Test DVD / Yannick, réalisé par Quentin Dupieux

YANNICK réalisé par Quentin Dupieux, disponible en DVD et Blu-ray le 5 décembre 2023 chez Diaphana.

Acteurs : Raphaël Quenard, Pio Marmaï, Blanche Gardin, Sébastien Chassagne, Agnès Hurstel, Jean-Paul Solal, Laurent Nicolas, Mustapha Abourachid…

Scénario : Quentin Dupieux

Photographie : Quentin Dupieux

Musique : Emahoy Tsegué-Maryam Guèbrou

Durée : 1h04

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

En pleine représentation de la pièce « Le Cocu », un très mauvais boulevard, Yannick se lève et interrompt le spectacle pour reprendre la soirée en main…

Le desperado du cinéma français (oui, il n’y a pas que Jean-Pierre Mocky) est de retour et revient cette fois là où on ne l’attendait pas, au théâtre, filmé, qui en fait n’est pas du théâtre filmé, mais bel et bien un film très court (à peine une heure) qui se déroule aux Bouffes Parisiens (les vrais parigos reconnaîtront en fait le Dejazet), un soir, alors que trois comédiens s’époumonent, gesticulent et parlent fort sur scène pendant qu’ils récitent leur texte du Cocu devant quelques spectateurs dispersés dans la salle. Quand d’un coup, un homme prénommé Yannick se lève et commence à s’en prendre sur la qualité du « spectacle » qu’on est en train de lui imposer, en déclarant que la pièce lui donne un bourdon monstre, alors qu’il souhaitait oublier ses soucis du quotidien. La situation dégénère quand le dénommé Yannick sort un flingue et entreprend d’écrire une nouvelle pièce pour les acteurs…Yannick est un film-surprise, que personne n’attendait (le tournage a d’ailleurs été tenu secret), sorti le 2 août 2023 et qui allait attirer près d’un demi-million de spectateurs, le plus grand succès de son réalisateur Quentin Dupieux, plus de quinze ans après ses débuts au cinéma. Soit l’un des films les plus rentables de l’année. Tourné en à peine une semaine, dans l’ordre chronologique, avec une poignée de figurants, Pio Marmaï, Blanche Gardin et Sébastien Chassagne en haut de l’affiche, Yannick est aussi une masterclass de la grande révélation de l’année, en la personne de Raphaël Quenard. Avec ses prestations très remarquées dans les exceptionnels Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand et Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry, sans compter ses participations à Jeanne du Barry de Maïwenn, Sentinelle d’Hugo Benamozig et David Caviglioli et Sur la branche de Marie Garel Weiss, Raphaël Quenard a explosé littéralement en 2023 et il serait inenvisageable qu’il ne soit pas récompensé aux Césars l’année prochaine. Yannick une expérience cinématographique indispensable.

Avant de le revoir dans L’Amour ouf de Gilles Lellouche, l’un des films les plus attendus de 2024 dans lequel il donnera la réplique à François Civil, Adèle Exarchopoulos, Benoît Poelvoorde, Alain Chabat, Vincent Lacoste, Karim Leklou et bien d’autres, Raphaël Quenard retrouve donc Quentin Dupieux, avec lequel il avait déjà travaillé sur Mandibules et Fumer fait tousser. Si ses partenaires sont formidables, surtout Pio Marmaï qui n’a probablement jamais été aussi bon lors de la scène du « craquage », Raphaël Quenard s’impose par son charisme magnétique, sa voix singulière et sa capacité à passer du mec attachant au cinglé flippant en une fraction de seconde.

Le réalisateur de Steak, Rubber, Wrong Cops, Au poste !, Le Daim et autres fantaisies inclassables, pose ses deux caméras, mise sur la simplicité de son dispositif, autrement dit capturer les corps et les visages de ses protagonistes via un cadre 1.33, avant de lancer Yannick dans l’arène (à moitié vide), un gardien de nuit vivant à Melun, qui explique aux trois acteurs qu’il trouve la pièce mauvaise et qu’elle n’arrive pas à lui faire oublier ses problèmes. Les comédiens, ainsi que certaines personnes du public, demandent à Yannick de sortir de la salle s’il est mécontent, au point que Paul descende de la scène et insiste avec beaucoup d’agressivité qu’il prenne la porte. Alors qu’il prend son manteau au vestiaire, Yannick entend des rires venir de la salle. Les acteurs, encore un peu surpris par la situation qui vient de se dérouler, se moquent de Yannick, avant de reprendre la représentation. Sauf que Yannick revient en colère, cette fois armé d’un revolver, et prend la salle en otage. Yannick demande ensuite à l’un des spectateurs présents dans la salle, un employé de bureau, de lui prêter son ordinateur portable afin d’écrire une nouvelle pièce qui sera bien meilleure que Le Cocu selon lui. Alors qu’il a énormément de mal à savoir comment fonctionne un ordinateur, il arrive tout de même à écrire sa pièce. Tandis que les acteurs, toujours sous la menace, apprennent le nouveau script, Yannick en profite pour sympathiser tant bien que mal avec les spectateurs, encore sous le choc de la situation. Sophie élabore un plan et demande à Paul de prendre l’arme de Yannick.

Les répliques s’enchaînent à vitesse grand V, Quentin Dupieux se réinvente en se lâchant sans filet dans un projet fou, sans forcément une ambition commerciale, du moins évidente, met l’individu au centre de son récit et retrouve une empathie qui avait pu lui manquer sur certains de ses derniers opus. En donnant ainsi la parole à Yannick, le réalisateur offre une tribune aux spectateurs lassés qu’on leur serve toujours la même soupe, avec des recettes identiques, usées jusqu’à l’os à moelle qui prend trop de place dans l’assiette creuse pour dissimuler le vide qu’elle contient en réalité. Raphaël Quenard fascine, car sa particularité évidente devient instantanément celle d’un quidam quelconque (ou d’un intermittent à bonnet péruvien qui parasite une cérémonie qui serait évincé hors-caméra), qui aurait eu les coui*les de dire à voix haute ce que beaucoup pensent tout bas. Dans ce cas-là, que pourrait-il se passer ? Voici la réponse qu’on attendait.

LE BLU-RAY

Après son grand succès dans les salles, Yannick débarque en DVD et Blu-ray chez Diaphana. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche (détournée) d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

Le premier supplément est un entretien avec Raphaël Quenard et Quentin Dupieux (23’). Le réalisateur s’exprime sur la genèse du film (« l’envie de faire un truc tous les deux, sans personne, sans pognon, dénudé de toutes les contraintes du cinéma […] à partir d’une idée radicale […] faire un anti-film »), les conditions de tournage (6 jours dans un théâtre parisien avec des figurants qui ne savaient pas du tout ce qui allait se passer). Raphaël Quenard parle quant à lui des répétitions avant les prises de vue, de la psychologie de son personnage et du travail avec Quentin Dupieux, avec lequel il avait déjà collaboré.

Nous trouvons ensuite un commentaire audio totalement décomplexé de Quentin Dupieux. Celui-ci indique d’emblée qu’il n’a rien préparé et qu’il espère ne pas être ennuyeux. Qu’il soit rassuré, le réalisateur est un hôte plus que sympathique, qui livre son lot d’informations intéressantes du début à la fin. Certains propos font écho à ceux entendus dans l’interview précédente, notamment en ce qui concerne les conditions des prises de vue et le boulot avec les acteurs, mais principalement les arguments sont complétés et revoir Yannick en bonne compagnie ne se refuse pas. Quentin Dupieux déclare entre autres ici avoir « voulu trouver une nouvelle forme d’immersion en temps réel, en tournant dans la continuité ». Il est également dithyrambique sur les acteurs, en particulier sur Raphaël Quenard « à qui je demandais des petits trucs d’émotion et qui m’a donné un truc immense ».

L’interactivité se clôt sur trois teasers et un module de cinq minutes dévoilant les répétitions des comédiens avec le Quentin Dupieux.

L’Image et le son

L’image de Yannick ne déçoit pas. Le piqué est soigné, la clarté de mise, le cadre 1.33 offre un lot conséquent de détails et la colorimétrie est habilement restituée. Les contrastes sont denses, les intérieurs agréablement feutrés, et malgré un sensible bruit vidéo et des moirages, les meilleures conditions techniques sont réunies et la définition est exemplaire.

Le mixage Dolby Digital 5.1 parvient à créer une sensible spatialisation. Certes, la balance frontales-latérales profite surtout à la musique (rare) mais quelques ambiances naturelles parviennent à percer. Les voix sont claires et distinctes et le confort acoustique solide. L’éditeur joint également une piste Stéréo, une autre en Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants.

Crédits images : © Diaphana / Copyright ATELIER DE PRODUCTION/CHI-FOU-MI PRODUCTIONS/QUENTIN DUPIEUX 2023 / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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