LE CAVALIER DE LA MORT (Man in the Saddle) réalisé par André De Toth, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD + Livret le 7 avril 2023 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Randolph Scott, Joan Leslie, Ellen Drew, Alexander Knox, Richard Rober, John Russell, Alfonso Bedoya, Guinn ‘Big Boy’ Williams…
Scénario : Kenneth Gamet, d’après une nouvelle d’Ernest Haycox
Photographie : Charles Lawton Jr.
Musique : George Duning
Durée : 1h27
Date de sortie initiale : 1951
LE FILM
Owen Merritt, petit propriétaire d’un ranch, se fait voler la femme qu’il aime par un important propriétaire terrien, Will Isham. Mais quand celui-ci apprend que c’est un mariage d’intérêt, il décide de se débarrasser définitivement de celui qui reste son rival. Merritt ne réagit pas, jusqu’au jour où ses deux amis et associés sont assassinés par l’homme de main de Isham.
Le comédien Randolph Scott et le réalisateur André de Toth auront collaboré à six reprises, entre 1951 et 1954. Six westerns, Le Cavalier de la mort – Man in the Saddle, Les Conquérants de Carson City – Carson City, Les Massacreurs du Texas – The Stranger Wore a Gun, La Trahison du capitaine Porter – Thunder Over the Plains, Le Cavalier traqué – ‘Riding Shotgun et Terreur à l’Ouest – The Bounty Hunter. Nous avons déjà passé en revue ce corpus à travers les chroniques du quatrième et de l’avant-dernier opus, nul besoin d’épiloguer, vous savez ce qui vous reste à faire pour en savoir plus. Nous pourrons aller droit au but en disant que cette première association, Le Cavalier de la mort donc, est un formidable divertissement, qui sous ses allures de série B, est en fait un spectacle ambitieux, merveilleusement mis en scène, tendu, à la fois pur western et histoire d’amour contrariée, qui a pour particularité de se dérouler essentiellement de nuit (un gunfight se passe même dans un saloon plongé dans le noir total), du moins une très grande partie du film. Randolph Scott a peu à faire pour s’imposer, son charisme fonctionne et l’acteur se permet même de n’apparaître qu’en pointillés dans le premier acte, en laissant à ses camarades l’occasion de briller, à l’instar de la magnifique Joan Leslie et l’excellent Richard Rober, qui campe un génial salaud habile de la gâchette. Avec son scénario simple, mais recherché et qui exploite toutes ses idées, allié à la virtuosité d’un cinéaste de renom (le final dans la tempête et la poussière est à se damner, tout comme la bagarre au pied des cascades), Le Cavalier de la mort est un western – pas dénué d’humour au passage – qui contentera encore et toujours les amateurs du genre.
Laurie Bidwell est amoureuse d’Owen Merritt, un petit agriculteur et éleveur. Mais, rêvant de mener la belle vie, elle choisit d’épouser Will Isham, un riche et puissant propriétaire de ranch, voisin d’Owen. Nan Melotte, l’enseignant du village et un ami d’Owen, prévient alors ce dernier qu’Isham est un homme extrêmement jaloux, capable de violences contre qui se dresse contre sa volonté d’expansion de ses terres et qu’il doit s’en méfier. Un jour, Isham organise une fusillade pour intimider son rival. Mais les choses tournent mal, et Owen est blessé. Le petit agriculteur n’a alors plus d’autre choix que d’employer les mêmes méthodes que son ennemi s’il veut venir à bout de lui. C’est alors qu’Isham engage des tueurs à gages pour supprimer Owen…
Les nouvelles et romans d’Ernest Haycox ont inspiré le western comme La Diligence vers l’Ouest de Gordon Douglas, Le Passage du canyon de Jacques Tourneur, Pacific Express de Cecil B. DeMille et bien sûr La Chevauchée fantastique de John Ford. André de Toth et son scénariste Kennet Gamet (Dix hommes à abattre, Les Diables de Guadalcanal, Les Tigres volants) s’emparent de ce court récit pour signer un film rapide, concis, sans gras, sec, qui va droit à l’essentiel, tout en s’intéressant à la psychologie des personnages et en offrant aux spectateurs ce qu’ils sont venus chercher, de l’action et des règlements de comptes. Le Cavalier de la mort bénéficie aussi d’un atout majeur en la personne de Charles Lawton Jr., éminent directeur de la photographie qui compte à son actif Lutte sans merci, La Dernière fanfare, Le Salaire de la violence, L’Homme de l’Arizona, Le Destin est au tournant, Le Relais de l’or maudit, Tokyo Joe, L’Homme de nulle part. Si celui-ci a recours au procédé de la nuit américaine, les nombreuses séquences nocturnes sont superbes (gros travail sur les ombres) et participent à l’atmosphère étrange qui se dégage de Man in the Saddle, dont la chanson-titre s’avère d’ailleurs particulièrement entêtante.
Randolph Scott est comme bien souvent impérial en bloc de granit qui s’érode, tout en force tranquille, mais c’est sa partenaire Joan Leslie qui tire son épingle du jeu dans le rôle de Laurie, prise entre deux feux, devant choisir entre ce que lui dicte son coeur et ses ambitions personnelles. La comédienne qui avait tourné pour George Cukor, William A. Wellman, Leo McCarey, Frank Borzage, Alfred Hitchcock, Raoul Walsh et Howard Hawks (excusez du peu) compose un personnage de femme forte assez rare dans le western au début des années 1950. On peut citer l’autre actrice du film, Ellen Drew (La Peine du talion, L’Heure du crime, Place aux jeunes), renversante dans la peau de Nan, amoureuse d’Owen, qui l’aidera à se remettre sur pied, lui sauvera la vie aussi par la même occasion, qui se mettra de côté pour laisser celui dont elle est éprise rejoindre l’objet de son affection. Si Richard Rober (Le Grand attentat d’Anthony Mann) est impeccable dans le style salaud suintant, celui campé par Alexander Knox (Holocaust 2000, Khartoum, Les Vikings, Europe 51) manque d’épaisseur, mais cela convient au personnage, que Laurie a épousé dans le but unique de s’élever socialement, non pas pour sa personne.
Rétrospectivement, le cycle Scott/De Toth n’atteindra jamais celui dit Ranown, qui désigne les sept associations entre le réalisateur Budd Boetticher et l’acteur, mais il n’en reste pas moins bien au-dessus du tout-venant et redécouvrir ces « petits » westerns est toujours un grand plaisir pour les cinéphiles.
LE BLU-RAY
2005, Le Cavalier de la mort sort dans les bacs en DVD chez Sony Pictures. Depuis, plus aucune nouvelle. Jusqu’à ce que le film d’André De Toth soit repêché par Sidonis Calysta, qui le propose désormais en édition Standard, ainsi qu’en Combo Blu-ray + DVD dans la collection Silver. Le menu principal est animé et musical.
Tout d’abord, Sidonis reprend l’intervention d’Edward Buscombe, déjà vue sur le Blu-ray de Dix hommes à abattre (17’). L’auteur spécialiste du western dresse un formidable portrait de Randolph Scott, expliquant en parallèle pourquoi il s’agit de son acteur préféré du genre, indiquant par exemple qu’il lui trouve « beaucoup de qualités négatives, qui n’est pas flamboyant et ne fait pas d’esbroufe avec ses colts, ni de cascades à cheval, qui est très calme, qui parle peu, qui n’est pas non plus un tombeur ni un playboy, mais qui est toujours respectueux des femmes ».
Il est encore question de Randolph Scott, dans le portrait croisé réalisé en 2010 par Bertrand Tavernier et Patrick Brion (6’). Les deux éminents spécialistes rendent un bel hommage au comédien, « qui savait s’effacer pour laisser ses partenaires briller […] qui tournait deux films par an, même s’il pouvait s’en passer, ayant épousé une femme très riche, mais il ne voulait pas passer pour un gigolo […] bénéficiant d’une liberté artistique totale, Randolph Scott pouvait également choisir les acteurs qui allaient lui donner la réplique ».
Jean-François Giré (9’) est visiblement très heureux de parler du Cavalier de la mort. Sa présentation s’en ressent et on y apprend d’ailleurs beaucoup d’éléments sur la carrière d’André De Toth. Le fidèle collaborateur de Sidonis indique que Man in the Saddle « mérite d’être revu et reconsidéré, car il développe beaucoup d’éléments intéressants ».
Place ensuite à Patrick Brion (12’), dont les propos complètent ceux de son prédécesseur. L’historien du cinéma donne quelques-uns des grands titres du western de l’année 1951, avant d’en venir aux collaborations d’André De Toth avec Randolph Scott. Patrick Brion cite un extrait d’entretien de Bertrand Tavernier avec le réalisateur.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
C’est pas mal. Pas exceptionnel, mais ce Blu-ray (au format 1080p) s’en tire bien. L’ensemble est propre (des poussières subsistent), stable, les couleurs sont correctes (cela aurait pu être mieux ceci dit), la texture argentique est présente, même si de temps en temps aléatoire. Nous constatons aussi divers changements chromatiques au cours d’une même séquence, des baisses de la définition, des plans flous (de mauvais alignements des trois bandes du Technicolor entraînent des halos)…mais les séquences diurnes sont lumineuses et profitent le plus de cette promotion HD. La copie a vraisemblablement quelques heures de vol et cela commence à se ressentir.
La version originale (aux sous-titres français non imposés) l’emporte sur la piste française au doublage parfois pincé, mais soigné. En anglais, l’écoute est claire, frontale et riche, dynamique et vive. Les effets annexes sont plus conséquents sur la version originale que sur la piste française, moins précise.
Crédits images : © Sidonis Calysta / Columbia Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr