LA PETITE réalisé par Guillaume Nicloux, disponible en DVD le 24 janvier 2024 chez M6 Vidéo.
Acteurs : Fabrice Luchini, Mara Taquin, Maud Wyler, Juliette Metten, Veerle Baetens, Lucas Van Den Eynde, Viv Van Dingenen, Sandrine Dumas…
Scénario : Guillaume Nicloux & Fanny Chesnel, d’après le roman Le Berceau de Fanny Chesnel
Photographie : Yves Cape
Musique : Ludovico Einaudi
Durée : 1h29
Date de sortie initiale : 2023
LE FILM
Joseph apprend que son fils et le compagnon de celui-ci viennent de périr dans un accident. Ils attendaient un enfant via une mère porteuse en Belgique. Que va devenir leur futur bébé ? Joseph en est-il le grand-père légitime ? Porté par la promesse de cette naissance qui va prolonger l’existence de son fils, le sexagénaire part à la rencontre de la jeune flamande au caractère farouche et indomptable…
On ne pourra pas reprocher à l’éclectique Guillaume Nicloux de varier les genres et les plaisirs. Avec quinze longs-métrages, trois courts, quatre téléfilms, une série télévisée (Il était une seconde fois) et un documentaire à son actif, le réalisateur, scénariste et également romancier revient toujours là où on l’attendait le moins. Après avoir emmener Michel Houellebecq et Gérard Depardieu en cure dans un centre de thalassothérapie (dans Thalasso donc, inédit en DVD) et tâté du thriller horrifique avec La Tour, le cinéaste est de retour avec La Petite, comédie-dramatique extrêmement attachante, pour laquelle il dirige un Fabrice Luchini transcendé, que nous n’avions pas vu aussi magnifique depuis des lustres. Celui-ci semble s’en remettre totalement à Guillaume Nicloux, qui le sort de sa zone de confort comme Bruno Dumont avait pu le faire en 2016 dans Ma loute. Le comédien est ici d’une sobriété exemplaire, bouleversant et n’a jamais été aussi charismatique à plus de 70 ans. Si l’on pourrait éventuellement tiquer devant un dispositif somme toute trop sage, avec une mise en scène disons fonctionnelle, La Petite est un film propre, carré, élégant, drôle, irrigué par une tristesse et une mélancolie qui émanent du personnage principal, qui pourtant n’exprime pas ses sentiments dans ce sens. C’est là toute la réussite de La Petite, qui exploite tout le génie de sa tête d’affiche, qui l’emmène sur un nouveau terrain, tout en capturant le début de l’automne de son existence. Simple, mais efficace.
Cela fait du bien de voir le metteur en scène et auteur du Poulpe, Une affaire privée, Cette femme-là, Valley of Love, The End et Les Confins du monde (non, nous ne parlerons pas du Concile de pierre) se contenter de cette limpidité, aussi bien sur le fond que sur la forme. En adaptant le roman Le Berceau de Fanny Chesnel, Guillaume Nicloux retrouve dans cette commande des producteurs de De son vivant et Les Chatouilles, certains thèmes qu’il avait déjà exploité à plusieurs reprises, la disparition d’un proche et la résilience qui s’ensuit. L’entrée en scène de Fabrice Luchini frappe d’emblée, le réalisateur montrant tout d’abord Joseph dans son travail d’ébéniste, avec de gros plans sur ses mains en train de s’activer. Le comédien était jusqu’à présent très peu représenté comme un manuel dans ses longs-métrages. Puis, son visage apparaît, et là aussi le changement est radical avec cette barbe qui lui mange le visage, engloutissant comme qui dirait ses tics habituels, dans laquelle son regard bleu étincelle. Puis arrive rapidement le coup de fil qui indique à Joseph que son fils et son gendre ont péri dans un crash aérien. Pourtant, La Petite n’a rien d’un film austère. La photographie d’Yves Cape (Plus que jamais, Sundown, Fête de famille, Holy Motors) est au contraire toujours lumineuse et solaire, la vie continue et mérite qu’on se batte pour elle.
C’est ce qu’entreprend Joseph, bien décidé à retrouver celle que son fils et son compagnon avaient choisi pour être la mère porteuse de leur bébé, en Belgique. Joseph entreprend cette quête, sans véritable soutien, et encore moins de la part des parents de son gendre, et le voilà rendu à Gand, en région flamande. Ses indices le conduiront jusqu’à Rita Vandewaele, âgée d’une vingtaine d’années…et effectivement enceinte jusqu’aux yeux. Cette dernière est interprétée par Mara Taquin, que l’on avait découvert dans Hors normes du tandem Toledano-Nakache, vue par la suite dans le très remarqué Rien à foutre d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre, dans La Syndicaliste, succès récent de Jean-Paul Salomé, aux côtés d’Isabelle Huppert, ainsi que dans la série Sambre. Sa spontanéité, sa sensibilité à fleur de peau et sa présence devraient lui permettre de prétendre au César du meilleur espoir féminin en 2024. Le duo fonctionne parfaitement et la rencontre entre les deux acteurs fait des étincelles.
Guillaume Nicloux soigne le reste de son casting féminin, puisque l’on retrouve également la précieuse Maud Wyler (Louise Wimmer, La Brindille, Deux Automnes Trois Hivers), la magnétique Veerle Baetens (Alabama Monroe, À l’ombre des filles, Au nom de la terre) et Anne Consigny, qui pour une fois ne pleure pas à l’écran, dans une petite apparition. Le cinéaste se met entièrement au service de cette histoire, sans complexité, à travers une trame linéaire, en privilégiant l’émotion (le deuil est un sujet éternel et bien sûr universel), tout en abordant le thème de la GPA (gestation pour autrui), alors interdite dans nos contrées, contrairement à la Belgique, où elle est acceptée, sans encadrement juridique.
On assiste à la renaissance d’un homme, déjà veuf inconsolable, ayant perdu son épouse cinq années auparavant, qui vient de perdre son fils, entretient une relation sans effusions avec sa fille, qui décide de tenter le tout pour le tout, pour retrouver celle qui porte dans son ventre, peut-être, une partie de ses gènes et les cellules de son fils. Car s’il a tout fait pour être un père correct, Joseph ne veut pas laisser passer cette deuxième chance et fera tout pour être le meilleur grand-père. Si Raphaël Quenard risque d’être nommé et d’obtenir la compression, il y a de fortes chances pour que Fabrice Luchini soit également de la partie et lui fasse concurrence. On parie ?
LE DVD
Après un joli succès dans les salles, avec près d’un demi-million d’entrées, on pouvait s’attendre à mieux pour la sortie physique de La Petite. En effet, M6 Vidéo ne propose que le minimum syndical, autrement dit juste une édition en DVD et surtout ZÉRO bonus à se mettre sous la dent ! Sortie technique donc et c’est bien dommage..La jaquette, glissée dans un boîtier classique Amaray, reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est fixe et musical.
Aucun supplément…Pas même la bande-annonce.
L’Image et le son
Les contrastes sont riches, la luminosité omniprésente et le relief probant. Si la clarté tend parfois à amoindrir les détails des visages, la colorimétrie est vive, le piqué joliment aiguisé (surtout sur les scènes en extérieur) et la photo élégante du chef opérateur Yves Cape trouve un bel écrin, même si nous aurions préféré une mouture en Haute-Définition.
Le mixage Dolby Digital 5.1 ne sert essentiellement qu’à spatialiser la musique. Les effets latéraux ne se résument souvent qu’aux ambiances naturelles de la ville, ou les vagues qui viennent s’écraser sur la plage, mais c’est tout. Les dialogues auraient également mérité d’être plus ardents sur la centrale. Nous disposons une piste Audiodescription, ainsi que des sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.