Test DVD / La Belle et le Corsaire, réalisé par Giuseppe Maria Scotese

LA BELLE ET LE CORSAIRE (Il Corsaro della mezzaluna) réalisé par Giuseppe Maria Scotese, disponible en DVD le 5 juillet 2022 chez Artus Films.

Acteurs : John Derek, Gianna Maria Canale, Ingeborg Schöner, Alberto Farnese, Raf Mattioli, Camillo Pilotto, Gianni Rizzo, Paul Muller…

Scénario : Mario Amendola, Riccardo Pazzaglia & Giuseppe Maria Scotese

Photographie : Adalberto Albertini

Musique : Renzo Rossellini

Durée : 1h25

Date de sortie initiale : 1957

LE FILM

Les pirates barbaresques écument la Méditerranée, pillant et ravageant les côtes, menés par Nadir El Krim. Dans son château, le baron Camerlata accueille Catherine d’Autriche, la sœur de l’empereur Charles Quint. Les pirates vont assiéger le château afin d’enlever la dame et demander rançon. Mais ils séquestrent par erreur la nièce du baron, la belle Angela. Il va falloir tenir avant l’arrivée des troupes impériales.

1957 est l’année où nos amis transalpins démarrent leurs copies carbones des films de pirates anglo-saxons. Nous en avions parlé lors de la sortie en DVD du Tigre des mers de Luigi Capuano, disponible chez Artus Films, mis à part les cow-boys, les vampires, les voyous et les flics, les flibustiers ont eux aussi prospéré durant l’âge d’or des films d’exploitation italiens. La Belle et le CorsaireIl Corsaro della mezzaluna est donc l’un des premiers ersatz à voir le jour en Italie, mais sans doute pas l’un des meilleurs représentants de ce sous-genre. En effet, le film de Giuseppe Maria Scotese ne vole pas bien haut et s’avère trop sage, lisse, sans aspérité, à peine divertissant, marqué par des décors très pauvres, des costumes peu reluisants et un rythme aux oubliettes. Reste le casting, qui fait le job sans se forcer, mais grâce auquel on parvient néanmoins à aller jusqu’au bout de cette entreprise laborieuse, notamment la merveilleuse et sublime Gianna Maria Canale, qui illuminait alors moult opus du Bis italien comme La Muraille de feu La Gerusalemme liberata de Carlo Ludovico Bragaglia, Le Tigre des mers La Tigre dei sette mari et Le Lion de Saint Marc Il leone di San Marco de Luigi Capuano. Complètement anecdotique, très bavard et réservé uniquement aux complétistes purs et durs.

C’est déguisé en troubadour que le corsaire Nadir El Krim pénètre dans le château du baron Camerlata au moment où ce dernier, quoique fort désargenté, est contraint de loger la soeur de l’empereur Charles Quint, Catherine d’Autriche. Pendant la réception donnée en l’honneur de l’illustre visiteuse, les hommes de Nadir attaquent le château. Le corsaire exige que la duchesse le suive sur son bateau mais c’est Angela, la douce nièce du baron, fiancée contre son gré au chef des gardes, l’ignoble Carmina, qu’il emmène…

On a beau être bon public, il nous manque parfois ce petit truc pour nous emballer suffisamment. Et d’emblée, on sent que La Belle et le Corsaire, « une histoire presque vraie » comme nous l’indique une voix-off en introduction, va peiner pour maintenir un intérêt du début à la fin. La faute à une mise en scène statique, pour ne pas dire inexistante d’un certain Giuseppe Maria Scotese (1916-2002), qui avait coréalisé Le Pirate de Capri I Pirati di Capri sept ans auparavant avec Edgar G. Ulmer, et qui aura signé une vingtaine de films et de documentaires, dont Les Révoltés Il Mantello Rosso (1955) et Dans les griffes de Borgia La Notte del grande assalto (1959), films d’aventures et de cape et d’épée. Visiblement, La Belle et le Corsaire dispose de moyens limités, le cinéaste filmant souvent ses acteurs en plan fixe, devant des décors en carton-pâte peints en rose bonbon ou des intérieurs construits en polystyrène bon marché, dont les murs tremblent et penchent quand les personnages s’en approchent.

Du point de vue distribution, à part la belle Gianna Maria Canale donc, épouse de l’illustre Riccardo Freda, qu’il fera jouer à plusieurs reprises (Le Chevalier mystérieux, Le Comte Ugolin, Le Fils de d’Artagnan, La Vengeance de l’aigle noir, Spartacus, Les Vampires), nous remarquerons la présence de John Derek. Si son nom est aujourd’hui quelque peu oublié, le comédien aura tout de même marqué les cinéphiles dans À l’ombre des potences Run for Cover et Les Ruelles du malheurKnock on any door, tous les deux mis en scène par Nicholas Ray. Aussi vu à la même période dans La Dernière chevauchée The Last Posse d’Alfred L. Werker, Les Forbans du désert Ambush at Tomahawk Gap de Fred F. Sears, L’Inéxorable enquêteScandal Sheet de Phil Karlson et Les Dix Commandements de Cecil B. DeMille dans lequel il interprétait Joshua, John Derek est impeccable ici dans la peau de Nadir El Krim, qui se prétend astrologue, vagabonde de château en château à la recherche de l’homme qui causa autrefois la perte de sa famille. Par la ruse, celui-ci parvient à à se faire inviter à la cour du baron Alfonso (Camillo Pilotto, excellent) grâce à Angela (la charmante Ingeborg Schöner, vue dans La Vache et le prisonnier d’Henri Verneuil et toujours en activité), la nièce de celui-ci, curieuse d’entendre la bonne aventure. La jeune femme est promise au capitaine de la garde, Alonzo de Carmona (suintant Alberto Farnese, Bianco Apache, Scalps, Le Lion de Saint Marc) qu’elle déteste. Ce dernier n’est autre qu’Ugo van Berg, l’homme que recherche justement El Krim.

Si cela vous intéresse, jetez un coup d’oeil sur ce XVe siècle de pacotille et bon enfant, où John Derek, entouré de magnifiques créatures aux yeux de chat, est aussi crédible en poète itinérant qu’en corsaire assoiffé de vengeance. S’il ne vous restera probablement rien juste après le visionnage, et ce malgré un scénario de Mario Amendola (Banana Joe, Salut l’ami, adieu le trésor !, Pair & Impair, Flics en jeans, Le Grand Silence), La Belle et le Corsaire fleure bon l’aventure vintage, souvent saupoudré d’humour, idéal finalement pour se rincer les yeux après deux produits contemporains fabriqués à la chaîne et sans âme.

LE DVD

Après Le Tigre des mers, Le Lion de Saint Marc et prochainement Le Secret de l’Épervier Noir, Artus Films intègre La Belle et le Corsaire dans sa collection Piraterie. Le disque est calé dans un boîtier slim Digipack à deux volets, élégamment illustré. Le menu principal est fixe et musical.

Comme cerise sur le gâteau, Artus Films confie une fois de plus la présentation du film à Christian Lucas (19’). Plus naturel que d’habitude, autrement dit plus à l’aise avec son texte, même s’il ne peut s’empêcher de bouger les mains dans tous les sens comme un italien (mais ça passe, car il s’agit d’un film transalpin), l’intervenant de la chaîne YouTube Ciné Forever Vidéo (parfois filmé de profil, étrange…), donne toutes les informations que l’on attendait sur La Belle et le Corsaire. Ainsi, celui-ci passe en revue les différents titres du film selon les pays, le casting, la carrière du réalisateur Giuseppe Maria Scotese, les lieux de tournage, les effets spéciaux, les décors, les costumes, les quelques coupes effectuées pour la sortie du film en France, sans oublier d’expliquer la différence entre un corsaire et un pirate.

L’interactivité se clôt sur un Diaporama d’affiches et de photos, et le film-annonce original, intégralement musical et dont les répliques ont curieusement été coupées…

L’Image et le son

Moui…mais non…ce master apparaît étrangement lisse, souvent débarrassé de sa texture argentique originale, les couleurs sont délavées et ont manifestement perdu leur éclat, le piqué est émoussé, la gestion des contrastes aléatoire, les flous ne sont pas rares. Cependant, la copie est stable, assez lumineuse et surtout propre. Artus Films a dû récupérer la seule mouture existante du film de Giuseppe Maria Scotese…ne vous attendez donc pas à un miracle, mais il s’agit probablement de l’unique façon de visionner correctement le film à ce jour.

Sur la version française, les oreilles les plus affûtées reconnaîtront les voix de Jean-Louis Jemma, Jacques Eyser, Martine Sarcey, Pierre Morin, Marcel Bozzuffi, Jacques Dynam et l’immense Jean-Claude Michel. Ces cadors en la matière s’amusent et imposent à eux-seuls de visionner La Belle et le Corsaire au moins une fois dans la langue de Molière, même si quelques scènes, supprimées pour la sortie française, passent directement en VOSTF. Cette piste est de bonne qualité et dynamique, comme d’ailleurs son homologue italienne, qui s’avère tout de même plus équilibrée et riche dans ses effets annexes. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Artus Films / Les Films du Camélia / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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