Test Blu-ray / Liaisons perverses, réalisé par Jean-Paul Savignac

LIAISONS PERVERSES réalisé par Jean-Paul Savignac, disponible en Blu-ray depuis juin 2023 chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Mona Heftre, Jean Roche, Pierre Oudrey, Samuel Sladow, Monique Vita, Ghislaine Hettre, Monique Lauffenburger, Claudine Beccarie…

Scénario : Jean-Paul Savignac

Musique : Maurice Lecoeur

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

Laurent, un photographe parisien, recherche l’endroit parfait pour le photo-roman qu’il doit réaliser. Croyant trouver l’endroit idoine, il s’introduit chez Hélène, une jeune et belle bourgeoise délaissée par son mari. Débute entre eux une liaison, Laurent se servant d’Hélène pour ses photos sexy. Soupçonnant quelque chose, Philippe, son mari, engage un détective privé…

Pas mal ce petit film érotique réalisé par Edgar P. Sullivan alias Jean-Paul Savignac, sorti sous les titres Les Liaisons perverses, mais aussi Des liaisons très perverses, Le Désir satisfait, Objectivement vôtre ou bien encore Depraved Relations dans les pays anglo-saxons. Ce dernier opus de l’ancien assistant de Jean-Luc Godard sur Vivre sa vie : Film en douze tableaux (1962), Les Carabiniers (1963), Bande à part (1964) et Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution (1965), également de Jacques Demy (Les Parapluies de Cherbourg) et Agnès Varda (Le Bonheur) ne manque certainement pas de charme et d’idées de mise en scène. Mais ce que l’on retiendra avant tout de Liaisons perverses, c’est la beauté foudroyante de la comédienne Mona Heftre, ici sous le nom de Mona Mour, qui faisait ses premières apparitions à l’écran, la même année que Change pas de main de Paul Vecchiali et La Fille du garde-barrière de Jérôme Savary, son futur époux et père de ses deux filles. Jamais vulgaire, mais avec délicatesse et reflétant une connaissance évidente de la grammaire cinématographique, Liaisons perverses n’est pas une succession gratuite de séquences olé olé, mais présente des personnages englués dans un quotidien morose, qui ont vu leurs idéaux s’éloigner puis disparaître, les rendant frustrés voire aigris. À ce titre, Mona Heftre campe formidablement une jeune femme de 24 ans presque vieillie avant l’âge en raison d’un mariage ennuyeux, qui va redécouvrir son corps et le désir auprès d’un photographe qui va la prendre comme modèle. Une jolie découverte.

Outre Mona Heftre, dont le rôle rappelle les débuts de la sculpturale comédienne comme modèle pour des couvertures de romans-polars et pin-up de calendriers, Pierre Oudrey, vu chez Michel Deville, Jean-Marie Pallardy, Joseph Losey et Irvin Kershner (c’est dire la diversité du bonhomme) et qui sera aussi face à Brigitte Lahaie dans L’Exécutrice, s’en tire très bien. Évidemment, le personnage de Laurent serait improbable de nos jours, misogyne, macho, mais l’acteur en fait plus qu’une simple bite sur patte et ce photographe jeune trentenaire paraît avoir beaucoup bourlingué et revenu de tout dans son atelier miteux, dans lequel il fait poser de pauvres figurants à la recherche du cachet d’un jour. Habitué à quelques coups d’un soir (il le dit ouvertement à celle qu’il a dans son lit qu’il ne recherche rien d’autre que la baise), la relation que ce mec superficiel et égoïste entretient avec Hélène, va cependant l’emmener plus loin qu’il l’imaginait.

Les yeux des spectateurs se poseront aussi doucement sur les seins superbes de la belle et ancienne stripteaseuse Monique Vita (que Michel Lemoine et Jean-Françoise Davy remarqueront et feront jouer) et d’autres belles créatures apparaissant ici et là. Les autres, ou les mêmes (cela dépend de leur bagage cinéphile et technique), pourront apprécier le cadre soigné (y compris les deux génériques, très élégants) et la photographie agréable pour les mirettes, Jean-Paul Savignac ayant déclaré qu’il ne voulait pas bâcler le boulot. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les dialogues, les effets de caméra, de montage, la bonne prestation des comédiens sont bien plus intéressants et effectivement travaillés que les autres métrages du genre qui fleurissaient alors dans les salles hexagonales depuis le succès monstre d’Emmanuelle de Just Jaeckin l’année précédente.

Dix ans après son premier film comme réalisateur (Nick Carter et le Trèfle rouge avec Eddie Constantine) et une poignée de documentaires, Jean-Paul Savignac faisait ici ses adieux au cinéma, avant de consacrer son existence à la peinture.

LE BLU-RAY

On ne sait où Le Chat qui fume a su retrouver ce film, toujours est-il que Liaisons perverses est désormais disponible en Blu-ray. La jaquette au visuel sobre est glissée dans un boîtier Scanavo. Le menu principal est animé et musical. Version intégrale. Sérigraphie du disque recherchée qui prend l’aspect d’un objectif.

L’éditeur est allé à la rencontre de Jean-Paul Savignac. Durant 40 minutes, l’ancien réalisateur (né en 1936) devenu artiste-peintre en 1975, explique tout d’abord ses premiers rapports avec le cinéma, art qu’il a découvert durant la guerre avec de jeunes maquisards, avant de fréquenter les salles dès la libération où il découvrira entre autres Fra Diavolo avec Laurel & Hardy et Hamlet de Laurence Olivier. Cela lui donnera envie de travailler dans ce milieu, dans lequel il entre comme assistant-décorateur (il bossera notamment sur Le Baron de l’écluse), avant de rencontrer Jean-Luc Godard, avec lequel il collaborera à plusieurs reprises. C’est ainsi l’occasion pour lui d’évoquer ses rapports avec JLG, mais aussi Jacques Demy et Agnès Varda (qu’il égratigne pour avoir dissimulé que son compagnon était mort du sida). Jean-Paul Savignac en vient à ses débuts comme metteur en scène en 1965 avec Nick Carter et le Trèfle rouge, puis à Liaisons perverses, au casting, à ses intentions, aux conditions de tournage, aux ajouts pornographiques demandés par les distributeurs, au succès du film (dû surtout à la vente à l’étranger), puis à sa reconversion dans la peinture. Un très beau témoignage.

Le Chat qui fume a aussi pu mettre les griffes sur les scènes coupées dites « pour adultes » (8’). Un montage présente les cinq séquences pornographiques exigées par les distributeurs à Jean-Paul Savignac. Parfois montrées sans le son, ces scènes sont souvent des plans à trois, des fellations ou illustrent de façon plus explicites les positions seulement suggérées dans la version intégrale.

L’Image et le son

Le master HD au format 1080p de Liaisons perverses s’en sort très bien. La propreté de l’image apparaît d’emblée, même si des petits poils en bord de cadre subsistent. Grâce à cette élévation HD, les couleurs retrouvent une vraie vivacité (les verts sont particulièrement électriques), les contrastes sont renforcés. Le piqué est somme toute aléatoire, mais la belle texture argentique originale original est respectée et très présente (caractéristique d’un tournage en Super 16). Un léger bruit vidéo et quelques saccades peuvent se faire remarquer. Blu-ray au format 1080p.

Le mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0 instaure un confort acoustique probant et suffisamment solide. Liaisons perverses a été tourné en son direct et certains échanges peuvent paraître plus sourds que d’autres, mais rien de rédhibitoire. La propreté est de mise et les silences sont denses. En revanche, pas de sous-titres français pour le public sourd et malentendant.

Crédits images : © Le Chat qui fume / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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