Test Blu-ray / Flic Story, réalisé par Jacques Deray

FLIC STORY réalisé par Jacques Deray, disponible en Combo Blu-ray+DVD le 15 juin 2022 chez Studiocanal.

Acteurs : Alain Delon, Jean-Louis Trintignant, Renato Salvatori, Claudine Auger, Maurice Biraud, André Pousse, Mario David, Paul Crauchet…

Scénario : Jacques Deray & Alphonse Boudard, d’après le livre de Roger Borniche

Photographie : Jean-Jacques Tarbès

Musique : Claude Bolling

Durée : 1h47

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

À la fin des années 1940, l’inspecteur Roger Borniche est chargé de rechercher un dangereux criminel échappé de l’asile, Émile Buisson. Meurtres, prise d’otage, course-poursuite: pendant trois ans Buisson commet crime sur crime et échappe à la traque menée par Borniche. Roger Borniche ‘le Flic’, dans sa traque historique d’Émile Buisson.

Remarquable film policier réalisé par Jacques Deray, tiré d’une histoire vraie, Flic Story relate la traque de l’ennemi public numéro un, Émile Buisson, évadé d’un hôpital psychiatrique, par l’inspecteur Roger Borniche. Alain Delon se glisse dans la gabardine de ce dernier et livre probablement une de ses meilleures prestations, sans doute dans l’un de ses plus grands films. Il y est en tous points parfait, allant jusqu’à imiter la gestuelle du vrai Borniche pour créer son personnage. Jean-Louis Trintignant incarne son adversaire, et s’avère tout aussi hallucinant de froideur, le regretté comédien jouant de son regard perçant, que Jacques Deray n’a de cesse de mettre en valeur. Les deux stars du cinéma français sont épaulées par d’excellents seconds rôles, comme toujours solidement dirigés par le cinéaste, dont la merveilleuse Claudine Auger dix ans après Opération Tonnerre de Terence Young, ainsi que les habitués du genre, André Pousse, Paul Crauchet, Renato Salvatori et dans un registre inhabituel, Henri Guibet, surprenant en adjoint. Jacques Deray instaure un climat grisâtre caractéristique de l’après-guerre, mais non dénué d’humour, servi par des dialogues aux petits oignons signés Alphonse Boudard. Une immense référence qui n’a pris aucune ride, un chef d’oeuvre du polar hexagonal.

L’après-guerre. En ce jour de 1947, l’inspecteur Borniche de la Sécurité Nationale est chargé par son supérieur, le commissaire Vieuxchêne, de retrouver Émile Buisson, à l’impressionnant palmarès criminel, qui vient de s’évader de l’asile psychiatrique de Villejuif. Lequel Buisson ne reste pas longtemps inactif: le meurtre de Fredo l’Accordéoniste qui l’avait « donné » autrefois, un hold-up dans un restaurant huppé qui se termine par une poursuite meurtrière dans Paris remettent le bandit au premier plan de l’actualité. Par un « indic » vite assassiné, Borniche repère Buisson, mais celui-ci échappe au piège tendu. Ses complices (son frère, Jean-Baptiste, sa petite amie, Suzanne) se taisent obstinément. Une seconde souricière échoue. Excédé, Vieuxchêne retire l’affaire à Borniche. Mais l’assassinat d’un certain Mario le Rital, soupçonné par Buisson de mouchardage, oblige le policier à poursuivre de nouveau l’ennemi public N° 1 qui continue ses exploits. En lui promettant des médicaments susceptibles de guérir sa femme, Borniche s’assure le concours de Paulo le Bombé. Par son entremise, Borniche fait installer Buisson dans une petite auberge des environs de Paris. Faisant fi des autorisations officielles, il s’y rend avec deux de ses hommes et avec son amie, Catherine.

Entre Jacques Deray et Alain Delon, c’est une affaire qui roule. Flic Story est en effet leur cinquième collaboration (sur neuf au total), après La Piscine (1969), Borsalino (1970), Doucement les basses (1971) et Borsalino & Co (1974), qui ont attiré au total près de dix millions de spectateurs dans les salles. C’est aussi un de leurs plus gros succès avec deux millions d’entrées au compteur. Ce qui frappe dès les premiers plans dans Flic Story, c’est la beauté de sa photographie signée Jean-Jacques Tarbès (Ripoux contre ripoux, La Vie dissolue de Gérard Floque, Les Ripoux, Deux hommes dans la ville), celle des décors de Théobald Meurisse (Trop belle pour toi, Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ, Les Aventures de Rabbi Jacob, L’Animal), des costumes d’Hélène Nourry (Le Casse), de la musique du légendaire Claude Bolling, et de la reconstitution en général. On plonge directement dans le Paris de la fin des années 1940, sans effets ostentatoires, avec réalisme et élégance. La voix-off d’Alain Delon, qui se présente et expose son « putain d’métier » prend le relais. Ceux qui auront eu la bonne idée de lire le livre autobiographique – Flic Story : l’implacable duel entre un tueur impitoyable et un policier pas comme les autres – de Roger Borniche (1919-2020), ancien de la répression du grand banditisme, inspecteur de la Sûreté nationale ayant participé à près de 600 arrestations, pourront constater à quel point Alain Delon, Jacques Deray et Alphonse Boudard ont su rester fidèles aux faits réels, aux ambiances, aux petites choses du quotidien décrites par l’écrivain et ancien flic, ainsi qu’à la mécanique implacable d’un côté comme de l’autre de la justice. Roger Borniche oscille entre sa vie privée avec Catherine (sublime et renversante Claudine Auger) et bien sûr son boulot, où il affronte son supérieur, le commissaire Vieuxchêne (Marco Perrin, parfait), collabore avec son ami et confrère, l’inspecteur Robert Hidoine (Henri Guybet, impeccable entre deux épisodes de La Septième Compagnie).

Mais la réussite de Flic Story ne serait évidemment pas la même sans Jean-Louis Trintignant, qui retrouvait le réalisateur trois ans après Un homme est mort, extraordinaire dans la peau d’Émile Buisson. La même année que L’Agression de Gérard Pirès et La Femme du dimanche La Donna della domenica de Luigi Comencini, le monstre du cinéma français campe ici une des figures inoubliables du crime. Sourire carnassier, les flammes de l’enfer brûlant dans les yeux, vêtu de noir, cet ange de la mort terrorise la population. En un regard, en une seule réplique, Jean-Louis Trintignant apporte toute une dimension « humaine » à Buisson, fait entrapercevoir ses fêlures. Un homme qui passerait pour ainsi dire inaperçu, visage fermé, qui se faufile dans l’ombre, qui se fait le plus discret possible, qui, telle la grenade qu’il porte toujours sur lui au cas où la police parviendrait à mettre la main sur lui, est prêt à exploser à n’importe quel moment. Ce noyau formé par Delon-Trintignant peut compter sur les électrons qui gravitent autour d’eux, outre ceux déjà mentionnés, on notera aussi la présence au générique de Renato Salvatori, Maurice Biraud, André Pousse, Mario David, Denis Manuel, Maurice Barrier, Catherine Lachens, Jacques Marin et bien d’autres, les « gousses d’ail » indispensables qui donnent son goût inimitable et savoureux au plat principal.

Le dernier acte, celui de l’arrestation d’Émile Buisson dans l’auberge, demeure un modèle de mise en scène, maintes fois copié, entre autres par Jean-François Richet et Olivier Marchal, sans aucune imagination. Alain Delon et Jacques Deray reviendront à Roger Borniche un an plus tard, avec moins de réussite (euphémisme). Ce sera Le Gang.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

On peut dire qu’on l’a attendu celui-là ! Après une première édition en 2003 chez Pathé, puis une autre huit ans plus tard chez Lancaster, Flic Story débarque chez Studiocanal en combo Blu-ray + DVD. Un objet classieux, qui prend la forme d’un Digipack à deux volets, glissé dans un surétui cartonné du plus bel effet. Le menu principal est fixe et muet.

Attention événement. Dans le bonus présenté sur cette édition, Jean-Louis Trintignant, quelques semaines seulement avant son décès en juin 2022, revenait sur Flic Story. Il n’est pas le seul intervenant de ce bonus de 42 minutes, puisque Jean-Claude Missiaen (réalisateur, chargé de presse et ami de Jacques Deray), Henri Guybet (Robert Hidoine dans le film) et Bénédicte Kermadec (scripte de Jacques Deray) partagent également leurs souvenirs liés au film qui nous intéresse aujourd’hui. Mais il est vrai que le monstre du cinéma français, souvent filmé de trois-quarts dos, interpelle forcément plus…Toujours est-il que ce supplément compile moult anecdotes sur les conditions de tournage, sur la collaboration de chacun avec Alain Delon, sur la direction d’acteurs et la personnalité de Jacques Deray, sur le casting…Jean-Louis Trintignant s’exprime sur les doutes qui l’ont envahi sur sa crédibilité à interpréter un criminel, avant d’ajouter « que c’est finalement un avantage pour un comédien de jouer ce qu’on n’est pas » et que le rôle d’Émile Buisson était finalement un personnage qui lui « tendait les bras ». Il dissèque ensuite la part « d’humanité » de Buisson, « qui était comme un chien, qui avait peur et donc qui tuait ». Enfin, Jean-Louis Trintignant parle de l’humour dans Flic Story « qui n’a peut-être pas encore été reconnu…[…] en fait, j’aurais aimé être De Funès ! ». Un magnifique et bouleversant moment.

L’Image et le son

L’élévation HD pour Flic Story frappante du début à la fin. Ce Blu-ray en met plein les yeux dès les premiers plans. La restauration est étincelante, les contrastes d’une indéniable densité, la copie est propre et lumineuse. Les détails étonnent souvent par leur précision, les gros plans sont riches à souhait, les couleurs retrouvent un éclat inespéré, le relief des séquences diurnes est inédit, la texture argentique préservée et le piqué demeure acéré. Un superbe lifting qui rend caduc le master SD précédemment édité. Format 1.66 respecté, Blu-ray 1080p, 16/9 compatible 4/3.

Ce mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0 instaure un confort acoustique total. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Claude Bolling jouit également d’un très bel écrin. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Studiocanal / Pathé Films / Mondial TEFI Televisione Film / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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