Test Blu-ray / La Tête de Normande St-Onge, réalisé par Gilles Carle

LA TÊTE DE NORMANDE ST-ONGE réalisé par Gilles Carle, disponible en Blu-ray depuis décembre 2022 chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Carole Laure, Raymond Cloutier, Reynald Bouchard, Carmen Giroux, Gaetan Guimond, J. Léo Gagnon, Anne-Marie Ducharme, Renée Girard, Denys Arcand…

Scénario : Ben Barzman

Photographie : François Protat

Musique : Lewis Furey

Durée : 1h56 (Version intégrale)

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

Dans les faubourgs de Montréal, années 1970 – Employée dans une pharmacie, Normande St-Onge vit dans une grande maison de famille, qu’elle partage avec des marginaux. La jeune femme est préoccupée par le sort de sa mère, enfermée dans un hôpital psychiatrique. Normande cherche à la faire sortir par tous les moyens, mais se heurte au refus des médecins et de son oncle avocat. Alors vient à Normande l’idée folle de la soustraire de l’asile et de la ramener à la maison.

Gilles Carle et Carole Laure, quatrième ! En réalité, La Tête de Normande St-Onge est le troisième long-métrage qui réunit le cinéaste et la comédienne, qui s’étaient retrouvés aussi pour un épisode de la série For the Record. Sur un scénario signé de l’illustre Ben Barzman (Retour aux Philippines d’Edward Dmytryk, Le Garçon aux cheveux verts et Temps sans pitié de Joseph Losey, La Chute de l’empire romain d’Anthony Mann, L’Attentat d’Yves Boisset), ancien blacklisté, La Tête de Normande St-Onge plonge dans la psyché d’une jeune femme, élevée par les sœurs, dont la mère, ancienne chanteuse de cabaret, est enfermée dans un hôpital psychiatrique depuis quatre mois pour dérèglement mental. Aux contacts de la folie de celle qui lui a donné la vie, Normande, puisque c’est son prénom, paraît désormais hésiter entre la normalité et la démence. Mais qu’est-ce que la déraison ? Cette histoire insolite qui annonce entre autres les films de Xavier Dolan, l’hystérie en moins, l’émotion en plus, peut souvent décontenancer, à l’instar de La Mort d’un bûcheron, avec ses égarements arty et des scènes érotiques étonnamment crues. Néanmoins, il serait dommage de bouder son plaisir, surtout qu’il s’agit d’un opus important voire fondateur du cinéma Quebécois contemporain, illuminé une fois de plus par la beauté incendiaire de Carole Laure.

Normande St-Onge habite un immeuble vétuste de trois étages : au rez-de-chaussée loge un artisan, au-dessus c’est elle en compagnie de Bouliane, son ami et au dernier étage, loge une vieille dame alcoolique, sourde et folle, en compagnie de son petit-fils adolescent, Jérémie. Normande poursuit des cours de danse avec l’intention de faire une carrière artistique, travaille comme commis dans une pharmacie pour vivre, supporte financièrement Pierrette, sa soeur qui est asthmatique et plus ou moins droguée, et enfin se débat avec l’asile afin d’y faire sortir sa mère qui y est internée. Un qu’elle est venue chercher de l’aide chez le frère de sa mère, riche avocat, elle fait la connaissance de Carol, jeune garçon un peu fou, mystérieux, illusionniste et magicien. Mis à la porte de chez lui, il ne sait où aller et Normande offre de l’héberger…

En fait, La Tête de Normande St-Onge est un quasi-huis clos, dont « l’action » se déroule presque exclusivement dans l’appartement du personnage principal, qui petit à petit reflète ses états d’âme avec ceux qui peuplent sa famille, les gens de passage, ceux qui sont invités, qui tous s’entrecroisent, se toisent ou entrent en confrontation. Normande Saint-Onge, nom ô combien romanesque, c’est Carole Laure, qui avant de tourner le sympathique Spécial Magnum Una Magnum Special per Tony Saitta d’Alberto de Martino à Montréal et le légendaire La Menace d’Alain Corneau à Vancouver, enchaînait les collaborations avec Gilles Carle, dont elle est devenue la muse et avec qui elle allait encore tourner à trois reprises jusqu’à Maria Chapdelaine, aboutissant, pour ne pas dire film-somme de leurs six associations précédentes. Elle est ici éblouissante dans ce rôle complexe, parfois peu aimable et pourtant attachante, car à fleur de peau, tourmentée par ses repères qui s’écroulent autour d’elle et qui doit alors se composer une nouvelle existence, qu’elle n’a pas forcément choisie, mais qui fait tout pour survivre dans une société qui ne fait pas de cadeaux. Elle se met à nu, au sens propre (et ce dès la première scène du film, on ne va pas se plaindre) comme au figuré devant la caméra de Gilles Carle, cinéaste qui a fait d’elle la première star de leur célèbre province, ainsi qu’un véritable sex-symbol, dont le visage et le corps s’affichaient sur les murs de tous les adolescents Québécois.

Comme dans La Mort d’un bûcheron, elle donne la réplique, parfois trop abondante (pour ne pas dire usante au bout d’un moment) on vous l’accorde à de fabuleux acteurs du cru, dont l’excellent Reynald Bouchard, qui interprète un artiste poétique, pour lequel Normande se prend d’affection, ainsi que le réalisateur Denys Arcand, acteur occasionnel, impeccable dans la peau de l’oncle Jean-Paul, frère de Berthe, la mère de Normande, incarnée quant à elle par Renée Girard. Avec souvent un vrai lyrisme et un érotisme latent, impression renforcée par une caméra qui semble caresser le corps parfait de son actrice principale, La Tête de Normande St-One, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 1975 est le singulier portrait d’une femme de 23 ans, que tout le monde aime, s’arrache, convoite, jalouse, qui jusqu’à présent n’a fait que penser aux autres et qui doit dorénavant s’affranchir d’un passé et même de « mauvaises » habitudes pour s’en sortir.

Si l’histoire en elle-même risque de se diluer peu de temps après l’avoir vu (les presque 120 minutes du long-métrage et le rythme lent n’arrangent pas vraiment les affaires), certaines bribes ou compositions de plans demeurent indubitablement en tête, même s’il est évident que l’on confonde par la suite La Mort d’un bûcheron et La Tête de Normande St-Onge, ce qui en soi n’est pas un drame, puisque les deux films de Gilles Carle se répondent souvent et ne font que refléter le miroir d’une société alors en pleine émancipation.

LE BLU-RAY

Nous arrivons au terme de cette vague consacrée au cinéma Québécois par Le Chat qui fume. Ainsi, après Gina de Denys Arcand et La Mort d’un bûcheron de Gilles Carle, l’éditeur présente un deuxième film du second en Haute-Définition, La Tête de Normande St-Onge. Le disque repose dans un boîtier Scanavo, tandis que le visuel de la jaquette se focalise une fois de plus sur Carole Laure. Le menu principal est animé et musical. Version intégrale. Édition limitée à 1000 exemplaires.

À l’instar des éditions de Gina et La Mort d’un bûcheron, Le Chat qui fume a tout naturellement demandé à Simon Laperrière de nous présenter le film qui nous intéresse aujourd’hui, La Tête de Normande St-Onge (12’30). Doctorant en études cinématographiques à l’Université de Montréal et auteur de plusieurs essais (Series of Dreams: Bob Dylan et le cinéma), l’invité du Chat qui fume revient sur tous les aspects du long-métrage de Gilles Carle. Il évoque ainsi les thèmes (« une incursion dans l’esprit d’une femme tourmentée, complexe, habitée par un fort désir d’indépendance »), le casting, la psychologie du personnage de Normande mise en parallèle avec la mutation de la société Québécoise, les liens avec le cinéma de Federico Fellini, avant de conclure en disant que « La Tête de Normande St-Onge se regarde avec une immense nostalgie, celle d’un cinéma libre, motivé par une création sans limite et sans retenue ».

Non indiqué sur la jaquette, un autre bonus est aussi disponible, court, mais intéressant, qui donne cette fois encore la parole à Simon Laperrière (1’25). Celui-ci s’adresse aux spectateurs, leur indiquant qu’ils vont (re)découvrir un film Québécois, une langue à laquelle les français sont sans doute peu habitués. Ainsi, Simon Laperrière souhaite citer un extrait du livre Il y a trop d’images de Bernard Émond, dans lequel le réalisateur s’exprimait sur un épisode survenu au Festival de Cannes, à l’occasion de la présentation de son film La Femme qui boit (2001), sélectionné à la Semaine de la critique. Bernard Émond s’était quelque peu échauffé quand une spectatrice française lui avait dit qu’elle ne pouvait s’empêcher de rire en entendant l’accent des comédiens.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Des trois films Québécois proposés en Haute-Définition par Le Chat qui fume, La Tête de Normande St-Onge est peut-être le moins « convaincant », ou plutôt celui dont l’upgrade n’est pas aussi percutant que pour Gina et La Mort d’un bûcheron. La texture argentique est conservée, mais parfois très épaisse selon la luminosité. Parfois grumeleux, entraînant de sensibles fourmillements, le grain est donc aléatoire, mais en aucun cas lissé, bien au contraire. La propreté est irréprochable, mais les détails manquent à l’appel (l’action se déroulant essentiellement dans un appartement n’aide pas beaucoup sur ce coup-là), les visages sont un peu blafards, le piqué est de temps en temps hasardeux et les couleurs (ainsi que les contrastes) sont épisodiquement stables.

Le mixage Québécois DTS-HD Master Audio 2.0 instaure un confort acoustique probant et solide. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise et les silences sont denses, sans souffle parasite. Les sous-titres français sont disponibles, ce qui n’est pas un mal parfois câââlice de tabarnak !

Crédits images : © Le Chat qui fume / Les Films d’aujourd’hui / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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