SAINT OMER réalisé par Alice Diop, disponible en DVD le 4 avril 2023 chez Blaq Out.
Acteurs : Kayije Kagame, Guslagie Malanda, Valérie Dréville, Aurélia Petit, Xavier Maly, Robert Cantarella, Salimata Kamate, Thomas de Pourquery…
Scénario : Amrita David, Alice Diop, Zoé Galeron & Marie N’Diaye
Photographie : Claire Mathon
Durée : 1h58
Année de sortie : 2022
LE FILM
Rama, jeune romancière, assiste au procès de Laurence Coly à la cour d’assises de Saint-Omer. Cette dernière est accusée d’avoir tué sa fille de quinze mois en l’abandonnant à la marée montante sur une plage du nord de la France. Mais au cours du procès, la parole de l’accusée, l’écoute des témoignages font vaciller les certitudes de Rama et interrogent notre jugement.
On connaissait la réalisatrice Alice Diop (née en 1979) pour ses documentaires de société, La Tour du monde (sur la diversité culturelle de son quartier d’enfance), Vers la tendresse (César du meilleur court métrage), Nous (primé à Berlin)…Saint Omer est sa première œuvre de fiction, là aussi très largement récompensée, par le Lion d’argent pour le Grand prix du jury à la Mostra de Venise, le César du meilleur premier film, sans oublier le Prix Jean-Vigo et le Prix Louis-Delluc partagé avec Pacifiction : Tourment sur les Îles d’Albert Serra. Elle s’inspire ici de l’affaire Fabienne Kabou, une mère qui en 2013 avait abandonné sa fille de 15 mois à la marée montante de Berck-sur-Mer. Condamnée quatre ans plus tard pour infanticide, cette femme ne l’avait jamais déclarée à l’état civil et avait justifié son acte en déclarant que « c’était plus simple comme ça ». Saint Omer s’ouvre sur le début du procès devant la cour d’assises de cette ville du Pas-de-Calais. Mais n’attendez pas l’issue de cette affaire dans Saint Omer, il faudra vous renseigner ailleurs pour cela. Alice Diop et ses coscénaristes (dont l’écrivaine Marie N’Diaye) se penche sur le thème de la maternité, un événement personnel, unique pour chaque femme et tente à travers les propos de l’accusée, repris à la virgule près de ceux qui se sont réellement tenus au procès, pour comprendre pourquoi et comment Laurence Coly (nom du personnage dans le film) a pu en arriver à commettre l’irréparable. Si les comédiens sont impeccables, le dispositif laisse à désirer et l’ennui peut poindre, surtout quand la caméra se plante devant les protagonistes, pour les laisser déclamer leurs longues tirades. Si Alice Diop insiste sur la fidélité des interventions, l’ensemble paraît étrangement trop écrit et manque de naturel, de spontanéité. Le rythme est lent, les séquences de procès sont d’ailleurs quasiment en temps réel, semblent malheureusement trop figés pour convaincre et emporter l’adhésion.
Rama, romancière d’une trentaine d’années, assiste au procès de Laurence Coly, étudiante d’origine sénégalaise, aux assises de Saint-Omer. Celle-ci est accusée d’avoir tué sa fille de quinze mois en l’abandonnant sur une plage du nord de la France, au moment où la marée montait. De cette histoire, Rama voudrait écrire une adaptation contemporaine du mythe antique de Médée. Mais au cours du procès, rien ne se passe comme prévu. C’est finalement son propre rapport à la maternité que le huis clos du procès vient questionner…
On pense à quelques films de Raymond Depardon (Délits flagrants, Muriel Leferle, 10e chambre, instants d’audience), mais la fiction semble déplacée dans Saint Omer. Nous sommes loin de l’immense réussite de La Fille au bracelet, qui parvenait à insuffler un réalisme, tout en s’imposant comme un vrai film de cinéma à travers une mise en scène pointilleuse. Dans Saint Omer, on se lasse très rapidement de la réalisation plan-plan, que certains qualifieront « d’implacable » en raison du cadre resserré qui ne laisse aucune échappatoire, même si le sujet demeure ô combien passionnant, puisque Laurence Coly affirme d’emblée qu’elle ne sait pas pourquoi elle a tué sa fille et espère que ce procès le lui apprendra.
On comprend l’obsession d’Alice Diop, qui a même fini par se rendre au procès de Fabienne Kabou en juin 2016, alors qu’elle était elle-même jeune maman. Le personnage de Rama dans Saint Omer est donc aussi largement inspiré de sa propre personne. Nous ne rentrerons pas dans le débat du désir d’Alice Diop de filmer des femmes noires, considérant qu’elles ne sont pas suffisamment représentées au cinéma…mais le paradoxe provient du fait que la réalisatrice a voulu rendre son propos universel, donc sans tenir compte de la couleur de la peau de ses protagonistes, pourtant important quand la partie adverse s’impose. En fait c’est ça Saint Omer, un film qui paraît constamment avec le cul entre deux chaises, qui présente des faits, mais qui ne sait pas quoi en faire.
On en vient à regretter qu’Alice Diop n’ait pas signé un documentaire proprement dit, ce qui finit par peser et nous sortir du film, comme si quelque chose clochait. Par conséquent, alors qu’on s’attendait à être bouleversé, on reste – par trop d’académisme – en dehors du début à la fin, tandis que les respirations avec le personnage de Rama n’apportent rien ou pas grand-chose et pire ralentissent encore plus le rythme. Finalement, on ne retiendra que le regard de Guslagie Malanda (découverte dans Mon amie Victoria de Jean-Paul Civeyrac), la force toujours impressionnante d’Aurélia Petit et de Valérie Dréville, et Saint Omer donne juste envie de se renseigner sur le véritable fait divers à l’origine du film. Malgré une critique enthousiaste, le public ne sera pas au rendez-vous, ni en France (à peine 90.000 entrées), ni dans le reste du monde d’ailleurs où il a pourtant bénéficié d’une belle exploitation, mais aura tout de même permis d’offrir un nouvel éclairage sur cette affaire pour le moins effrayante.
LE DVD
Saint Omer bénéficie d’une édition en DVD chez Blaq Out. Le DVD repose dans un boîtier classique Amaray, glissé dans une surétui cartonné. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est fixe et bruité.
Un seul supplément sur cette édition. Il s’agit d’une interview d’Alice Diop (10’), au cours de laquelle la réalisatrice s’exprime sur la genèse de Saint Omer, le procès de Fabienne Kabou, auquel elle a assisté et qui l’a conduit à s’interroger sur quelques questionnements universels, notamment le rapport complexe et insondable que toutes les femmes ont avec leur mère, mais aussi à la maternité. Elle évoque également ses partis pris (une mise en scène très stylisée, même si le sujet se frotte au réel) et ses intentions et le soin à rapporter fidèlement les propos tenus par l’accusée au cours du procès.
L’Image et le son
Pas de sortie HD pour Saint Omer. La photo est signée Claire Mathon, chef opératrice éclectique d’Atlantique, Portrait de la jeune fille en feu, Mon roi et Enquête sur un scandale d’État. Les partis pris sont plutôt élégants, les contrastes sont solides et la clarté évidente. Si le rendu est parfois un peu doux et le piqué pas aussi incisif qu’espéré, la définition demeure quasi-optimale, les détails ciselés, la colorimétrie est flatteuse et l’encodage fait ardemment son boulot.
La piste 5.1. impose une petite spatialisation discrète mais bel et bien palpable avec diverses ambiances. Certes, le film repose en grande partie sur les dialogues, mais il serait dommage de se priver de ce petit plus. Saluons également la tonicité de la Stéréo qui contentera aisément ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.
Crédits images : © Blaq Out / Laurent Le Crabe / SRAB FILMS ARTE FRANCE CINÉMA 2022 / Grandfilm / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr