Test Blu-ray / Roubaix, une lumière, réalisé par Arnaud Desplechin

ROUBAIX, UNE LUMIÈRE réalisé par Arnaud Desplechin, disponible en DVD et Blu-ray le 3 janvier 2020 chez Le Pacte

Acteurs : Roschdy Zem, Léa Seydoux, Sara Forestier, Antoine Reinartz, Chloé Simoneau, Betty Cartoux, Jérémy Brunet, Stéphane Duquenoy…

Photographie : Irina Lubtchansky

Musique : Grégoire Hetzel

Durée : 1h59

Date de sortie initiale : 2019

LE FILM

À Roubaix, un soir de Noël, Daoud le chef de la police locale et Louis, fraîchement diplômé, font face au meurtre d’une vieille femme. Les voisines de la victime, deux jeunes femmes, Claude et Marie, sont arrêtées. Elles sont toxicomanes, alcooliques, amantes…

Si Roubaix, une lumière, le dixième long métrage d’Arnaud Desplechin a l’apparence d’un polar, c’est aussi et avant tout un drame social, le portrait d’âmes marginales et solitaires, ainsi que celui d’une ville mise sous cloche où 75 % des quartiers sont placés en zone urbaine sensible. Divinement écrit et interprété, magistralement mis en scène, Roubaix, une lumière est une chronique mélancolique sur le quotidien d’une poignée de flics, qui ravit les sens à chaque instant. Pas étonnant que le cinéaste ait pris pour modèle le merveilleux Les Flics ne dorment pas la nuitThe New Centurions (1972), qui plongeait l’audience dans l’implacable quotidien d’une unité de police de Los Angeles, notamment les patrouilles dans les rues mal famées. Redoutablement pessimiste, sombre, mais jamais désespéré ou morbide grâce au personnage incarné par le sensationnel Roschdy Zem, Roubaix, une lumière dresse le portrait de simples policiers qui se donnent corps et âme à leur métier, que certains n’ont probablement pas choisi ou d’autres qui au contraire sont nés avec cette vocation. Sur un scénario en béton coécrit avec Léa Mysius (L’Adieu à la nuit d’André Téchiné), Arnaud Desplechin ancre son intrigue, tirée d’une histoire vraie, dans un univers très réaliste, qui contraste avec la sublime photographie stylisée d’Irina Lubtchansky et ses partis-pris tout droit hérités du genre noir. Et c’est une immense réussite, qui on l’espère sera récompensée à la prochaine cérémonie des Césars. Exceptionnel et magnétique, Roschdy Zem peut largement prétendre à la compression du meilleur acteur. C’est en tout cas l’un des plus grands films de 2019.

Un jeune policier catholique, Louis (Antoine Reinartz, parfait en insouciant mis face à l’horreur), qui cherche à faire ses preuves malgré les doutes qui l’assaillent, arrive au commissariat central de Roubaix, dirigé par Daoud, homme au tempérament calme. D’origine nord-africaine, Daoud a grandi dans cette ville qu’il connaît parfaitement, mais il a perdu tout contact avec ses proches, y compris un neveu emprisonné qui refuse de le voir. Les affaires se succèdent. Daoud entend ainsi un homme qui accuse des apprentis djihadistes de l’avoir attaqué, mais comprend tout de suite que l’homme ment afin, probablement, d’obtenir le paiement d’une assurance. Il confie à un policier une enquête sur un viol commis dans le métro. Il retrouvera par lui-même une jeune mineure qui a quitté ses parents, l’écoutera et réussira à la convaincre de les revoir au moins une fois. Enfin une passion pour les chevaux rapproche le commissaire et le jeune policier Louis. Le jour de Noël, Louis se rend sur les lieux d’un incendie survenu dans une courée. Il interroge les voisines, Claude et Marie, deux jeunes femmes vivant ensemble, qui refusent de parler dans un premier temps, par peur des représailles. Finalement elles viennent au commissariat et disent reconnaître deux jeunes gens sur des photographies. L’enquête ne donne toutefois rien : les jeunes gens en accusent un autre, mais tous ont des alibis. Le cadavre d’une vieille dame, étranglée sur son lit, est retrouvé sur les lieux. Allant sur les lieux avec Louis, le commissaire Daoud comprend vite que les auteurs sont probablement les deux voisines.

A la base de Roubaix, une lumière, il y a un fait divers survenu en 2002, qui avait fait l’objet d’un documentaire réalisé en 2008, Roubaix, commissariat central de Mosco Boucault. Présenté en compétition officielle lors du Festival de Cannes en 2019, le film d’Arnaud Desplechin conserve cette dimension quasi-documentaire (on pense également à Raymond Depardon), en s’attachant aux petits détails qui cumulés font le quotidien de ces quelques officiers de police, entre moments légers (Daoud a d’ailleurs toujours le sourire, reste calme et d’une infinie douceur face à ses interlocuteurs) et très violents puisqu’on y parle de l’assassinat d’une vieille femme ou du viol d’une jeune adolescente. Les policiers, sont les premiers témoins d’un monde au bord du gouffre dans lequel des actes terribles sont maintenant commis par des gens « normaux ». Dans le film, ces derniers sont incarnés par Sara Forestier et Léa Seydoux, aussi formidables que Roschdy Zem. Deux paumées, deux amantes cloîtrées, imbibées d’alcool, sans doute toxicos, vivant dans un appartement sordide avec leurs chiens, qui ont franchi le point de non-retour. Non maquillées, complètement effacées derrière leurs personnages, les deux comédiennes sont fantastiques et mériteraient d’être récompensées pour leur bluffante prestation. La très longue scène du double-interrogatoire est de ce point de vue époustouflante. Arnaud Desplechin filme les visages, souvent en gros plan, de ces deux femmes, à la fois coupables et victimes, sans les juger, car comme pour Daoud, ce n’est pas son boulot, mais celui du juge qui sera chargé de l’affaire et donc une autre histoire.

Filmé en décors naturels dans les rues de Roubaix, ville natale d’Arnaud Desplechin, principalement de nuit, Roubaix, une lumière est non seulement un sublime et passionnant objet de cinéma, grave, intelligent (le réalisateur refuse le spectaculaire), profond, mais aussi un grand drame policier implacable, immersif et crépusculaire. La musique hypnotique de Grégoire Hetzel, la photographie aux lampes de vapeur de sodium, un montage toujours au cordeau, la virtuosité d’Arnaud Desplechin et l’excellence de l’interprétation, tout contribue à faire de Roubaix, une lumière un saisissant futur classique du genre.

LE BLU-RAY

Roubaix, une lumière est disponible en DVD et Blu-ray chez Le Pacte, qui à cette occasion reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

Si l’on est tout d’abord déçu de ne pas retrouver le documentaire Roubaix, commissariat central de Mosco Boucault dans les bonus, l’éditeur se rattrape immédiatement avec l’entretien exceptionnel d’Arnaud Desplechin mené par Jean-Christophe Ferrari, rédacteur en chef cinéma à Transfuge et historien du cinéma (57’30). Dense, passionnant, posé et élégant, le réalisateur aborde tous les aspects de son dernier film en date et répond aux questions pertinentes de son interlocuteur. Le réalisateur revient sur le documentaire qui a inspiré Roubaix, une lumière, la ville de Roubaix en elle-même et ce qu’elle représente pour lui (il y est né), évoque ses références (Les Flics ne dorment pas la nuit de Richard Fleischer, Le Faux coupable d’Alfred Hitchcock), sa collaboration avec la directrice de la photographie Irina Lubtchansky et le compositeur Grégoire Hetzel, ses partis-pris, ses intentions. Evidemment, le travail avec chacun des comédiens (y compris les non-professionnels) est longuement analysé. Arnaud Desplechin explique notamment être très impressionné par Roschdy Zem et comment les acteurs se sont préparés sur le plateau. Le fond et la forme se croisent sans cesse et cette interview fait office d’une véritable leçon de cinéma. A ne manquer sous aucun prétexte.

L’interactivité se clôt sur une scène coupée (2’) d’Antoine Reinartz et la bande-annonce.

L’Image et le son

Pour la superbe photo de son film, Arnaud Desplechin s’est octroyé les services d’Irina Lubtchansky (Trois souvenirs de ma jeunesse, Moka). La chef opératrice plonge les personnages dans une pénombre froide et angoissante systématiquement noyés sous les éclairages des lampes à vapeur de sodium. Si nous devons vous donner un conseil, c’est de visionner Roubaix, une lumière dans une pièce très sombre afin de mieux plonger dans l’ambiance des très nombreuses séquences nocturnes. Le Blu-ray immaculé édité par Le Pacte restitue habilement la profondeur des contrastes et les éclairages stylisés, en profitant à fond de la Haute Définition. Le piqué est aiguisé comme la lame d’un scalpel, la copie d’une stabilité à toutes épreuves, les détails riches (voir la cicatrice sur la joue de Sara Forestier, les cernes de Léa Seydoux, le visage taillé à la serpe de Roschdy Zem) et les lumineuses scènes diurnes parfaitement saturées. Ce Blu-ray (1080p) est absolument superbe.

Les dialogues sur la piste DTS HD Master Audio 5.1 ne manquent pas de punch et l’environnement musical est plaisant et bien présent. Si le caisson de basses est aux abonnés absents, la spatialisation demeure concrète sur toutes les séquences en extérieurs et le confort acoustique certain. La piste Stéréo contentera largement celles et ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Le Pacte / Shanna Besson / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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