l’obstination et à l’acharnement d’Anne Mansfield Sullivan (1866-1936), sa professeure et éducatrice, qui parvient à instaurer avec elle un langage, permettant à Helen Keller de s’épanouir en apprenant à communiquer. Plus tard elle devient la première personne handicapée à obtenir un diplôme universitaire. Elle écrira une douzaine de livres et d’articles tout au long de sa vie, devenant ainsi un modèle pour les individus handicapés. Admirée dans le monde entier, la vie d’Helen Keller aura ainsi inspiré un ballet, la télévision, le théâtre, avant d’être transposée au cinéma. Avant son premier long métrage pour le cinéma, Le Gaucher (1958), Arthur Penn (1922-2010) signe un téléfilm de 90 minutes intitulé The Miracle Worker, avec Teresa Wright dans le rôle d’Annie Sullivan et Patty McCormack dans celui d’Helen Keller. Record d’audience sur la chaîne CBS en cette année 1957. L’année suivante, suite à l’échec critique et commercial du Gaucher, Arthur Penn se tourne vers le théâtre et transpose à nouveau le script de William Gibson, lui-même adapté du livre d’Helen Keller (Sourde, muette, aveugle : histoire de ma vie). La pièce interprétée par Anne Bancroft et Patty Duke est un triomphe à Broadway, où elle est jouée plus de 700 fois. Un Tony Award viendra récompenser Anne Bancroft et son metteur en scène. Arthur Penn décide alors d’adapter la pièce au cinéma, en confiant les deux rôles principaux à ses comédiennes qu’il avait dirigées sur scène. Miracle en Alabama est un chef d’oeuvre absolu du septième art, probablement l’un des plus beaux films de tous les temps.
Quel choc ! Arthur Penn filme ses deux protagonistes comme deux adversaires lâchés sur le ring ou même sur un champ de bataille. A l’aide d’une caméra portée, au plus près des personnages d’Helen et d’Annie, le réalisateur filme l’impensable. La jeune fille mitraille sa préceptrice de gifles, qui rétorque également et de plus en plus violemment. Helen Keller, seule dans sa prison de chair, se retrouve face à une présence coriace, qui semble décidée – entre autres – à ne pas la laisser piocher à sa guise dans les assiettes des autres – sa famille avait alors renoncé à l’idée de lui donner une quelconque éducation, tiraillée entre amour, pitié et sentiment de culpabilité – en se nourrissant avec les doigts. LA scène centrale du film étant celle où Annie tente d’apprendre à Helen, à se servir de sa fourchette, assise à table. Une vraie séquence éprouvante, tout droit tirée d’un film de guerre ou d’action où les deux femmes se mordent, se frappent, s’attrapent, se lancent de l’eau à la figure, cassent le mobilier, se jettent à terre, s’agrippent. Puis reprennent leur souffle avant qu’Helen reparte de plus belle, tandis qu’Annie, visage fermé, l’attrape à nouveau.
On reste estomaqués encore aujourd’hui par la puissance extraordinaire du jeu des stupéfiantes têtes d’affiche, Anne Bancroft (le studio aurait alors préféré Audrey Hepburn ou Elizabeth Taylor) et Patty Duke, toutes deux récompensées par un Oscar. Si l’âge d’Helen a été changé pour les besoins du film – une jeune comédienne de sept ans aurait eu du mal à se mettre dans la peau du personnage – Miracle en Alabama se focalise sur cette relation troublante, violente et explosive, en respectant la véritable histoire d’Helen Keller. Dans un N&B somptueux concocté par le directeur de la photographie Ernesto Caparrós, Arthur Penn utilise pas moins de trois caméras tournant en simultanée pour obtenir le maximum d’angles lors des diverses confrontations de ses personnages. Celle du repas susmentionné aura nécessité quatre jours de tournage. Patty Duke est ahurissante dans la peau d’Helen Keller, mais Anne Bancroft l’est tout autant en composant une femme traumatisée par une enfance placée sous le signe du handicap (elle est mal-voyante) et marquée par la mort de son frère invalide. Face à l’hostilité d’Helen et de ses parents effrayés par ses méthodes, Annie fonce tête baissée, comme si elle jouait sa propre vie à travers cette mission qui lui a été confiée. Quelques flashbacks apparaissent en surimpression, mettant à nu la psyché perturbée d’Annie, luttant quotidiennement contre des cauchemars et visions.
Point de conflit armé dans Miracle en Alabama, même si le spectre de la Guerre de Sécession plane sur cette propriété du sud des Etats-Unis où l’esclavagisme est encore présent, mais cela n’empêche pas les deux femmes de s’affronter corps et âme. Jusqu’au dénouement où la communication s’instaure enfin, où les doigts tendus et les mains tordues prennent tout leur sens pour Helen qui s’éveille et renaît enfin au contact d’une eau baptismale. La famille d’Helen, alors de plus en plus sceptique, comprend enfin. Les méthodes d’Annie – utiliser les sens dont Helen disposait, le toucher, le goût, l’odorat, pour l’éveiller – ont payé, elle qui était alors persuadée depuis le début que les fonctions intellectuelles d’Helen étaient intactes.
Arthur Penn n’a pas peur de jouer avec l’antipathie première inspirée par les personnages. Pourtant, le spectateur ne peut détacher ses yeux de ce spectacle immense, de cette intensité et de ce feu ardent qui crèvent l’écran chaque seconde, qui refuse alors tout pathos et se permet même quelques pointes d’humour inattendues. A la fin, les nerfs des personnages comme ceux des spectateurs se relâchent, les corps s’effondrent, les larmes coulent et les sourirent éclairent les visages.
LE BLU-RAY
C’est un vrai miracle oui ! L’immense chef d’oeuvre d’Arthur Penn est enfin disponible en Blu-ray en France chez Rimini Editions, plus de quinze ans après une sortie en DVD chez MGM, aujourd’hui épuisée. Le disque est installé dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné. Disposé dans le boîtier, nous trouvons un très beau livret de 36 pages écrit par Christophe Chavdia.
C’est devenu l’un de nos chouchous sur Homepopcorn.fr, Frédéric Mercier (Transfuge, Le Cercle) nous propose une fantastique analyse de Miracle en Alabama (35’). Vous saurez tout sur la genèse du film qui nous intéresse, ainsi que sur le casting, les trois adaptations de la vie d’Helen Keller par Arthur Penn (à la télévision, au théâtre, puis au cinéma), mais aussi sur les thèmes abordés. Dans un second temps, Frédéric Mercier explique pourquoi selon-lui Miracle en Alabama rompt avec les codes alors en usage à Hollywood au début des années 1960, mettant ainsi en relief la modernité toujours intacte du film, par ailleurs replacé dans l’oeuvre de son réalisateur. Le fond et la forme sont ainsi habilement croisés, avec des propos toujours posés et passionnants. On savoure chaque propos en espérant retrouver le critique, déjà présent sur les opus de Billy Wilder édités chez Rimini, sur de prochains titres.
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L’Image et le son
La copie HD proposée est très impressionnante. Premièrement, la restauration effectuée est absolument sidérante de beauté et aucune scorie (ou presque) n’a survécu au lifting numérique. Les noirs sont denses, les blancs éclatants, la gestion des contrastes magnifique et le piqué affiche une précision hallucinante. Le codec AVC consolide l’ensemble, les fondus enchaînés sont fluides et n’occasionnent aucun décrochage et le grain argentique demeure flatteur, volontairement plus accentué sur les réminiscences d’Annie. Toutes les scènes, en intérieur comme en extérieur, arborent un relief et une restitution des matières fort étonnants. Le Blu-ray est au format 1080p (AVC).
Bien que le doublage français soit réussi et dispose d’un écrin DTS-HD Master Audio 2.0, privilégiez la version originale encodée dans les mêmes conditions. Le confort acoustique y est plus agréable, les petites ambiances appréciables, malgré un léger souffle et des dialogues un peu chuintants, surtout durant le dernier acte. La piste française s’en sort néanmoins fort bien, même si les voix y sont plus sourdes. Notons que le film démarre directement en Audiodescription. L’éditeur joint également les sous-titres français, destinés au public sourd et malentendant.
M LE MAUDIT (M) réalisé par Fritz Lang, disponible le 16 avril 2019 en combo DVD/Blu-ray chez Tamasa Diffusion
Acteurs : Peter Lorre, Otto Wernicke, Gustaf Gründgens, Inge Landgut, Ellen Widmann, Theodor Loos…
Scénario : Fritz Lang, Thea von Harbou d’après un article d’Egon Jacobson
Photographie : Fritz Arno Wagner
Musique : Edvard Grieg
Durée : 1h51
Année de sortie : 1931
LE FILM
Toute la presse ne parle que de ça : le maniaque tueur d’enfants, qui terrorise la ville depuis huit mois vient de faire une nouvelle victime. Chargé de l’enquête, le commissaire Lohmann multiplie les rafles dans les bas-fonds. Gênée par toute cette agitation la pègre décide de retrouver elle-même le criminel.
Une sombre comptine chantée par des enfants qui s’amusent dans une cour. Des parents qui s’inquiètent de la disparition d’une dizaine de fillettes. C’est l’heure de la sortie de l’école, une mère de famille s’affaire à ses tâches quotidiennes, tout en préparant la table. Elle attend le retour d’Elsie, sa fille. De son côté, un agent de la circulation l’aide à traverser la route, quand une ombre l’aborde. Un sifflement reconnaissable, un leitmotiv (sifflé par Fritz Lang lui-même d’ailleurs), celui de Dans l’antre du roi de la montagne de Peer Gynt. En cinq minutes, le cadre, exceptionnel est posé par Fritz Lang. M le Maudit, ou tout simplement M en version originale est déjà le quinzième long métrage du réalisateur, ainsi que son premier film parlant. Immense chef d’oeuvre absolu de tous les temps, référence incontournable du genre policier, considéré d’ailleurs comme le premier thriller moderne, M le Maudit conserve son aura et son pouvoir d’attraction hypnotique. Près de 90 ans après sa sortie, ce drame anxiogène prend toujours aux tripes et l’on reste abasourdi par son audace scénaristique, sa beauté plastique, l’interprétation habitée de Peter Lorre et sa maîtrise formelle.
Après cette mise en place dans une cité ouvrière, le cadavre de la petite est découvert. La police intensifie ses efforts de recherche, en vain. Les habitants en viennent à se soupçonner les uns les autres. Les dénonciations anonymes font croître la tension et les policiers sont à bout de forces. Cependant, les rafles et les contrôles incessants dérangent les bandes criminelles dans leurs « affaires ». Aussi la pègre décide-t-elle, sous la direction de Schränker, de chercher elle-même le meurtrier et utilise dans ce but le réseau des mendiants. Alors que la police a identifié le meurtrier, celui-ci est reconnu par un vendeur de ballons aveugle grâce à la chanson que le tueur siffle. Un de ses « collègues » marque alors un « M » à la craie sur le manteau du meurtrier qui s’enfuit dans un bâtiment de bureaux cerné par les les bandes diverses. En se servant de leur attirail de cambriolage, ils fouillent l’immeuble, attrapent le meurtrier d’enfants et l’emmènent dans une distillerie abandonnée. Là, toute la pègre rassemblée lui fait un procès macabre.
Peter Lorre, dans son premier rôle au cinéma, entame alors l’une des plus grandes séquences de l’histoire du cinéma, quand son personnage, les yeux exorbités, le visage en sueur, la respiration saccadée, tente d’exprimer, de façon désespérée, son aliénation et son dédoublement intérieur. « Toujours, je dois aller par les rues, et toujours je sens qu’il y a quelqu’un derrière moi. Et c’est moi-même ! […] Quelquefois c’est pour moi comme si je courais moi-même derrière moi ! Je veux me fuir moi-même mais je n’y arrive pas ! Je ne peux pas m’échapper ! […] Quand je fais ça, je ne sais plus rien… Ensuite je me retrouve devant une affiche et je lis ce que j’ai fait, alors je me questionne : J’ai fait cela ? ». Fritz Lang met en parallèle les actions simultanées de la police quasi-impuissante, représentée par le commissaire Lohmann (qui reviendra dans Le Testament du Docteur Mabuse) et la pègre qui a alors une longueur d’avance sur les autorités. Tandis que les criminels se préparent à lyncher le meurtrier au cours d’une parodie de justice où un « avocat » de la défense tente d’expliquer que le tueur de fillettes doit être remis à la police, Lohmann apprend ce qui est sur le point d’arriver.
Tout subjugue dans M le Maudit. Le travail sur le son et le silence. Fritz Lang joue avec la nouvelle technologie mise à sa disposition. Le silence reflète la cacophonie ambiante, les ambiances ne sont jamais utilisées gratuitement, mais comme un véritable personnage à part entière. Le cinéaste, l’un des plus grands à avoir su conjuguer la grammaire cinématographique, évoque la traque d’une bête sauvage, aux abois. Ou quand les malfaiteurs s’associent pour mettre la main sur un assassin, un « outsider » qui gâche leurs affaires et les empêche de vaquer à leurs occupations. En raison de cette suite de meurtres, la police organise des rafles dans les quartiers louches, jusque dans les tripots clandestins où sont saisis les flingues, les portefeuilles, bijoux et fourrures volés. C’est la goutte d’eau pour la pègre, surtout après huit mois de recherches intensives qui n’ont donné aucun résultat en dépit du gigantesque dispositif déployé et des moyens conséquents mis à disposition de la police montrée incompétente, y compris les scientifiques avec leurs analyses d’empreintes. Seuls les cambrioleurs, les arnaqueurs, les tricheurs, les pickpockets, les prostituées, pourront faire quelque chose.
En montrant les habitants d’une grande ville allemande (jamais nommée, même si un journal indique Berlin, tout comme le plan de la ville accroché dans les bureaux de la police) jetés dans la terreur et l’hystérie, Fritz Lang, s’inspirant alors d’un fait divers réel, invite à réfléchir sur les réactions, le comportement et les actions d’une société traumatisée par les crimes commis. Héritier de l’Expressionnisme allemand, M le Maudit crée un genre, transcende les générations, foudroie autant les yeux devant tant de virtuosité, que l’estomac avec son récit tendu du début à la fin. Enfin, en montrant une société se liguer dans le but d’éradiquer un être jugé « nuisible », le réalisateur anticipe alors la Solution finale…Un chef d’oeuvre prophétique. Vingt ans plus tard, Joseph Losey en signera un très grand remake avec David Wayne, avec l’action du film transposée à Los Angeles.
LE BLU-RAY
Après une première édition en DVD chez Opening, puis chez Films sans frontières dans de louches éditions DVD et Blu-ray, le chef d’oeuvre de Fritz Lang fait son retour dans les bacs par la grande porte chez Tamasa Diffusion où il est particulièrement choyé. Ce Digipack très élégant se compose du DVD, du Blu-ray et d’un livret de 16 pages, proposant des extraits du dossier pédagogique rédigé par Mireille Kentzinger et comprenant un retour sur M le Maudit, avec une analyse de séquence, un gros plan sur le montage et diverses photographies. Le menu principal est fixe et bruité.
Pour accompagner M le Maudit, Tamasa propose une intervention de Faruk Günaltay (42’). Le directeur du cinéma l’Odyssée de Strasbourg dissèque le fond et la forme du chef d’oeuvre visionnaire de Fritz Lang. La production du film (à l’époque où il devait s’intituler Les Assassins sont parmi nous), le travail sur le son (premier long métrage parlant du réalisateur), le casting, la psychologie du personnage principal, les effets de cadrage, la critique de la République de Weimar, l’anticipation de la question de l’élimination « du corps en trop » et tout un tas d’éléments sont abordés au cours de cette présentation passionnante durant laquelle quelques séquences sont également analysées.
L’Image et le son
Depuis sa sortie en 1931, M le Maudit a été vu et revu dans de différentes versions et durées. Aucune ne correspondait à la version originale. Les montages français et britannique comprenaient même des scènes filmées ultérieurement. Fritz Lang n’avait aucun contrôle sur ces versions. En 1960, M le Maudit était ressorti dans un montage de 96 minutes, lui aussi très éloigné de l’original de 1931. Le format de l’image avait même été modifié et les têtes des comédiens tronquées. Sans oublier des ambiances sonores ajoutées sur des séquences muettes. Depuis, diverses tentatives avaient été réalisées pour reconstituer l’oeuvre originale de Fritz Lang. En 2001, l’image et le son de 1931 ont enfin été retrouvés sur des pellicules nitrates. 70 % des négatifs originaux survécurent. Pour cette restauration, une copie française du négatif fut réalisée à partir d’un tirage et servit à compléter les scènes tronquées. Pour la première fois, les instabilités récurrentes de l’image dues à des perforations et des erreurs de tirage furent en grande partie corrigées. La restauration numérique de l’image a demandé un soin minutieux pour respecter les partis pris originaux. Toutefois, le montage soumis à la censure allemande de 117 minutes, n’a jamais pu être reconstitué. Alors évidemment tous les défauts n’ont pu être corrigés sur cette version restaurée 2K par TLEFilms, AFF et Deutsche Kinematek, quelques rayures subsistent par exemple, mais il faut bien admettre que le confort de visionnage est total et que la tenue des contrastes est souvent ébouriffante. Divers effets de pompages demeurent également, mais le piqué ne cesse d’impressionner, même si plus émoussé sur les parties du film provenant des copies d’exploitation.
La bande-son respecte l’idée originale de Fritz Lang avec des contrastes saisissants entre les scènes sonores et muettes. Un souffle chronique est inhérent à l’âge du film, mais ne dérange pas l’écoute. Le mixage est propre, équilibré, les bruitages précis, les dialogues sensiblement pincés, mais intelligibles.
THE INTRUDER réalisé par Roger Corman, disponible le 10 avril 2019 en DVD et Blu-ray chez Carlotta Films
Acteurs : William Shatner, Frank Maxwell, Beverly Lunsford, Robert Emhardt, Leo Gordon, Charles Barnes, Charles Beaumont…
Scénario : Charles Beaumont d’après son roman « Les Intrus » (« The Intruder« )
Photographie : Taylor Byars
Musique : Herman Stein
Durée : 1h23
Année de sortie : 1962
LE FILM
Caxton, petite ville du sud des États-Unis, dans les années 1950. Un homme en complet blanc descend d’un car, valise à la main, et se rend à l’hôtel le plus proche. Il se nomme Adam Cramer et travaille pour une organisation « à vocation sociale ». Ce n’est pas un hasard s’il se trouve à Caxton, la ville ayant récemment voté une loi en faveur de la déségrégation, autorisant un quota d’élèves noirs à intégrer un lycée fréquenté par des Blancs. Adam Cramer souhaite enquêter auprès des habitants pour savoir ce qu’ils pensent de cette réforme. Cet homme charismatique et beau parleur va rapidement semer le trouble dans la ville…
Découvreur de talents (Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, Joe Dante, Ron Howard, Jonathan Demme, Jack Nicholson, Monte Hellman, Curtis Hanson), Pape de la série B (et Z bien sûr), le prolifique Roger Corman (né en 1926), aujourd’hui producteur de plus de 400 films, a réalisé près d’une cinquantaine de longs métrages de 1955 à 1990. Après La Chute de la maison Usher, La Petite boutique des horreurs, La Chambre des tortures et la même année que L’Enterré vivant, Roger Corman, alors âgé de 35 ans, entreprend le film le plus personnel de son incroyable carrière. Tourné en 1961, dans le sud des Etats-Unis, sans véritables autorisations, avec très peu de moyens et avec un casting d’acteurs quasi-inconnus mélangés aux gens du cru, The Intruder (également sorti aux Etats-Unis sous les titres I Hate your Guts et Shame) est un choc, une baffe, un uppercut. Avec un réalisme parfois à la limite du documentaire, Roger Corman, très engagé et grand partisan de l’égalité des droits, se focalise sur un « réformateur social » au moment où viennent d’être votées les lois sur l’intégration, permettant à des enfants noirs de fréquenter les mêmes écoles que les enfants blancs. Cet homme ambigu est interprété par William Shatner, dans l’un de ses premiers rôles au cinéma, juste après sa participation au film de Stanley Kramer, Jugement à Nuremberg. Avec son sourire carnassier, suintant, puant et monstrueux, le comédien endosse le costume clair et les idées sombres de son personnage avec un rare culot. Le mythique Capitaine Kirk signe une prestation époustouflante.
Si l’on se demande où ce mystérieux, Adam Cramer, veut en venir en flattant tous ceux qu’il croise sur son chemin, on devine très vite que son but est de semer le trouble. S’il y parvient facilement en brossant les habitants dans le sens du poil et en leur faisant entendre ce qu’ils pensent savoir sur la véritable situation politique (en gros que leur parole de citoyen n’est pas écoutée, puisque leur opinion négative sur les afro-américains n’est pas prise en compte par la nouvelle loi), mais perd rapidement le contrôle de la situation. Dans un N&B aussi charbonneux que lumineux, moite, où les visages se voilent d’un filet de sueur, la tension monte, distillée comme du poison par ce rapace fourbe et manipulateur. Sur un montage percutant, Roger Corman soigne sa mise en scène (le cadre et les travellings sont d’ailleurs assez dingues), enchaîne les affrontements psychologiques avec une redoutable efficacité, sans aucun temps mort, les dialogues faisant office de munitions crachées par des personnages au bord de l’implosion.
Film rare et indispensable, The Intruder, écrit par Charles Beaumont (La Quatrième dimension, Le Masque de la mort rouge) d’après son propre roman L’Intrus paru aux USA en 1959, est à la fois un film noir, un thriller social, un drame historique qui fait froid dans le dos. Il faut voir comment William Shatner est littéralement habité par son personnage. Star de la télévision, on en vient à regretter que le cinéma ne lui ait pas suffisamment offert de rôles de cette envergure. Il est d’ailleurs très bien entouré par de grands comédiens dont on ne connaît pas forcément les noms, mais dont les visages sont largement reconnaissables comme ceux de Frank Maxwell (Monsieur Majestyk), Robert Emhardt (3h10 pour Yuma) et la trogne burinée de Leo Gordon apparue dans une quantité phénoménale de westerns et même chez Claude Sautet dans L’Arme à gauche en 1965.
Complètement méconnu et considéré comme le seul échec commercial de Roger Corman (même si le film est depuis rentré dans ses frais), qui connaît néanmoins une reconnaissance en Europe grâce à son exploitation récente dans les salles, The Intruder est un brûlot politique d’une folle modernité, dont le propos – la haine, la peur de l’autre et l’intolérance dans une Amérique engluée dans ses anciennes mœurs et valeurs – est malheureusement toujours aussi contemporain et qui mérite de ce fait d’être reconnu à sa juste valeur. The Intruder est un précieux chef d’oeuvre.
LE
BLU-RAY
The Intruder fait grand retour dans les bacs, près de quinze ans après son édition en DVD chez Bach Films. Désormais sous la bannière de Carlotta Films, le film de Roger Corman est à la fois disponible en DVD et en Haute-Définition. Le Blu-ray repose dans un boîtier classique de couleur noire. La jaquette est très élégante, tout comme le surétui cartonné liseré jaune. Le menu principal est fixe et musical.
Un seul petit supplément au programme. L’éditeur joint un retour sur le film par Roger Corman et William Shatner (10’), enregistré en 2001 à l’occasion de la sortie de The Intruder en DVD aux Etats-Unis. Dans ces entretiens croisés, les deux hommes partagent leurs souvenirs liés au tournage (chaotique) de The Intruder. Les thèmes, les intentions, les conditions de prises de vues (qui ont rejoint la fiction), la psychologie du personnage principal, la séquence d’ouverture, l’accueil du film (échec à sa sortie, redécouvert en Angleterre grâce au BFI) sont abordés au cours de ce segment malheureusement trop court.
L’interactivité
se clôt sur la bande-annonce de la ressortie 2018.
L’Image
et le son
C’est une résurrection et aussi une exclusivité mondiale en HD. The Intruder renaît littéralement de ses cendres. Nous avons devant les yeux un master entièrement restauré, même si (nous chipotons certes) quelques rayures verticales et diverses poussières ont échappé au lifting numérique. Le Blu-ray est au format 1080p et le film présenté dans son format original 1.85 (compatible 4/3) avec des contrastes plutôt bien équilibrés. La copie N&B restitue les partis pris (dont le « flou artistique ») et le grain original (magnifique patine argentique), parfois plus appuyé sur certaines séquences aux blancs brûlés. Disposant de moyens techniques « rudimentaires » et d’un coût de production peu élevé, The Intruder trouve néanmoins un nouvel et adéquat écrin. D’une propreté jamais démentie, ce master HD est lumineux, stable, impressionnant (comme le piqué d’ailleurs), élégant et participe largement à la redécouverte de ce bijou noir. Quelques couacs, comme au début du discours de Cramer, mais rien de rédhibitoire.
Le film est proposé avec une piste anglaise DTS-HD Master Audio 1.0. Le mixage est bien nettoyé, l’écoute demeure plutôt agréable et fluide, sans souffle parasite et avec des dialogues souvent percutants. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
UNE HACHE POUR LA LUNE DE MIEL (Il Rosso segno della follia) réalisé par Mario Bava disponible en édition DVD+Blu-ray+Livret le 9 avril 2019 chez ESC Editions
Acteurs : Stephen Forsyth, Dagman Lassander, Laura Betti, Femi Benussi, Jesús Puente, Luciano Pigozzi, Antonia Mas, Gérard Tichy, Verónica Llimerá…
Scénario : Santiago Moncada, Mario Musy, Mario Bava
Photographie : Mario Bava
Musique : Sante Maria Romitelli
Durée : 1h28
Date de sortie initiale : 1968
LE FILM
En reprenant une maison de couture au bord de la faillite laissée par sa mère, John Harrington est à nouveau hanté par son pire cauchemar. Suite à un traumatisme lié à son enfance dont il n’a plus du tout le souvenir, il est désormais incapable de contrôler les pulsions qui le poussent à vouloir tuer des jeunes femmes vêtues de robes de mariée…
Une femme ne devrait
vivre que jusqu’à sa nuit de noces…
Une hache pour la lune de miel – Il Rosso segno della follia, également connu sous le titre français opportuniste et ridicule de La Baie sanglante 2 (alors que le premier sera tourné après) ou bien encore Meurtres à la hache pour son exploitation en VHS dans les années 1980, n’est pas l’oeuvre la plus célèbre ou la plus représentative du cinéma de Mario Bava. Pourtant, ce film apparaît comme un condensé de ses précédents longs métrages, tout en annonçant ceux qui suivront, puisqu’il est question ici de meurtres, de psychologie dérangée et de traumatisme. Le cinéaste s’auto-cite en diffusant un extrait de son segment des Trois visages de la peur, mais on pense également à Six femmes pour l’assassin pour le milieu que Mario Bava dépeint (celui de la couture), tout en s’inspirant du cinéma d’Alfred Hitchcock avec évidemment Psychose en ligne de mire. Le spectre de Norman Bates est bel et bien présent dans Une hache pour la lune de miel. Le maestro adopte le point de vue de son personnage principal, ce qui place le spectateur en tant que premier témoin de ses agissements. Véritable tour de force, Il Rosso segno della follia déroule son récit à travers les yeux du meurtrier, tout en plongeant l’audience dans une psyché perturbée où les repères se brouillent et s’effondrent jusqu’à l’implosion.
« Mon nom est John, j’ai 35 ans… Je suis paranoïaque. Non, en fait je suis complètement fou. J’ai tué 5 belles jeunes femmes, dont 3 sont enterrées dans la serre, et personne ne me suspecte d’être un dangereux meurtrier. Cela m’amuse… », annonce nonchalamment le jeune, beau et riche John Harrington. Ce dernier est le directeur d’une maison de couture spécialisée dans les robes de mariée. Schizophrène, hanté par le spectre de sa mère castratrice morte de sa nuit de noces, et ses pulsions meurtrières le poussent à tuer les jeunes mariées avec un hachoir. Marié à une femme qu’il exècre, Mildred (Laura Betti, qui reviendra dans La Baie sanglante), il tombe amoureux d’un nouveau mannequin, Helen, fraîchement arrivé dans son entreprise matrimoniale. Alors qu’il continue à assassiner, la police se rapproche doucement de lui.
A la fin des années 1960, Mario Bava est comme qui dirait à un tournant de sa carrière. Agé de 54 ans au moment où le producteur espagnol Manuel Caño lui propose le scénario de Une hache pour la lune de miel, le réalisateur qui sort alors du coûteux Danger : Diabolik ! souhaite retrouver un film au budget modeste et certains de ses thèmes de prédilection. Cependant, le film déjoue les attentes dans le sens où le sang et autres effets gore sont ici absents. Une hache pour la lune de miel privilégie l’angoisse et la violence, la plupart du temps hors-champ. Quand le personnage use de son hachoir, nul plan sur la lame pénétrant la chair, où de membres sectionnés. Mario Bava laisse l’imagination du spectateur faire son travail et le résultat est aussi efficace.
Une hache pour la lune de miel est une autopsie des pulsions qui poussent un homme bien sous tous rapports à commettre les actes les plus abominables. On pense alors au célèbre Patrick Bateman inventé par Bret Easton Ellis, personnage principal et le narrateur du roman American Psycho. A ce titre, l’acteur Stephen Forsyth, dont c’est ici la dernière apparition au cinéma avant de se consacrer à la musique, est un choix idéal. Son visage figé qui renvoie aux mannequins de plastique qui environnent John Harrington dans son antre secrète, dissimule en réalité un être complètement fou et instable.
Tourné entre Barcelone, Paris et Rome, Il Rosso segno della follia agit comme une ronde étourdissante qui fait perdre pied et qui donne le vertige. Mario Bava, également directeur de la, photographie, joue également sur les distorsions de l’image – entre anamorphoses et zooms – et les sons – excellente bande originale de Sante Maria Romitelli – qui s’imbriquent. Le cinéaste démontre qu’il pouvait donc créer l’effroi et l’épouvante (avec un humour noir à froid) sans avoir recours à l’hémoglobine, uniquement par le biais de sa mise en scène, toujours stylisée, en tout point saisissante.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray d’Une hache pour la lune de miel, disponible chez ESC Editions, a été réalisé à partir d’un check disc. Le menu principal est animé et musical. Le film de Mario Bava avait disposé d’une édition en DVD (aujourd’hui épuisée) chez One Plus One en 2002. Edition collector limitée à 2 500 exemplaires. Nous trouvons également un livret de 16 pages écrit par Marc Toullec.
Sur Homepopcorn.fr, nous sommes fans de monsieur Jean-François Rauger. C’est avec un immense plaisir que nous le retrouvons ici pour une présentation d’Une hache pour la lune de miel (25’). Le directeur de la programmation à la Cinémathèque Française replace le film qui nous intéresse dans la carrière de Mario Bava. Puis, Jean-François Rauger aborde tous les aspects de cette production méconnue du maître italien, en parlant du scénario, du casting, des influences, des thèmes du film, des motifs récurrents, des partis pris et des intentions du réalisateur. Une analyse complète et pertinente.
Du coup, l’intervention de Jean-Pierre Bouyxou apparaît bien redondante, même si très sympathique (8’). Le journaliste cinéma, critique et réalisateur français encense plutôt la splendeur visuelle d’Une hache pour la lune de miel et aborde les aspects formels de ce « film singulier, anti-gore et tout en retenue ».
L’Image et le son
La première et la dernière bobine sont les plus abîmées de ce nouveau master HD. Les points, griffures, poussières, fils en bord de cadre et tâches diverses sont légion et parsèment l’écran. Heureusement, cela s’apaise durant la quasi-intégralité du long métrage, même si certaines scories demeurent. Les couleurs – si importantes chez Mario Bava – retrouvent une certaine fraîcheur, tout comme les contrastes, étonnamment denses à plusieurs reprises. Le piqué est agréable, le relief des matières est palpable et les décors baroques ne manquent pas de détails, y compris sur les séquences sombres. La texture argentique est idéalement préservée et surtout excellemment gérée.
Trois mixages au choix ! Optez pour la version anglaise, langue officielle du tournage (même si tout a été repris en post-synchronisation), dont le confort acoustique est le plus équilibré du lot, en dépit d’un léger chuintement et de craquements parasites. La piste française est la plus faible avec des dialogues lointains, tandis que la version italienne paraît artificielle avec son rendu trop élevé des dialogues.
AMOUR ET MORT DANS LE JARDIN DES DIEUX (Amore e morte nel giardino degli dei) réalisé par Sauro Scavolini, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume
Acteurs : Erika Blanc, Peter Lee Lawrence, Ezio Marano, Rosario Borelli, Orchidea de Santis, Franz von Treuberg, Vittorio Duse, Bruno Boschetti, Carla Mancini…
Scénario : Sauro Scavolini, Anna Maria Gelli
Photographie : Romano Scavolini
Musique : Giancarlo Chiaramello
Durée : 1h29
Année de sortie : 1972
LE FILM
Se rendant dans la petite ville de Spoleto, près de Pérouse, pour des travaux d’études, un ornithologue allemand s’installe dans une propriété isolée au milieu d’un parc immense, abandonnée par les derniers occupants depuis plusieurs années. Au cours d’une de ses promenades, il découvre des bandes magnétiques dissimulées derrière des buissons et entreprend de les écouter. Il entre ainsi dans l’intimité d’Azzurra, jeune femme perturbée à la sexualité déviante, qui se confie à son psychiatre. Le scientifique ignore que la découverte de ces bandes le met en danger de mort.
Quel beau titre ! Amour et mort dans le jardin des Dieux – Amore et morte nel giardino degli dei (1972) est à ce jour le premier des deux longs métrages réalisés par le metteur en scène Sauro Scavolini pour le cinéma avec Un foro nel parabrezza (1985) avec Vittorio Mezzogiorno et Mimsy Farmer. Plus connu pour son travail de scénariste – ou de dialoguiste sur La Femme infidèle de Claude Chabrol – sur des films aux titres explicites Je vais, je tire et je reviens, Creuse ta tombe Garringo, Sabata revient, Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé et le formidable Le cynique, l’infâme, le violent d’Umberto Lenzi, Sauro Scavolini s’incruste dans le cinéma d’exploitation au début des années 1970, mais privilégie la psychologie aux meurtres du giallo. Amour et mort dans le jardin des Dieux est une très belle surprise, qui n’a de cesse de déjouer les attentes du spectateur à travers une recherche fouillée des personnages, et ce du début à la fin.
Un ornithologue allemand âgé, Martin, s’installe dans une villa isolée située à l’intérieur d’un grand parc afin de mener à bien ses études sur différents oiseaux. Lors d’une promenade nocturne, il découvre par hasard des bandes magnétiques chiffonnées. Intrigué par sa découverte, il se met en tête de les nettoyer puis à les écouter grâce à son magnétophone. Il y découvre différentes séances de psychanalyse de l’ancienne propriétaire de la demeure, Azzura. En les rembobinant pour les écouter, malgré lui, le vieil homme assiste à un drame conjugal raconté par la défunte qui s’est conclu par son meurtre. Abandonnés depuis leur tendre enfance, depuis la mort de leur père en Afrique et l’absence de leur mère, Manfredi et sa sœur Azzura sont inséparables. Il s’est même tissé entre eux un lien presque incestueux où l’amour et la haine se mêlent. Mais leur proximité est perturbée lorsque Azzura épouse un célèbre pianiste, Timothy. Son frère ne supporte pas leur séparation et tente de l’oublier avec une autre femme, Viola.
Né en 1934, Sauro Scavolini, fait ses études – comme beaucoup de ses futurs confrères – au Centro sperimentale du cinematografia à Rome. Durant sa carrière, il s’associera avec le réalisateur Sergio Martino et le scénariste Ernesto Gastaldi, avec une prédilection pour le western et le thriller, sur près d’une quinzaine de films pour le cinéma et la télévision. Amour et mort dans le jardin des Dieux est son premier essai derrière la caméra et le moins que l’on puisse dire c’est que Sauro Scavolini s’en sort très bien. D’ailleurs, c’est une histoire de famille. Sauro occupe le poste de metteur en scène et de scénariste, tandis que son frère Romano est crédité en tant que directeur de la photographie et produit également le film aux côtés d’Armando Bertuccioli (La Soeur d’Ursula d’Enzo Milioni). Alors non, Amore e morte nel giardino degli dei n’est pas un giallo, mais s’inspire plutôt de Blow Upde Michelangelo Antonioni. Le réalisateur installe ses personnages troubles, avec une perversité croissante qui contraste avec la sérénité inspirée par un décor verdoyant, apaisant et luxuriant. Une fois le décor dressé, Sauro Scavolini peut lâcher ses protagonistes, dont les superbes Erika Blanc et Orchidea de Santis, qui se perdent dans une confusion des sentiments, souvent contre-nature, qui conduisent au point de non-retour dans une explosion de violence et de sang.
Les retournements de situation se tiennent sur un rythme lent mais maîtrisé, la musique de Giancarlo Chiaramello est très belle, tout comme la lumineuse photographie de Romano Scavolini. Si le cinéma d’exploitation transalpin aura accueilli moult cinéastes qui voulaient essayer d’avoir leur part du gâteau, Sauro Scavolini s’en tire haut la main et mérite une place de choix avec son Amour et mort dans le jardin des Dieux.
LE
BLU-RAY
Troisième titre de la salve du Chat qui fume éditée au mois de mars 2019, Amour et mort dans le jardin des Dieux apparaît au cinéphile déviant sous la forme d’un Digipack 3 volets avec étui cartonné liseré jaune. Un objet constitué du DVD et du Blu-ray, limité à 1000 exemplaires. Le menu principal est animé et musical.
En guise de suppléments, Le Chat qui fume nous propose deux entretiens. Le premier est une rencontre avec la comédienne Erika Blanc (20’). L’actrice de Moi, Emmanuelle, Ni Sabata, ni Trinità, moi c’est Sartana, Django arrive, préparez vos cercueils et de plus d’une centaine de titres du même acabit, revient (en français) sur la production et le tournage d’Amour et mort dans le jardin des Dieux. Erika Blanc évoque également ses études en France, ses débuts au cinéma, la direction d’acteurs de Sauro Scavolini, sa grande amitié avec son partenaire Peter Lee Lawrence. Puis, la comédienne dit être très heureuse que ces films « rejetés par l’intelligentsia et la critique italienne » soient enfin redécouverts et surtout adorés par de jeunes spectateurs, avant d’adresser un message à ses fans français.
Autre interview sur cette galette, celle d’Orchidea de Santis (27’). L’actrice du Décameron interdit partage à son tour moult anecdotes sur les conditions de tournage du film qui nous intéresse. A l’instar d’Erika Blanc, la comédienne se souvient de ses débuts au cinéma, avant d’en venir plus précisément sur le travail des frères Scavolini, les lieux de tournage et ne tarit pas d’éloges sur le producteur Armando Bertuccioli (« un homme vraiment extraordinaire »). Orchidea de Santis défend son personnage dans Amour et mort dans le jardin des Dieux, parle de ses partenaires, de son rapport à la nudité à l’écran et avoue avoir apprécié la scène d’amour avec son partenaire Peter Lee Lawrence, elle qui avait pour habitude de se retrouver à l’écran « avec des mecs laids comme des poux ».
L’interactivité
se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image
et le son
Sublime ! Quelle beauté ! Les couleurs sont éclatantes dès le premier plan avec des teintes vertes et des rouges très riches et bigarrées. Le piqué est acéré comme la lame d’un scalpel, les gros plans étonnants de précision, les détails foisonnent du début à la fin et la propreté de la copie est irréprochable. Qu’ajouter de plus ?
Seule la version originale est disponible. Les dialogues sont parfois quelque peu étouffés et un léger souffle se fait entendre. C’est néanmoins nickel et certaines scènes sont même étonnamment vives. Les sous-titres français ne sont pas verrouillés.
L’INTERNAT (Boarding School) réalisé par Boaz Yakin, disponible en DVD et Blu-ray le 18 février 2019 chez Metropolitan Vidéo
Acteurs : Luke Prael, Samantha Mathis, Will Patton, Nadia Alexander, Tammy Blanchard, Sterling Jerins, David Aaron Baker, Barbara Kingsley, Robert John Burke…
Scénario : Boaz Yakin
Photographie : Mike Simpson
Musique : Lesley Barber
Durée : 1h52
Date de sortie initiale : 2018
LE FILM
Il était une fois un garçon de 12 ans, Jacob, hanté par le souvenir d’une grand-mère qu’il n’a pas connue. Sa mère et son beau-père l’envoient se faire soigner dans une école spécialisée. L’établissement se révèle être un lieu maléfique et le terrifiant directeur leur promet une purification prochaine.
Né en 1966, Boaz Yakin possède un C.V. atypique. Né à New York de parents israéliens, il fait des études de cinéma à Los Angeles et travaille ensuite pour le compte des studios Warner Bros et United Artists. A la fin des années 1980, il signe le scénario de Punisher de Mark Goldblatt avec Dolph Lundgren dans le rôle-titre, puis celui de La Relève (quelle bombe ce film) de Clint Eastwood. Parallèlement, il passe lui-même derrière la caméra avec son premier long métrage, Fresh (1994), récompensé à Sundance, suivi en 1998 de Sonia Horowitz, l’insoumise avec Renée Zellweger. Il accepte des œuvres de commande et écrit Une nuit en enfer 2 : Le Prix du sang (1999), Dirty Dancing 2 (2004), Prince of Persia : Les Sables du temps (2010) et Insaisissables (2013), tout en continuant de réaliser ses propres films et de produire ceux de son ami Eli Roth (les deux Hostel). Le Plus Beau des combats (2000) avec Denzel Washington est son plus gros succès au box-office. Après Safe (2012) avec Jason Statham et Max (2015), Boaz Yakin revient avec un long métrage beaucoup plus personnel et intimiste, annoncé comme un film d’épouvante. L’Internat – Boarding School contient certes son lot de séquences effrayantes, mais reste avant tout un film psychologique, mystérieux, quelque peu opaque, merveilleusement photographié et interprété par des jeunes comédiens très impressionnants.
Jacob, 12 ans , souffre de cauchemars et de troubles du comportement. Suite au décès de sa grand-mère qu’il n’a jamais connue, il devient fasciné par sa présence et son passé tragique. Après l’avoir aperçu en train de danser dans une robe de la défunte, sa mère et son beau-père l’envoient donc dans un mystérieux internat perdu au milieu de la forêt, dirigé par le docteur Sherman. Le jeune homme y rencontre ses camarades marqués par des symptômes ou des pathologies diverses : l’autiste Elwood, le brûlé vif Phil, la sociopathe Christine, les jumeaux Lenny et Calvin ou encore Frederic, souffrant de maladie de Gilles de La Tourette. Leur éducation est basée sur l’étude de la Bible mais, rapidement, Jacob découvre que l’internat cache de lourds secrets lorsque Frederic est découvert mort dans son lit. Alors qu’il tente une évasion, il est aussitôt ramené dans le bâtiment où le docteur Sherman, secondé par sa femme, est chargé de faire disparaître des enfants pour le compte de leurs propres parents…
L’Internat n’est pas un film d’horreur au sens gore, mais joue avec les nerfs des spectateurs en distillant son venin, progressivement, lentement, jusqu’au malaise. La première partie étonne par ses partis pris avec des couleurs baroques signées Mike Simpson inspirées du cinéma de Mario Bava (cité d’ailleurs dans le film avec un extrait des Trois Visages de la peur), des contrastes tranchés, des noirs très sombres. Boaz Yakin ne perd pas son temps en expliquant les faits et gestes de son personnage principal, Jacob, formidablement interprété par Luke Prael, magnétique, puissant, sensible. Le spectateur adopte son point de vue, tout en acceptant que le jeune homme enfile les habits de sa grand-mère décédée. Boaz Yakin fait confiance au ressenti des spectateurs. Le spectre de la Shoah est bel et bien présent, planant sur la vie de Jacob, jeune des années 1990, comme un héritage à porter, un devoir de mémoire qu’il devra assimiler pour devenir un être entier, avant de le transmettre à son tour. Puisqu’il n’a pas connu sa grand-mère, ses vêtements, imprégnés des horreurs de la guerre dans chaque fibre, prendront « possession » de Jacob, un passé à dévoiler comme un relais à communiquer.
La violence dans l’internat est finalement rare, mais insoutenable quand elle explose. C’est le cas du suintant et génial Will Patton, terrifiant docteur Sherman, dont la véritable mission se dévoile dans la dernière partie du film. Entre-temps, Boaz Yakin et son directeur de la photographie transforme cet internat en camp mortel, sans issue pour ses pauvres pensionnaires abandonnés par leurs parents. On s’attache très rapidement à ces victimes rejetées en raison de leur maladie, de leurs défauts physiques, de leur comportement. Ces « freaks » sont bel et bien les plus humains de cet internat et les monstres ceux que nous ne soupçonnions pas.
L’internat est une véritable expérience cinématographique, un mélange des genres, en aucun cas un film d’horreur traditionnel, mais narré comme un conte macabre, une vraie fable pour adultes comme pouvaient l’être Le Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro, Quelques minutes après minuit de J.A. Bayona et La Neuvième Vie de Louis Drax d’Alexandre Aja.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de L’Internat, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est légèrement animé et musical.
Pas un seul supplément
vidéo concernant L’Internat ! Juste une bonne dizaine
de bandes-annonces de titres édités chez Metropolitan. En revanche,
très bon point pour la présence d’un livret de 28 pages,
richement illustré et comprenant une brillante analyse du film par
Nicolas Rioult, ainsi qu’un entretien avec Boaz Yakin et un bref
retour sur la carrière de ce dernier.
L’Image et le son
L’Internat doit se voir ou se revoir en Haute définition. Le piqué est affûté comme la lame d’un scalpel, les couleurs impressionnantes, les contrastes léchés, les noirs denses. Les détails sont légion à l’avant comme à l’arrière-plan, de jour comme de nuit, le relief ne cesse d’étonner et le rendu des textures est subjuguant. Le nec plus ultra pour apprécier toute la richesse de la photographie du chef opérateur Mike Simpson. Un superbe disque de démonstration.
Les versions française et anglaise sont proposées en DTS-HD Master Audio 5.1. Dans les deux cas, les dialogues y sont remarquablement exsudés par la centrale, les frontales sont saisissantes sur quelques séquences, les effets et ambiances intelligemment délivrés, les enceintes arrière instaurent constamment un environnement musical, tout comme le caisson de basses qui se mêle habilement à l’ensemble dans le dernier acte.