Test Blu-ray / Un homme à genoux, réalisé par Damiano Damiani

UN HOMME À GENOUX (Un uomo in ginocchio) réalisé par Damiano Damiani, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 1er octobre 2024 chez Artus Films.

Acteurs : Giuliano Gemma, Eleonora Giorgi, Michele Placido, Tano Cimarosa, Ettore Manni, Luciano Catenacci, Nello Pazzafini, Fabrizio Forte…

Scénario : Damiano Damiani & Nicola Badalucco

Photographie : Ennio Guarnieri

Musique : Franco Mannino

Durée : 1h46

Date de sortie initiale : 1979

LE FILM

Sorti de prison, Nino, un petit truand sans envergure, a décidé de se ranger. Mais quand il se rend compte que, dans son quartier, rôde un tueur à gages, il est convaincu d’en être la cible. Il va devoir renouer avec son passé criminel pour faire face à ce danger.

Goodbye & Amen, Comment tuer un juge, Nous sommes tous en liberté provisoire, La Mafia fait la loi, Amityville II – Le Possédé, Confession d’un commissaire de police au procureur de la République, El Chuncho, Seule contre la mafia…on pourrait continuer encore longtemps comme ça. Autant de titres qui font vibrer le cinéphile féru de cinéma italien et tous imputables à un réalisateur, Damiano Damiani (1922-2013). Un uomo in ginocchio, traduit littéralement en français par Un homme à genoux pour sa sortie en DVD et Blu-ray dans nos contrées en 2024, était alors inédit dans notre pays, probablement en raison de son important échec de l’autre côté des Alpes. Pourtant, de l’aveu même de son auteur, il s’agissait peut-être de son film le plus personnel, ou tout du moins l’un de ses préférés. Merveilleusement incarné par l’immense Giuliano Gemma, Un homme à genoux est le long-métrage qui clôt les années 1970 pour le cinéaste et on ne peut pas dire qu’il se montre optimiste quant à la nouvelle décennie qui s’annonce. Fondamentalement sombre et alarmiste, profondément mélancolique, inquiet, triste, Un uomo in ginocchio rend compte d’un monde qui s’est arrêté de tourner pour la plupart des petites gens en Sicile, qui (sur)vivent comme ils le peuvent, quitte à tomber dans la criminalité. C’est le cas pour Nino, repris de justice, libéré pour bonne conduite après deux années de prison, après avoir été arrêté pour vol de voitures. Marié, deux enfants, Nino est placé en liberté conditionnelle et a misé le peu d’argent qu’il avait avec son épouse dans un petit kiosque. Comme le destin s’acharne souvent, le petit débit de boissons est situé en face d’un entrepôt à poissons où s’est récemment déroulé le rapt de la femme d’un avocat de renom et lié à la mafia. Soupçonné d’avoir été mêlé à cette affaire, Nino est condamné à mort par des mafieux qui le soupçonnent d’avoir fait partie du kidnapping. C’est donc seul contre tous que Nino va tenter de s’innocenter…Sur un scénario aussi virtuose que labyrinthique coécrit par Damiano Damiani et Nicola Badalucco (Black Journal de Mauro Bolognini, Mort à Venise et Les Damnés de Luchino Visconti), Un homme à genoux prend aux tripes du début à la fin, embarque le spectateur dans la spirale infernale dans laquelle est plongé malgré lui le personnage principal, une réaction en chaîne dont on ne connaît jamais réellement quel est le premier maillon, ni le dernier. Une magistrale démonstration de force d’un réalisateur au sommet de son art pour un chef d’oeuvre à découvrir enfin en France dans une copie restaurée 4K grâce aux bons soins d’Artus Films.

Nino, ancien petit truand bien décidé à marcher désormais dans le droit chemin, se rend compte qu’il a été pris pour cible par un tueur à gage chevronné. Associé bien malgré lui à une affaire criminelle qui le dépasse, le pauvre bougre va devoir renouer avec la débrouillardise qui avait fait sa réputation de criminel pour espérer échapper aux rouages d’une revanche impitoyable qui ne fait pas dans le détail…

Quand le générique de fin apparaît, on reste sans voix, la langue sèche, un arrière-goût de fer dans la gorge. Damiano Damiani place ses deux personnages principaux dans un décor boueux noyé dans la brume et quasi-désert, loin de tout, où chacun hésite à supprimer à l’autre, avant qu’un « incident » arrive. Dans Un homme à genoux, Nino (Giuliano Gemma) et Antonio (Michele Placido) viennent du même milieu. Ils ont connu la prison, ont une famille à charge et ont accepté de faire quelques bricoles pour d’autres, moyennant finance. Comme les pions placés sur un même échiquier, Nino et Antonio vont se retrouver face à face, se confronter, collaborer aussi, avant le duel final. Mais avant cela, Damiano Damiani évoque la mafia omniprésente à Palerme, dont les rues sales et crasseuses (qui le sont toujours d’ailleurs plus de quarante ans après) sont dirigées par des « autorités » qui laissent à leurs subalternes le soin d’exécuter les basses œuvres.

Alors qu’il a monté sa petite affaire et qu’il vient enfin de quitter un appartement miteux (dont l’insalubrité a rendu sa fille malade) où les rats n’étaient pas rares, Nino est lié à une affaire qui le dépasse, à laquelle il ne comprend pas forcément grand-chose, sauf que son existence est en péril. Giuliano Gemma a toujours été parfait pour camper les mecs de tous les jours, les paumés au grand coeur, les costauds au pied d’argile, comme il l’était également dans les rôles bas-ass. Dans Un homme à genoux, on le retrouve dans un rôle proche de celui qu’il incarnait dans Un vrai crime d’amourDelitto d’amore (1974) de Luigi Comencini, un type du peuple, qui sent la rue, qui la connaît, qui l’a arpenté et qui connaît les moindres recoins de sa ville. Il est une fois de plus extraordinaire ici et Damiani le fera à nouveau tourner l’année suivante dans L’Avvertimento.

Michele Placido est aussi impeccable dans le rôle du suintant Antonio Platamonte. Entre L’Affaire de la fille au pyjama jauneLa Ragazza dal pigiama giallo de Flavio Mogherini et Le PréIl Prato des frères Taviani, l’acteur, alors second rôle récurrent et indispensable du cinéma italien, livre une sacrée prestation, à la fois complexe, ambiguë, un salopard qui a ses raisons. Mentionnons aussi la belle présence d’Eleonora Giorgi (Inferno de Dario Argento, Fellini Roma, Les Féroces de Romolo Guerrieri), celle de Tano Cimarosa (La Guerre des gangs d’Umberto Lenzi) dans la peau du bouleversant Sebastiano Colicchia, la trogne géniale de Luciano Catenacci (Échec au gang, Pair & Impair, Opération peur), pour ne citer que ceux-là.

Avec sa caméra portée qui insuffle cette fois encore un réalisme, un aspect documentaire et pris sur le vif au milieu des passants, Damiano Damiani signe un thriller dramatique redoutablement immersif, étouffant, où il ne semble y avoir aucune échappatoire pour ses protagonistes. Un vrai et exceptionnel diamant noir.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

En mai 2023, nous avions eu la chance et l’honneur de vous disséquer le coffret Justice . Politique . Corruption – La Trilogie de Damiano Damiani : Nous sommes tous en liberté provisoire + Comment tuer un juge + Goodbye & Amen, sorti chez Artus Films. Octobre 2024, l’éditeur continue d’explorer l’oeuvre de cet immense cinéaste, en proposant Un homme à genoux, disponible en Combo Blu-ray + DVD, chef d’oeuvre inédit au cinéma en France (à l’exception d’une projection à la Cinémathèque), jamais sorti en VHS et encore moins en DVD. Cette rareté est désormais à portée de main. Les deux disques reposent dans un luxueux Digipack à deux volets, glissé dans un fourreau cartonné très élégant. Le menu principal est fixe et musical. Notons que d’autres films avec Giuliano Gemma sont dispos par Artus Films, Selle d’argent de Lucio Fulci, California de Michele Lupo, Mort ou vif…de préférence mort, Un pistolet pour Ringo et Le Retour de Ringo de Duccio Tessari, Texas et Le Dernier jour de la colère de Tonino Valerii, Les Longs jours de la violence de Florestano Vancini et Hercule contre les fils du soleil d’Osvaldo Civirani.

En plus d’un minuscule Diaporama d’affiches et de photos d’exploitation, ainsi que de bande-annonce, nous ne trouvons qu’une présentation de Curd Ridel pour nous sustenter (27’). Une intervention peu inspirée il est vrai, d’autant plus que comme l’invité récurent d’Artus le dit lui-même, le portrait de Damiano Damiani a déjà été dressé par ses soins dans le coffret sorti l’année dernière. Par conséquent, comme il ne propose pas d’analyse d’Un homme à genoux, Curd Ridel passe en revue le casting, en se focalisant cette fois plus sur Michele Placido. On aurait vraiment aimé une dissection du film de Damiani…

L’Image et le son

Artus Films récupère le master récemment restauré 4K d’Un homme à genoux, réalisée à partir du négatif original, alors que le fourreau annonce un master 2K restauré. Quelques griffures sont étonnamment passées à travers les mailles du filet de ce lifting. Cela est notamment visible au moment où Nino vole la Jaguar devant la banque. Hormis cela, ainsi qu’une gestion parfois aléatoire de la texture argentique originale (heureusement préservée ceci dit), le master HD ne déçoit pas et offre même un beau confort pour découvrir cette perle oubliée et quasi-inédite de Damiano Damiani. Les couleurs, sombres, froides, hivernales, sont excellemment bien rendues, la copie est stable, les détails appréciables, les contrastes solides. Blu-ray au format 1080p.

Propre et dynamique, le mixage italien unique (le film n’a jamais été doublé en français) ne fait certes pas d’esbroufe inutile mais restitue parfaitement les dialogues du film et laisse une jolie place à la musique de Franco Mannino. Aucun souffle, ni de craquement, c’est nickel. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Artus Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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