Test Blu-ray / Jouer avec le feu, réalisé par Delphine et Muriel Coulin

JOUER AVEC LE FEU réalisé par Delphine & Muriel Coulin, disponible en DVD & Blu-ray le 22 mai 2025 chez Ad Vitam.

Acteurs : Vincent Lindon, Benjamin Voisin, Stefan Crepon, Sophie Guillemin, Édouard Sulpice, Arnaud Rebotini, Maëlle Poesy…

Scénario : Delphine et Muriel Coulin, d’après le roman Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin

Photographie : Frédéric Noirhomme

Durée : 1h58

Date de sortie initiale : 2025

LE FILM

Pierre éduque seul ses deux fils. Louis, le cadet, réussit ses études et avance facilement dans la vie. Fus, l’aîné, part à la dérive. Fasciné par la violence et les rapports de force, il se rapproche de groupes d’extrême-droite, à l’opposé des valeurs de son père. Pierre assiste impuissant à l’emprise de ces fréquentations sur son fils. Peu à peu, l’amour cède place à l’incompréhension…

On est heureux de revoir les sœurs Coulin, Muriel, l’aînée, et Delphine, réalisatrices de 17 filles (2011) et de Voir du pays (2016), qui depuis avaient signé un documentaire, Charlotte Salomon, la jeune fille et la vie, peintre allemande qui, entre 1940 et 1942, a peint plus de 1300 tableaux mêlant peinture, textes et musiques, avant de disparaître à Auschwitz à 26 ans. Elles reviennent à la fiction avec Jouer avec le feu, adaptation du roman de Laurent Petitmangin, Ce qu’il faut de nuit, publié en 2020, qui se penche sur la cellule familiale qui implose quand l’un des fils se met à fréquenter un groupe de jeunes ultras d’extrême-droite. Avec ce troisième long-métrage, Muriel et Delphine Coulin s’inscrivent définitivement dans le cercle des grandes réalisatrices de ces quinze dernières années. Jouer avec le feu impose une fois de plus un univers qui leur est propre, personnel, engagé, fiévreux, qui fait vibrer le spectateur à travers un sujet d’actualité, de société, en trouvant là encore ce parfait équilibre entre film d’auteur et divertissement populaire. Immense réussite.

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Test Blu-ray / Pour l’exemple, réalisé par Joseph Losey

POUR L’EXEMPLE (King & Country) réalisé par Joseph Losey, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 22 avril 2025 chez Tamasa Distribution.

Acteurs : Dirk Bogarde, Tom Coutenay, Leo McKern, Barry Foster, Peter Copley, James Villiers, Jeremy Spenser, Barry Justice…

Scénario : Evan Jones, d’après la pièce de John Wilson

Photographie : Denys N. Coop

Musique : Larry Adler

Durée : 1h23

Date de sortie initiale : 1964

LE FILM

En 1917, le soldat Hamp est traduit en cour martiale pour avoir déserté le front pendant quelques heures. Son avocat, l’éloquent capitaine Hargreaves, tente d’enrayer la terrible mécanique d’une justice militaire décidée à faire, de ce cas, un exemple…

On n’a pas le temps de faire ça dans les règles !

La filmographie de Joseph Losey (1909-1984) est sans doute l’une des plus passionnantes de l’histoire du cinéma. Les éditeurs français ont très souvent mis en avant ses longs-métrages, ses plus célèbres (Le Messager, Mr Klein, Accident, Cérémonie secrète, Eva, Le Rôdeur, The Servant) comme les plus méconnus (L’Assassinat de Trotsky, La Bête s’éveille, The Criminal, Les Damnés) et on en oublie forcément. Pour l’exempleKing & Country fait assurément partie de la seconde catégorie et ce malgré la présence au générique de Dirk Bogarde, avec lequel le cinéaste tournera à cinq reprises. Ce film de guerre et de procès sort un an après The Servant, qui avait été un immense succès et valu le BAFTA au comédien. Une décennie après leur première association, le tandem Losey-Bogarde se réunit pour un drame intimiste, confidentiel on pourrait dire, inspiré par la pièce de théâtre Hamp, écrite par John Wilson, que le réalisateur ne trouvait pas bonne d’ailleurs, qui était elle-même tirée d’une nouvelle de James L. Hodson. C’est Evan Jones, qui avait déjà bossé avec Joseph Losey sur Eva et Les Damnés, qui se charge de cette transposition au cinéma et l’on y retrouve la rigueur, ainsi que la sécheresse qui marqueront plus tard son scénario de Réveil dans la terreurWake in Fright (1971) de Ted Kotcheff. Sous son aspect austère, Joseph Losey enferme ses personnages et donc le public dans les tranchées, les englue dans la boue, au milieu des rats et sous la pluie diluvienne, pour évoquer non seulement l’enfer dans lequel sont plongés les soldats au quotidien, mais aussi dans celui que vit le personnage merveilleusement incarné par Tom Courtenay. Pour l’exemple est un modèle de tous les instants, une leçon de montage, d’interprétation, d’écriture (certaines répliques annoncent même le premier épisode de Rambo) de mise en scène (virtuose), de concision. On en ressort exténué, mais aussi bouleversé, scandalisé par ce qui s’est joué. La force de l’histoire n’est pas sans annoncer celle d’Outrages Casualties of War (1989) et Redacted (2009) de Brian De Palma. C’est dire le caractère indispensable de ce chef d’oeuvre humaniste et antimilitariste.

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Test Blu-ray / Will Penny, le solitaire, réalisé par Tom Gries

WILL PENNY, LE SOLITAIRE (Will Penny) réalisé par Tom Gries, disponible en DVD & Combo Blu-ray + DVD + Livre le 15 novembre 2024 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Charlton Heston, Joan Hackett, Donald Pleasence, Lee Majors, Bruce Dern, Ben Johnson, Slim Pickens, Clifton James…

Scénario : Tom Gries

Photographie : Lucien Ballard

Musique : David Raksin

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 1967

LE FILM

Will Penny, cowboy sur le retour, se voit confier la surveillance d’un troupeau pour l’hiver. En prenant possession de sa hutte, il la trouve occupée par Catherine et Horace, une femme et son jeune fils, abandonnés par leur guide alors qu’ils entendaient rejoindre leur mari et père. Isolés par la neige, ils pensent devoir cohabiter pendant les mois d’hiver. Mais une bande de rôdeurs à la recherche de Will va contrarier l’idylle naissante entre Will et Catherine.

À juste titre, Will Penny, le solitaire, ou tout simplement Will Penny, est l’un des meilleurs westerns américains des années 1960 et par ailleurs le film que Charlton Heston citait comme étant celui qu’il préférait dans son illustre carrière. À la fin des années 1960, le western américain classique est pour ainsi dire mort, l’Italie ayant repris le flambeau en l’arrangeant à sa sauce et en y intégrant entre autres une violence alors retenue par les studios hollywoodiens. Tom Gries (1922-1977) est connu pour son travail de scénariste, touchant à tous les genres et signant moult histoires pour diverses séries B. Essentiellement à la télévision, Tom Gries se spécialise aussi dans le western et commence à passer derrière la caméra sur une quantité astronomique de séries. Désormais âgé de 45 ans, il pense à nouveau au grand écran et envisage de mettre en scène une histoire qu’il a écrite seul, celle de Will Penny, le solitaire, que l’on conseille à Charlton Heston. Celui-ci, emballé, souhaite un réalisateur de renom, mais Tom Gries reste intraitable, s’il vend son scénario à la Paramount, il sera aussi celui aux manettes. La star, alors entre Khartoum de Basil Dearden et La Planète des singes Planet of the Apes de Franklin J. Schaffner, rencontre Tom Gries et se laisse facilement convaincre. Il ne regrettera jamais son choix, citant tout le reste de sa vie que Will Penny, le solitaire restera son film favori. Ce western annonce le Nouvel Hollywood, sur le point de naître, offre à Charlton Heston un de ses plus beaux rôles et plonge le spectateur dans un Ouest Américain authentique, qui sent la crasse, le froid, la sueur, qui n’a rien de glamour ou de romanesque, mais qui broie les êtres et où la loi de la jungle laisse les moins préparés sur le bas-côté. Un chef d’oeuvre.

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Test DVD / Le Choix, réalisé par Gilles Bourdos

LE CHOIX réalisé par Gilles Bourdos, disponible en DVD le 12 mars 2025 chez UGC.

Acteurs : Vincent Lindon, Emmanuelle Devos, Micha Lescot, Pascale Arbillot, Grégory Gadebois, Cédric Kahn, Milo Machado Graner, Solan Machado Graner…

Scénario : Michel Spinosa, d’après le film et le scénario de Steven Knight (Locke)

Photographie : Ping Bin Lee

Durée : 1h17

Date de sortie initiale : 2024

LE FILM

Joseph Cross ressemble à son métier. Solide comme du béton. Marié, deux enfants, son existence est parfaitement organisée. Pourtant cette nuit, seul au volant, il doit prendre une décision qui peut ruiner sa vie.

Alors celui-là, on ne l’a pas vu venir ! En effet, Le Choix est le remake de Locke, sorti en 2013, réalisé par Steven Knight, avec Tom Hardy enfermé dans sa voiture pendant 80 minutes. À la barre de ce remake français, Gilles Bourdos, connu pour le superbe Renoir (2012), dans lequel Michel Bouquet incarnait l’illustre peintre impressionniste. Nous n’avions plus de nouvelles du cinéaste depuis Espèces menacées, sorti en 2017, qui réunissait un casting de luxe (Alice Isaaz, Vincent Rottiers, Grégory Gadebois…). À peine 8500 spectateurs (oui oui) s’étaient déplacés dans les salles il y a dix ans pour découvrir le monolithique Tom Hardy grogner dans sa bagnole. Pour Le Choix, Gilles Bourdos n’aura guère attiré les foules de son côté avec seulement 41.000 entrées au compteur. Celles et ceux qui auront déjà vu Locke pourront trouver le temps long, puisqu’il s’agit quasiment d’un plagiat plan par plan (à quelques exceptions près) du film de Steven Knight, qui participe à cette aventure en tant que producteur. Le scénariste, auteur de Dirty Pretty Things et Les Promesses de l’ombre, faisait fi d’un budget réduit (1,5 million de dollars) et n’avait tourné que pendant sept nuits consécutives. On imagine que les conditions de prises de vues étaient plus ou moins similaires pour Le Choix, qui repose donc ici entièrement sur les épaules carrées de Vincent Lindon, qui s’avère bien plus convaincant que son (surestimé, et on persiste à le dire) confrère britannique. C’est une curiosité, peu dispensable pour les spectateurs qui ont Locke en tête, et, malgré la prestation toujours aussi magnétique de Vincent Lindon, qui risque de décontenancer les autres.

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Test Blu-ray / The Ship that Died of Shame, réalisé par Basil Dearden

LE BATEAU QUI MOURUT DE HONTE (The Night my Number Came Up) réalisé par Basil Dearden, disponible en Combo Blu-ray + DVD depuis le 14 janvier 2025 chez Tamasa Distribution.

Acteurs : Richard Attenborough, George Baker, Bill Owen, Virginia McKenna, Roland Culver, Bernard Lee, Ralph Truman, John Chandos, Harold Goodwin, John Longden…

Scénario : John Whiting, Michael Relph & Basil Dearden, d’après une nouvelle de Nicholas Monsarrat

Photographie : Gordon Dines

Musique : William Alwyn

Durée : 1h32

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Après s’être illustré par sa bravoure pendant la Seconde Guerre mondiale, l’équipage du canonnier 1087 de la Royal Navy décide de remettre le navire à flots pour se lancer dans la contrebande. Alors que les cargaisons deviennent de plus en plus suspicieuses, le bateau semble refuser son nouvel et humiliant emploi.

S’il y a un réalisateur britannique auquel devraient s’intéresser les cinéphiles, c’est bien Basil Searden (1911-1971). Nous avons déjà parlé de ce cinéaste à travers nos chroniques consacrées à Khartoum, Au coeur de la nuit (pour lequel il signait le sketch intitulé Le Cocher de corbillard – Hearse Driver, ainsi que celui dit « de liaison ») et Un si noble tueur The Gentle Gunman. Un nom emblématique des studios Ealing. C’est toujours un immense plaisir de mettre la main sur une œuvre méconnue, devenue invisible depuis longtemps et devant laquelle on redécouvre sans cesse la virtuosité d’un metteur en scène. C’est encore le cas avec Le Bateau qui mourut de honte The Ship That Died of Shame, sorti en 1955, alors que le cinéma anglais connaît une crise sans précédent. Cet opus est le vingtième et antépénultième emballé par Basil Dearden pour le compte des Ealing Studios et sans doute l’un des plus étonnants, avec lequel son auteur retrouve une petite veine fantastique déjà exploitée dans le sensationnel Au coeur de la nuit. Également scénariste et producteur, Basil Dearden dirige de merveilleux comédiens et convoque le spectre de la Seconde Guerre mondiale, en se focalisant sur une poignée d’anciens combattants, dont l’âme est restée à bord de leur navire, en pleine mer, qu’ils ont arpenté plusieurs années pour faire face à l’ennemi. Le retour à la « vie normale » est pour ainsi dire impossible, mais il faut bien vivre et continuer à avancer puisqu’ils n’ont pas sombré dans les flots. Comme le hasard fait bien (ou mal) les choses, ces vétérans vont se retrouver quelques années plus tard et remonter à bord de leur ancien navire de guerre, reconverti en bâtiment destiné à la contrebande. Le Bateau qui mourut de honte est comme qui dirait un huis clos à ciel ouvert, où les personnages semblent avoir été enfermés à jamais sous cloche avec leur bateau. La violence jusqu’alors contenue, ainsi que les règlements de comptes vont alors exploser. Grande découverte que ce The Ship That Died of Shame.

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Test Blu-ray / Heretic, réalisé par Scott Beck & Bryan Woods

HERETIC réalisé par Scott Beck & Bryan Woods, disponible en DVD & Blu-ray le 9 avril 2025 chez Le Pacte.

Acteurs : Hugh Grant, Sophie Thatcher, Chloe East, Topher Grace, Elle Young…

Scénario : Scott Beck & Bryan Woods

Photographie : Chung Chung-hoon

Musique : Chris Bacon

Durée : 1h51

Date de sortie initiale : 2024

LE FILM

Deux jeunes missionnaires de l’église mormone d’une petite ville du Colorado font du porte à porte dans l’espoir de convertir les habitants. Le soir venu, après une journée infructueuse, elles décident de frapper à la porte d’une maison isolée. C’est le charmant Mr Reed qui les y accueille. Mais très vite, les jeunes femmes réalisent qu’elles sont tombées dans un piège. La maison est un véritable labyrinthe où elles ne pourront compter que sur leur ingéniosité et leur intelligence pour rester en vie…

Moonlight de Barry Jenkins, Mise à mort du cerf sacré The Killing of a Sacred Deer de Yórgos Lánthimos, 90’s Mid90s de Jonah Hill, The Lighthouse de Robert Eggers, Midsommar d’Ari Aster, Everything Everywhere All at Once de Daniel Kwan et Daniel Scheinert, The Whale de Darren Aronofsky, La Zone d’intérêt The Zone of Interest de Jonathan Glazer, pour ne citer que ceux-là, sortent tous de la même écurie, celle de la société indépendante de production et distribution A24. Un logo devenu un signe de qualité. Le dernier film en provenance du studio est Heretic, mis en scène par Scott Beck et Bryan Woods, plus connus pour leur travail de scénariste sur les deux premiers volets de la désormais franchise Sans un bruit et qui comme réalisateurs avaient signé entre autres 65 – La Terre d’avant avec Adam Driver. Le tandem revient au thriller d’horreur et offre à Hugh Grant probablement l’un des meilleurs rôles de sa carrière. Tout en affichant le même sourire (en plus carnassier ceci dit) qui ravageait les coeurs dans les années 1990, le comédien, désormais âgé de 64 ans, affiche une patine qui lui sied à ravir et a l’air de prendre un malin plaisir à jouer les psychopathes, bien décidé à jouer avec les nerfs de deux jeunes femmes qui voulaient juste tailler le bout de gras et prêcher la bonne parole avec lui. Huis clos, survival, Heretic est autant un thriller qu’un drame psychologique, merveilleusement écrit, prenant, formidablement emballé et magistralement interprété par un trio d’acteurs quasi-seuls en piste et qui se renvoient la balle avec virtuosité. Un des immanquables de 2024, très justement récompensé par un beau succès critique et commercial avec près de 60 millions de dollars de recette dans le monde entier pour une mise de départ de dix millions.

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Test 4K UHD / Joker: Folie à deux, réalisé par Todd Phillips

JOKER: FOLIE À DEUX réalisé par Todd Phillips, disponible en DVD, Blu-ray & 4K UHD le 12 février 2025 chez Warner Bros.

Acteurs : Joaquin Phoenix, Lady Gaga, Brendan Gleeson, Catherine Keener, Zazie Beetz, Ken Leung, Harry Lawtey, Steve Coogan…

Scénario : Todd Phillips & Scott Silver

Photographie : Lawrence Sher

Musique : Hildur Guðnadóttir

Durée : 2h18

Date de sortie initiale : 2024

LE FILM

À quelques jours de son procès pour les crimes commis sous les traits du Joker, Arthur Fleck rencontre le grand amour et se trouve entraîné dans une folie à deux.

«Joker est un film indépendant, autonome, qui se suffit à lui-même ». C’est ce qu’on avait entendu à sa sortie en 2019…Seulement voilà, Joker a rapporté plus d’un milliard de dollars, le Lion d’Or à Venise, tandis que Joaquin Phoenix repartait lui avec le Golden Globe, le Screen Actors Guild Awards, le British Academy Film Awards, sans oublier l’Oscar du meilleur acteur. Cinq ans plus tard, voilà que débarque dans les salles Joker : Folie à deux, du même Todd Phillips, avec évidemment le même comédien en tête d’affiche. Et c’est un cas d’étude. Pourquoi ? Parce que cette séquelle (le mot est tellement approprié) est fondamentalement anti-commerciale, quand bien même celui-ci a coûté quatre fois plus que le précédent, soit environ 200 millions de dollars. Comme si Todd Phillips avait été lui-même dépassé par le triomphe et l’événement rencontrés par Joker premier du nom, le metteur en scène décide purement et simplement de régler ses comptes, notamment à l’encontre de celles et ceux qui « encensaient » les actes du personnage et qui ne s’intéressaient pas forcément à ses troubles psychiques, un peu comme les midinettes qui défendaient Joe Goldberg dans la série You, sous prétexte qu’il était beau gosse. Joker : Folie à deux n’est pas une antithèse du premier, pas même une suite, mais un épilogue de 140 minutes de Joker. AUCUNE scène spectaculaire ne se démarque ici, puisque Todd Phillips se contente essentiellement d’être dans la tête dérangée d’Arthur Fleck, alors que son procès se déroule devant les caméras et donc devant les yeux du monde entier. C’est alors qu’apparaît Lee Quinzel, qui va tout faire pour que Joker « réapparaisse »…Joker : Folie à deux ne méritait absolument pas la volée de bois vert qui l’a accompagné aussi bien du côté de la critique que du public. Maintenant, on peut comprendre que tout le monde a pu être décontenancé et sans doute déçu, surtout que le tandem Joaquin Phoenix-Lady Gaga promettait du lourd. Mais les intentions et les partis-pris de Todd Phillips ont laissé tout le monde sur le bas-côté et le film n’a même pas pu rembourser son budget colossal. Il faudra du temps pour apprécier Joker : Folie à deux à sa juste valeur, œuvre qui ne saurait être vue « seule ». En y pensant, il faut désormais envisager Joker et Joker : Folie à deux comme un seul et même long-métrage de 4h30. Sans doute la meilleure façon d’appréhender ce faux diptyque.

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Test Blu-ray / La Femme au portrait, réalisé par Fritz Lang

LA FEMME AU PORTRAIT (The Woman in the Window) réalisé par Fritz Lang, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 26 février 2025 chez Rimini Éditions.

Acteurs : Edward G. Robinson, Joan Bennett, Raymond Massey, Edmund Breon, Dan Duryea, Thomas E. Jackson, Dorothy Peterson, Arthur Loft…

Scénario : Nunnally Johnson, d’après le roman J.H. Wallis

Photographie : Milton R. Krasner

Musique : Arthur Lange

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1944

LE FILM

Un soir, en sortant de son club, le professeur Wanley rencontre la jeune fille, Alice, dont le portrait dans la vitrine voisine le fascinait depuis longtemps. Invité par elle, ce dernier se trouve en présence d’un inconnu qui s’en prend à Alice puis à lui. Wanley, en état de légitime violence, est obligé de le poignarder.

La Femme au portrait The Woman in the Window est comme qui dirait le film qui a redonné confiance à Fritz Lang, qui cumulait les échecs publics ou les déceptions au box-office, à l’instar des Bourreaux meurent aussi. Ce très grand succès critique et commercial reste d’ailleurs une merveille technique, passionnante à analyser pour les spécialistes, mais aussi et surtout une tragédie ironique servie par de formidables comédiens. Edward G. Robinson excellait déjà dans le contre-emploi chez Lloyd Bacon pour Un meurtre sans importanceA Slight Case of Murder, comédie hilarante de 1938. Loin de son image de dur à cuire et de salaud éternel (Key Largo, 1948), l’acteur livre une performance sensationnelle où son personnage, un type naïf et chaleureux, devient meurtrier malgré lui. Joan Bennett et Dan Duryea sont à ses côtés, parfaits de vanité, antipathiques et odieux. La Femme au portrait est un enchaînement fatal de situations, un engrenage implacable où tous les protagonistes sont aliénés dans leur passion, leurs mensonges et leurs illusions. Le malaise s’accentue, les ombres prennent le pas sur la lumière, les personnages se réfugient dans l’obscurité, le clignotement intermittent des néons renvoyant à leur conflit interne quand ils perdent leurs repères. Le film devient alors violent, pris d’une démence physique et mentale inexorable. Pour le cinéaste allemand, aucun meurtrier ne peut échapper à son crime. Mais nous sommes au cinéma et le final réserve une surprise supplémentaire, pouvant changer le sort et donc le destin des protagonistes de cette histoire. Angoissant, machiavélique et plastiquement irréprochable, La Femme au portrait, qui contient déjà des éléments liés à la psychanalyse, sujet qui passionne le réalisateur et qui n’aura de cesse d’y revenir encore, se voit et se redécouvre avec un plaisir aussi immense qu’intact.

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Test 4K Ultra-HD / Les Yeux sans visage, réalisé par Georges Franju

LES YEUX SANS VISAGE réalisé par Georges Franju, disponible en Combo 4K Ultra HD & Blu-ray, et en Box Ultra Collector limitée – 4K Ultra HD + Blu-ray + Livre chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Pierre Brasseur, Alida Valli, Édith Scob, Juliette Mayniel, Alexandre Rignault, Béatrice Altariba, Claude Brasseur, Michel Etcheverry, Yvette Etiévant, René Génin, Lucien Hubert, Marcel Pérès, François Guérin…

Scénario : Pierre Boileau, Thomas Narcejac, Jean Redon, Claude Sautet & Pierre Gascar, d’après le roman de Jean Redon

Photographie : Eugen Schüfftan

Musique : Maurice Jarre

Durée : 1h30

Date de sortie initiale : 1959

LE FILM

Le Docteur Génessier, chirurgien renommé et spécialiste des greffes de la peau, retient prisonnière sa fille Christiane, défigurée à la suite d’un grave accident de voiture. Louise, son assistante, qui lui est totalement dévouée, sert de rabatteuse et ramène à Génessier des jeunes femmes qui seront sacrifiées dans son laboratoire dissimulé dans une vaste propriété, isolée en banlieue parisienne. Mais la découverte de l’une des victimes, dans une rivière, déclenche une enquête de police. Après plusieurs échecs ayant entraîné une nécrose de la peau, le chirurgien parviendra-t-il à redonner enfin un visage à Christiane ?

C’est une œuvre matricielle, qui n’a eu de cesse d’inspirer les réalisateurs et qui reste d’ailleurs encore une source de création pour de nombreux cinéastes. Les Yeux sans visage est le second long-métrage de Georges Franju, son film le plus connu et le plus prisé des cinéphiles, ainsi que la deuxième association entre le metteur en scène et Pierre Brasseur, quelques mois seulement après La Tête contre les murs. Alors que le comédien interprétait précédemment un inquiétant directeur d’asile psychiatrique, il incarne ici un chirurgien de renom, spécialisé dans les greffes de peau et la régénérescence cellulaire. Le monstre du film, c’est bien lui, un être froid, glacial, peu loquace, Prométhée moderne, qui à l’instar du docteur Frankenstein, va (re)créer le visage défiguré de sa fille victime d’un accident, créature qui finira par lui échapper. D’après un scénario signé Boileau et Narcejac (Sueurs froides, Les Diaboliques), avec la collaboration de Georges Franju et de Claude Sautet (également assistant réalisateur), adapté d’un roman de Jean Redon, Les Yeux sans visage est une pierre fondatrice du cinéma d’épouvante international, dont on ne compte plus les admirateurs, de Pedro Almodóvar (La Piel que habito) à John Woo (Volte/Face), en passant par Leos Carax (Holy Motors) et George Romero (Bruiser). Un modèle de mise en scène, aussi magistrale qu’épurée, un mètre-étalon, une référence ultime, un vrai film culte.

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Test Blu-ray / Anatomie de l’enfer, réalisé par Catherine Breillat

ANATOMIE DE L’ENFER réalisé par Catherine Breillat, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Amira Casar, Rocco Siffredi, Alexandre Belin, Manuel Taglang, Jacques Monge, Claudio Carvalho, Carolina Lopes, Diego Rodrigues…

Scénario : Catherine Breillat, d’après son roman Pornocratie

Photographie : Giorgos Arvanitis & Guillaume Schiffman

Musique : D’Julz

Durée : 1h17

Date de sortie initiale : 2004

LE FILM

Au bord de l’ennui, une femme seule et déprimée paie un homosexuel pour qu’il se joigne à elle pour une exploration audacieuse de la sexualité qui durera quatre jours et au cours de laquelle tous deux rejetteront toutes les conventions et briseront toutes les frontières, enfermés à l’écart de la société dans un domaine isolé. Ce n’est qu’en affrontant les aspects les plus inavouables de leur sexualité que l’homme et la femme parviendront à une compréhension pure de la façon dont les sexes se perçoivent l’un l’autre.

Anatomie de l’enfer est le dixième long-métrage de Catherine Breillat et sa seconde collaboration avec Rocco Siffredi, cinq ans après Romance, avec lequel la star du porno faisait ses premiers dans le cinéma dit « traditionnel ». La réalisatrice profite du charisme indéniable de sa tête de bite d’affiche et lui offre un rôle étonnant, évidemment à mille lieues de ce qu’il exécute habitetuellement (décidément), avec lequel il prouve une fois de plus un vrai talent dramatique. Le pari était pourtant risqué, d’autant plus qu’il donne la (douloureuse) réplique à Amira Casar, comédienne éclectique, aussi à l’aise chez Thomas Gilou (les trois premiers volets de La Vérité si je mens!) que chez Anne Fontaine (Comment j’ai tué mon père). Celle-ci commençait à prendre un virage dans sa carrière, se tournant de plus en plus vers le cinéma d’auteur (Carlos Saura, Gaël Morel, les frères Larrieu), Anatomie de l’enfer marquant définitivement un carrefour, une rupture dans sa filmographie. On pourra cette fois encore reprocher à la cinéaste un côté hermétique de certains dialogues (« La fragilité des chairs féminines impose le dégoût et la brutalité »), partis-pris qui pourront faire rire de nombreux spectateurs peu habitués à l’univers de Catherine Breillat, mais aussi cette mauvaise habitude de montrer du doigt les hommes qui salissent tout ce qu’ils touchent, les femmes en particulier et même en premier lieu. Mais Anatomie de l’enfer, film à la durée ramassée (1h15 montre en main) parvient sans mal à créer un état d’hypnose, un engourdissement (pour ne pas une dire une léthargie pour certains), pour que l’on puisse aller au bout de cette « expérience » menée à la fois par la réalisatrice, mais aussi de ses personnages-marionnettes.

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