Test Blu-ray / Le Prix du silence, réalisé par Elliott Nugent

LE PRIX DU SILENCE (The Great Gatsby) réalisé par Elliott Nugent, disponible en DVD et Combo Blu-ray+DVD le 26 mars 2024 chez Elephant Films.

Acteurs : Alan Ladd, Betty Field, Macdonald Carey, Ruth Hussey, Barry Sullivan, Howard Da Silva, Shelley Winters, Henry Hull, Ed Begley…

Scénario : Cyril Hume & Richard Maibaum, d’après le roman de F. Scott Fitzgerald

Photographie : John F. Seitz

Musique : Robert Emmett Dolan

Durée : 1h32

Année de sortie : 1949

LE FILM

Pour reconquérir son ancienne fiancée, mariée à un millionnaire, Jay a lui aussi décidé de grimper l’échelle sociale. Pour cela il est prêt à tout, vraiment tout…

On connaissait évidemment Gatsby le Magnifique The Great Gatsby (1974) de Jack Clayton, avec Robert Redford dans le rôle-titre, ainsi que la version de 2013 de Baz Luhrmann avec Leonardo DiCaprio, dont a été tiré un mème incontournable sur internet où celui-ci lève sa coupe de champagne, le sourire en coin. Ce qu’on sait moins, c’est que le roman légendaire de F. Scott Fitzgerald avait déjà connu deux autres adaptations au cinéma, la première – muette, qui a complètement disparu et que Fitzgerald avait détesté – de 1926, transposition signée Herbert Brenon avec Warner Baxter, la seconde de 1949, réalisée par Elliott Nugent (1896-1980), avec Alan Ladd dans la peau du milliardaire. C’est cette dernière qui nous intéresse aujourd’hui, d’autant plus que le film avait longtemps été considéré lui aussi comme perdu. Étonnante mouture que ce Prix du silence, étrange titre français, écrit par Cyril Hume (Derrière le miroir de Nicholas Ray, Planète interdite de Fred McLeod Wilcox, Tokyo Joe de Stuart Heisler et auteur de quelques épisodes de Tarzan avec Johnny Weissmuller) et Richard Maibaum (scénariste lié à la saga 007, de James Bond 007 contre Dr No à Permis de tuer), qui s’inspirent forcément du livre de FSF, mais également de la pièce de théâtre d’Owen Davis, montée à Broadway en 1926. Pas facile de résumer la richesse de l’oeuvre originale en 90 minutes, mais l’essentiel y est et le pari est réussi. Alan Ladd campe un Gatsby impeccable, à la fois lisse et torturé, et le comédien est parfaitement accompagné par une distribution on ne peut plus convaincante. Assurément une découverte, qui demeure souvent très moderne dans son traitement et dans le ton adopté.

Vingt ans après la mort du richissime Jay Gatsby, ses amis Nick Carraway et Jordan Baker se recueillent sur sa tombe et se souviennent. Dans l’Amérique des années 20, Jay Gatsby, un gangster aussi mystérieux que distingué, achète une villa à Long Island, un quartier chic de New York. Non loin de là réside la ravissante et frivole Daisy, qu’il a jadis aimée et perdue, mais jamais oubliée. Celle-ci a épousé Tom Buchanan, un homme riche, séduisant mais superficiel, avec qui elle vit toujours. Gatsby pense qu’il aurait pu garder Daisy auprès de lui s’il avait occupé un rang social plus élevé. Il décide donc de s’enrichir pour attirer l’attention de la belle et la reconquérir. La Prohibition va favoriser ses ambitieux projets…

En découvrant Le Prix du silence, on se rend compte que tout ce qui fera la réussite des films de Jack Clayton et Baz Luhrmann était déjà présent dans celui mis en scène par l’excellent Elliott Nugent. Ce dernier venait alors de livrer une grande comédie désopilante avec Bob Hope, La Brune de mes rêves, dans laquelle apparaissait Alan Ladd, non crédité au générique, qui interprétait Sam McCloud, le voisin détective privé de Ronnie. Cela fait cinq ou six ans que l’acteur est devenu l’une des stars convoitées d’Hollywood et l’un des visages phares du film noir (Tueur à gages de Frank Tuttle, La Clé de verre de Stuart Heisler, Le Dahlia bleu de George Marshall), même si Alan Ladd parvient à s’extirper du genre qui l’a rendu célèbre. C’est ce qu’il fait avec virtuosité dans Le Prix du silence, ayant l’âge requis pour incarner son personnage et auquel il apporte une profonde mélancolie derrière un visage de cire.

Si Betty Field (Prisonnier de la haine, Obsessions, L’Homme du Sud, Picnic), Macdonald Carey (Les Damnés, L’Ombre d’un doute), Ruth Hussey (The Uninvited, Indiscrétions), Barry Sullivan (La Planète des vampires, Les Ensorcelés, Traquée), Howard Da Silva (À la recherche de Garbo, Le Poison), Shelley Winters (Black Journal, Tentacules, L’Aventure du Poséidon, Les Chasseurs de scalps, Lolita, Le Coup de l’escalier…) et bien d’autres visages connus sont parfaits dans leurs rôles respectifs, Alan Ladd bouleverse et crève l’écran du début à la fin.

Le metteur en scène redouble d’inventivité pour restituer l’âme et la moelle du roman publié en 1925 et ce dès le prologue, percutant, qui plante le décor des Années folles, à l’aide une reconstitution soignée et un montage frénétique, reflétant les étourdissantes Roaring Twenties. On suit ainsi l’ascension, à travers plusieurs flashbacks et différents témoins, du personnage de Gatsby, jeune et charmant milliardaire, au passé trouble, qui vit luxueusement dans une villa toujours pleine d’invités. Demeure située non loin du couple Buchanaan, Tom et Daisy, la seconde étant l’ancien amour du dénommé Gatsby, qui compte bien la reconquérir (bien que mariée et mère d’une petite fille de quatre ans), maintenant qu’il a fait fortune et qu’il peut donc lui offrir le monde, ce qu’il était loin de pouvoir faire quelques années auparavant, alors qu’il n’était que le fils de pauvres fermiers. La contrebande d’alcools allait l’aider à faire fortune…

(Recon)qûete de l’amour obsessionnel, Le Prix du silence est une œuvre triste, vacharde, une critique virulente de la bourgeoisie, de sa superficialité, de la bassesse des rapports humains, du pouvoir de l’argent, du puritanisme (et de son hypocrisie). Des thèmes évidemment déjà exploités magistralement par F. Scott Fitzgerald dans son ouvrage, qui sont formidablement traités pour ce passage au grand écran.

LE BLU-RAY

Nouveau venu dans l’anthologie Cinéma Master Class – La Collection des maîtres, Le Prix du silence débarque en DVD, Combo Blu-ray+DVD et Blu-ray (en juillet 2024 pour ce dernier) chez Elephant Films. Visuel forcément attractif, qui indique heureusement qu’il s’agit d’une adaptation de Gatsby le magnifique de F. Scott Fitzgerald. Menu principal fixe et musical.

En plus d’un lot de bandes-annonces, l’éditeur a demandé à l’indéboulonnable Jean-Pierre Dionnet de nous présenter Le Prix du silence (« titre français idiot »). Pendant exactement 13 minutes, ce dernier annonce d’emblée qu’il s’agit de la meilleure adaptation, avant de parler de toutes les transpositions de l’oeuvre de F. Scott Fitzgerald (où Robert Redford et Leonardo DiCaprio en prennent pour leur grade). On apprend qu’à l’origine John Farrow devait tourner Le Prix du silence avec Gene Tierney, avant que le projet atterrisse finalement dans les mains d’Elliott Nugent. Dionnet en vient ensuite au scénariste Cyril Hume, au casting, dont Alan Ladd, acteur sur lequel il est habituellement réservé, mais qu’il trouve ici impeccable, tandis qu’il émet des réserves sur Betty Field, « qui n’a pas la morgue nécessaire, ni la beauté distante ».

L’Image et le son

Pendant longtemps, on a cru que Le Prix du silence avait complètement disparu. Jusqu’à la découverte des négatifs il y a une dizaine d’années. C’est l’Australie qui a ouvert le bal en éditant le film d’Elliott Nugent, sous le label Imprint. Elephant Films reprend visiblement le même master restauré par Universal en 2022, même si l’on peine à croire que le lifting ait été effectué en 4K, compte tenu des poils en bord de cadre qui subsistent, ainsi que les raccords de montage, des poussières et des rayures, pour ne citer que ces défauts encore présents. Ce Blu-ray français au format 1080p, propose donc The Great Gatsby version 1949, dans son format original et respecte la texture argentique. La palette de gris est plus qu’acceptable, le cadre est stable. On regrettera tout de même des arrières-plans diffus, un piqué émoussé et des contrastes aléatoires.

La version originale (aux sous-titres français non imposés, présentés en jaune ou en blanc, au choix) est la seule proposée ici. L’écoute est parfois étonnamment claire, frontale et riche, dynamique et vive, ou au contraire plus confinée et sourde. Les effets annexes sont là, le rendu musical ample et l’ensemble suffisamment propre, avec de temps en temps un léger souffle.

Crédits images : © Elephant Films / Universal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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