Test DVD / Un beau matin, réalisé par Mia Hansen-Løve

UN BEAU MATIN réalisé par Mia Hansen-Løve, disponible en DVD le 7 mars 2023 chez Blaq Out.

Acteurs : Léa Seydoux, Pascal Greggory, Melvil Poupaud, Nicole Garcia, Camille Leban Martins, Sarah Le Picard, Pierre Meunier, Fejria Deliba…

Scénario : Mia Hansen-Løve

Photographie : Denis Lenoir

Durée : 1h48

Année de sortie : 2022

LE FILM

Sandra rend souvent visite à son père, Georg, atteint d’une maladie neurodégénérative. Alors qu’elle s’engage avec sa famille dans un parcours du combattant dans les hôpitaux et les Ehpads pour installer Georg en lieu sûr, Sandra fait la rencontre inattendue de Clément, un ami perdu de vue avec qui s’ouvre une relation passionnée, mais incertaine.

Mia Hansen-Løve a mis les bouchées doubles, puisque même pas un an sépare la sortie française de Bergman Island et la présentation d’Un beau matin au Festival de Cannes en 2022. La réalisatrice revient à la langue française pour son huitième long-métrage (en quinze années) et c’est une nouvelle et puissante réussite. Comme bien souvent, Un beau matin est parcouru de souvenirs autobiographiques, mais s’avère sans doute cette fois de l’oeuvre la plus personnelle de son auteure. Décidément, après Tout est pardonné, Le Père de mes enfants, Un amour de jeunesse, Eden, L’Avenir, Maya et Bergman Island, Mia Hansen-Løve prouve qu’elle est et demeure sur la première place du podium des cinéastes français de sa génération. Voilà typiquement le film que tout le monde devrait voir à la sortie de l’hiver et des jours au ciel gris, car au-delà de son sujet grave et universel, Un beau matin est sublime à regarder, frais, ensoleillé, léger comme une robe d’été. Nous n’avions probablement pas vu d’aussi beaux baisers de cinéma depuis longtemps. Ne manquez surtout pas ce concentré unique d’immense sensibilité, qui donne violemment envie d’embrasser et de serrer sa/son partenaire.

Fille de parents professeurs de philosophie, Mia Hansen-Løve a pris son temps pour trouver sa propre voie, en apparaissant tout d’abord devant la caméra d’Olivier Assayas en 1998 dans Fin août, début septembre, puis deux ans plus tard dans Les Destinées sentimentales du même réalisateur. Ce n’est qu’en 2001 qu’elle entre au conservatoire d’art dramatique du 10è arrondissement de Paris, avant de devenir critique à la rédaction des Cahier du cinéma pendant deux années. Le septième art est donc venu à elle progressivement. 2007, son premier long-métrage Tout est pardonné est récompensé par le prix Louis-Delluc du premier film. En dehors de L’Avenir (près de 300.000 entrées), ce qui lui manque encore aujourd’hui est un succès commercial assuré, pour ne pas dire populaire, même s’il est évident que cela viendra. On l’espérait pour Un beau matin, notamment avec Léa Seydoux et Melvil Poupaud en tête d’affiche, qui avaient tout pour attirer les spectateurs en octobre 2022, même si une sortie estivale aurait été plus judicieuse. Malheureusement, le film aura fait moins d’entrées que Le Père de mes enfants et se place à la quatrième place du box-office de la cinéaste.

En l’état, il s’agit ni plus ni moins de son plus beau film, son plus attachant, celui où l’ombre de son mentor Eric Rohmer plane sans doute le plus (Melvil Poupaud fait d’ailleurs le lien), même si la parole y est moins abondante. Si elle avait déjà prouvé qu’elle était beaucoup plus crédible et même souvent superbe dans les productions modestes (La Belle Personne, Belle Épine, Les Adieux à la reine, L’Enfant d’en haut, Juste la fin du monde, Roubaix, une lumière) que dans les blockbusters internationaux (Inglourious Basterds, Robin des Bois, Mission Impossible : Protocole Fantôme, La Belle et la Bête, 007 Spectre, Mourir peut attendre), Léa Seydoux est, n’ayons pas peur des mots, sublimissime dans Un beau matin. Quasiment de tous les plans, la comédienne née en 1985 trouve peut-être ici son plus beau rôle à ce jour. Les cheveux courts, les cernes apparents, Sandra Kingsler, jeune veuve, paraît traverser la vie comme elle vient, partagée uniquement entre son travail d’interprète-traductrice (la musicalité des langues est récurrente chez Mia Hansen-Løve), les visites à son père Georg (immense Pascal Greggory, qui aurait mérité le César), alors atteint d’une maladie neurodégénérative (comme le véritable père de Mia Hansen-Løve), et à sa fille Linn, âgée de 8 ans. Alors que l’état de son père ne cesse de se dégrader (lui, le professeur de philosophie qui avait consacré toute sa vie à la pensée), Sandra voit ressurgir un ancien ami de feu son époux et en tombe amoureuse.

Un beau matin combine à la fois le soleil et l’éclipse, l’astre ardent qui régénère et donne un nouveau souffle à Sandra, et l’ombre qui se pose sur l’existence de celui qui lui a donné la vie, à qui elle doit commencer à dire au revoir, tant qu’il lui reste encore quelques éclairs de lucidité. Sans aucun pathos, la réalisatrice montre Sandra et Georg essayant de communiquer, passant du temps ensemble, même dans le cadre étriqué d’une chambre d’hôpital, avant d’aller trier les livres qui débordent des bibliothèques de son père (qui représentent une partie de son âme), ne voulant se résoudre à les jeter, cherchant de nouveaux acquéreurs qui sauront en prendre soin, puis de rentrer chez elle où elle tente de construire sa nouvelle histoire avec Clément, même si celui-ci est marié et père de famille. Mais Sandra ne perd son sourire qu’à de très rares occasions, elle se laisse porter par le doux ronronnement d’un bus de banlieue, profitant de cette accalmie pour reprendre sa respiration, avant de retourner au travail. Parmi cette distribution au-delà de tout éloge, la grande Nicole Garcia s’impose une fois de plus dans le rôle de Françoise, la mère de Sandra, avec une élégance et un naturel désarmant, qui elle au contraire (comme le sont habituellement les figures féminines de Mia Hansen-Løve) est tournée vers l’avenir et paraît pressée de se débarrasser de ce qui pourrait lui rappeler son passé.

Furieusement mélancolique et pourtant lumineux voire éblouissant à chaque instant, sensuel et intime, Un beau matin enveloppe le spectateur d’une étoffe douce et chaude, rassurante, qui montre frontalement les choses les plus difficiles, et néanmoins les plus naturelles de la vie, avec un apaisement qui donne les ressources nécessaires pour aller de l’avant, car la vie, quoi qu’il arrive, continue.

LE DVD

Pas de Blu-ray pour Un beau matin…mais heureusement, nous disposons du dernier long-métrage de Mia Hansen-Løve en DVD grâce à Blaq Out, qui s’était déjà occupé du service après-vente de Bergman Island et L’Avenir (qui disposait d’une édition HD pour le coup). La jaquette, glissée dans un boîtier Amaray classique transparent, reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est fixe et musical.

En guise de bonus, l’éditeur nous propose d’écouter l’intervention de Mia Hansen-Løve, enregistrée après la projection d’Un amour de jeunesse, dans le cadre de la rétrospective qui lui était consacrée à la Cinémathèque française en septembre 2022. 82 minutes animées par Frédéric Bonnaud (directeur général de la Cinémathèque française) et Bernard Benoliel (critique de cinéma et directeur de l’action culturelle et éducative à la Cinémathèque française) qui tentent de disséquer une œuvre importante qui s’est imposée ces quinze dernières années. La cinéaste revient sur son processus d’écriture, ses références (Éric Rohmer, forcément), son désir de légèreté et de concision en dépit de sujets graves, les motifs récurrents d’un film à l’autre, la question du passage du temps, son parcours (elle n’a pas fait d’école de cinéma), ses partis-pris et ses intentions (arriver à une vérité), le travail avec le directeur de la photographie, son rapport avec les acteurs, l’absence de musique originale dans ses longs-métrages et sur bien d’autres sujets.

L’Image et le son

Un beau matin a été tourné en pellicule. La belle photo naturaliste du chef opérateur Denis Lenoir (Bergman Island, Monsieur Hire, Tandem) est joliment restituée avec un transfert qui fait la part belle aux ambiances lumineuses ainsi qu’à la colorimétrie doucement atténuée. Inhérentes aux conditions de prises de vue, quelques flous sporadiques demeurent inévitables tout comme certains fourmillements sur les arrière-plans. La copie est propre mais les séquences en intérieur manquent de concision.

Le mixage Dolby Digital 5.1 propose une plongée intimiste dans le film de Mia Hansen-Love en usant avec parcimonie des ambiances latérales et une délivrance saisissante des dialogues sur la centrale. La musique jouit d’une jolie spatialisation, quelques effets naturels, sont mis en valeur. La stéréo est également efficace, ardente et bénéficie d’une large ouverture des enceintes. L’éditeur livre également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Blaq Out / Les Films du Losange / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.