Test Blu-ray / L’Empire de la terreur, réalisé par Roger Corman

L’EMPIRE DE LA TERREUR (Tales of Terror) réalisé par Roger Corman, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 8 novembre 2022 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Vincent Price, Peter Lorre, Basil Rathbone, Debra Paget, Joyce Jameson, Maggie Pierce, David Frankham.…

Scénario : Richard Matheson, d’après Edgar Allan Poe

Photographie : Floyd Crosby

Musique : Les Baxter

Durée : 1h29

Date de sortie initiale: 1962

LE FILM

Un scénario divisé en trois histoires, trois adaptations d’Edgar Poe… Morella : Au terme de longues années d’absence, Lenora Locke rend visite à un père qui refuse de la connaître comme sa fille, la tenant responsable de la mort en couche de sa femme. S’il en vient à des sentiments meilleurs envers elle, le souvenir venimeux de la défunte finit par à nouveau le submerger. Le Chat noir : Montresor, un ivrogne notoire, dilapide l’argent du foyer lors de ses virées nocturnes, au grand dam de sa belle et tendre épouse qui succombe aux avances d’un soupirant, le propre compagnon de beuverie de son conjoint. Furieux, Montresor se venge sur son chat puis s’en prend aux amants… La Vérité sur le cas de M. Valdemar : Aux portes de la mort, Mr Valdemar fait appel au talent d’hypnotiseur du Dr Carmichael, dans l’ignorance que ce dernier le tiendra bientôt en son pouvoir. S’il consent à le laisser paisiblement mourir en le délivrant de mille souffrances, c’est sous condition que sa jeune femme l’épouse. Valdemar physiquement mort, son esprit n’en est pas moins actif, avide de revanche…

L’Empire de la terreur Tales of Terror est déjà la quatrième adaptation pour le cinéma d’une nouvelle d’Edgar Allan Poe par le producteur et réalisateur Roger Corman, un cycle démarré deux ans auparavant avec La Chute de la maison Usher, La Chambre des tortures, L’Enterré vivant, qui se poursuivra avec Le Corbeau, La Malédiction d’Arkham, Le Masque de la mort rouge et La Tombe de Ligeia. Huit longs-métrages tournés en quatre années seulement, durant lesquelles Roger Corman tente chaque fois de se renouveler, afin de ne pas lasser les spectateurs, tout en leur offrant encore et toujours leur lot d’émotions fortes. C’est le cas avec L’Empire de la terreur, qui a pour particularité d’être en réalité un film à sketches, qui comporte trois segments placés sous le signe de la terreur et qui sont tous interprétés par le fidèle Vincent Price, métamorphosé dans chaque partie. Du point de vue formel, la recette est la même, les décors sont somptueux, tout comme les costumes, la mise en scène élégante dissimule un budget qu’on imagine modeste. Nous sommes en pleine série B, mais de très grande classe et même si le dernier acte est sans doute le plus faible du lot, l’immense réussite des deux premiers demeure aujourd’hui indiscutable.

Morella : Lorsque Lenora Locke quitte Boston pour retrouver son père dans son manoir décrépit et couvert de toiles d’araignées, elle le trouve ivre et déprimé. Il refuse sa compagnie, insistant sur le fait qu’elle a tué sa mère Morella en couches. Lenora découvre alors le corps de sa mère en décomposition sur un lit de la maison. Elle ne peut pas retourner à Boston et reste dans la maison pour s’occuper de son père. Ses sentiments s’adoucissent envers elle lorsqu’il apprend qu’elle est atteinte d’une maladie en phase terminale. Une nuit, l’esprit de Morella monte et tue Lenora pour se venger de sa mort en couches. Le corps de Morella est alors ressuscité, devenant aussi entier et aussi beau qu’elle l’était de son vivant.

Le Chat noir : Montresor Herringbone déteste sa femme Annabelle et son chat noir. Un soir, lors d’une promenade dans la ville, il tombe sur une dégustation de vin et défie l’expert en la matière, Fortunato Luchresi, à un concours. Herringbone devient ivre. Luchresi le raccompagne chez lui et rencontre sa femme. Le temps passe et Annabelle et Luchresi deviennent intimes. Le cocu Herringbone les enterre alors vivants dans une alcôve au sous-sol. Cependant, il ne peut s’empêcher de « voir » et « d’entendre » à la fois le chat noir et le couple assassiné qui se moquent de lui. Les autorités deviennent méfiantes et deux policiers visitent la maison pour enquêter.

La Vérité sur le cas de M. Valdemar : Mourant d’une maladie incurable, M. Ernest Valdemar emploie un hypnotiseur, M. Carmichael, pour soulager ses souffrances en le mettant dans diverses transes. Il demeure alors entre le monde des vivants et celui des morts. En transe, Valdemar supplie Carmichael de libérer son âme pour qu’il puisse mourir, mais Carmichael refuse cruellement. Les mois passent et le corps en putréfaction de Valdemar reste dans son lit sous le contrôle total de Carmichael. L’hypnotiseur tente de forcer la femme de Valdemar, Hélène, à l’épouser. Quand elle refuse, il l’attaque. Le corps putride de Valdemar se lève du lit…

Entre horreur et fantastique, Roger Corman ne se repose pas sur ses lauriers et continue son exploration de l’oeuvre d’Edgar Allan Poe, emballée très vite, en totale liberté et tout en respectant un montant de production qu’il s’est lui-même évidemment fixé. Il laisse ici une belle place à l’humour noir (qui s’étendra beaucoup plus dans Le Corbeau), surtout dans la seconde partie essentiellement interprétée par l’exceptionnel Peter Lorre, qui roule autant des yeux que son personnage sous la table, se mettant minable dans tous les troquets du coin, avant de rentrer chez lui pour demander de l’argent à sa jeune épouse (Joyce Jameson, vue dans La Garçonnière, La Course à la mort de l’an 2000, Josey Wales hors-la-loi et Doux, Dur et Dingue), avant de repartir picoler, si l’alcool ingurgité précédemment ne l’a pas déjà assommé. La suite de ce sketch témoigne d’une réelle ambition de Roger Corman, qui étire littéralement l’image afin de refléter l’état éthylique très avancé de son personnage, ainsi que la folie dans laquelle il sombre désespérément.

L’écrivain Richard Matheson (Je suis une légende, L’Homme qui rétrécit) officie à nouveau au scénario et respecte scrupuleusement les écrits d’Edgar Allan Poe, la plupart du temps du moins, tout en leur insufflant, si besoin était, une modernité dans la représentation de l’épouvante au cinéma. Autre plus-value non négligeable est la sublime photographie de Floyd Crosby, mythique chef opérateur du Train sifflera trois fois, de Tabou, une histoire des mers du sud de Friedrich Wilhelm Murnau et de Tant qu’il y aura des hommes. Outre Vincent Price et Peter Lorre, les fans d’horreur vintage retrouveront aussi le légendaire Basil Rathbone (La Dernière fanfare, Le Bouffon du roi, Les Aventures de Robin des Bois) et la magnifique Debra Paget (Le Tigre du Bengale, Le Tombeau Hindou, Le Cavalier du crépuscule, Les Dix commandements), présents dans La Vérité sur le cas de M. Valdemar et qui redonnent un certain intérêt à une intrigue, ainsi qu’à un déroulé sans véritable surprise, malgré une fin assez marquante car répugnante, avec le personnage de Vincent Price entrant en décomposition.

Si l’on n’échappe pas à une théâtralité et une emphase appuyée, L’Empire de la terreur peut se targuer de rester une référence du film à sketches horrifique, qui influencera très largement la Hammer, la Amicus, ainsi qu’un jeune cinéphile qui deviendra réalisateur, un dénommé Tim Burton.

LE BLU-RAY

Jusqu’à présent, L’Empire de la terreur n’était disponible en France qu’en DVD chez MGM / United Artists depuis près de vingt ans. En novembre 2022, Sidonis Calysta sort un coffret exceptionnel en Combo Blu-ray + DVD intitulé Roger Corman d’après Edgar Allan Poe en 8 films, comprenant La Chute de la Maison Usher, La Chambre des tortures, L’Empire de la terreur, L’Enterré vivant, La Malédiction d’Arkham, Le Corbeau, La Tombe de Ligeia et Le Masque de la Mort Rouge, sans oublier un DVD Bonus Le Monde de Corman et un livret de 158 pages (Roger Corman – Edgard Allan Poe : Les Démons de l’esprit par Marc Toullec. Édition collector numérotée limitée à 2 000 exemplaires. Le menu principal est animé et musical.

Olivier Père revient en une vingtaine de minutes sur le film qui nous intéresse aujourd’hui. Le directeur général d’ARTE France Cinéma et directeur de l’Unité Cinéma d’ARTE France déclare que L’Empire de la terreur représente une nouvelle évolution et une mutation dans le cycle Edgar Poe de Roger Corman, qui doit alors trouver des astuces et des idées pour ne pas se répéter et ennuyer les spectateurs. Désireux de ne pas se laisser enfermer dans un filon ou une formule, le réalisateur et producteur se tourne vers la structure du film à sketches, ce qui lui permet d’adapter ainsi plusieurs récits de l’écrivain, en l’occurrence trois contes, quatre si l’on compte en fait La Barrique d’Amontillado qui se greffe à la partie du Chat noir. La transposition des histoires originales, l’introduction de l’humour, la fidélité (ou non) à Edgar Poe, le casting et d’autres éléments sont aussi abordés ici.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Sidonis Calysta livre un master HD de haute qualité. Les partis pris esthétiques du directeur de la photographie Floyd Crosby trouvent en Blu-ray un nouvel écrin et se voient entièrement respectés. Point de réducteur de bruit à l’horizon, le grain est présent tout en étant discret, la colorimétrie retrouve un véritable éclat (même si l’on constate divers décrochages chromatiques et une baisse de la définition, surtout sur les effets optiques du second segment) et le piqué est probant. Le format original 2.35 est conservé, la profondeur de champ fort appréciable. L’encodage AVC demeure solide, la propreté est indéniable. Le film est proposé dans sa version intégrale.

Les versions originale et française bénéficient d’un mixage DTS-HD Master Audio 2.0. Le confort acoustique est assuré dans les deux cas. L’espace phonique se révèle probant et les dialogues sont clairs, nets, précis, même si l’ensemble manque un peu plus de vivacité sur la piste française. Que vous ayez opté pour la langue de Shakespeare (conseillée) ou celle de Molière, aucun souffle ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre.

Crédits images : © Sidonis Calysta / MGM / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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