Test Blu-ray / 7 secondes en enfer, réalisé par John Sturges

7 SECONDES EN ENFER (Hour of the Gun) réalisé par John Sturges, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 1er juillet 2022 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : James Garner, Jason Robards, Robert Ryan, Albert Salmi, Charles Aidman, Steve Ihnat, Michael Tolan, William Windom.…

Scénario : Edward Anhalt

Photographie : Lucien Ballard

Musique : Jerry Goldsmith

Durée : 1h41

Date de sortie initiale: 1967

LE FILM

Tombstone, 1881. Le marshal Wyatt Earp et son allié, le joueur de poker Doc Holliday, sortent victorieux du règlement de compte à O.K. Corral. Une victoire qui, au premier, laisse un goût amer, son frère ayant été tué par l’un des membres du clan tenu d’une main de fer par Ike Clanton. Ivre de vengeance, le marshal entreprend aussitôt une expédition punitive, accompagné d’un Doc Holliday aussi désabusé que gravement malade…

Il y a eu Randolph Scott dans L’Aigle des frontières Frontier Marshal (1939) d’Allan Dwan, Henry Fonda dans La Poursuite infernale My darling Clementine (1946) de John Ford, Will Geer dans Winchester 73 (1950) d’Anthony Mann et surtout Burt Lancaster dans Règlements de comptes à O.K. Corral Gunfight at O.K. Corral (1957) de John Sturges (1910-1992). Ils ont tous campé Wyatt Earp au cinéma, au même titre plus tard que Kevin Costner, Kurt Russell, mais on en oublie volontairement, car la liste ne saurait être exhaustive. Outre John Ford, qui reprendra le personnage dans Les Cheyennes Cheyenne Autumn (1964) sous les traits de James Stewart, mais dans une apparition secondaire, le réalisateur revient à Wyatt Earp dans 7 secondes en enfer Hour of the gun, dix ans après Règlements de comptes à O.K. Corral, en reprenant le récit là où il s’était arrêté, autrement dit après l’affrontement de Wyatt Earp, accompagné de ses hommes (dont Doc Holliday) face au clan Clanton. Mais le western a changé en une décennie, John Sturges l’a bien compris et il entreprend 7 secondes en enfer avec pour intention de respecter les faits tels qu’ils se sont déroulés, en privilégiant la psychologie aux gunfights à outrance, en se focalisant sur la personnalité trouble et foncièrement ambiguë de Wyatt Earp, loin d’être glorifié ici et apparaissant même comme un type sur le point de basculer dans la folie, profitant de sa condition de marshal pour couvrir ses activités illégales et pour assouvir une vengeance personnelle. Le légendaire metteur en scène de Fort Bravo Escape from Fort Bravo (1953), Un homme est passé Bad Day at Black Rock (1954), des Sept Mercenaires The Magnificent Seven (1960) et de La Grande Évasion The Great Escape (1963) laisse de côté toute idée romantique ou romanesque du personnage (aucune romance ici, car aucune femme au générique), filme la violence de façon sèche et brutale et contre toute attente, 7 secondes en enfer prend l’allure d’un vrai film de gangsters et annonce même les films de mafieux où tous les coups sont permis entre les deux clans rivaux, qui ont ici comme particularité d’avoir la loi de leur côté. Histoire passionnante, réalisation carrée, interprétation de grande classe (James Garner en Wyatt Earp, Jason Robards en Doc Holliday, Robert Ryan en Ike Clanton) et score démentiel de Jerry Goldsmith, n’en jetez plus, c’est trop de bonheur !

L’histoire débute par la fusillade d’O.K. Corral. Wyatt Earp, ses frères Morgan et Virgil, accompagnés par Doc Holliday, affrontent le clan des Clanton, voleurs de bétail qui tiennent la ville de Tombstone à leur merci. Seul rescapé, Ike Clanton jure de se venger, tandis que Doc Holliday et ses compagnons sont jugés et innocentés des meurtres des Clanton. Après avoir réduit Virgil Earp à l’état d’infirme, Ike élimine également Morgan, avant de se lancer sur les traces de Wyatt. Ivre de vengeance, celui-ci est nommé shérif de Tombstone et s’allie à Doc Holliday pour affronter Ike. Mais Doc tombe soudainement malade…

Une poignée de plans, quatorze pour être exact, replonge immédiatement les spectateurs dans les rues de Tombstone, quelques secondes avant l’affrontement à O.K. Corral. Les comédiens ont changé, exit Burt Lancaster et Kirk Douglas entre autres, mais le face à face sera identique, ou presque, beaucoup plus écourté. Ce qui importe dans le film de John Sturges, ce sont les événements qui auront lieu tout de suite après. En infériorité numérique mais déterminés, le marshal adjoint de Tombstone Wyatt Earp, son frère aîné Virgil, alors actuel marshal, son jeune frère Morgan, agent spécial rattaché à la police de Tombstone et son allié Doc Holliday, nommé lui aussi officier et qui a d’ailleurs reçu un insigne à cette occasion, affrontent et tirent sur les membres du clan Clanton, au cours d’une violente et très rapide fusillade à l’O.K. Corral. Ike Clanton, qui n’a pas participé à tuerie (alors qu’il y rendait l’âme dans le film précédent), conspire pour que les Earp soient accusés de meurtre et jugés par un tribunal. Mais ceux-ci en réchappent et sont innocentés. Virgil se présente pour être réélu en tant que marshal de Tombstone, mais pris dans une embuscade montée par des mercenaires de Clanton, il est agressé, salement touché et devient invalide. Morgan choisit de se présenter aux élections à la place de son frère, mais il est assassiné le jour des élections, juste après avoir gagné. Tout en accompagnant Virgil et sa famille en Californie pour leur sécurité, Wyatt déjoue une nouvelle tentative d’embuscade orchestrée par Clanton. Une nomination comme marshal fédéral lui donne alors le pouvoir de poursuivre les autres tueurs impliqués dans les attaques contre ses frères. Doc Holliday, éternel joueur qui a lui-même été plus d’une fois du mauvais côté de la loi, se rallie à Wyatt et se met à rassembler un groupe pour soutenir leur poursuite. Les hommes localisent Pete Spence, « Curly » Bill Brocius (Jon Voight à ses débuts) et Andy Warshaw. Cependant, dans chaque cas, Earp manipule les circonstances pour que sa cible prenne les armes plutôt que de simplement se rendre, permettant ainsi à Wyatt de les tuer « légalement » au lieu de les arrêter. Holliday, qui a très bien compris la vendetta personnelle de Earp, tente de le rappeler à l’ordre, mais la tuberculose dont il est gravement atteint reprend le dessus et le conduit dans un sanatorium du Colorado…Mais Wyatt Earp n’en a pas fini avec Clanton, qui s’est échappé au Mexique et qu’il compte bien retrouver.

7 secondes en enfer est un immense western, magistralement incarné par des acteurs en état de grâce, par James Garner, qui retrouvait John Sturges quatre ans après La Grande évasion, parfait en Wyatt Earp au regard vide et timbré, par Jason Robards, exceptionnel en Doc Holliday (malgré son âge qui ne correspond pas du tout), qui avait fait ses débuts au cinéma chez le réalisateur en 1961 dans Par l’amour possédé By Love Possessed, et Robert Ryan, suintant de suffisance comme un vrai politicien et impeccable dans la peau de Ike Clanton. John Sturges et son scénariste Edward Anhalt (Jeremiah Johnson, L’Étrangleur de Boston, Boeing Boeing, L’Homme à l’affût, Le Temps du châtiment) ne sont pas là pour célébrer la personne et faire reluire la légende de Wyatt Earp, mais désirent rendre compte du véritable enchaînement des faits tels qu’ils se sont passés (on nous le présente ainsi durant les credits en ouverture), même si le final a été changé pour aller dans le sens de la vengeance aveugle et obsessionnelle de Wyatt Earp.

Rétrospectivement, si les deux films sont sortis en 1967 sur les écrans américains, 7 secondes en enfer suit la représentation de la brutalité teintée d’hémoglobine représentée par Bonnie and Clyde d’Arthur Penn, comme s’il était temps désormais de montrer aux spectateurs qu’un duel ou une tuerie à l’arme à feu n’a rien de glorieux. Dans Hour of the Gun, on tue froidement, sans ciller, à bout portant (la scène de la gare est assez dingue), les hommes sont des machines à tuer qui ne seraient rien sans la pétoire au bout de leur bras, la violence engendre la violence et les meurtres sont de plus en plus pervers. Plus dure sera la chute pourrait-on dire et Wyatt Earp, après son « coup d’éclat » à O.K. Corral, n’aura de cesse de sombrer petit à petit dans l’éternelle loi du talion, sans penser aux nouvelles conséquences ou aux risques qu’il court ou fait endurer à ceux qui l’ont rejoint. La psyché perturbée du personnage principal est sans cesse reflétée par la composition innovante dans le genre signée Jerry Goldsmith, qui à la même époque venait d’enchaîner L’Opération diabolique Seconds de John Frankenheimer, La Canonnière du Yang-Tsé – The Sand Pebbles de Robert Wise et préparait le thème de La Planète des singes Planet of the Apes de Franklin J. Schaffner. C’est sur la bande-originale que démarre7 secondes en enfer, dans un fondu en noir, alors que Earp et sa bande se dirigent vers O.K. Corral. Une composante essentielle à la réussite de 7 secondes en enfer, au même titre que la superbe photographie de Lucien Ballard, illustre chef opérateur du Roi et Quatre Reines de Raoul Walsh, Le Solitaire de Fort Humboldt de Tom Gries, Les 4 Fils de Katie Elder de Henry Hathaway, L’Aventurier du Texas de Budd Boetticher, Baïonnette au canon de Samuel Fuller et bien d’autres.

7 secondes en enfer apparaît donc comme une œuvre quasi-expérimentale pour le cinéaste, qui revient à la même histoire que Règlements de comptes à O.K. Corral, mais en changeant son angle de vue, ses intentions, ses partis-pris, comme les deux côtés d’une même pièce. Il n’est évidemment pas interdit de préférer le premier « opus », mais il serait dommage de bouder cette « suite » sans doute moins « prestigieuse » (car désenchantée), qui s’est d’ailleurs soldée par un échec au box-office, mais qui n’en reste pas moins épatante.

LE BLU-RAY

En France, 7 secondes en enfer a toujours fait partie du catalogue Sidonis Calysta et ce depuis 2008, année de la première édition en DVD du film de John Sturges. Il sera ensuite réédité en 2010 dans un nouveau packaging, avant de connaître un lifting en juillet 2022 en DVD et Combo Blu-ray + DVD dans la collection Silver. Le menu principal est animé et musical.

Sidonis reprend l’intervention de Bertrand Tavernier et de Patrick Brion, enregistrées en 2008. Le premier, qu’est ce qu’il nous manque, revient pendant un peu plus de 40 minutes sur ce film qu’il aimait énormément et qu’il considérait comme l’un des meilleurs de John Sturges, même si l’un de ses plus méconnus selon-lui et qu’il trouvait supérieur à Règlements de comptes à O.K. Corral. Dans un premier temps, Tatav abordait la carrière et le talent de John Sturges, avant d’en venir plus précisément sur 7 secondes en enfer, en croisant à la fois le fond et la forme. Sont ainsi passés en revue les véritables événements d’O.K. Corral (Tavernier y évoque James Lee Burke, puits de science sur le sujet avec lequel il a longtemps conversé), la figure de Wyatt Earp dans le western, la psychologie des personnages, la photographie, l’absence de romantisme dans la façon de filmer les protagonistes et même les décors, la musique de Jerry Goldsmith (« d’une invention et d’une richesse de chaque instant »). Il pointe aussi les grandes différences avec Règlements de comptes à O.K. Corral, rapproche parfois le film de Heat de Michael Mann, met en relief la géométrie de la mise en scène, dès la scène d’exposition, encense la prestation de James Garner (« un acteur sous-estimé, ici d’une sobriété et d’une élégance remarquables »), tout en louant aussi la prestation de Robert Ryan et de Jason Robards.

De son côté, Patrick Brion (8’) a eu un peu de mal à passionner son auditoire, puisque le peu d’arguments avancés l’étaient précédemment et de façon plus détaillée par Bertrand Tavernier.

Dans un bonus inédit, Jean-François Giré donne lui aussi son avis sur 7 secondes en enfer (21’). Cette intervention est plaisante, Jean-François Giré se souvenant par exemple de sa découverte du film de John Sturges à sa sortie en 1968, qui lui avait laissé un « souvenir impérissable ». La place de Hour of the gun dans la filmographie conséquente de John Sturges, la psychologie des personnages, la musique de Jerry Goldsmith, la mise en scène « géométrique », les différences avec Règlements de comptes à O.K. Corral, le casting, la photographie de Lucien Ballard, la version avec Kevin Costner (« qui mérite d’être redécouverte ») et celle de George Pan Cosmatos (« très intéressante aussi ») sont autant de sujets inscrits au cours de ce supplément.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce originale.

L’Image et le son

Le master HD présenté semble avoir déjà quelques heures de vol, si l’on en juge par la présence rayures verticales, de baisses de la définition, de diverses variations chromatiques et de plans plus flous. Néanmoins, cette copie n’est pas déshonorante, loin de là même, le cadre large (enfin respecté) étant par exemple riche en détails, les fondus enchaînés stables et n’entraînant pas de décrochages. L’ensemble est sans doute un peu trop doux, le piqué aléatoire et la profondeur de champ décevante, tout comme la texture argentique qui paraît bien trop lissée pour être naturelle, mais on va dire que ça passe. Blu-ray au format 1080p.

Malgré la réussite du doublage français, privilégiez évidemment la version originale, plus dynamique et équilibrée que son homologue, notamment en ce qui concerne la délivrance des dialogues et de la musique de Jerry Goldsmith. La piste française est efficace dans son genre, même si les voix y sont plus couvertes, tout comme les effets annexes. L’éditeur a quand même mis le paquet en proposant deux pistes DTS-HD Master audio Mono 2.0 bien nettoyées. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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