Test Blu-ray / The Ship that Died of Shame, réalisé par Basil Dearden

LE BATEAU QUI MOURUT DE HONTE (The Night my Number Came Up) réalisé par Basil Dearden, disponible en Combo Blu-ray + DVD depuis le 14 janvier 2025 chez Tamasa Distribution.

Acteurs : Richard Attenborough, George Baker, Bill Owen, Virginia McKenna, Roland Culver, Bernard Lee, Ralph Truman, John Chandos, Harold Goodwin, John Longden…

Scénario : John Whiting, Michael Relph & Basil Dearden, d’après une nouvelle de Nicholas Monsarrat

Photographie : Gordon Dines

Musique : William Alwyn

Durée : 1h32

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Après s’être illustré par sa bravoure pendant la Seconde Guerre mondiale, l’équipage du canonnier 1087 de la Royal Navy décide de remettre le navire à flots pour se lancer dans la contrebande. Alors que les cargaisons deviennent de plus en plus suspicieuses, le bateau semble refuser son nouvel et humiliant emploi.

S’il y a un réalisateur britannique auquel devraient s’intéresser les cinéphiles, c’est bien Basil Searden (1911-1971). Nous avons déjà parlé de ce cinéaste à travers nos chroniques consacrées à Khartoum, Au coeur de la nuit (pour lequel il signait le sketch intitulé Le Cocher de corbillard – Hearse Driver, ainsi que celui dit « de liaison ») et Un si noble tueur The Gentle Gunman. Un nom emblématique des studios Ealing. C’est toujours un immense plaisir de mettre la main sur une œuvre méconnue, devenue invisible depuis longtemps et devant laquelle on redécouvre sans cesse la virtuosité d’un metteur en scène. C’est encore le cas avec Le Bateau qui mourut de honte The Ship That Died of Shame, sorti en 1955, alors que le cinéma anglais connaît une crise sans précédent. Cet opus est le vingtième et antépénultième emballé par Basil Dearden pour le compte des Ealing Studios et sans doute l’un des plus étonnants, avec lequel son auteur retrouve une petite veine fantastique déjà exploitée dans le sensationnel Au coeur de la nuit. Également scénariste et producteur, Basil Dearden dirige de merveilleux comédiens et convoque le spectre de la Seconde Guerre mondiale, en se focalisant sur une poignée d’anciens combattants, dont l’âme est restée à bord de leur navire, en pleine mer, qu’ils ont arpenté plusieurs années pour faire face à l’ennemi. Le retour à la « vie normale » est pour ainsi dire impossible, mais il faut bien vivre et continuer à avancer puisqu’ils n’ont pas sombré dans les flots. Comme le hasard fait bien (ou mal) les choses, ces vétérans vont se retrouver quelques années plus tard et remonter à bord de leur ancien navire de guerre, reconverti en bâtiment destiné à la contrebande. Le Bateau qui mourut de honte est comme qui dirait un huis clos à ciel ouvert, où les personnages semblent avoir été enfermés à jamais sous cloche avec leur bateau. La violence jusqu’alors contenue, ainsi que les règlements de comptes vont alors exploser. Grande découverte que ce The Ship That Died of Shame.

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Test Blu-ray / Heretic, réalisé par Scott Beck & Bryan Woods

HERETIC réalisé par Scott Beck & Bryan Woods, disponible en DVD & Blu-ray le 9 avril 2025 chez Le Pacte.

Acteurs : Hugh Grant, Sophie Thatcher, Chloe East, Topher Grace, Elle Young…

Scénario : Scott Beck & Bryan Woods

Photographie : Chung Chung-hoon

Musique : Chris Bacon

Durée : 1h51

Date de sortie initiale : 2024

LE FILM

Deux jeunes missionnaires de l’église mormone d’une petite ville du Colorado font du porte à porte dans l’espoir de convertir les habitants. Le soir venu, après une journée infructueuse, elles décident de frapper à la porte d’une maison isolée. C’est le charmant Mr Reed qui les y accueille. Mais très vite, les jeunes femmes réalisent qu’elles sont tombées dans un piège. La maison est un véritable labyrinthe où elles ne pourront compter que sur leur ingéniosité et leur intelligence pour rester en vie…

Moonlight de Barry Jenkins, Mise à mort du cerf sacré The Killing of a Sacred Deer de Yórgos Lánthimos, 90’s Mid90s de Jonah Hill, The Lighthouse de Robert Eggers, Midsommar d’Ari Aster, Everything Everywhere All at Once de Daniel Kwan et Daniel Scheinert, The Whale de Darren Aronofsky, La Zone d’intérêt The Zone of Interest de Jonathan Glazer, pour ne citer que ceux-là, sortent tous de la même écurie, celle de la société indépendante de production et distribution A24. Un logo devenu un signe de qualité. Le dernier film en provenance du studio est Heretic, mis en scène par Scott Beck et Bryan Woods, plus connus pour leur travail de scénariste sur les deux premiers volets de la désormais franchise Sans un bruit et qui comme réalisateurs avaient signé entre autres 65 – La Terre d’avant avec Adam Driver. Le tandem revient au thriller d’horreur et offre à Hugh Grant probablement l’un des meilleurs rôles de sa carrière. Tout en affichant le même sourire (en plus carnassier ceci dit) qui ravageait les coeurs dans les années 1990, le comédien, désormais âgé de 64 ans, affiche une patine qui lui sied à ravir et a l’air de prendre un malin plaisir à jouer les psychopathes, bien décidé à jouer avec les nerfs de deux jeunes femmes qui voulaient juste tailler le bout de gras et prêcher la bonne parole avec lui. Huis clos, survival, Heretic est autant un thriller qu’un drame psychologique, merveilleusement écrit, prenant, formidablement emballé et magistralement interprété par un trio d’acteurs quasi-seuls en piste et qui se renvoient la balle avec virtuosité. Un des immanquables de 2024, très justement récompensé par un beau succès critique et commercial avec près de 60 millions de dollars de recette dans le monde entier pour une mise de départ de dix millions.

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Test Blu-ray / Les Yeux de feu, réalisé par Avery Crounse

LES YEUX DE FEU (Eyes of Fire) réalisé par Avery Crounse, disponible en Édition Collector Blu-ray + 2 DVD + Livret le 13 février 2025 chez Rimini Éditions.

Acteurs : Dennis Lipscomb, Guy Boyd, Rebecca Stanley, Sally Klein, Karlene Crockett, Fran Ryan, Rob Paulsen, Kerry Sherman…

Scénario : Avery Crounse

Photographie : Wade Hanks

Musique : Brad Fiedel

Durée : 1h26

Date de sortie initiale : 1983

LE FILM

1750. Chassé de son village pour adultère, un pasteur s’enfuit avec quelques fidèles dans une région inexplorée d’Amérique du Nord. Le petit groupe finit par trouver un endroit où s’installer, inconscient des dangers qui se cachent dans les bois environnants.

Nous sommes ici dans le genre folk horror, dont certains titres demeurent emblématiques comme The Wicker Man, Le Grand Inquisiteur, La Nuit des maléfices, Les Démons du maïs (adapté de Stephen King) et plus proches de nous Le Projet Blair Witch, The Witch et Midsommar. L’opus qui nous intéresse aujourd’hui sort en 1983 et s’intitule Les Yeux de feuEyes of Fire. Mais avant cela le titre original était Crying Blue Sky, puisque le réalisateur Avery Crounse (1951-2023) a décidé de revoir sa copie, jugée trop longue et qui a dû couper plus de vingt minutes afin de gagner en rythme, afin aussi de privilégier le fantastique, le premier montage ayant été qualifié de trop contemplatif. Ce premier long-métrage d’un photographe confirmé est une splendeur visuelle, une révélation, un film unique et osons l’écrire une matrice pour de nombreux longs-métrages d’épouvante qui suivront. Écrit et mis en scène par Avery Crounse, qui s’était occupé aussi personnellement de la distribution de son premier « bébé », Les Yeux de feu est une merveille de tous les instants, un trip sensoriel inattendu, un classique instantané.

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Test 4K UHD / Joker: Folie à deux, réalisé par Todd Phillips

JOKER: FOLIE À DEUX réalisé par Todd Phillips, disponible en DVD, Blu-ray & 4K UHD le 12 février 2025 chez Warner Bros.

Acteurs : Joaquin Phoenix, Lady Gaga, Brendan Gleeson, Catherine Keener, Zazie Beetz, Ken Leung, Harry Lawtey, Steve Coogan…

Scénario : Todd Phillips & Scott Silver

Photographie : Lawrence Sher

Musique : Hildur Guðnadóttir

Durée : 2h18

Date de sortie initiale : 2024

LE FILM

À quelques jours de son procès pour les crimes commis sous les traits du Joker, Arthur Fleck rencontre le grand amour et se trouve entraîné dans une folie à deux.

«Joker est un film indépendant, autonome, qui se suffit à lui-même ». C’est ce qu’on avait entendu à sa sortie en 2019…Seulement voilà, Joker a rapporté plus d’un milliard de dollars, le Lion d’Or à Venise, tandis que Joaquin Phoenix repartait lui avec le Golden Globe, le Screen Actors Guild Awards, le British Academy Film Awards, sans oublier l’Oscar du meilleur acteur. Cinq ans plus tard, voilà que débarque dans les salles Joker : Folie à deux, du même Todd Phillips, avec évidemment le même comédien en tête d’affiche. Et c’est un cas d’étude. Pourquoi ? Parce que cette séquelle (le mot est tellement approprié) est fondamentalement anti-commerciale, quand bien même celui-ci a coûté quatre fois plus que le précédent, soit environ 200 millions de dollars. Comme si Todd Phillips avait été lui-même dépassé par le triomphe et l’événement rencontrés par Joker premier du nom, le metteur en scène décide purement et simplement de régler ses comptes, notamment à l’encontre de celles et ceux qui « encensaient » les actes du personnage et qui ne s’intéressaient pas forcément à ses troubles psychiques, un peu comme les midinettes qui défendaient Joe Goldberg dans la série You, sous prétexte qu’il était beau gosse. Joker : Folie à deux n’est pas une antithèse du premier, pas même une suite, mais un épilogue de 140 minutes de Joker. AUCUNE scène spectaculaire ne se démarque ici, puisque Todd Phillips se contente essentiellement d’être dans la tête dérangée d’Arthur Fleck, alors que son procès se déroule devant les caméras et donc devant les yeux du monde entier. C’est alors qu’apparaît Lee Quinzel, qui va tout faire pour que Joker « réapparaisse »…Joker : Folie à deux ne méritait absolument pas la volée de bois vert qui l’a accompagné aussi bien du côté de la critique que du public. Maintenant, on peut comprendre que tout le monde a pu être décontenancé et sans doute déçu, surtout que le tandem Joaquin Phoenix-Lady Gaga promettait du lourd. Mais les intentions et les partis-pris de Todd Phillips ont laissé tout le monde sur le bas-côté et le film n’a même pas pu rembourser son budget colossal. Il faudra du temps pour apprécier Joker : Folie à deux à sa juste valeur, œuvre qui ne saurait être vue « seule ». En y pensant, il faut désormais envisager Joker et Joker : Folie à deux comme un seul et même long-métrage de 4h30. Sans doute la meilleure façon d’appréhender ce faux diptyque.

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Test Blu-ray / The Night my Number Came Up, réalisé par Leslie Norman

LE JOUR OÙ MON DESTIN S’EST JOUÉ (The Night my Number Came Up) réalisé par Leslie Norman, disponible en Combo Blu-ray + DVD depuis le 14 janvier 2025 chez Tamasa Distribution.

Acteurs : Michael Redgrave, Sheila Sim, Alexander Knox, Denholm Elliott, Ursula Jeans, Ralph Truman, Michael Hordern, Nigel Stock…

Scénario : R.C. Sheriff, d’après une histoire originale de Victor Goddard

Photographie : Lionel Banes

Musique : Malcolm Arnold

Durée : 1h32

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Au cours d’une escale aérienne entre Hong Kong et le Japon, le colonel Lindsay raconte son rêve de la nuit précédente : son avion était pris dans une tempête et s’écrasait. Peu à peu, tous réalisent qu’ils sont en train de vivre la même histoire. Le destin de l’avion va-t-il dépendre du cauchemar prophétique… ?

Leslie Norman (1911-1993) n’est peut-être pas le nom le plus emblématique issu des studios Ealing et pourtant celui-ci en fut l’un des hommes les plus en vue. Tout d’abord monteur, pour Basil Dearden, Alberto Cavalcanti ou Allan Dwan, Leslie Norman passe derrière la caméra en 1955, à l’heure où le cinéma britannique dit « traditionnel » connaît un ralentissement conséquent, pour laisser place à l’émergence de la Hammer qui se spécialise dans l’épouvante. Ainsi, quelques mois avant le célèbre Le Monstre Quatermass Xperiment de Val Guest, les studios Ealing donnent sa chance à leur poulain de toujours (25 ans d’expérience tout de même), pour tenter de renouer avec la veine fantastique établie avec le sensationnel Au coeur de la nuit Dead of Night sorti dix ans auparavant. The Night my Number Came Up ou La Nuit où mon destin s’est joué en version française, est donc le premier long-métrage comme metteur en scène de Leslie Norman et un véritable bijou. Ce quasi-huis clos et drame fantastique est une expérience sensorielle qui demeure particulièrement efficace 70 ans après sa sortie. Avec son suspense tendu du début à la fin, son atmosphère anxiogène maintenue et son formidable casting, The Night my Number Came Up, nommé à quatre reprises aux BAFTA de 1956, est une indéniable et précieuse découverte pour les cinéphiles, d’autant plus que le postulat n’est pas sans annoncer les intrigues de quelques séries télévisées contemporaines comme Lost et ses ersatz, ainsi que de la franchise Destination Finale.

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Test Blu-ray / Pink String and Sealing Wax, réalisé par Robert Hamer

FICELLE ROSE ET CORDE À CACHETER (Pink String and Sealing Wax) réalisé par Robert Hamer, disponible en Combo Blu-ray + DVD depuis le 14 janvier 2025 chez Tamasa Distribution.

Acteurs : Mervyn Johns, Mary Merrall, Gordon Jackson, Jean Ireland, Sally Ann Howes, Colin Simpson, David Wallbridge, Googie Withers…

Scénario : Diana Morgan, d’après une pièce de Roland Pertwee

Photographie : Stanley Pavey

Musique : Norman Demuth

Durée : 1h26

Date de sortie initiale : 1945

LE FILM

Dans le Brighton victorien, le fils d’un pharmacien fuit la tyrannie d’un père archaïque pour pénétrer dans le monde interlope d’un pub dirigé par un tenancier alcoolique et violent que sa femme cherche à éliminer par tous les moyens. Celle-ci voit en le jeune homme l’occasion d’arriver à ses fins…

Réalisateur, scénariste et producteur britannique, Robert Hamer (1911-1963) fait ses débuts derrière la caméra avec l’exceptionnel Au cœur de la nuit Dead of Night, film collectif qui réunit aussi à la barre Alberto Cavalcanti, Charles Crichton et Basil Dearden. Dans cet opus mythique des légendaires studios Ealing, œuvre matricielle, fondatrice du cinéma horrifique, comédie noire et drame fantastique, Robert Hammer se fait remarquer avec le sketch intitulé Le Miroir hanté, où une femme fait cadeau a son mari d’un miroir ancien. Celui-ci est fixé au mur de la chambre à coucher mais, au bout d’un certain temps, l’homme, quand il regarde dans le miroir, constate qu’il s’y voit dans une pièce qui est complètement différente de celle où il se trouve réellement. L’ancien monteur d’Alfred Hitchcock (La Taverne de la Jamaïque Jamaica Inn) est passé à la postérité avec le légendaire Noblesse oblige Kind Hearts and Coronets (1949), grâce notamment à Sir Alec Guinness, qui interprète pas moins de huit rôles à l’écran, soit toute la famille d’Ascoyne. Mais quand on creuse un peu plus sa filmographie, le cinéphile curieux aura la surprise de découvrir d’autres pépites. C’est le cas pour L’Académie des coquins, étrangement plus connu dans nos contrées sous son titre original, School for Scoundrels, son dernier long-métrage, ainsi que pour son second film, Pink String and Sealing Wax. Derrière ce titre énigmatique, que l’on peut traduire littéralement par Ficelle rose et cire à cacheter, se cache une comédie de mœurs (symbolique des studios Ealing) qui mute en thriller dramatique que n’aurait pas renié un maître du suspense très célèbre. Robert Hammer dirige à nouveau la formidable Googie Withers, vue dans Au coeur de la nuit, et plus tard dans Les Forbans de la nuit Night and the City (1950), qui marque le film par sa beauté fatale singulière. Magistralement mis en scène, Pink String and Sealing Wax est un diamant noir, peu aimable, souvent pessimiste, qui plonge le spectateur dans les rues de Brighton, où règne la loi de la jungle et où les nantis exercent leur pouvoir aussi bien dans leurs affaires professionnelles que sur leur propre famille.

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Test Blu-ray / La Femme au portrait, réalisé par Fritz Lang

LA FEMME AU PORTRAIT (The Woman in the Window) réalisé par Fritz Lang, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 26 février 2025 chez Rimini Éditions.

Acteurs : Edward G. Robinson, Joan Bennett, Raymond Massey, Edmund Breon, Dan Duryea, Thomas E. Jackson, Dorothy Peterson, Arthur Loft…

Scénario : Nunnally Johnson, d’après le roman J.H. Wallis

Photographie : Milton R. Krasner

Musique : Arthur Lange

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1944

LE FILM

Un soir, en sortant de son club, le professeur Wanley rencontre la jeune fille, Alice, dont le portrait dans la vitrine voisine le fascinait depuis longtemps. Invité par elle, ce dernier se trouve en présence d’un inconnu qui s’en prend à Alice puis à lui. Wanley, en état de légitime violence, est obligé de le poignarder.

La Femme au portrait The Woman in the Window est comme qui dirait le film qui a redonné confiance à Fritz Lang, qui cumulait les échecs publics ou les déceptions au box-office, à l’instar des Bourreaux meurent aussi. Ce très grand succès critique et commercial reste d’ailleurs une merveille technique, passionnante à analyser pour les spécialistes, mais aussi et surtout une tragédie ironique servie par de formidables comédiens. Edward G. Robinson excellait déjà dans le contre-emploi chez Lloyd Bacon pour Un meurtre sans importanceA Slight Case of Murder, comédie hilarante de 1938. Loin de son image de dur à cuire et de salaud éternel (Key Largo, 1948), l’acteur livre une performance sensationnelle où son personnage, un type naïf et chaleureux, devient meurtrier malgré lui. Joan Bennett et Dan Duryea sont à ses côtés, parfaits de vanité, antipathiques et odieux. La Femme au portrait est un enchaînement fatal de situations, un engrenage implacable où tous les protagonistes sont aliénés dans leur passion, leurs mensonges et leurs illusions. Le malaise s’accentue, les ombres prennent le pas sur la lumière, les personnages se réfugient dans l’obscurité, le clignotement intermittent des néons renvoyant à leur conflit interne quand ils perdent leurs repères. Le film devient alors violent, pris d’une démence physique et mentale inexorable. Pour le cinéaste allemand, aucun meurtrier ne peut échapper à son crime. Mais nous sommes au cinéma et le final réserve une surprise supplémentaire, pouvant changer le sort et donc le destin des protagonistes de cette histoire. Angoissant, machiavélique et plastiquement irréprochable, La Femme au portrait, qui contient déjà des éléments liés à la psychanalyse, sujet qui passionne le réalisateur et qui n’aura de cesse d’y revenir encore, se voit et se redécouvre avec un plaisir aussi immense qu’intact.

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Test 4K Ultra-HD / Les Yeux sans visage, réalisé par Georges Franju

LES YEUX SANS VISAGE réalisé par Georges Franju, disponible en Combo 4K Ultra HD & Blu-ray, et en Box Ultra Collector limitée – 4K Ultra HD + Blu-ray + Livre chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Pierre Brasseur, Alida Valli, Édith Scob, Juliette Mayniel, Alexandre Rignault, Béatrice Altariba, Claude Brasseur, Michel Etcheverry, Yvette Etiévant, René Génin, Lucien Hubert, Marcel Pérès, François Guérin…

Scénario : Pierre Boileau, Thomas Narcejac, Jean Redon, Claude Sautet & Pierre Gascar, d’après le roman de Jean Redon

Photographie : Eugen Schüfftan

Musique : Maurice Jarre

Durée : 1h30

Date de sortie initiale : 1959

LE FILM

Le Docteur Génessier, chirurgien renommé et spécialiste des greffes de la peau, retient prisonnière sa fille Christiane, défigurée à la suite d’un grave accident de voiture. Louise, son assistante, qui lui est totalement dévouée, sert de rabatteuse et ramène à Génessier des jeunes femmes qui seront sacrifiées dans son laboratoire dissimulé dans une vaste propriété, isolée en banlieue parisienne. Mais la découverte de l’une des victimes, dans une rivière, déclenche une enquête de police. Après plusieurs échecs ayant entraîné une nécrose de la peau, le chirurgien parviendra-t-il à redonner enfin un visage à Christiane ?

C’est une œuvre matricielle, qui n’a eu de cesse d’inspirer les réalisateurs et qui reste d’ailleurs encore une source de création pour de nombreux cinéastes. Les Yeux sans visage est le second long-métrage de Georges Franju, son film le plus connu et le plus prisé des cinéphiles, ainsi que la deuxième association entre le metteur en scène et Pierre Brasseur, quelques mois seulement après La Tête contre les murs. Alors que le comédien interprétait précédemment un inquiétant directeur d’asile psychiatrique, il incarne ici un chirurgien de renom, spécialisé dans les greffes de peau et la régénérescence cellulaire. Le monstre du film, c’est bien lui, un être froid, glacial, peu loquace, Prométhée moderne, qui à l’instar du docteur Frankenstein, va (re)créer le visage défiguré de sa fille victime d’un accident, créature qui finira par lui échapper. D’après un scénario signé Boileau et Narcejac (Sueurs froides, Les Diaboliques), avec la collaboration de Georges Franju et de Claude Sautet (également assistant réalisateur), adapté d’un roman de Jean Redon, Les Yeux sans visage est une pierre fondatrice du cinéma d’épouvante international, dont on ne compte plus les admirateurs, de Pedro Almodóvar (La Piel que habito) à John Woo (Volte/Face), en passant par Leos Carax (Holy Motors) et George Romero (Bruiser). Un modèle de mise en scène, aussi magistrale qu’épurée, un mètre-étalon, une référence ultime, un vrai film culte.

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Test Blu-ray / Autour de minuit, réalisé par Bertrand Tavernier

AUTOUR DE MINUIT (‘Round Midnight) réalisé par Bertrand Tavernier, disponible en DVD, Blu-ray, 4K Ultra HD & Coffret Collector – 4K Ultra HD + Blu-ray + Blu-ray bonus + Livre + CD audio + Affiche depuis le 4 décembre 2024 chez Tamasa Distribution.

Acteurs : Dexter Gordon, François Cluzet, Gabrielle Haker, Sandra Reaves-Phillips, Lonette McKee, Christine Pascal, Herbie Hancock, Bobby Hutcherson, Martin Scorsese, Philippe Noiret, Alain Sarde, Eddy Mitchell…

Scénario : David Rayfiel & Bertrand Tavernier, inspiré de la vie de Budd Powell & Francis Paudras

Photographie : Bruno de Keyser

Musique : Herbie Hancock

Durée : 2h04

Date de sortie initiale : 1986

LE FILM

À la fin des années 1950, Dale Turner, un saxophoniste new-yorkais de génie miné par l’alcool et la drogue, revient à Paris. En compagnie de Buttercup, une amie, il s’installe à l’Hôtel La Louisiane, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Dale Turner se produit dans une cave, le « Blue Note », où il rêve à un nouveau départ. Un jour, il rencontre Francis Borier et se lie d’amitié avec lui…

L’Amérique aura fasciné Bertrand Tavernier toute sa vie. Son cinéma, son histoire et bien entendu sa musique. Autour de minuit‘Round Midnight est une étape dans la carrière prestigieuse du réalisateur. Cette production franco-américaine réunit un casting hétéroclite, où l’on croise aussi bien Martin Scorsese qu’Eddy Mitchell, Marcel Zanini ou Philippe Noiret et fait office de pont entre les deux continents, édifice sur lequel les plus grands joueurs de jazz officieraient comme serre-files. Récompensé par l’Oscar de la meilleure musique pour Herbie Hancock, lauréat du César du meilleur son et de celui de la meilleure musique originale, Autour de minuit, également nommé aux Golden Globes, s’inspire non seulement du musicien Lester Young, mais aussi et surtout de la rencontre entre le pianiste Budd Powell et le spécialiste de jazz Francis Paudras, que Bertrand Tavernier et son coscénariste David Rayfiel (Les 3 jours du Condor, déjà à l’oeuvre sur La Mort en direct) adapte et transpose – en se basant sur le livreLa Danse des infidèles écrit par Paudras – à travers les personnages de Dale Turner, saxophoniste, et Francis Borler, interprétés par Dexter Gordon (saxophoniste ténor et compositeur de jazz américain) et François Cluzet. Placé entre le merveilleux Un dimanche à la campagne et l’étonnant La Passion Béatrice, ‘Round Midnight est une promenade personnelle dans l’univers de Bertrand Tavernier, qui se livre comme rarement dans cet opus, sans doute l’un de ses plus personnels.

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Test Blu-ray / Casier judiciaire, réalisé par Fritz Lang

CASIER JUDICIAIRE (You and Me) réalisé par Fritz Lang, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 26 février 2025 chez Rimini Éditions.

Acteurs : Sylvia Sidney, George Raft, Barton MacLane, Harry Carey, Roscoe Karns, Warren Hymer, George E. Stone, Robert Cummings…

Scénario : Virginia Van Upp, d’après une histoire originale de Norman Krasna

Photographie : Charles Lang

Musique : Kurt Weill

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 1938

LE FILM

Travaillant dans le même magasin, Joe et Helen, deux condamnés libérés sur parole, sont épris l’un de l’autre. Des deux amants, seul Joe a avoué son passé. Lorsqu’il découvre la vérité sur Helen, trahi et déçu, il se lance par désespoir dans la préparation d’un mauvais coup.

Casier judiciaire You and Me est le troisième film américain de Fritz Lang (et le dernier volet d’une trilogie consacrée à la justice américaine), réalisé après l’échec commercial de Furie Fury et celui de J’ai le droit de vivre You Only Live Once. C’est aussi sa troisième et dernière collaboration avec la sublime comédienne Sylvia Sidney, un des plus beaux visages de l’histoire du cinéma, révélée en 1931 dans Les Carrefours de la ville City Streets de Rouben Mamoulian, aux côtés de Gary Cooper. Rétrospectivement parlant, Casier judiciaire vaut plus pour son actrice principale que pour Fritz Lang lui-même, car il s’agit ici indéniablement d’un opus, non pas anecdotique, mais mineur. Si les deux précédents longs-métrages du cinéaste étaient sombres et marqués par sa griffe inimitable, You and Me joue avec le mélange des genres, y compris la comédie, genre auquel on rattache difficilement Fritz Lang. Encore aujourd’hui méconnu, car peu représentatif du réalisateur, Casier judiciaire reste singulier dans cette carrière extraordinaire, où peu de scènes se distinguent réellement, en dehors et étrangement de deux séquences mises en musique par Kurt Weill, la chanson d’ouverture dans le grand magasin où officient Helene et Joe, sans oublier LA plus grande scène du film, celle où des anciens taulards, hantés par le souvenir de la mort d’un de leur compagnon de cellule, se remémorent leur vie passée en prison. Rien que pour ce grand moment, mais pas que bien évidemment, Casier judiciaire est plus que largement conseillé aux cinéphiles, qui sauront apprécier cette nouvelle approche par Fritz Lang d’un de ses thèmes familiers, celui d’un couple de criminels repentis rattrapés par leur passé et sur le point de replonger.

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