ORGUEIL ET PASSION (The Pride and the Passion) réalisé par Stanley Kramer, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 7 décembre 2023 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Cary Grant, Frank Sinatra, Sophia Loren, Theodore Bikel, John Wengraf, Jay Novello, José Nieto, Carlos Larrañaga…
Scénario : Edna Anhalt & Edward Anhalt, d’après le roman The Gun, de C.S. Forester
Photographie : Franz Planer
Musique : George Antheil
Durée : 2h12
Date de sortie initiale : 1957
LE FILM
Après avoir saisi un canon à longue portée, Miguel, guerrier espagnol, prévoit d’attaquer l’armée de Napoléon en abattant les murs de la ville d’Avila occupée par l’armée française. Mais pour y parvenir, il doit compter sur l’aide du Capitaine Trumbell, un officier britannique. Mais, s’ils sont alliés sur le champ de bataille, Trumbell et Miguel sont ennemis dans la guerre qu’ils se livrent pour gagner le coeur de la sulfureuse Juana…
Producteur indépendant acclamé (Le Champion, C’étaient des hommes, le Cyrano de Bergerac de Michael Gordon, L’Homme à l’affût, L’Équipée sauvage), Stanley Kramer (1913-2001) décide de passer lui-même derrière la caméra en 1955 avec Pour que vivent les hommes – Not as a Stranger. Aussi ambitieux que lorsqu’il officiait avec d’autres réalisateurs, il jette son dévolu sur le roman de Cecil Scott Forester (auteur de L’Odyssée de l’African Queen et de Capitaine sans peur), Le Canon – The Gun, publié en 1933, dans le but d’en faire un grand spectacle hollywoodien, mais aussi un pamphlet contre la guerre. Malheureusement, le scénario coécrit par Edna (Panique dans la rue, Sierra) et Edward Anhalt (L’Étrangleur de Boston, 7 secondes en enfer, Boeing Boeing), couple alors en instance de divorce, n’est pas à la hauteur des aspirations du cinéaste, qui devra commencer les prises de vue sans véritable script. Résultat des courses, Orgueil et Passion apparaît comme une succession ininterrompue de scènes de batailles, de rebondissements « hénaurmes » et de vagabondages des personnages, qui ne savent pas quoi faire, en dehors du transport de leur canon encombrant (on ne parle pas de Sophia Loren ici) et d’affronter les français qu’ils rencontrent sur le chemin. Même si The Pride and the Passion n’a rien à voir avec les intentions originales de Stanley Kramer, le divertissement est on ne peut plus généreux, de qualité et superbe à regarder.
Année 1810. Depuis de longs mois, les armées napoléoniennes se battent contre les Espagnols, dont l’allié anglais envoie sur place le capitaine Anthony Trumbull, avec la mission de s’emparer d’un gigantesque et puissant canon abandonné par l’ennemi. Tandis que la guerre gagne encore en intensité, Trumbull rencontre Miguel, le chef de la guérilla, ainsi que sa maîtresse Juana. En dépit de leur rivalité amoureuse et de stratégies différentes, deux hommes se dressent courageusement contre les Français, leur arrachent le canon et libèrent la cité d’Avila.
Quelle affiche ! Cary Grant (alors entre La Main au collet d’Alfred Hitchcock et Indiscret de Stanley Donen), Sophia Loren (qui tentait une carrière américaine) et Frank Sinatra (qui multipliait les propositions au cinéma), à la tête d’une superproduction internationale, tournée quasi-intégralement en Espagne (à l’exception des scènes de rue) et en VistaVision ! Oui, mais non. Le trio star ne fait pas les étincelles attendues et ce en raison d’un des gros bémols du film en la personne de l’interprète de Fly me to the Moon, dont on ne croit pas une seconde au personnage et dont le manque de charisme fait pâle figure à côté du comédien britannique. Si ce dernier a déjà été bien plus inspiré et probablement plus impliqué (il reniera d’ailleurs le film en disant qu’il s’agissait d’une de ses pires prestations), il n’en demeure pas moins d’une classe folle et se fond parfaitement dans les magnifiques décors naturels où Stanley Kramer a planté son énorme caméra.
Certes Frank Sinatra reste falot du début à la fin, mais le duo Cary Grant-Sophia Loren fonctionne parfaitement, apparemment même en dehors des plateaux et la comédienne italienne est particulièrement calda, ou plutôt caliente puisque celle-ci incarne une espagnole pure et dure, allant même jusqu’à exécuter un tango des plus hots, qui ne laisse aucun mâle alpha indifférent. Tout ce beau monde déambule dans la campagne de l’autre côté des Pyrénées, élégamment photographiée par Franz Planer, mythique chef opérateur de Diamants sur canapé, La Rumeur, Le Vent de la plaine, Les Grands espaces et bien d’autres. Rien à redire non plus sur la composition de George Antheil (Sirocco, Les Ruelles du malheur, Tokyo Joe, House by the River), imposante, même si fonctionnelle, même chose concernant le montage qui se contente d’aligner les plans impressionnants avec sa dizaine de milliers de figurants, et ce dès la séquence inaugurale, après le beau générique signé Saul Bass.
Orgueil et Passion ne reflète sans doute qu’une once du projet initial de Stanley Kramer, qui s’avère finalement un divertissement de haute volée, très efficace, soigné sur la forme et qui ne laisse pas un moment de répit aux spectateurs.
LE BLU-RAY
Quasiment vingt ans après sa première édition en DVD chez MGM/United Artists, Orgueil et Passion réapparaît dans les bacs en édition Standard, mais aussi pour la première fois en Blu-ray dans un combo. Très beau visuel. Menu principal animé et musical.
Durant un petit quart d’heure, l’indéboulonnable Patrick Brion nous présente Orgueil et Passion. Il indique que Stanley Kramer réalisateur n’a jamais eu très bonne presse dans nos contrées (« On a été injuste envers Stanley Kramer »), avant d’aborder rapidement le film qui nous intéresse, en pointant les mauvais points (les trois acteurs principaux qui manquent d’alchimie, l’absence de scénario), mais aussi les bons (les moyens conséquents qui se voient à l’écran, l’action quasiment ininterrompue, la beauté des paysages naturels). Si Patrick Brion, qui cite certains propos négatifs de Stanley Kramer sur son propre long-métrage, annonce que le résultat final n’est donc pas le film que le réalisateur souhaitait faire, il n’en reste pas moins selon-lui un grand spectacle.
Nous trouvons ensuite un long documentaire d’une heure sur Archibald Alexander Leach, dit Cary Grant (1904-1986), intitulé Cary Grant: A Celebration of a Leading Man (1988). Une rétrospective de la vie et de la carrière de l’acteur britannique, comprenant des extraits de ses films et des entretiens avec ses amis et collègues. Parmi les intervenants, citons Stanley Kramer, Stanley Donen, Leslie Caron, Richard Brooks et Deborah Kerr. En revanche, les commentaires sont surmontés d’une voix-off française, sauf sur les scènes tirées des longs-métrages ou sur les interventions de Cary Grant. Intéressant, mais rien ne démarque ce module d’autres que nous avons déjà peu voir ici et là dans une interactivité précédente, à l’instar de Cary Grant: A Class Apart (2004) de Robert Trachtenberg, présent sur l’édition collector d’Arsenic et vieilles dentelles.
Si la Bande-annonce est un bonus à part entière, on préférera oublier le pseudo-supplément sur le tournage du film, qui suit pendant dix minutes une assistante travaillant sur Orgueil et Passion, qui en dehors d’une furtive apparition des acteurs, se contente de parler des lieux où ont été réalisées les prises de vue.
L’Image et le son
Le spectacle est de mise avec un VistaVision qui peut se montrer chatoyant et un cadre permettant de profiter d’une impressionnante profondeur de champ. Ce master restauré (mais vraisemblablement daté) offre souvent de jolies images. Les contrastes au début du film ne sont guère fameux, avec des fourmillements fugaces, un piqué émoussé et un grain prononcé ou bien étrangement totalement lissé. La copie demeure honorable, même si des poussières et des rayures subsistent. Définition aléatoire cependant. Blu-ray au format 1080p.
La version originale mise sur l’ardeur de la musique, très présente, surtout durant la très longue séquence de l’assaut final. Aucun souffle constaté et les dialogues sont continuellement énergiques. Le mixage anglais s’avère plus équilibré que la version française également disponible, sur laquelle les voix des personnages prend souvent le pas sur le reste. Ces deux options permettent de visionner le film dans les meilleures conditions possibles même si la version originale demeure incontournable afin de profiter de l’accent des interprètes principaux. Sous-titres français non imposés.