GUEULES NOIRES réalisé par Mathieu Turi, disponible en DVD & Blu-ray le 20 mars 2024 chez Blaq Out.
Acteurs : Samuel Le Bihan, Amir El Kacem, Thomas Solivérès, Jean-Hugues Anglade, Carl Laforêt, Diego Martín, Marc Riso, Bruno Sanches…
Scénario : Mathieu Turi
Photographie : Alain Duplantier
Musique : Olivier Derivière
Durée : 1h43
Année de sortie : 2023
LE FILM
1956, dans le nord de la France. Une bande de mineurs de fond se voit obligée de conduire un professeur faire des prélèvements à mille mètres sous terre. Après un éboulement qui les empêche de remonter, ils découvrent une crypte d’un autre temps, et réveillent sans le savoir quelque chose qui aurait dû rester endormi…
À l’occasion de la sortie du formidable Méandre en DVD et Blu-ray en septembre 2021, nous étions revenus sur le travail du réalisateur Mathieu Turi. Deux ans après, le revoilà avec son troisième long-métrage, Gueules noires, nouveau film de genre, qui comme qui dirait compile les éléments des deux opus précédents de Mathieu Turi, Hostile et Méandre, qui confronte une équipe de mineurs de fond avec une créature tout droit héritée des écrits de H.P. Lovecraft. Mais là où Méandre brillait par le talent, l’implication et le charisme de Gaia Weiss, on ne peut pas en dire autant pour Gueules noires avec sa bande de comédiens où peu parviennent à se distinguer, à part sans doute Bruno Sanches (comparse d’Alex Lutz dans Catherine et Liliane, qui cartonne dans la série HPI aux côtés d’Audrey Fleurot) et l’imposant Marc Riso (Divorce Club, Jumeaux mais pas trop, Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée), quant au reste…Samuel Le Bihan n’a jamais vraiment convaincu par ses qualités d’acteurs, toutefois il s’en sort étonnamment mieux que Jean-Hugues Anglade, aussi improbable que foncièrement mauvais ici dans le rôle du professeur Berthier, auquel on ne croit pas une seconde. Même chose pour l’irritant Thomas Solivérès (découvert dans Intouchables) qui passe son temps à rouler les yeux pour montrer que son personnage est frappadingue, Amir El Kacem (Inséparables, Jalouse) dont pas une réplique ne tombe juste, ainsi que l’espagnol Diego Martín (Nouveau départ, Rec 3 Génesis) complètement transparent. Le bât blesse au niveau de la direction d’acteurs, qui non seulement ont peu à défendre, mais qui le font aussi très mal du début à la fin, quand bien même Gueules noires démarre pourtant très bien et s’avère même prometteur…jusqu’à l’apparition du monstre enfoui sous la terre nordique. Et là, c’est le drame comme on dit. Néanmoins, on ne peut s’empêcher d’avoir beaucoup d’affection pour Gueules noires, car Mathieu Turi croit à fond dans son projet et cela se ressent. Le metteur en scène en a sérieusement sous le capot et même si son troisième film est un semi-ratage, voilà du cinéma français de genre qui ose, qui n’a pas peur et qui n’a pas à rougir de proposer une alternative aux spectateurs hexagonaux après Le Règne animal de Thomas Cailley, Acide de Just Philippot, Vermines de Sébastien Vaniček, Vincent doit mourir de Stephan Castang et La Gravité de Cédric Ido.
En 1856 dans une mine du nord de la France, un boutefeu est envoyé par ses collègues faire exploser une poche de gaz. Terrifié par quelque chose, l’explosif est déclenché trop tôt, provoquant l’effondrement de la galerie et le piégeant lui et une trentaine de mineurs. En 1956, Amir, un jeune marocain engagé pour travailler dans cette mine arrive sur le site. Il intègre l’équipe expérimentée de Roland Neuville composé de Polo, Miguel, Santini et Louis, raciste notoire. Une semaine plus tard, l’équipe est choisie pour emmener le Pr Berthier au plus profond de la mine en échange d’une prime. Roland se doute que le professeur leur cache quelque chose, car ce dernier souhaite qu’ils creusent à un endroit précis et les mineurs mettent à jour une grotte. Une fois tous descendus, ils identifient l’endroit comme « les Damnés de Saint Louis », la mine où des mineurs s’étaient retrouvés bloqués cent ans plus tôt. Berthier ayant disparu, l’équipe se scinde en deux. Amir, Louis et Santini découvrent l’un des cadavres des mineurs ainsi qu’un message d’avertissement que ce dernier a écrit avec son sang. Louis en profite pour lui faire les poches et s’empare d’une pierre taillée. Rejoignant l’autre groupe qui a retrouvé Berthier en train de prendre des photos, le professeur accepte que tous remontent à la surface une fois qu’ils auront fait exploser une paroi renfermant selon lui un trésor inestimable. Ils trouvent alors une crypte renfermant un étrange sarcophage qu’une ancienne civilisation vénérait. Roland décide que tout le monde remonte à la surface mais le chemin aménagé par Polo s’effondre, les piégeant tous. Santini blessé à la jambe, Roland espère que les autres mineurs viendront les aider mais Polo lui explique n’avoir vu personne. Roland comprend que Berthier a privatisé la mine pour la journée et qu’ils doivent se débrouiller seuls. Déambulant dans la mine, Amir retrouve Polo et Louis en train d’essayer d’ouvrir le tombeau, persuadés d’y trouver des pierres précieuses. Amir utilise la pierre de Louis qui s’avère être une clé et ses deux compagnons s’emparent des joyaux. Amir les conjurent d’arrêter mais se fait passer à tabac par Louis pour qu’il ne parle pas et s’enfuit dans les couloirs. La créature du tombeau s’éveille et poursuit ses deux compagnons. Ils sont désormais tous à la merci du « Mangeur d’âmes ».
Pour être honnête, on en vient à se dire que ce n’est pas trop grave finalement que les acteurs ne soient – dans l’ensemble – pas crédibles, car après tout, ils ne servent ici que de chair à canon destinée à devenir de la chair à saucisse dans les mains griffues de Mok’Noroth. Le fait est que l’exposition tient la route, c’est même l’une des meilleures séquences de Gueules noires, ainsi que la première visite sur le site menée par Fouassier, incarné par l’impérial Philippe Torreton (on regrette de ne pas le voir plus), la présentation des personnages principaux et du décor qui deviendra le terrain de chasse de la créature. Le cadre large est léché, élégant, recherché, la photographie d’Alain Duplantier (déjà à l’oeuvre sur Méandre, L’Annulaire, Pour elle) est superbe et participe à la plongée anxiogène dans les méandres de la terre où nos mineurs se retrouvent donc face à Mok’Noroth. Dommage que les effets spéciaux mécaniques ne suivent pas et s’avèrent non seulement décevants, mais aussi et surtout risibles quand le monstre est ainsi pleinement exposé à la lumière, trahissant des rouages maladroits qui font penser à une animatronique de train fantôme. Difficile d’avoir peur pour les protagonistes, par ailleurs peu attachants et dont on se fiche assez rapidement, puisqu’on ne sent jamais de « menace ».
De plus, si le décor impressionne au premier abord, celui s’avère vite redondant (le sentiment de claustrophobie et d’oppression s’écroulant rapidement) étant donné que les mineurs se rendent compte eux-mêmes qu’ils tournent en rond dans ces galeries « interminables ». Quelques scènes se démarquent, celle où Mok’Noroth utilise un « élément » provenant d’un des mineurs pour s’exprimer dans leur langue, ou bien celle de son apparition dans la carcasse d’un cheval. Mais entre deux bons moments il faut se farcir des dialogues au rabais, relayés par des acteurs en mode récitation et à ce jeu-là Amir El Kacem et Jean-Hugues Anglade rivalisent malheureusement de médiocrité. Cela tend même à empirer au fil du récit.
Survival situé entre Alien(s) et The Descent, Gueules noires est sans doute une étape non négligeable dans le film de genre bien de chez nous, mais pâtit encore d’un manque de moyens et d’une écriture maladroite, même si nourrie de bonnes influences qui ont été bien digérées.
LE BLU-RAY
Après Méandre en septembre 2021, c’est encore une fois Blaq Out qui propose de (re)découvrir le dernier film de Mathieu Turi en DVD et Blu-ray. La jaquette, glissée dans un boîtier HD classique de couleur noire, reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est fixe et musical.
Un seul supplément au programme, mais de choix, avec un making of complet de 26 minutes. Tour à tour, le réalisateur Mathieu Turi, les producteurs Thomas Lubeau et Eric Gendarme, le directeur de la photographie Alain Duplantier et l’ingénieur du son Alexandre Andrillon reviennent sur l’aventure représentée par Gueules noires. La genèse du film (issue de la passion de Mathieu Turi pour les écrits de Lovecraft), les conditions drastiques de tournage (qui se sont déroulées dans cinq kilomètres de mines de calcaire, sous une température de 14 degrés et avec 80 % d’humidité), les effets spéciaux (la créature de 2m70 a été inspirée, pour ne pas dire reprise des travaux du sculpteur japonais Yoneyama Keisuke), l’éclairage spécifique des acteurs (réalisé à partir de la lampe frontale arborée par chacun des personnages)sont posément abordés. Des images issues du plateau viennent illustrer l’ensemble, les références sont aussi évoquées, ainsi que la création des décors, le travail du compositeur Olivier Derivière (que l’on voit à l’oeuvre), la mise en scène de l’exposition, sans oublier la sortie (« un premier jour difficile… ») et la situation du film de genre dans nos contrées (« ça se réveille, mais c’est encore très compliqué du point de vue budget… »).
L’Image et le son
Gueules noires est un film sombre et la Haute définition restitue habilement la magnifique photo du chef opérateur Alain Duplantier. Les volontés artistiques sont respectées mais entraînent quelques légers fléchissements de la définition, sans gravité ceci-dit. Ce master HD demeure impressionnant de beauté, tant au niveau des détails que du piqué. Le cadre large n’est pas avare en détails, les contrastes affichent une densité remarquable (du vrai goudron en ce qui concerne les noirs) et la colorimétrie est optimale sur les scènes en extérieur de la première partie.
Dès la première séquence, l’ensemble des enceintes de la piste DTS-HD Master Audio 5.1. est mis à contribution aux quatre coins cardinaux. Les ambiances sont efficaces et bénéficient d’un traitement de faveur avec une large ouverture, plongeant constamment le spectateur dans l’atmosphère, avec des silences angoissants dynamités ensuite par une ribambelle d’effets excellemment balancés de gauche à droite et des enceintes avant vers les arrières quand la créature apparaît. N’oublions pas le caisson de basses, qui se mêle ardemment à ce spectacle acoustique aux effets souvent étonnants sur les séquences opportunes. Totalement immersif. Est-il utile d’évoquer la petite Stéréo ? Elle assure mais n’arrive pas à la cheville de son homologue 5.1. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants.