Test Blu-ray / Pacifiction : Tourment sur les Îles, réalisé par Albert Serra

PACIFICTION : TOURMENT SUR LES ÎLES réalisé par Albert Serra, disponible en DVD et Blu-ray le 7 mars 2023 chez Blaq Out.

Acteurs : Benoît Magimel, Pahoa Mahagafanau, Marc Susini, Matahi Pambrun, Alexandre Melo, Sergi López, Montse Triola, Michael Vautor…

Scénario : Albert Serra

Photographie : Artur Tort

Durée : 2h45

Année de sortie : 2022

LE FILM

Sur l’île de Tahiti, en Polynésie française, le Haut-Commissaire de la République De Roller, représentant de l’État Français, est un homme de calcul aux manières parfaites. Dans les réceptions officielles comme les établissements interlopes, il prend constamment le pouls d’une population locale d’où la colère peut émerger à tout moment. D’autant plus qu’une rumeur se fait insistante : on aurait aperçu un sous-marin dont la présence fantomatique annoncerait une reprise des essais nucléaires français.

Mais pourquoi ? POURQUOI ? Comment ? Et dans quel but ? Voici donc Pacifiction : Tourment sur les Îles, réalisé par le catalan Albert Serra, représentant de la France au Festival de Cannes en 2022, lauréat du prix Louis-Delluc avec Saint Omer d’Alice Diop) et récompensé à deux reprises aux César en 2023 par la compression de la meilleure photographie et celle du meilleur acteur pour Benoît Magimel. Comme dirait Jean-Pierre Bacri dans Didier « Hum…j’sais pas, j’comprends pas… ». Vous aurez sans doute entendu de nombreux avis dithyrambiques à sa sortie, certains le qualifiant même du plus grand film de l’année. C’est bien simple, soit on ressort conquis au-delà toutes espérances de Pacifiction : Tourment sur les Îles, soit on déteste de façon viscérale. Le huitième long-métrage du cinéaste espagnol est une torture de chaque instant. À part quelques secondes où l’on peut admirer certains plans, cet aspect 100 % numérique sans aucune aspérité (trois BlackMagic Pocket de Cannon ont été utilisés) lasse très rapidement, surtout pour illustrer du vide. Car en fait c’est ça Pacifiction : Tourment sur les Îles, le néant, où tout le monde semble être en (très mauvaise) improvisation, où les dialogues paraissent avoir été écrits via une IA (ou un système de répliques aléatoires volé à Luc Besson), les acteurs ne prenant même pas la peine d’y croire ou de s’investir une seule seconde. Cette production germano-franco-luso-espagnole qui s’étale sur 2h45 (!) enchaîne les séquences sans intérêt, dans le but unique de jouer avec la patience du spectateur. Une blague ratée, à fuir de tourte urgence.

L’île de Tahiti bruit de rumeurs faisant état de la possible reprise des essais nucléaires français. De Roller, haut-commissaire de la République en Polynésie française, et qui, à ce titre, est le représentant de l’État, tente de prendre le pouls de l’île, de la population locale et des différents intérêts en jeu : l’armée — un amiral passant ses nuits en boîte avec quelques marins —, pêcheurs et autorités locales des atolls, activistes locaux — manipulés par des agents étrangers ? — qui menacent de déclencher des manifestations, etc. Cet homme affable, aux paroles mesurées, va de réceptions officielles en répétitions d’un spectacle de danse traditionnelle et autre compétition de surf. À toute heure du jour et de la nuit, sa silhouette ronde, toujours enveloppée de son costume blanc impeccable, scrute l’apparition d’un éventuel sous-marin ou les preuves d’ingérences de puissances étrangères. Il finit par s’associer le concours d’une employée de la boîte de nuit, le Paradise, monde interlope au cœur de toutes ces intrigues.

On apprend qu’Albert Sierra désirait tout d’abord situer son histoire en France métropolitaine, mais en évitant Paris. Mais bien sûr, quand on obtient des financement (2 millions d’euros), il est tentant de se barrer à l’autre bout du monde, pour prendre du bon temps au soleil…et de tourner le film entre deux baignades. C’est un peu ce qu’on ressent devant Pacifiction : Tourment sur les Îles, un foutage de gueule éhonté, l’antithèse du cinéma, un objet tellement expérimental qu’il en oublie le principal, divertir, essence même du septième art. Car au moins pour retenir l’attention de son audience, Albert Serra aurait pu présenter un ou plusieurs personnages auxquel(s) se raccrocher, une empathie indispensable pour que par exemple le haut-commissaire de la République nous serve de vecteur. Mais non, rien à faire. Benoît Magimel, le regard dissimulé derrière des lunettes teintées, la moue boudeuse (souvent le signe quand il est très mal dirigé ou comme ici livré à lui-même) et le nez pincé comme s’il s’envoyait de la poudre (de Tang) dans les deux narines, passe le film à bégayer ses (pitoyables) répliques inventées sur le moment. On se demande comment il a pu ainsi rafler le César à Vincent Macaigne pour Chronique d’une liaison passagère ou Denis Menochet pour Peter von Kant, alors qu’il l’aurait largement mérité pour celui du second rôle dans le magnifique Revoir Paris d’Alice Winocour. Bref, le monde est mal fait.

Pendant près de 3 heures donc (sur 540 heures de rushes, imaginez le calvaire), on observe un avion qui roule sur le tarmac, qui s’envole, qui atterrit, ou bien encore deux éphèbes en slip qui dansent avec un vieux sous une lumière empruntée à Bertrand Mandico, une scène qui intervient vers la fin (cramponnez-vous) supposée montrer les derniers instants d’un paradis terrestre. Mais où Albert Serra va-t-il chercher tout ça ? 25 jours de tournage à Tahiti en période de confinement total en raison de la pandémie de Covid-19 ont été nécessaires pour ce truc. Benoît Magimel, boudiné dans son costume (les retouches n’ont pu être faites à temps, véridique), le pas hésitant, paumé dans l’espace, ne parvient même pas à faire croire qu’il croit en ce qu’il est en train de faire. Comme s’il attendait que ça se passe (Serra lui glissait ses répliques en direct à l’aide d’une oreillette), avant d’aller s’allonger à nouveau les doigts de pied en éventail, pourvu que la prochaine prise soit retardée. En fait, on ne peut s’empêcher de penser que le film a été constitué de scènes coupées de la série désormais culte Marseille.

La narration passe totalement au second plan dans Pacifiction : Tourment sur les Îles, c’est volontaire, un partis-pris, une volonté artistique. Mais on ne peut titiller l’intellect d’un spectateur en lui présentant une succession d’images fluorescentes. Comme le disait le personnage de Patrick Bruel dans P.R.O.F.S., « Parvenir à intéresser même les cons, c’est ce qui demande le plus d’intelligence. », alors pas sûr que les « cons » y trouveront leur compte dans cette mixture infernale. Même la séquence louée par beaucoup, celle de la compétition de surf, filmée au milieu de vagues gigantesques, ne va pas plus loin qu’un extrait d’un documentaire sur le sport extrême. Rien d’exceptionnel là-dedans tout de même ! La critique s’est emballée devant le spleen du personnage principal et le ciel rosé comme s’il était vu à travers un verre de Villageoise, les cinéphiles hardcore (extrêmistes on peut dire) aussi qui le défendent en prétextant « Ouais mais tu comprends, le rythme participe à l’atmosphère langoureuse du film tout ça… ». Non, quand c’est mauvais, c’est mauvais. Ah oui, il s’agit visiblement d’un thriller politique paranoïaque. On précise, parce que les marqueurs y sont totalement absents. N’est pas David Lynch qui veut. Ici, c’est juste Pacific-chiant. Pour conclure, nous citerons directement l’un des personnages du film, dans la dernière scène qui déclare « Il faut du courage pour ce que vous vous apprêtez à faire ! ». On ne saurait mieux résumer si vous décidez de visionner ce morceau numérique de 165 minutes.

LE BLU-RAY

Après avoir attiré 60.000 curieux (les pauvres…) dans les salles, Pacifiction débarque en DVD et Blu-ray chez Blaq Out. L’édition HD se présente sous la forme d’un boîtier classique de couleur bleue, la jaquette reprenant le visuel de l’affiche d’exploitation. Le boîtier est glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est fixe et musical.

Vous vous rappelez le sketch sublime des Inconnus, La Set (peinture-sculpture), qui donnait la parole à l’artiste Juan Romano Chucalescu ? Un animateur d’espace, un modeleur de vide ? Un destructureur d’intemporalité ? Vous vous rendrez compte une fois de plus à quel point ces mecs étaient des génies en écoutant l’interview d’Albert Serra (25’) qui ressemble à s’y méprendre au chef d’oeuvre intemporel des humoristes. En français dans le texte (même si ses propos ont été sous-titrés par la suite pour celles et ceux qui auraient du mal à le comprendre du fait de son accent catalan), le réalisateur tente de donner quelques indications sur la genèse et le pourquoi du comment de Pacifiction : Tourment sur les Îles, mais sans donner les explications quant à la signification de telle ou telle scène. Les conditions et les lieux de tournage sont évoqués, les partis-pris, le son, la photographie, le travail avec les acteurs, le montage (en gros, du moment que le film possède sa logique interne, on s’en fout de ne rien comprendre), la déconstruction et la dissolution…c’est drôle involontairement, cela ne nous donne pas du tout envie de revoir le film, mais ce bonus est à voir.

L’Image et le son

Superbe Blu-ray, rien à redire là-dessus, même si ce genre d’images sans aucune aspérité, 100 % numérique donc, peut laisser perplexe avec son côté artificiel. Les couleurs sont éclatantes, les contrastes riches, les noirs denses, le piqué affûté comme la lame d’un scalpel. Bel écrin pour la photographie enflammée d’Artur Tort, par ailleurs récompensée par le César en 2023. Diverses baisses de la définition, en raison du type de caméras utilisées (BlackMagic Camera) ou d’autres conditions de tournage dites « sur le vif ».

Une version française est disponible en DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0. D’emblée, le premier mixage impose une spatialisation qui happe le spectateur dans un flot d’ambiances naturelles qui ne se calment que durant les scènes en intérieur, axées sur les dialogues. Le cinéaste fait la part belle aux éléments environnants et la scène arrière ne manque pas l’occasion de briller. Le martèlement de la pluie, les vagues fracassantes sur la scène de surf détonnent sur l’ensemble des baffles. Saluons également la tonicité de la piste 2.0 qui contentera aisément ceux qui ne seraient pas équipés à l’arrière. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Blaq Out / Ideale Audience group / Andergraun Films / Tamtam Films / Rosa Filmes / Archipel Production / ARTE France Cinéma / Bayerischer Rundfunk / L’Atelier d’Images / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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