SECTION DE CHOC (Quelli della calibro 38) réalisé par Massimo Dallamano, disponible en Édition Limitée Blu-ray depuis mars 2023 chez Le Chat qui fume.
Acteurs : Marcel Bozzuffi, Carole André, Ivan Rassimov, Riccardo Salvino, Giancarlo Bonuglia, Fabrizio Capucci, Francesco Ferracini, Daniele Gabbai…
Scénario : Franco Bottari, Massimo Dallamano, Marco Guglielmi & Ettore Sanzò
Photographie : Gábor Pogány
Musique : Stelvio Cipriani
Durée : 1h43
Date de sortie initiale : 1976
LE FILM
1976, dans les faubourgs de Turin – Le commissaire Vanni et ses hommes font irruption dans une ferme servant de repaire à une organisation criminelle. Durant la fusillade, le frère du Marseillais, chef de la bande, est abattu. En représailles, le Marseillais se rend dans l’immeuble où réside le commissaire et tue froidement son épouse, sous les yeux de son petit garçon. Peu après, Vanni accepte de diriger un quatuor de policiers entraînés au maniement des armes (revolvers équipés de cartouches .38 Special) et à la conduite de motos enduro. Apprenant que le Marseillais est entré en possession de soixante-dix kilos de dynamite, le commissaire et son escouade mettent tout en œuvre pour contrecarrer ses projets.
À l’occasion de la sortie en Blu-ray de Mais…qu’avez-vous fait à Solange ? chez Le Chat qui fume en 2022, nous étions revenus sur la carrière de Massimo Dallamano (1917-1976). Nous n’épiloguerons donc pas une nouvelle fois dessus, ce qui nous permet de passer directement à Section de choc aka Quelli della calibro 38, alias aussi Colt 38 Special Squad dans les pays anglo-saxons, un polar pur et dur, bien burné et qui emmerde la bien-pensance, avec un Marcel Bozzuffi gonflé à bloc. Ils se sont mis à quatre pour le scénario de ce poliziottesco, Massimo Dallamano lui-même, accompagné de Franco Bottari (Deux flics à abattre de Ruggero Deodato, La Bête tue de sang-froid d’Aldo Lado), Marco Guglielmi (Saludos hombre de Sergio Sollima) et Ettore Sanzò (La Guerre des gangs de Lucio Fulci, La Dernière maison sur la plage de Franvo Prosperi), des types rompus au genre qui livrent un opus bien représentatif de ce courant. De la première à la dernière seconde, les rebondissements, les affrontements, les poursuites (très immersives, filmées caméra à l’épaule), les gunfights s’enchaînent pour le plus grand plaisir des spectateurs. Près de cinquante ans après sa sortie, Section de choc, tourné durant les anxiogènes Années de plomb, n’a absolument rien perdu de son efficacité et n’a rien à envier à un thriller contemporain.
Au cours d’une opération nocturne dans une banlieue de Turin, le commissaire Vanni tue un gangster, qui se révèle être le frère d’un autre mafieux, le Marseillais. Par vengeance, ce dernier se rend au domicile du commissaire et assassine sa femme sous les yeux de son fils. Alors qu’il est un moment prêt à quitter son métier, le commissaire Vanni est choisi pour diriger une brigade spéciale nouvellement créée. Il organise l’entraînement et la formation des policiers qui ont été sélectionnés parmi de nombreux candidats. La nouvelle unité fait rapidement ses preuves sur le terrain, même si le commissaire Vanni leur reproche d’avoir la gâchette un peu trop facile. Un soir, trois membres de l’unité prennent en chasse une voiture occupée par trois jeunes gens, qui semblent avoir commis un acte banal de grivèlerie dans un restaurant. La poursuite devient de plus en plus folle, jusqu’à ce que la voiture se renverse. Deux des jeunes gens sont arrêtés, mais le troisième homme sort une arme et engage le combat avec les policiers. Il est tué au cours de l’affrontement. Les deux jeunes prévenus se révèlent être de simples lampistes. En revanche, l’homme tué est identifié comme coupable d’un récent vol d’une importante quantité de dynamite. Les policiers vont peu à peu établir le lien entre cet homme, la dynamite et la bande du Marseillais. Encore veulent-ils savoir ce que compte faire le Marseillais avec une telle quantité d’explosifs.
Quelli della calibro 38 (ou en français Ceux qui ont des calibres 38) sort en 1976, soit la même année que Deux flics à abattre de Ruggero Deodato, Big Racket d’Enzo G. Castellari, Opération jaguar de Marino Girolami, Magnum 44 spécial de Stelvio Massi, Napoli violenta, La Mort en sursis et Brigade spéciale d’Umberto Lenzi. Autant dire que le poliziottesco se portait encore à merveille et que les réalisateurs les plus chevronnés n’hésitaient pas à en enchaîner plusieurs d’affilée. C’est aussi évidemment le cas pour les acteurs Mario Adorf, Maurizio Merli, Tomas Milian, Franco Nero, John Saxon, Henry Silva, Fabien Testi et bien sûr Marcel Bozzuffi. Dans les années 1970, l’acteur bénéficie d’un nouveau tremplin dans sa carrière, avec le triomphe international de French Connection de William Friedkin. Résultat, s’il tourne toujours autant en France (chez Pierre Granier-Deferre, José Giovanni et Yves Boisset), il est appelé en Italie, pays dont il parle couramment la langue grâce à ses origines. Carlo Lizzani, Mauro Bolognini, Tonino Valerii, Francesco Rosi feront appel à son talent, ainsi que Massimo Dallamano, qui lui confie donc le premier rôle de Section de choc. Il s’avère impérial dans la peau du commissaire Vanni, flic retors, qui va enfin profiter des mêmes moyens que ses adversaires pour pouvoir les affronter à armes égales (autrement dit avec un bon calibre qui ne s’enraye pas et des balles dum-dum, « un instrument moderne pour combattre une nouvelle forme de criminalité ») dans les rues de Turin et dans ses environs, même si Vanni recommande chaudement à ses hommes de viser (si possible) les jambes.
Il trône sur un casting composé entre autres de Riccardo Salvino (Les Héros ne meurent jamais de Maurizio Lucidi, Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé – Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave de Sergio Martino), Ivan Rassimov (La Planète des vampires – Terrore nello spazio de Mario Bava, Brigade spéciale – Roma a mano armata d’Umberto Lenzi, Exorcisme tragique – Un bianco vestito per Marialé de Romano Scavolini, Toutes les couleurs du vice – Tutti i colori del buio de Sergio Martino), la superbe Carole André (Le Dernier Face à face – Faccia a faccia de Sergio Sollima, Mort à Venise – Morte a Venezia de Luchino Visconti, Dillinger est mort – Dillinger è morto de Marco Ferreri) et même une apparition de Grace Jones qui n’avait même pas encore sorti son premier album.
Quand on évoque le poliziottesco, on oublie souvent à quel point ces films avaient de la gueule et Section de choc ne déroge pas à la règle avec une photographie soignée de Gábor Pogány, chef opérateur prolifique et éclectique de La Bête tue de sang-froid, Les Adolescentes, La Ciociara…Même chose pour la partition endiablée et entêtante du légendaire Stelvio Cipriani (La Baie sanglante, Un flic explosif, L’Avion de l’apocalypse). Cela devait être le dernier long-métrage de Massimo Dallamano, qui allait mourir à 59 ans des suites d’un accident de voiture. Après le succès du film, Marcel Bozzuffi se voit proposer un autre polar du même acabit, considéré à tort comme une suite à Section de choc (d’ailleurs le personnage s’appelle autrement), Équipe spéciale – La Polizia è sconfitta, qui sera emballée l’année suivante par Domenico Paolella.
LE BLU-RAY
Section de choc rejoint la désormais conséquente anthologie du Chat qui fume consacrée au cinéma italien italien des années 1970. Quelques mois après Mais…qu’avez-vous fait à Solange ?, l’éditeur revient au cinéma de Massimo Dallamano avec ce superbe Blu-ray, qui prend la forme d’un Digipack à trois volets, glissé dans un fourreau cartonné, magnifiquement illustré par Frédéric Domont. Le menu principal est animé et musical. Édition limitée à 1000 exemplaires.
Le premier bonus est un entretien avec Antonio Siciliano (9’). Le monteur du génial Une langouste au petit déjeuner de Giorgio Capitani, du phénoménal Nous sommes tous en liberté provisoire de Damiano Damiani et de tout un tas d’autres classiques (On continue à l’appeler Trinita, À la recherche du plaisir, Comment tuer un juge, La Femme du dimanche, Le Canard à l’orange, La Proie de l’autostop) évoque sa rencontre et sa collaboration avec Massimo Dallamano. Pas grand-chose de vraiment marquant dans ce supplément, à part quand Antonio Siciliano parle de la dextérité du réalisateur à la caméra à l’épaule.
Outre la bande-annonce, nous trouvons une interview comme qui dirait rétrospective du compositeur Stelvio Cipriani (42’). Décédé en octobre 2018, le musicien revenait ici sur ce qui l’a poussé à devenir musicien (grâce au football, vous saurez pourquoi en écoutant ce module), puis sur les étapes successives et décisives de son parcours. Ses rencontres déterminantes (Tomás Milián entre autres), puis ses débuts au cinéma, sa méthode, son style, sa conception de la musique de suspense, quelques collaborations (avec Dino Risi, Steno), Stelvio Cipriani aborde ces sujets auxquels il joint quelques démonstrations au piano.
L’Image et le son
Quelques poils en bord de cadre, mais sinon rien à redire sur ce master HD de Section de choc ! Le Chat qui fume nous gratifie d’une copie impressionnante, présentée dans son format original 2.35 (16/9, compatible 4/3). La propreté de la copie est indéniable, la restauration ne fait aucun doute, les contrastes sont très beaux, les noirs sont denses, le cadre large fourmille de détails avec un piqué très pointu. Le grain est très bien géré, l’ensemble stable sans bruit vidéo, les couleurs concoctées par Gábor Pogány sont agréables pour les mirettes, souvent rutilantes. Hormis divers plans plus doux, le charme opère et l’on (re)découvre Section de choc avec ses partis pris esthétiques originaux.
Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono 2.0 ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place aux ambiances naturelles, ainsi qu’à la musique de Stelvio Cipriani quand elle se manifeste. Elle demeure la plus dynamique et la plus riche du lot. La version française DTS-HD Master Audio Mono 2.0, au doublage soigné, vaut aussi le détour.