Test Blu-ray / Lady Frankenstein, réalisé par Mel Welles

LADY FRANKENSTEIN réalisé par Mel Welles, disponible en Combo Blu-ray + CD – Édition limitée chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Joseph Cotten, Rosalba Neri, Paul Muller, Riccardo Pizzuti, Herbert Fux, Renate Kasché, Lorenzo Terzon, Ada Pometti…

Scénario : Mel Welles, Edward Di Lorenzo, Umberto Borsato, Aureliano Luppi & Egidio Gelso

Photographie : Riccardo Pallottini

Musique : Alessandro Alessandroni

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

Dans un pays d’Europe centrale, au XIXème siècle, le baron Frankenstein, assisté par le Dr Charles Marshall, tente de créer l’homme parfait à partir de cadavres que lui procurent des profanateurs de sépultures. Le savant pense parvenir à ses fins lors d’une nuit d’orage, mais le cerveau utilisé pour la transplantation s’avère endommagé. Une fois animée, la créature tue Frankenstein et s’enfuit. Tania, la fille du baron, arrivée au château depuis peu, décide alors de poursuivre les travaux de son père, avec l’aide de Charles. Pendant ce temps, la créature massacre des villageois dans la campagne environnante.

Si la première adaptation au cinéma de l’oeuvre de Mary Shelley remonte à 1910, sous la direction de J. Searle Dawley, Frankenstein n’a eu de cesse d’être passé à la moulinette par le septième art. On lui trouve ainsi une fiancée dans Bride of Frankenstein (1935) de James Whale, un fils (Son of Frankenstein en 1939), une rencontre avec le loup-garou (Frankenstein Meets the Wolf Man, 1943), sans compter un Fantôme de Frankenstein (1942), La Maison de Frankenstein (1944), un affrontement avec Abbott & Costello (Deux Nigauds contre Frankenstein, 1948), un autre contre l’Homme invisible (1958), sans oublier le comeback de la créature sous les couleurs de la Hammer à la fin des années 1960. Avec tout cela, les producteurs et le public en oublieraient presque que Frankenstein n’est pas le nom du monstre, mais celui du docteur qui lui a donné la vie. Ce bon vieux Baron a lui aussi eu une vie privée, il a même eu une fille, Tania…et c’est là qu’intervient Lady Frankenstein, sorti en août 1973 sur les écrans français sous le titre racoleur Lady Frankenstein, cette obsédée sexuelle…À la barre de ce film d’épouvante gothique, un certain Mel Welles (1924-2005), tout d’abord comédien qui démarre sa carrière dans des rôles tellement mineurs qu’il n’est même pas crédité (La Légende de l’épée magique, Bataille sans merci, Le Grand couteau)…il est alors remarqué par Roger Corman, qui le prend dans son écurie. Son rôle le plus connu restera celui dans La Petite boutique des horreurs The Little Shop of Horrors (1960), réalisé par le nabab lui-même, avant que Mel Welles ne tente sa chance derrière la caméra la même année avec Code of Silence, polar qu’il coécrit et où il fait aussi une participation. Tout en continuant d’apparaître ici et là sur le petit comme sur le grand écran, Mel Welles réitère l’expérience à la mise en scène, signant un Eurospy intitulé Llaman de Jamaica, Mr. Ward (1968) avec Ray Danton, mais son opus le plus célèbre demeurera bel et bien Lady Frankenstein aka La Figlia di Frankenstein. Si on découvre un second réalisateur crédité à ses côtés, Aureliano Luppi, celui-ci n’aurait selon les sources jamais mis les pieds sur le plateau et son nom n’apparaît au générique uniquement pour « justifier » une coproduction avec l’Italie. La réussite de ce Lady Frankenstein est donc entièrement imputable à Mel Welles, qui livre un formidable film d’horreur, à la fois respectueux du matériel original, mais aussi singulier, dans le sens où il parvient à trouver un ton qui le démarque du tout-venant ou des autres transpositions. Le gros point fort du film est bien évidemment la présence dans le rôle-titre de la merveilleuse Rosalba Neri, belle et sexy à se damner, que l’on serait prêt à suivre jusqu’en enfer.

Se sachant trop vieux pour continuer indéfiniment ses infructueuses expériences de transplantations d’organes humains, le baron Frankenstein s’accorde une dernière chance d’élaborer une créature à partir de morceaux de corps déterrés d’un cimetière. Mais son cerveau ayant été endommagé, cette dernière, à peine ramenée à la vie, tue le savant en l’étouffant. Aidée du Dr Marshall, fidèle assistant, la propre fille du baron, elle-même chirurgien fraîchement diplômé, décide de reprendre aussitôt les expériences en jetant par ailleurs son dévolu sur Thomas, le beau jeune employé du château malheureusement attardé. Le plan de la jeune femme est simple mais audacieux : transplanter dans le crâne de ce dernier le cerveau de son assistant peu séduisant mais qui brûle d’amour pour elle. Pendant ce temps, la première créature bat la campagne et tue violemment quiconque croise son chemin, provoquant la colère des villageois qui, devant l’inefficacité de la police, menacent de prendre ce monstre en chasse.

Ah Rosalba…L’une des plus fascinantes créatures du cinéma transalpin…Dans 99 femmes, Justine ou les infortunes de la vertu ou Opération Re Mida (Lucky l’intrépide) de Jess Franco, Hercule contre les vampires, réalisé par Mario Bava, Furie au Missouri d’Alfonso Brescia, À la recherche du plaisir, réalisé par Silvio Amadio et même dans Angélique Marquise des Anges de Bernard Borderie (la Polak, c’était elle !), l’actrice n’est jamais passée inaperçue, c’est le moins que l’on puisse dire. Dans Lady Frankenstein, elle trouve ni plus ni moins l’un des rôles de sa vie. Avant de mettre fin à sa carrière cinq ans plus tard, elle s’avère impériale face à son légendaire partenaire Joseph Cotten. Ce dernier, alors âgé de 65 ans, venait de connaître un succès inattendu avec L’Abominable Docteur Phibes de Robert Fuest, aux côtés de son ami Vincent Price, et s’apprêtait à poser momentanément ses valises en Italie. Ainsi, avant Baron vampire Gli orrori del castello di Norimberga de Mario Bava et L’Argent de la vieilleLo Scopone scientifico de Luigi Comencini, l’acteur américain se glissait dans la peau du Baron de Frankenstein, rôle dans lequel il s’en donne à coeur joie dans les scènes de laboratoire (magnifique décor), même s’il disparaît à la moitié du film.

Rosalba Neri prend définitivement le relais en devenant la créature la plus dangereuse du récit. La séquence où Tania entreprend de séduire Thomas, le simple d’esprit dont elle veut s’accaparer le corps pour son expérience ultime, est particulièrement (dé)culottée. Dans le plus simple appareil, du moins en version intégrale, Tania, chevauchant son partenaire durant l’amour et sur le point de jouir, observe son complice, le docteur Charles Marshall (Paul Muller, vu dans Les Nuits brûlantes de Linda, La Belle et le corsaire, L’Albatros, Les Vampires) arrive soudainement et étouffe le jeune homme avec un oreiller, tandis que Tania est en pleine extase…À voir pour le croire, tandis que les plus coquins ne cesseront d’observer Rosalba Neri sous tous les angles…

La première partie du film, plus classique et proche des précédentes transpositions du roman de Mary Shelley, installe une ambiance troublante par le soin apporté aux décors et à la photographie, très belle, de Riccardo Pallottini (Société anonyme anti-crime). Puis, Mel Welles se distingue dès l’arrivée du personnage de Tania, grâce auquel il fait passer un message ouvertement féministe, en la montrant fraîchement diplômée en chirurgie, sûre de ce qu’elle veut et bien déterminée à accomplir ses projets personnels. Finalement, on se moque de la créature issue des recherches du baron de Frankenstein, d’autant plus que celle-ci n’a pas vraiment de charisme, que le maquillage n’est guère réussi et que l’acteur l’incarnant (Peter Whiteman) n’a pas grand-chose à défendre…l’intérêt est ailleurs, en la personne de Tania donc.

Mel Welles en a sous le capot, sait diriger ses comédiens, instaurer une atmosphère pesante, mettre en valeur ses décors, créer le suspense et optimiser un budget somme toute modeste. Outre la photographie que nous évoquions plus haut, la musique d’Alessandro Alessandroni (La Petite sœur du diable, Au service du Diable) reste bien longtemps et accompagne brillamment, sans marteler, les scènes de tension et d’épouvante. En dépit d’une fin étonnamment précipitée et décevante, on se laisse gentiment et facilement captiver par l’histoire narrée par Mel Welles et ses co-scénaristes, happés que nous sommes entre autres par la beauté des costumes et, si cela n’était pas clair, ce dont on doute, par celle de sa vedette féminine principale.

LE BLU-RAY

Quand Le Chat qui fume met les petits plats dans les grands. Non seulement Lady Frankenstein était inédit en DVD en France, mais le film de Mel Welles débarque directement en Haute-Définition, dans sa version intégrale, qui plus est accompagné du CD de la musique du film d’Alessandro Alessandroni (56’). Les deux galettes reposent dans un Digipack à trois volets, magnifiquement illustré, l’ensemble étant glissé dans un fourreau cartonné suprêmement élégant. Le menu principal est animé et musical et cette édition limitée à 1000 exemplaires.

Le grand documentaire rétrospectif consacré à Lady Frankenstein est celui présenté sur ce Combo Blu-ray + CD. D’une durée de 74 minutes, celui-ci donne la parole au réalisateur Mel Welles, ainsi qu’aux comédiens Herbert Fux, Rosalba Neri, Paul Muller et même à Adam Welles, le fils du metteur en scène, qui fait une apparition dans le film, puisqu’il s’agit du petit garçon qui pleure…Tout d’abord, on saluera l’entière implication de Mel Welles (disparu en 2005), qui revient sur TOUS les aspects de Lady Frankenstein y compris sur sa carrière, à travers des interventions très bien écrites et passionnantes à écouter. Les acteurs sont tout aussi prolixes, même si Herbert Fux découvrait le film pour la première fois, tout en commentant certaines scènes, dont celle où Tania se débarrasse de Thomas pendant qu’elle est en train de lui faire l’amour. Les conditions de tournage, le travail avec le réalisateur, la présence au générique de Joseph Cotten, les effets visuels (le grand Carlo Rambaldi a réalisé les chauves-souris), les décors, le casting, les thèmes du film, le doublage (on apprend que Mel Welles a lui-même prêté sa voix à Herbert Fux en anglais), la condition du cinéma italien à l’époque, les scènes de sexe (l’occasion pour Rosalba Neri de piquer un fard), les lieux de prises de vue, l’aide de Roger Corman pour boucler le budget (en contrepartie de la distribution de Lady Frankenstein sur le sol américain, où il sortira avec un montage amputé de près de 20 minutes)…tous ces sujets sont longuement et posément abordés durant cette heure et quart qu’on ne voit pas passer.

Plus récentes sont les interventions de la comédienne Rosalba Neri (née en 1939) et de Fabio Melelli (21’). Nous avons plaisir à retrouver ce dernier, historien du cinéma, que nous avions déjà écouté sur les Blu-ray d’Un papillon aux ailes ensanglantées, Le Moulin des supplices et La Possédée du lac. Il donne ici encore moult informations sur le film qui nous intéresse aujourd’hui, sur sa genèse, son écriture, le casting, les lieux de tournage, l’équipe technique et la sortie de Lady Frankenstein au cinéma. De son côté, Rosalba Neri raconte comme qui dirait les mêmes histoires que dans le segment précédent, pour ce film dont elle n’a que « des souvenirs très lointains, très flous ».

En plus de la bande-annonce, Le Chat qui fume fait découvrir toutes les scènes dites « habillées », imposées par la production (3’). Ce montage compile les séquences tournées pour éviter les problèmes de censure ou pour faciliter la diffusion du film à la télévision, en laissant notamment Rosalba Neri vêtue. Quelle hérésie.

L’Image et le son

Le Chat qui fume livre un master HD 2K (1080p, AVC) de haute qualité. Les partis pris esthétiques du directeur de la photographie Riccardo Pallottini trouvent en Blu-ray un nouvel écrin et se voient entièrement respectés. Point de réducteur de bruit à l’horizon, le grain est présent tout en étant discret, les volontés artistiques sont savamment restituées, la colorimétrie retrouve un vrai éclat et le piqué est probant. Le format original 1.85 (compatible 16/9) est conservé, la profondeur de champ fort appréciable. Aucun plan flou, les séquences sombres sont tout aussi pointues que le reste, les noirs sont denses et la carnation naturelle. L’encodage AVC demeure solide, la propreté est indéniable. C’est superbe.

Véritable melting-pot, le casting deLady Frankensteinréunit des comédiens venus d’horizons divers et variés. C’est un peu le cas des options acoustiques proposées par Le Chat qui fume, puisque le spectateur aura le choix entre trois langues, dont les dialogues peuvent changer d’une piste à l’autre. Néanmoins, le film de Mel Welles est à visionner en priorité dans la langue de Dante, dans laquelle il possède le plus de charme, même si la version anglaise s’avère peut-être la version la plus naturelle du lot, mais aussi la plus dynamique et la plus riche (dans ses ambiances surtout). Les pistes française et italienne s’en tirent pas trop mal avec des voix plus ou moins mises trop en avant.

Crédits images : © Le Chat qui fume / SND – Groupe M6 / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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