Test Blu-ray / Une nuit mouvementée, réalisé par Mario Bava

UNE NUIT MOUVEMENTÉE (Quante volte… quella notte) réalisé par Mario Bava, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Daniela Giordano, Brett Halsey, Dick Randall, Valeria Sabel, Rainer Basedow, Brigitte Skay, Calisto Calisti, Pascale Petit…

Scénario : Mario Moroni, Charles Ross & Guido Leoni

Photographie : Antonio Rinaldi

Musique : Coriolano Gori

Durée : 1h23

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

Dragueur invétéré, Gianni Prada sillonne les rues de Rome, à la recherche de quelques jolies filles. Il finit par repérer, puis aborder dans un parc une jeune femme attrayante, Tina. Le soir même, il passe la chercher chez sa mère qui, malgré quelques réticences, les laisse sortir en discothèque. Après quoi, Gianni prend l’initiative de la ramener chez lui, prétextant un coup de fil important. Le couple passe la nuit ensemble dans l’appartement du jeune homme. Au matin, Tina retourne chez sa mère, la robe déchirée. Elle affirme que Gianni a tenté de la violer.

Qui parmi les fans (et Dieu sait s’il y en a) de Mario Bava (1914-1980) se souvient encore d’Une nuit mouvementée Quante volte…quelle notte ? Cette comédie érotique dissimulée entre La Baie sanglante Reazione a catena, Baron vampire Gli orrori del castello di Norimberga et Lisa et le diable Lisa e il diavolo est la seule incursion dans ce genre du maître italien, qui ne portait pas le registre humoristique dans son coeur et qu’il n’hésitait pas à renier par la suite, au même titre que l’improbable (mais recommandé) L’Espion qui venait du surgeléLe Spie vengono dal semifreddo (1966). Pourtant, même si effectivement Une nuit mouvementée ne restera pas dans les annales et a peu marqué les mémoires, il y a toujours quelque chose de bon à prendre dans cet opus et la star du film demeure incontestablement Mario Bava. Ce dernier fait honneur à la couleur dans Quante volte…quelle notte et s’associe une fois de plus avec le chef opérateur Antonio Rinaldi pour « peindre » directement sur la pellicule et ce dès le générique qui rappelle celui de La Panthère rose de Blake Edwards. Cette explosion de couleurs est l’un des gros points forts d’Une nuit mouvementée, bel objet cinématographique à étudier pour les amateurs et les passionnés de Mario Bava. Mais l’autre atout, non négligeable, est la présence en haut de l’affiche de la sublime Daniela Giordano, miss Italie 1966, très convoitée par les réalisateurs, qui porte le film sur ses belles épaules dénudées. Assurément une curiosité dans la carrière du cinéaste.

Une nuit mouvementée est l’opposition de points vue diamétralement opposés.

Version de Tina : Sur le chemin du retour, Gianni invite Tina à rentrer dans son appartement car il attend un appel professionnel. Elle choisit d’attendre dehors, mais après avoir été taquinée par deux voisins homosexuels, Giorgio et Esmeralda, elle décide d’entrer dans l’appartement, qui ressemble à un club échangiste. Gianni quitte la pièce pour enfiler un pull, mais il revient en sous-vêtements et tente d’embrasser Tina ; au cours de l’altercation, il déchire sa robe et elle lui griffe le front en légitime défense. Après s’être barricadée dans une pièce, elle parvient à s’échapper.

Version de Gianni : Gianni retourne à la discothèque et boit un verre avec trois de ses amis. Leur curiosité est piquée par sa blessure au front, ce qui l’incite à raconter sa version de l’histoire. Dans ses souvenirs, Sonia et Tina ont fait preuve d’une coquetterie implacable à son égard, et cette dernière était tout à fait disposée à retourner dans son appartement. Le couple a fait l’amour à plusieurs reprises au cours de la nuit, et la libido de Tina a fini par fatiguer Gianni ; elle l’a involontairement griffé en lui caressant les cheveux. Alors que Tina voulait qu’ils recouchent ensemble encore une fois, ils reçoivent la visite de Giorgio et d’Esmeralda, ce qui les oblige à finir leur rendez-vous par une conversation mondaine.

Version du gardien : Alors que Gianni rentre chez lui, son gardien voyeur et obsédé sexuel discute avec un laitier, affirmant avoir assisté au rendez-vous à l’aide de jumelles. Gianni avait ramené Tina à la maison pour tenir compagnie à Esmerelda pendant que Giorgio et lui faisaient l’amour dans sa chambre. Pour dissiper l’incrédulité de Tina quant à l’homosexualité de Gianni, Esmeralda lui a raconté leur rencontre au Club Kama Sutra, qui s’est avérée être l’histoire d’une femme allemande qu’elle avait convaincue de poser pour des photos de nu. Lorsque Tina a réagi avec stupeur aux ébats de Gianni et Giorgio, Esmeralda l’a droguée, la rendant inconsciente, et l’a violée. Lorsque Tina s’est réveillée et a tenté de s’échapper, sa robe s’est déchirée alors qu’elle essayait de la récupérer auprès de Gianni, qu’elle a griffé alors qu’il la maintenait au sol afin qu’Esmeralda profite d’elle à nouveau.

Version du scientifique : Après avoir présenté une conférence sur la perception, un scientifique propose une quatrième version de l’histoire. Dans cette version, la première rencontre et le rendez-vous entre Gianni et Tina se sont déroulés de manière amicale et pacifique. Gianni a proposé qu’ils prennent un verre dans son appartement, en offrant de laisser sa porte ouverte en signe de confiance. Là, tous deux ont admis leur attirance mutuelle, mais ont décidé qu’ils partageraient leur intimité une fois qu’ils se connaîtraient mieux. En partant, Gianni et Tina ont découvert que la porte d’entrée était bloquée ; leurs tentatives pour appeler le gardien sont restées vaines, celui-ci étant distrait par sa collection de photos pornographiques. Gianni a essayé de soulever Tina au-dessus du portail pour qu’elle puisse le déverrouiller de l’extérieur, mais sa robe s’est déchirée sur le portail, et elle lui a griffé le front après avoir failli tomber par terre ; lorsque Tina s’est inquiétée de la réaction de Sonia face à la robe déchirée, Gianni a suggéré en plaisantant qu’elle lui dise qu’il avait essayé de la violer. Ils ont ensuite attendu qu’un autre occupant puisse les faire sortir. À l’arrivée de Giorgio et Esmerelda, le gardien est venu réparer la porte, et Gianni et Tina sont repartis.

Si Une nuit mouvementée est sorti sur les écrans italiens en juillet 1972, le tournage s’est déroulé à Rome quatre années auparavant (la sortie ayant été retardée en raison de la censure), alors que les prises de vue d’Une hache pour la lune de miel Il rosso segno della follia faute de budget. Le producteur Dick Randall (qui joue également le concierge) propose à Mario Bava d’emballer cette pseudo relecture de Rashomon d’Akira Kurosawa, puisqu’un événement est ici raconté par plusieurs protagonistes et donc témoins, dont les propos divergent. Un scientifique (Dieu?) indique dans la dernière partie que cette expérience est en fait destinée à interroger la perception du réel et la notion de subjectivité. On sent que Mario Bava est plus intéressé par la forme que le fond, même si celles de son actrice principale demeurent platement filmées. Pourtant, Daniela Giordano, précédemment vue chez Dino Risi (Une poule, un train… et quelques monstres Vedo nudo), Giuliano Carnimeo (Ringo cherche une place pour mourir Joe… cercati un posto per morire!, Bonnes funérailles, amis, Sartana paieraBuon funerale, amigos!… paga Sartana) et Sergio Martino (Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave) est à se damner et son charme agite les hormones durant les 80 minutes du film.

Elle s’en sort nettement mieux que son partenaire, le peu charismatique Brett Halsey (Demonia, Le Miel du diable) qui promène son regard vide d’émotions et son slip léopard, en attendant que le temps passe. Heureusement, la gent féminine relève le niveau avec également les belles présences de Brigitte Skay (La Baie sanglante, San Babila : un crime inutile) et notre Pascale Petit nationale (et maman de Douchka), la première en proie naïve qui se dénude pour quelques photos, la seconde, chaude comme la b(r)aise, prête à tout pour mettre Tina dans son lit et la convertir à l’amour libre.

Une nuit mouvementée est une œuvre « de son temps », psychédélique, yéyé, légère, insouciante, passée, datée, fondamentalement mineure, mais récréative et sympathique. C’est déjà ça de pris.

LE BLU-RAY

Après Les Trois Visages de la peur et La Ruée des Vikings, Le Chat qui fume revient à Mario Bava et propose l’un de ses films les plus méconnus, Une nuit mouvementée. Un pari pour l’éditeur, puisque cet opus n’a certainement pas la renommée du premier et s’avère moins attractif que le second. Il n’empêche que le Matou a mis une fois de plus les petits plats dans les grands et fait reposer sa précieuse galette dans un boîtier Scanavo du plus bel effet, surmonté d’une jaquette centrée sur le charme dévastateur de Daniela Giordano. Le tout repose dans un fourreau cartonné élégant. Le menu principal est animé et musical. Édition limitée à 1000 exemplaires.

Lamberto Bava lui-même ne sait pas trop comment parler d’Une nuit mouvementée. Durant près d’une demi-heure, le fils et assistant de Mario Bava replace comme il le peut ce film dans la carrière de son père. Il évoque évidemment Rashomon d’Akira Kurosawa comme inspiration principale, le casting, l’érotisme désuet (Lamberto Bava n’hésite pas à qualifier son père de quasi-asexué) et le manque de sensualité de Quante volte…quelle notte.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Si Le Chat qui fume présente ses excuses dans un carton introductif, quant à la définition relative de ce seul master existant et que celui-ci n’a connu aucune restauration, force est de constater que la qualité est tout de même au rendez-vous. Effectivement, certaines rayures verticales demeurent, mais la copie est tout de même superbe. Le gros point fort est évidemment la palette chromatique (on en prend plein les yeux), la texture argentique est aussi présente que bien gérée, le piqué est étonnant, les détails plaisants et l’ensemble stable.

Seule la version originale italienne est disponible sur ce Blu-ray. La piste Mono restitue les dialogues avec suffisamment d’efficacité, en dépit de légers craquements et d’un souffle chronique.

Crédits images : © Le Chat qui fume / Minerva / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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