Test Blu-ray / Le Seul témoin – Narrow Margin, réalisé par Peter Hyams

LE SEUL TÉMOIN (NARROW MARGIN), réalisé par Peter Hyams, disponible en combo Blu-Ray + DVD le 25 janvier 2023 chez Studiocanal.

Acteurs : Gene Hackman, Anne Archer, James B. Sikking, J.T. Walsh, M. Emmet Walsh, Susan Hogan, Harris Yulin…

Scénario : Peter Hyams

Photographie : Peter Hyams

Musique : Bruce Broughton

Durée : 1h37

Date de sortie initiale : 1990

LE FILM

Robert Caulfield, un district attorney de Los Angeles, escorte une femme témoin d’un meurtre perpétré par un cador de la mafia. Mais une bande de tueurs va tout faire pour empêcher qu’elle arrive jusqu’au tribunal. A bord d’un train qui traverse le coeur des Rocheuses canadiennes, une poursuite s’engage.

Peter Hyams, au moment de réaliser Narrow Margin en 1990 (sorti en France sous le titre Le Seul témoin), a à son actif une dizaine de longs-métrages témoignant d’une inclination certaine pour le film policier (La Nuit des juges, 1983, Presidio, 1988…), la science-fiction (Outland, loin de la Terre, 1981, avec Sean Connery, ou encore la suite du 2001 de Stanley Kubrick, 2010 : l’année du premier contact, en 1984), voire les deux en même temps (Capricorn one, 1978). Fort de ces expériences l’asseyant comme un artisan solide mais sur une pente descendante au box office avec l’échec de Presidio, Hyams se lance dans l’exercice du remake pour se remettre sur les rails. L’excellent film noir de Richard Fleischer, L’Énigme du Chicago express (The Narrow Margin, 1952), dont l’essentiel de l’action se déroule dans un train, va lui donner l’occasion d’expérimenter le genre du huis-clos ferroviaire, terrain naturellement propice aux audaces formelles, d’autant que Hyams décide d’emballer le tout en cinémascope. La pertinence d’un tel format dans un cadre aussi contraint peut sembler hasardeuse de prime abord, en dehors des scènes où Hyams filme les Rocheuses – le procédé se prêtant à merveille à la mise en lumière des grands espaces. Mais dès la première séquence du film, où Anne Archer assiste au meurtre d’un homme dans une chambre d’hôtel, ce choix se révèle pleinement justifié par les possibilités qu’il offre en termes d’immersion du spectateur et d’isolement du personnage.

Dans cette séquence précisément, le scope apporte aux spectateurs une information hors de portée du tueur : la présence sur la scène du crime (et dans le cadre), d’une autre personne, provoquant une forme de mise en abyme très réussie : Anne Archer est la seule témoin du meurtre et nous sommes les seuls témoins de la présence d’Anne Archer. Un peu plus tard, c’est par ce même procédé que Peter Hyams nous permettra d’explorer le train dans lequel les protagonistes prennent place – une topographie très contraignante dont le réalisateur s’accommode avec les honneurs. Pas le moindre centimètre carré, pas le moindre petit placard ni espace hyper clos (couloirs, compartiments, toilettes…) n’échappe ainsi au cadrage ni à l’oeil du spectateur – qui a donc une longueur d’avance sur les tueurs. Enfin, inutile de préciser que le format « écrasé » de l’image permet à Peter Hyams d’exploiter avec pas mal de réussite une profondeur de champ particulièrement… profonde. Non content de perquisitionner l’intérieur du train, le réalisateur positionne in fine sa caméra sur le toit, où il revisite avec une pointe d’humour noir la fameuse scène finale de La Mort aux trousses. Là où Alfred Hitchcock figurait l’acte sexuel de ses deux héros par le passage du train dans un tunnel, Peter Hyams détourne ce moment d’anthologie en offrant à l’un de ses personnages une sortie de piste moins glamour (et plus prise de tête).

Par l’ultra-précision d’une mise en scène qui ne laisse rien au hasard, Hyams pallie une intrigue attendue, somme toute très classique et n’offrant que peu de prise au « twist ». On ne cherchera donc pas l’exploit scénaristique, mais on louera la prouesse technique, seule garante de la tension ambiante, à son paroxysme dans les dernières minutes. On notera au passage la place très particulière du film dans une période charnière pour le cinéma d’action américain, entre l’excellence de la fin des années 1980 statufiée par John MacTiernan et la médiocrité latente des années 1990 incarnée par Michael Bay, tout en lorgnant vers le cinéma paranoïaque des années 1970 (la présence de Gene Hackman y contribue largement).

Sacrifiant au spectaculaire de rigueur (l’explosion d’un hélicoptère qui n’apporte pas grand-chose et une course-poursuite montagnarde en voiture nettement plus consistante), Narrow Margin hybride les genres et les décennies, donnant à son acteur principal l’occasion manifeste de bien s’amuser.

LE BLU-RAY

Narrow Margin est le n°55 de la collection Make my day ! de Jean-Baptiste Thoret pour Studiocanal. Comme de coutume, le boîtier digipack inséré dans un fourreau cartonné contient le Blu-Ray et le DVD du film. La jaquette présente un visuel inédit réalisé par Vladimir Thoret reprenant astucieusement les éléments-clés de l’intrigue : l’oeil du témoin, le train en marche, l’hélicoptère qui poursuit les héros au début du film et évidemment, la silhouette de Gene Hackman. L’intérieur du boîtier propose une reproduction de l’une des affiches d’époque, très sombre et très belle.

On aurait aimé dans les bonus pouvoir découvrir une bande-annonce d’époque mais on se contentera des interventions très intéressantes de Jean-Baptiste Thoret qui dans sa présentation, revient sur le contexte de production de Narrow Margin (7′). Le critique de cinéma Serge Chauvin, lui, analyse longuement la carrière de Peter Hyams et les différences entre son film et celui de Richard Fleischer, L’Énigme du Chicago express, dont il est le remake (45′). Si passionnantes soient leurs prises de paroles respectives, on regrettera toutefois la légère condescendance avec laquelle ils évoquent la suite de la carrière de Peter Hyams, particulièrement ses collaborations avec Jean-Claude Van Damme, dont les pourtant plus qu’honorables Timecop (1994) et Mort Subite (1995).

Crédits images : © Studiocanal / Critique du film et chronique du Blu-ray réalisées par Sabrina Guintini / Captures : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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