Test Blu-ray / La Dame rouge tua sept fois, réalisé par Emilio Miraglia

LA DAME ROUGE TUA SEPT FOIS (La Dama rossa uccide sette volte) réalisé par Emilio Biraglia, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 7 septembre 2021 chez Artus Films.

Acteurs : Barbara Bouchet, Ugo Pagliai, Marina Malfatti, Marino Masé, Pia Giancaro, Sybil Danning, Nino Korda, Fabrizio Moresco…

Scénario : Fabio Pittorru & Massimo Felisatti

Photographie : Alberto Spagnoli

Musique : Bruno Nicolai

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1972

LE FILM

Au cours d’une dispute dans le jardin du château familial, Kathy Wildenbrück tue sa soeur Evelyne. Peu après, un étrange personnage vêtu de rouge assassine des proches de Kathy. Des témoins affirment avoir reconnu Evelyne qui est pourtant morte. Ceci serait la continuation de la malédiction qui touche la dynastie des Wildenbrück : tous les cent ans, la « Dame rouge » posséderait le corps d’un membre de la famille, l’obligeant ainsi à tuer sept personnes…

Nous parlions dernièrement d’Emilio Miraglia à travers notre chronique de L’Appel de la chair. Cette étoile filante du cinéma italien n’aura réalisé que six longs-métrages de 1967 à 1972. La Dame rouge tua sept fois La dama rossa uccide sette volte est l’ultime long-métrage du cinéaste. Après La Notte che Evelyn uscì dalla tomba, il signe son unique western avec Joe Dakota Spara Joe… e così sia!, dans lequel il dirige Richard Harrison (Scalps). Puis, comme s’ils n’étaient pas satisfaits de leur première mouture rendue de L’Appel de la chair, Emilio Miraglia et son scénariste Fabio Pittorru reprennent quasiment les mêmes motifs et les éléments du récit précédent, pour repousser les limites. Ce sera La Dame rouge tua sept fois, une référence du giallo, considéré comme l’un des fleurons du genre, dans lequel brille l’un de ses astres emblématiques, la divine Barbara Bouchet. Damnation, héritage, faux-semblants, développement kafkaïen, meurtres sanglants, personnages troubles, ambiguïté à tous les étages, psyché perturbée, crypte secrète, château aux pièces sentant le renfermé, couleurs primaires aveuglantes, on en prend plein la vue et le spectacle est garanti.

Selon une ancienne légende, la dynastie Wildenbrück serait maudite depuis de nombreuses générations. En effet, tous les cent ans, une habitante du château Wildenbrück en Bavière serait possédée par celle que l’on nomme « la Dame rouge », et se verrait contrainte d’assassiner sept personnes pour prolonger la malédiction. La légende veut que sa dernière victime soit « la Dame noire », c’est-à-dire la propre sœur de la possédée. En 1972, Kathy Wildenbrück, photographe de mode à l’agence Springe, se dispute violemment avec sa sœur Evelyn, dans le jardin du château familial. S’ensuit un affrontement au cours duquel Kathy tue accidentellement sa sœur. Quelque temps plus tard, des proches de la jeune femme sont tués sous les coups de poignard d’une étrange silhouette vêtue de rouge. Quelques témoins ayant aperçu le meurtrier érigent un portrait robot, ressemblant à Evelyn. Cette dernière est pourtant morte depuis peu…

En rouge et jaune, j’exilerai ma peur (air connu)

Des petites filles qui se chamaillent dans le jardin du château de leur grand-père. L’une d’elle, Evelyn, vole la poupée de l’autre, Kitty. Dans l’une des pièces principales de la demeure, trône un tableau représentant la Dame Rouge, se faire poignarder par la Dame Noire. Evelyn semble fascinée par cette œuvre et s’en prend à la poupée de Kitty en lui faisant subir le même sort. « Je ressens quelque chose à l’intérieur en voyant ce tableau » dit Evelyn. Le grand-père leur raconte alors l’histoire de deux sœurs, qui ont habité le château, en particulier la Dame Noire qui s’était résignée à endurer silencieusement les mauvais tours de sa sœur et sa cruauté, attendant le bon moment pour prendre sa revanche, un acte immortalisé sur ce tableau. Un phénomène qui se reproduirait une fois par siècle, impliquant systématiquement deux sœurs. Mais tout ceci n’est qu’une légende n’est-ce pas ? Le grand-père se décide enfin à jeter ce tableau. Puis, la sublime composition de Bruno Nicolai explose et nous nous retrouvons quatorze ans plus tard. Introduction mythique, une référence, la perfection.

Emilio Miraglia et Fabio Pittorru poussent donc les curseurs encore plus loin avec La Dame rouge tua sept fois en approfondissant le trauma du personnage principal, qui peut être victime de celui d’un autre. Une réaction en chaîne d’événements se produisent autour de Kitty, élément central d’un scénario à tiroir qui prend l’allure de matriochkas, dont l’issue paraît fatale pour la jeune femme. Barbara Bouchet est parfaite (ou pas refaite, c’est selon) dans La Dama rossa uccide sette volte. La comédienne de 28 ans est alors au top de sa carrière et de sa beauté, enchaînant les tournages, avec rien de moins que onze films en 1972, dont À la recherche du plaisir Alla ricerca del piacere de Silvio Amadio et La Longue nuit de l’exorcisme Non si sevizia un paperino de Lucio Fulci. Troublante, provocante sous ses airs innocents, magnétique, le spectateur ne peut pas détacher son regard de l’actrice, qui signe assurément l’une de ses meilleures prestations et qui d’ailleurs demeure on ne peut plus pudique ici. Ce n’est pas le cas de Sybil Danning, qui nous dévoile ses charmes au détour d’un plan inattendu. Également au générique, Marina Malfatti, déjà présente dans L’Appel de la chair, tire son épingle du jeu dans le rôle de Franziska Wildenbrück, tout comme le reste du casting féminin, bien plus convaincant que les comédiens.

Emilio Miraglia et son chef opérateur Alberto Spagnoli (Nous voulons les colonels de Mario Monicelli, Les Démons de la nuit de Mario Bava) exploitent merveilleusement leur cadre large et l’utilisation de la couleur, pour plonger les spectateurs dans le cauchemar éveillé de Kitty aux accents gothiques. Le soin apporté aux décors (la Bavière) et aux costumes, la succession des rebondissements, les multiples conclusions (qui restent par ailleurs obscures, pour ne pas dire nawak) et bien d’autres éléments encore font de ce giallo ouest-germano-transalpin un véritable mètre étalon dans sa catégorie.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

Parallèlement à ses sorties en HD des Contrebandiers de Santa Lucia et de Flics en jeans, Artus Films édite deux gialli d’Emilio Miraglia, L’Appel de la chair, dont nous avons déjà parlé, et La Dame rouge tua sept fois. Nous parlerons aujourd’hui de ce quatrième et dernier titre de cette vague de septembre concoctée par Artus. Ce giallo apparaît dans un superbe combo Blu-ray + DVD, disposés dans un Digipack à deux volets magnifiquement illustrés, glissé dans un fourreau cartonné. Très belle sérigraphie des deux disques, qui reprend la couleur jaune emblématique du genre pour le DVD, rouge pour le Blu-ray. Le menu principal est fixe et musical.

Le complice d’Artus Films, présent sur les éditions de Tueurs de l’Ouest, Opération K, Société anonyme anti-crime, Avoir vingt ans et L’Appel de la chair, Emmanuel Le Gagne présente ici La Dame rouge tua sept fois (23’), « qui a acquis le statut d’un des meilleurs gialli des années 1970 » dit-il. Le journaliste-critique de Culturopoing revient en détails sur la carrière du réalisateur Emilio Miraglia, sur les six longs-métrages qu’il aura signés en l’espace de cinq années, avant de disparaître des radars. Puis, après un rappel de l’origine et de la définition du giallo, gros plan sur La Dame rouge tua sept fois, dont il analyse à la fois le fond et la forme. La caractérisation des « silhouettes féminines », les actrices (« le casting masculin étant ici totalement transparent »), les références à Six femmes pour l’assassin de Mario Bava, la musique envoûtante de Bruno Nicolai, les qualités de la photographie et d’autres éléments de cet opus « à la croisée du giallo post-traumatique et du thriller de machination » sont abordés ici.

L’éditeur est ensuite allé à la rencontre de Lucile Hadzihalilovic, réalisatrice La Bouche de Jean-Pierre (1996), Innocence (2005) et Évolution (2015). Durant un petit quart d’heure, celle-ci revient sur le choc de sa découverte au cinéma de L’Oiseau au plumage de cristal de Dario Argento et de La Dame rouge tua sept fois lorsqu’elle avait 13 ans. La cinéaste partage ainsi ses souvenirs liés à ces images qui l’ont longtemps accompagné. Sur La Dama rossa uccide sette volte, qu’elle n’avait jamais revu et qu’elle a donc redécouvert à l’occasion de ce supplément, Lucile Hadzihalilovic ne tarit pas d’éloges, évoque avec passion ce « film très fort en atmosphères, en ambiances, en direction artistique […] un conte gothique, onirique, très résistant aux années […] qui accorde un vrai fétichisme aux décors, aux vêtements, aux accessoires, aux détails des coiffures ». Enfin, l’invitée d’Artus Films parle du côté plastique qui lui parle beaucoup, se demandant au passage comment les adolescents de 2021 réagiraient face à ce film, qui serait difficile à faire aujourd’hui.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces, dont celle (en anglais) de La Dame tua sept fois, et sur un Diaporama d’affiches et de photos d’exploitation.

L’Image et le son

Même chose que pour L’Appel de la chair. Artus Films déroule le tapis rouge au film d’Emilio Miraglia avec un superbe master Haute-Définition (1080p, AVC). Ce traitement royal permet même de (re)voir à la hausse cette référence du giallo. Dès le générique, la propreté s’avère sidérante, la copie est stable, le piqué aiguisé et la photo est respectée et n’a vraisemblablement jamais été aussi resplendissante. Les quelques poussières et griffures qui ont pu échapper au scalpel numérique demeurent subliminales, le cadre large est sublime, la restauration 2K subjugue du début à la fin, tout comme la luminosité, la patine argentique, l’éclat des couleurs et l’élégante tenue des contrastes.

Propre et dynamique, le mixage italien LPCM 2.0 ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues (postsynchronisés), laissant une belle place à la belle partition de Bruno Nicolai. A titre de comparaison, elle demeure la plus riche et la plus équilibrée du lot. La version française LPCM 2.0 déçoit car étouffée et accompagnée de chuintements. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © Artus Films / RTI / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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