LA MURAILLE DE FEU (La Gerusalemme liberata) réalisé par Carlo Ludovico Bragaglia, disponible en DVD le 4 mai 2021 chez Artus Films.
Acteurs : Francisco Rabal, Sylva Koscina, Gianna Maria Canale, Rik Battaglia, Philippe Hersent, Andrea Aureli, Alba Arnova, Nando Tamberlani…
Scénario : Sandro Continenza
Photographie : Rodolfo Lombardi
Musique : Roberto Nicolosi
Durée : 1h40
Date de sortie initiale : 1957
LE FILM
Lors de la première croisade aux pieds de la muraille de Jérusalem, les seigneurs chrétiens Tancrède, Renaud, Godefroy de Bouillon attendent de passer à l’attaque tandis que trois femmes musulmanes vont faire chavirer leur cœur et le tournant de la bataille.
Est-ce que le nom de Carlo Ludovico Bragaglia (1894-1998) vous dit quelque chose ? Pour tout vous avouer, moi non plus. Je n’avais jamais entendu parler de ce réalisateur italien, décédé à 103 ans, metteur en scène de plus de soixante longs-métrages sur une durée de trente années. Considéré comme l’un des cinéastes transalpins les plus prolifiques, Carlo Ludovico Bragaglia n’a cependant jamais connu de notoriété au-delà des frontières de son pays. Dans sa filmographie, on pourra évoquer six opus avec Totò (Animali Pazzi, 47 morto che parla, Figaro qua, Figaro là, Les Femmes de Barbe-Bleue, Totò cerca moglie et Totò le Moko), ainsi que diverses comédies musicales et même quelques péplums et films d’aventure dans les années 1950-60. De l’avis des spécialistes, La Muraille de feu – La Gerusalemme liberata est l’un de ses meilleurs films et force est de constater que cette évocation de la prise de Jérusalem par les guerriers de la première croisade (l’un des derniers films sur ce sujet) est élégamment réalisée et portée par un casting formidable sur lequel trône la sublime Sylva Koscina.
GENEVIÈVE DE BRABANT (Genoveffa di Brabante) réalisé par José Luis Monter & Riccardo Freda, disponible en DVD le 4 mai 2021 chez Artus Films.
Acteurs : María José Alfonso, Alberto Lupo, Stephen Forsyth, Beni Deus, Rosita Yarza, Andrea Bosic, Franco Balducci, Ángela Rhu…
Scénario : Riccardo Freda & José Luis Monter
Photographie : Julio Ortas & Stelvio Massi
Musique : Carlo Rustichelli
Durée : 1h26
Date de sortie initiale : 1964
LE FILM
Au XIIe siècle, le comte Siegfried s’éprend de Geneviève de Brabant et l’épouse. Lorsqu’il doit partir à la guerre au service de son roi, Geneviève se retrouve face à l’intendant félon Golo à la cruauté sans bornes.
Quand on lui parle de Riccardo Freda (1909-1999), l’amateur de cinéma d’exploitation italien a ses yeux qui s’illuminent. Si son premier métier était sculpteur, sa passion pour le septième art l’amène un peu par hasard à réaliser son premier film, le bien connu Don Cesera Di Bazan (1942). Après ce premier coup d’essai, le réalisateur se spécialise rapidement dans le film d’aventure et le genre cape et d’épée. Vaniteux, ne mâchant pas ses mots, il affirmera toute sa vie n’avoir fait du cinéma que pour l’argent, tout en critiquant ses « camarades » qu’il côtoyait à l’époque, y compris Roberto Rossellini. Même s’il est indéniable que le bonhomme était on ne peut plus aigri et imbu de sa personne, allant même jusqu’à déclarer qu’il était une « exception » en tant que cinéaste, on ne pourra jamais lui reprocher d’avoir chômé ou d’être allé à la facilité tout au long de sa prolifique carrière qui comptera plus de quarante films. On peut ainsi citer en vrac son adaptation des Misérables, connue en France sous le titre de L’Évadé du bagne (1948), Le Fils de d’Artagnan – Il Figlio di d’Artagnan (1949), auquel Bertrand Tavernier rendra hommage en écrivant La Fille de d’Artagnan (1994) que Riccardo Freda devait d’ailleurs mettre en scène lui-même, un Spartacus en 1953, Le Château des amants maudits (1956), inspiré de l’histoire de Beatrice Cenci, Les Vampires – I Vampiri (1957), qui sera finalement repris en main et terminé par Mario Bava, le cultissime L’Effroyable Secret du docteur Hichcock – L’Orribile segreto del Dr. Hichcock (1962). Retracer la filmographie de Riccardo Freda, c’est suivre les grandes étapes du cinéma italien d’exploitation, puisque le réalisateur touchera aussi bien au péplum qu’au giallo, au mélodrame, au film d’épouvante, allant même jusqu’à anticiper le poliziottesco dix ans avant son explosion avec Chasse à la drogue en 1961. Le film d’aventure tient aussi une belle place dans son œuvre. Outre Sept épées pour le roi – Le Sette spade del vendicatore (1962), qui n’est autre que le remake de Don Cesera di Bazan et L’Aigle de Florence – Il Magnifico avventuriero (1963), Riccardo Freda met les bouchées doubles en 1964 et met en scène sa version de Roméo et Juliette et celle des Deux orphelines. Parallèlement, il écrit le film Geneviève de Brabant, inspiré par la biographie de l’héroïne légendaire et populaire du Moyen Âge, Geneviève de Brabant donc, présente dans l’ouvrage La Légende dorée écrit par Jacques de Voragine, qui inspirera les écrivains, les peintres, les dramaturges, les compositeurs et les cinéastes puisqu’il s’agit ici du sixième film centré sur ce personnage. S’il est souvent indiqué que seul le réalisateur José Luis Monter est aux commandes, Riccardo Freda y a bel et bien participé en tant que metteur en scène. Et en voyant le film (inédit en France), force est de constater que l’on retrouve non seulement son style au niveau du scénario, mais aussi et surtout à l’écran avec des affrontements pleins de panache (le film démarre d’emblée par un fracas de lames croisées), une caractérisation spécifique et personnelle des personnages, ainsi que le souffle épique qui a souvent marqué les opus du cinéaste transalpin. Il en résulte un divertissement de haute volée, excellemment réalisé et interprété, qui vaut le coup d’oeil pour ses beaux décors, ses rebondissements multiples, ses dialogues très soignés et ses combats très bien chorégraphiés.
Scénario : René Fallet, René Wheeler, Christian-Jaque & Henri Jeanson
Photographie : Christian Matras
Musique : Maurice Thiriet & Georges Van Parys
Durée : 1h35
Date de sortie initiale : 1952
LE FILM
Le sergent recruteur “La franchise” sillonnait la Normandie accompagné de sa fille, la belle Adeline, afin de recruter de nouveaux soldats prêts à aller mourir sur les champs de bataille du roi Louis XV. La tâche s’avérant de plus en plus difficile, ce racoleur avait mis au point un fin stratagème. Adeline, déguisée en bohémienne, arrêtait d’un sourire les garçons et lisait dans leur main une incroyable destinée : ils seraient les meilleurs soldats du royaume et épouseraient l’une des filles du roi. Fanfan la Tulipe, un jeune coq de village, passa par là…
Quelle fougue ! Quel panache ! Quasiment 70 ans après sa sortie, Fanfan la Tulipe de Christian-Jaque, à ne pas confondre avec La Tulipe Noire (1963) du même réalisateur, n’a pas pris une seule ride et demeure LA référence du film d’aventure français, où la cape et l’épée s’entremêlent pour le plus grand plaisir des spectateurs, alors happés par le charme dévastateur, la jeunesse, l’érotisme et la frénésie du couple Gérard Philipe – Gina Lollobrigida. Gigantesque succès international, qui avait attiré près de sept millions de spectateurs en France, qui s’inscrivait alors sur la troisième marche du podium au box office en 1952 derrière les 12,8 millions d’entrées du Petit Monde de Don Camillo et les 8,1 millions de l’opérette Violettes impériales, Fanfan la Tulipe a su mieux traverser la seconde moitié du XXe siècle et le premier quart de ce XXIe siècle grâce à la plume acérée, follement moderne et furieusement poétique de l’immense Henri Jeanson, dont on reconnaît le talent à chaque réplique et ce dès l’incroyable, dantesque et ironique introduction en voix-off. Si le scénario est finalement signé René Fallet (Le Triporteur, Les Vieux de la vieille, Un idiot à Paris, La Soupe aux choux) et René Wheeler (La Cage aux rossignols, Jour de fête, Du rififi chez les hommes), l’âme de Henri Jenson traverse et imprègne Fanfan la Tulipe du début à la fin, tandis que la mise en scène étourdissante de Christian-Jaque, récompensée au Festival de Cannes et par l’Ours d’argent au Festival de Berlin, se révèle être un véritable typhon qui emporte tout sur son passage. Chef d’oeuvre absolu du cinéma français, inoubliable, inaltérable et intemporel.
LE BOUFFON DU ROI (The Court Jester) réalisé par Melvin Frank & Norman Panama, disponible en Blu-ray le 3 février 2021 chez Paramount Pictures.
Acteurs : Danny Kaye, Glynis Johns, Basil Rathbone, Angela Lansbury, Cecil Parker, Mildred Natwick, Robert Middleton, Michael Pate…
Scénario : Melvin Frank & Norman Panama
Photographie : Ray June
Musique : Walter Scharf & Vic Schoen
Durée : 1h41
Année de sortie : 1955
LE FILM
Au Moyen Age, Roderick, ignoble félon, a usurpé le trône d’Angleterre et règne en tyran sur le pays. Le véritable héritier, qui n’est encore qu’un bébé, porte sur les fesses la marque tatouée de son lignage. Une bande de rebelles veille sur le prince et attend son heure pour passer le pouvoir au légitime héritier de la couronne. Le vaillant «Renard noir», chef des nobles brigands, garantit de sa vie l’avenir de l’enfant. Un de ses fidèles parvient à se faire passer pour un bouffon italien à la cour de Roderick et se charge de glaner tous les renseignements utiles aux rebelles. Un complot se prépare pour démasquer le tyran et mettre fin à son règne…
En France, de nombreux cinéphiles semblent avoir Danny Kaye (1911-1987), comédien, danseur et chanteur américain, qui aura fait les beaux jours de l’âge d’or hollywoodien, à travers de grands spectacles, dont les plus célèbres demeurent La Vie secrète de Walter Mitty – The Secret Life of Walter Mitty (1947) de Norman Z. McLeod, d’après la nouvelle de James Thurber, qui avait connu un très bon remake réalisé en 2013 par Ben Stiller, ainsi que le hit de sa filmographie, Noël blanc – White Christmas (1954) de Michael Curtiz, où il fait face à Bing Crosby. Rétrospectivement, Danny Kaye a finalement peu tourné, un peu plus d’une quinzaine de films en 25 ans, mais la popularité, le talent et le charisme de cet homme-orchestre étaient gigantesques, dépassaient les frontières et avaient même donné envie à notre Pierre Richard national de devenir acteur. Si l’on peut citer en vrac Un fou s’en va-t-en guerre – Up in Arms (1944) d’Elliott Nugent, Le Laitier de Brooklyn – The Kid from Brooklyn (1946), Si bémol et Fa dièse – A Song Is Born (1948) de Howard Hawks, Vive monsieur le maire – The Inspector General (1949) d’Henry Koster, les deux collaborations de Danny Kaye avec le tandem Melvin Frank et Norman Panama se distinguent. Deux ans après Un grain de folie – Knock on Wood (1954), le comédien et les réalisateurs (également scénaristes et producteurs) se retrouvent pour Le Bouffon du roi – The Court Jester, parodie de film de cape et d’épée, non seulement très drôle encore aujourd’hui, mais fabuleusement mise en scène, photographiée et interprétée par des acteurs survoltés. Dans cette histoire de royaume volé, Danny Kaye trône en maître sur une formidable distribution composée de Glynis Johns, Basil Rathbone, Angela Lansbury et John Carradine. L’acteur principal se livre à un one-man show dantesque, sans jamais tirer la couverture à ses partenaires (aucun n’est laissé de côté), dans lequel il se déguise, chante, combat en armure, se fait hypnotiser, compte fleurette en se prenant pour Errol Flynn (beaucoup de références aux Aventures de Robin des Bois de Michael Curtiz et William Keighley), bondit de toit en toit, jongle avec les mots, tout cela en gardant le sourire et en faisant quelques sourires complices aux spectateurs. Près de soixante-dix ans après sa sortie, Le Bouffon du roi, film devenu rare, reste un modèle de comédie pastiche.
CALIFORNIE EN FLAMMES (California Conquest) réalisé par Lew Landers, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 12 février 2021 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Cornel Wilde, Teresa Wright, Alfonso Bedoya, Lisa Ferraday, Eugene Iglesias, John Dehner, Ivan Lebedeff, Tito Renaldo…
Scénario : Robert E. Kent
Photographie : Ellis W. Carter
Durée : 1h19
Date de sortie initiale : 1952
LE FILM
Les Californiens, alors sous contrôle espagnol, repoussent une tentative des Russes pour s’emparer de leur territoire.
C’est un tout petit western. On pourrait même dire qu’il s’agit aussi d’un film de cape et d’épée en fait, un petit divertissement sans aucune prétention et destiné uniquement à convier les spectateurs à quelques aventures sympathiques pour leur faire oublier les difficultés du quotidien, tout en permettant à la Columbia de se faire au passage un maximum de billets verts. Soyons clairs, Californie en flammes – California Conquest (1952) ne reste pas et ne demeurera jamais dans les mémoires après la projection, mais s’avère une curiosité amusante, dans le sens où l’Histoire est triturée à souhait, malaxée, digérée et réinterprétée dans un but dramatique qui préfère miser sur l’efficacité plutôt que sur la réflexion. De ce point de vue-là, Californie en flammes se révèle être une récréation qui passe très vite et durant laquelle le spectateur n’a pas le temps de s’ennuyer.
LA VENGEANCE DE SIEGFRIED (Die Nibelungen) réalisé par Harald Reinl, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre le 5 janvier 2021 chez Artus Films.
Acteurs : Uwe Beyer, Karin Dor, Rolf Henniger, Siegfried Wischnewski, Maria Marlow, Hans von Borsody, Terence Hill, Herbert Lom, Fred Williams, Dieter Eppler…
Scénario : Harald G. Petersson, Harald Reinl & Ladislas Fodor
Photographie : Ernst W. Kalinke
Musique : Rolf A. Wilhelm
Durée : 2h42
Année de sortie : 1966
LE FILM
Terminant son initiation chez le nain Mime, Siegfried se forge une épée, et va tuer le dragon Fafnir, se baignant alors dans son sang pour acquérir l’invincibilité. Mais une feuille de frêne se colle sur son dos, lui laissant une partie vulnérable. Il se rend ensuite à la cour des Nibelungen, chez le roi Gunther, où il va tomber amoureux de la belle Krimhilde, la sœur du roi. Ce dernier devant repousser une attaque des Saxons, Siegfried va lui prêter main forte. Ses exploits l’amèneront au statut immortel de héros.
Certains cinéphiles pointus connaissent le diptyque de Fritz Lang réalisé en 1924, La Mort de Siegfried, suivi de La Vengeance de Kriemhilde, inspiré par le mythe allemand des Nibelungen. Une fresque de six heures qui demeure la grande référence sur le sujet. Néanmoins, dans les années 1960, le cinéma allemand décide de revenir à cette légende, la légendaire Chanson des Nibelungen, épopée médiévale composée au XIIIe siècle, narrant entre autres la construction de l’Allemagne. Sur une durée de près de trois heures, pensé en deux actes bien distincts, La Vengeance de Siegfried – Die Nibelungen est pour ainsi dire un véritable blockbuster, magistralement réalisé par Harald Reinl (1908-1986), réalisateur mythique, prolifique et éclectique (tous les genres et sous-genres sont représentés dans sa filmographie), passé à la postérité avec Le Retour du docteur Mabuse – Im Stahlnetz des Dr. Mabuse (1961) et L’Invisible docteur Mabuse – Die unsichtbaren Krallen des Dr. Mabuse (1962), ainsi que la célèbre série des Winnetou avec Pierre Brice dont il réalisera cinq épisodes, y compris les trois premiers qui populariseront la franchise qui sera constituée au final de douze longs-métrages, une série et un téléfilm. Également l’un des fondateurs du Krimi, autrement dit du polar allemand qui commençait à fleurir dans les salles, Harald Reinl se voit confier cette énorme coproduction germano-yougo-hispano-islandaise, La Vengeance de Siegfried, Première partie : La Mort de Siegfried – Die Nibelungen, Teil 1: Siegfried et La Vengeance de Siegfried, Deuxième partie : La Vengeance de Kriemhild – Die Nibelungen, Teil 2: Kriemhilds Rache. Immense spectacle, bourré de magie, de combats, d’émotions, de conspirations, La Vengeance de Siegfried n’a pas pris de rides et reste toujours aussi efficace et très beau à regarder.
LE CHEVALIER DU CHÂTEAU MAUDIT (Il Cavaliere del castello maledetto) réalisé par Mario Costa, disponible en DVD le 3 novembre 2020 chez Artus Films.
Acteurs : Massimo Serato, Irène Tunc, Luisella Boni, Pierre Cressoy, Livio Lorenzon, Maria Sima, Carlo Tamberlani, Aldo Bufi Landi…
Scénario : Sergio Corbucci, Piero Vivarelli
Photographie : Augusto Tiezzi
Musique : Michele Cozzoli
Durée : 1h19
Année de sortie : 1959
LE FILM
Le perfide Ugo de Collefeltro a fait jeter en prison son oncle le duc Olivero et pris sa place sur le trône de Valgrado. Devant l’oppression subie, les gens du pays déplorent la disparition de leur ancien maître. Quand Isabelle, la fille du duc, revient au château, elle est demandée en mariage par son cousin Ugo. Elle fait alors connaissance avec le mystérieux Chevalier Noir, qui défend les paysans contre le tyran.
Dans les années 1950, le film de cape et d’épée est un des genres prisés par les spectateurs, notamment en France avec des titres emblématiques comme Fanfan la tulipe (1952), Les Trois Mousquetaires (1953) version André Hunebelle, La Tour, prends garde ! (1957), Le Bossu (1959), Le Capitan (1960) et bien d’autres. Ce que l’on sait moins, c’est que même l’Italie s’est également essayée au genre, à l’instar du mythique Riccardo Freda, qui avait d’ailleurs fait ses débuts derrière la caméra avec Don César de Bazan – Don Cesare di Bazan (1942). Totalement inconnu en France, le cinéaste Mario Costa aura signé par loin de 40 longs-métrages depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, jusqu’au début des années 1970. Prolifique et surtout éclectique, le réalisateur aura abordé le drame et la comédie-musicale dans la première partie de sa carrière, avant de bifurquer vers le film d’aventure. Le Chevalier du château maudit – Il cavaliere del castello maledetto (1959) est comme qui dirait son premier coup d’essai du genre, qui sera suivi Prisonnier de la tour – I Reali di Francia (1959), La Reine des pirates – La Venere dei pirati (1960), La Bataille de Corinthe – Il conquistatore di Corinto (1961), Gordon, chevalier des mers – Gordon, il pirata nero (1961), Le Retour du fils du Sheik – Il figlio dello sceicco (1962) et Les Cavaliers de la terreur – Il terrore dei mantelli rossi (1963). Mais pour l’heure, Le Chevalier du château maudit demeure un divertissement classique et désuet, mais bourré de charme avec ses décors intérieurs confectionnés en carton-pâte, ses costumes approximatifs, ses batailles molles et ses comédiens qui en font souvent des caisses. Un film de chevalerie transalpin très premier degré, coécrit par le légendaire Sergio Corbucci, une curiosité doublée d’un bon moment de cinéma à l’ancienne, entre amours et intrigues, le tout enrobé d’embuscades et de duels.
CARTOUCHE réalisé par Philippe de Broca, disponible en combo Blu-ray/DVD le 6 novembre 2019 chez Studiocanal
Acteurs : Jean-Paul Belmondo, Claudia Cardinale, Jess Hahn, Marcel Dalio, Jean Rochefort, Philippe Lemaire, Noël Roquevert, Odile Versois, Paul Préboist…
Scénario : Marcel Boulanger, Philippe de Broca, Charles Spaak
Photographie : Christian Matras
Musique : Georges Delerue
Durée : 1h54
Date de sortie initiale : 1962
LE FILM
Révolté par la tyrannie de Malichot, le chef de la truanderie, un jeune et habile voleur nommé Dominique brave son autorité. Il sauve sa vie en s’engageant, sous le nom de Cartouche, dans l’armée, où il se lie d’amitié avec La Taupe et La Douceur. Mais les aléas de la gloire militaire conviennent mal au trio qui déserte après s’être emparé de la solde du régiment. Revenu au repaire de Malichot en compagnie d’une charmante bohémienne appelée Vénus, Dominique distribue son butin aux truands qui aussitôt l’acceptent comme chef…
Amuse-toi, ça empêche
de mourir !
A la sortie de Cartouche en mars 1962, Jean-Paul Belmondo n’a que 28 ans. Depuis son explosion dans À bout de souffle de Jean-Luc Godard deux ans auparavant, le jeune comédien aura enchaîné près d’une quinzaine de longs métrages et non des moindres, avec des réalisateurs aussi illustres que Henri Verneuil (La Française et l’Amour), Vittorio De Sica (La Ciociara), Alberto Lattuada (La Novice), Mauro Bolognini (Le Mauvais chemin –La Viaccia) et Jean-Pierre Melville (Léon Morin, prêtre, Le Doulos). Belmondo n’est pas encore Bebel, mais va le devenir avec Cartouche, dans lequel il incarne pour la première fois à l’écran un personnage haut en couleur, charmeur, aussi à l’aise à cheval qu’à l’escrime, tout en cramponnant la taille de sa ravissante partenaire. Cette mutation, on la doit à Philippe de Broca (1933-2004). S’il doit annuler son projet d’adaptation des Trois Mousquetaires (avec Sophia Loren en Milady) en raison du projet similaire et déjà en production du réalisateur Bernard Borderie avec Gérard Barray, le cinéaste obtient l’accord du producteur Alexandre Mnouchkine pour transposer une histoire moins célèbre, celle de Louis Dominique Garthausen (1693-1721), dit Cartouche, brigand et chef de bande ayant sévi dans les rues de Paris, durant la Régence de Philippe d’Orléans. Philippe de Broca se sent alors plus libre et peut enfin montrer ce qu’il a sous le capot avec ce quatrième long métrage. Merveilleusement mis en scène, d’une suprême élégance, drôle, captivant et bouleversant, Cartouche est et demeure l’une des références absolues du film d’aventures hexagonal.
Son ami Miguel assassiné, Don Diego de la Vega se jure de le venger. Sous son identité, il prend les fonctions de gouverneur du Nouvel Aragon, une province que le despotique Colonel Huerta rançonne, éliminant tous ses opposants et régnant par la terreur. Si Don Diego joue les aristocrates frivoles et poltrons pour mieux tromper l’ennemi, c’est pour mieux l’affronter derrière le masque de Zorro, un cavalier qui, surgissant de nulle part, ridiculise l’armée et pousse les paysans à la révolte. Rusé, Don Diego propose même à Huerta de servir d’appât dans le piège que celui-ci tend à l’insaisissable justicier…
Zorro, l’esprit du renard noir, l’immortel, le vengeur invulnérable. Créé en 1919 par Johnston McCulley, le justicier masqué vêtu de noir qui combat l’injustice et défend la veuve et l’orphelin a inspiré moult romans, séries télévisées, bandes dessinées, jeux et évidemment des films dont ce formidable Zorro réalisé par Duccio Tessari en 1975 avec Alain Delon dans le rôle-titre. Coproduit par le comédien, désireux de toucher un public familial loin de ses films policiers et drames habituels, tourné en Espagne avec une équipe essentiellement italienne, Zorro demeure un des plus grands succès populaires d’Alain Delon. Véritable triomphe avec plus de 56 millions d’entrées dans le monde, Zorro remplit les salles, enregistre des records d’affluence en Chine où il sera parmi les premiers films occidentaux diffusés au moment de l’ouverture du pays.
GUILLAUME TELL (Wilhelm Tell) réalisé par Michel Dickoff & Karl Hartl, disponible le 23 avril 2019 en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre chez Artus Films
Acteurs : Robert Freitag, Alfred Schlageter, Heinz Woester, Hannes Schmidhauser, Leopold Biberti, Maria Becker, Georges Weiss, Zarli Carigiet, Birke Bruck…
Scénario : Max Frisch, Michel Dickoff, Karl Hartl, Luise Kaelin, Friedrich Schiller, Hannes Schmidhauser
Photographie : Hans Schneeberger
Musique : Hans Haug
Durée : 1h36
Année de sortie : 1961
LE FILM
À la fin du XIIIème siècle, le bailli Gessler, aux ordres des Habsbourg et du Saint Empire Romain Germanique, impose sa tyrannie aux habitants des cantons de Schwyz et Uri. Les paysans doivent payer de plus en plus d’impôts et subir les humiliations des gardes. Guillaume Tell va prendre la tête de la révolte et libérer le peuple du joug des oppresseurs.
Une superproduction suisse ça existe ? Bah oui ! Au-delà des Alpes, la légende de Guillaume Tell se perpétue à travers les arts depuis la fin du Moyen Age. La littérature, la peinture, l’opéra (Rossini), le théâtre puis le cinéma (Georges Méliès s’en était déjà inspiré en 1898) se sont emparés du célèbre arbalétrier, souvent relégué au second plan comme un ersatz de Robin des Bois auquel on ne peut évidemment s’empêcher de penser, aussi bien dans sa représentation que dans la mission qu’il s’est donnée. Guillaume Tell aka Wilhelm Tell en allemand, est considéré comme le film le plus fidèle à l’histoire du héros des mythes fondateurs de la Suisse, même si son authenticité demeure controversée. N’attendez évidemment pas une reconstitution historique, mais une fort sympathique illustration du folklore qui a nourri cette icône devenue mondialement célèbre.
Deux réalisateurs sont à la tête de Guillaume Tell, Michel Dickoff et Karl Hartl. S’il s’agit pour le premier de sa quasi-unique incursion dans le monde du cinéma, le second aura oeuvré en tant que metteur en scène et scénariste sur une trentaine de longs métrages, dont les plus célèbres restent probablement On a arrêté Sherlock Holmes en 1937 et un biopic sur Mozart, où Oskar Werner interprétait le compositeur en 1955. Sur Guillaume Tell, il est surtout crédité en tant que superviseur, même s’il est évident qu’il a également mis la main à la pâte pour toutes les séquences qui nécessitaient des effets visuels directs, comme sur les scènes de tempête. Tourné dans de splendides paysages naturels, Guillaume Tell est un film à mi-chemin entre la naïveté à la Sissi et l’aventure en collant des films de cape et d’épée qui fleurissaient en Europe, avec une petite touche paillarde puisque les hommes y ripaillent autant qu’ils se gaussent.
Les deux cinéastes exposent d’emblée les lieux de l’action et chaque plan s’apparente à des cartes postales avec un ciel bleu azur, des étendues d’herbe à perte de vue, des montages au sommet enneigé, des cours d’eau luminescente. Nous noterons également le soin apporté aux costumes, même s’ils paraissent évidemment trop propres et brillants, tout comme les cheveux des comédiens qui semblent avoir été passés à la brillantine avant chaque prise. Il n’empêche que ce Guillaume Tell n’a rien perdu de son souffle et reste un divertissement bien mené. Certaines séquences étonnent par leur violence, toutes proportions gardées puisque les actes n’apparaissent pas à l’écran, mais suffisamment suggérées pour qu’elles fassent leur effet comme la tentative de viol en début de film, le meurtre à la hache et plus tard le vieil homme qui se fait passer les yeux au fer rouge.
Finalement, le personnage de Guillaume Tell, interprété ici par un certain Robert Freitag, vu dans La Grande évasion de John Sturges, n’apparaît pas tant que ça sur près d’1h40, d’ailleurs il faut attendre près de 25 minutes pour qu’il fasse sa première apparition à l’écran. Certes, les passages obligés sont présents, dont celui de la pomme posée sur la tête du fils du héros alors condamné à tirer un carreau d’arbalète dans le fruit sous peine d’être tué avec sa progéniture, mais les deux cinéastes ont surtout voulu broder autour, en mettant en relief le soulèvement du peuple et sa cause. Les archétypes sont présents avec la femme attendant son mari au chalet avec ses deux enfants, et surtout le suintant ennemi prêt à tout pour étendre son pouvoir au détriment de la liberté et du bien-être des habitants.
On suit donc volontiers les aventures de ce Guillaume Tell, héros légendaire qui s’en va défendre le peuple de l’oppression des Habsbourg, et contribuer à la naissance de la Confédération Helvétique avec le pacte du Grütli.
LE BLU-RAY
Artus Films a mis les petits plats dans les grands pour Guillaume Tell, film alors complètement oublié ! Autant dire que le pari est osé de proposer l’oeuvre de Michel Dickoff et Karl Hartl dans une édition Mediabook, qui se compose du Blu-ray et du DVD, ainsi que d’un livre de 80 pages (Guillaume Tell, de l’Histoire à la légende) rédigé par David L’Epée. Vous y trouverez de fabuleux visuels, photos et affiches, mais aussi et surtout un retour exhaustif sur le contexte historique de la légende de Guillaume Tell, un entretien avec Félicien Monnier (juriste et capitaine de l’armée suisse), et tout un tas de sous-parties très détaillées sur la Suisse primitive des Waldstätten, les Habsbourg et leurs baillis, le pacte de 1291, mais aussi Guillaume Tell dans la littérature et au cinéma. Un supplément de choix et érudit. Le menu principal des disques est fixe et musical.
En ce qui concerne les bonus vidéo, nous trouvons un montage constitué d’images de tournage. Si elle ne dépasse pas les 90 secondes, il s’agit d’un petit trésor puisqu’on y voit comment l’équipe s’y prenait pour créer les scènes de tempête !
L’éditeur joint
également un diaporama, ainsi que les bandes-annonces anglaise et
allemande.
L’Image et le son
Le catalogue d’Artus Films s’enrichit ainsi avec cette édition de Guillaume Tell, présentée sous le blason « Histoire & légendes d’Europe » et qui se revêt d’un très beau master HD restauré. La photo et les partis pris esthétiques originaux sont superbement conservés, les contrastes certes un peu légers, mais les couleurs pastelles sont resplendissantes et lumineuses (explosions des teintes bleues, rouges et vertes), avec un générique qui affiche d’emblée une stabilité bienvenue. La définition ne déçoit jamais (à part un ou deux plans et des décrochages sur les fondus enchaînés), les poussières n’ont pas survécu au lifting numérique, les scènes sombres et nocturnes (aux noirs un peu bleutés) sont logées à la même enseigne que les séquences diurnes, la profondeur de champ est appréciable, le grain cinéma est conservé, et le piqué demeure vraiment agréable. Notons que les credits sont en français et que les sous-titres ne sont pas imposés.
L’éditeur nous propose ici seulement les versions suisse-allemande et française. Les mixages s’avèrent propres, dynamiques, et restituent solidement les voix, fluides, sans souffle. Le confort acoustique est largement assuré dans les deux cas avec d’impressionnantes envolées musicales sur la piste originale, qui comprend tout de même de sensibles craquements, mais rien de bien méchant. Si les effets semblent parfois artificiels, la piste suisse-allemande est plus riche que la version française, plus pincée. Un petit salut amical à Patrick Lang, qui s’est occupé ici de la traduction allemande !