Test Blu-ray (édition Gaumont) / Le Président, réalisé par Henri Verneuil

LE PRÉSIDENT réalisé par Henri Verneuil, disponible en DVD et Blu-ray le 3 juin 2020 chez Gaumont.

Acteurs : Jean Gabin, Bernard Blier, Renée Faure, Henri Crémieux, Alfred Adam, Louis Seigner, Georges Adet, Albert Michel…

Scénario : Michel Audiard, Henri Verneuil d’après le roman de Georges Simenon

Photographie : Louis Page

Musique : Maurice Jarre

Durée : 1h50

Date de sortie initiale : 1961

LE FILM

Agé de 73 ans, l’ancien Président du Conseil Emile Beaufort joue toujours un rôle central dans la vie politique du pays. La rédaction de ses mémoires lui permet de revenir sur son parcours et d’évoquer ses relations avec Philippe Chamalont, sur le point de devenir à son tour Président du Conseil.

Emile Beaufort (Jean Gabin) : Je suis un mélange d’anarchiste et de conservateur, dans des proportions qui restent à déterminer.

N’y allons pas par quatre chemins, Le Président est l’un des plus beaux et l’un des plus grands rôles de Jean Gabin. Adapté du roman de Georges Simenon, mis en scène par Henri Verneuil, sa seconde collaboration avec le monstre du cinéma français, cinq ans après le merveilleux Des gens sans importance (1956), Le Président demeure toujours autant d’actualité puisque le film évoque la formation de l’Europe, la condamnation des rapports étroits entre les députés et le monde des affaires ou de l’industrie, ainsi qu’une crise économique sans précédent. Littéralement habité par son personnage, Jean Gabin donne la (fabuleuse et écrite sur mesure) réplique au phénoménal Bernard Blier, dirigé pour la première fois par Henri Verneuil. Du grand cinéma quoi !

Ancien président du Conseil, Émile Beaufort consacre une large partie de son temps à l’écriture de ses mémoires, qu’il dicte à sa dévouée secrétaire, Mlle Milleran, à La Verdière, sa propriété provinciale. Retiré des affaires publiques, il ne garde pas moins un regard attentif sur l’actualité politique nationale. Tandis qu’il écoute la radio pour suivre l’évolution d’une crise ministérielle en cours, Beaufort apprend que le député Philippe Chalamont, président du groupe des Indépendants républicains à la Chambre, est pressenti par le chef de l’État pour former le prochain gouvernement. La nouvelle perturbe Beaufort au point qu’il cesse quelques instants de dicter le contenu de ses mémoires à sa secrétaire, le temps de songer à l’époque où, président du Conseil, il dut travailler avec Chalamont, qui n’était autre que son directeur de cabinet. Si l’éventuelle nomination de Philippe Chalamont préoccupe vivement le vieil homme c’est parce que, plusieurs années auparavant, tandis que Beaufort dirigeait le gouvernement, un scandale financier de grande ampleur impliquant au premier chef la belle-famille de son directeur de cabinet a coûté plus de 3 milliards de francs au pays. Bouleversé par cette révélation, tandis qu’il avait une confiance entière en son collaborateur, Beaufort avait contraint Chalamont de coucher des aveux sur le papier, afin que sa responsabilité dans cette affaire soit révélée au grand public si cela s’avérait nécessaire. À partir de cet épisode, les relations entre Émile Beaufort et Philippe Chalamont sont devenues glaciales : le chef du gouvernement dut faire face, par la suite, à une opposition parlementaire combative, menée par son ancien collaborateur, devenu député.

Emile Beaufort (Jean Gabin) : C’est une habitude bien française que de confier un mandat aux gens et de leur contester le droit d’en user !

Henri Verneuil signe un portrait nuancé d’homme d’Etat visionnaire, intègre et patriote, doublé d’un polar politique haletant. Rares étaient les films français à toucher à ce « petit » monde dans les années 1950 jusqu’aux années 1970, et encore moins étaient les films qui montraient l’intimité d’un homme politique, ici une synthèse étonnante de Charles de Gaulle, Aristide Briand et de Georges Clemenceau, auquel Gabin emprunta le physique dont la moustache qui lui va à ravir. Politique-fiction où Henri Verneuil s’attache à une vérité quasi-documentaire en incluant même deux journalistes vedettes de l’époque, Claude Darget et Léon Zitrone dans leur propre rôle, Le Président imbrique le passé et le présent au moyen de flashbacks judicieux. Sans ostentation ni exagération, Gabin rajeunit ou vieillit – âgé de 57 ans son personnage en a 73 ans – devant nos yeux ébahis durant près de deux heures. Certes, le film est bavard, très bavard même, à l’instar des mémoires dictées par Beaufort à sa secrétaire (formidable Renée Faure), mais passionnant.

Emile Beaufort (Jean Gabin) : Le repos c’est fait pour les jeunes. Ils ont toute la vie devant eux, moi pas.

Le dernier discours d’Emile Beaufort dans l’hémicycle de la Chambre des députés reste un immense moment de cinéma, excellemment mis en scène par Henri Verneuil et photographié par le grand Louis Page, ne laissant aucun répit à ses personnages, encore moins aux spectateurs médusés par tant de maestria technique et d’éloquence. Ce quart d’heure époustouflant avec Gabin, hypnotique, impérial, est absolument extraordinaire. A sa sortie, Le Président est un succès populaire largement mérité avec 2,8 millions d’entrées, soit autant que Le Cave se rebiffe qui sortira quelques mois plus tard.

LE BLU-RAY

Sept ans après une superbe édition digibook, qui renfermait le Blu-ray du film, ainsi qu’un petit livret exclusif de 16 pages richement illustré, qui délivrait quelques notes de production, Le Président change de crémerie, passant d’EuropaCorp à Gaumont. Nouvel habillage, tout comme un menu principal animé et musical.

Sur l’ancienne édition, nous trouvions un documentaire rétrospectif de 26 minutes réalisé par Jérôme Wybon, ponctué d’images et de photos de tournage, ainsi que d’archives filmées sur le plateau comme une interview de Jean Gabin. Ce module croisait les propos de Jacques Bar (producteur), Henri Verneuil (au son et à l’image altérés), Philippe Lombard (journaliste), Michel Audiard (scénariste, dialoguiste), Michel Wyn (assistant-réalisateur) et Jean Gabin. Cet excellent supplément passait en revue la genèse du projet, la préparation et l’interprétation de Jean Gabin, l’adaptation du roman de Georges Simenon par Michel Audiard, le casting, la direction d’acteurs d’Henri Verneuil, ainsi que la difficulté du tournage de la séquence centrale du film, celle où Beaufort s’adresse à la Chambre des députés, qui a demandé pas moins de 54 prises. L’ensemble regorgeait alors de nombreuses et savoureuses anecdotes de tournage. Pour cette nouvelle édition HD « made in » Gaumont nous trouvons deux modules rétrospectifs. Le premier (de 26 minutes) donne la parole à Claude Gauteur (historien du cinéma, auteur de Simenon au cinéma) et Patrick Glâtre (chargé de mission Image et Cinéma, auteur de Jean Gabin, la traversée d’un siècle). Ceux qui détiennent la première édition n’apprendront rien de bien nouveau ici, d’autant plus que l’ensemble s’avère forcément moins riche en images d’archives et ne bénéficie pas du talent de Jérôme – le spéléologue – Wybon. On y replace Le Président dans la filmographie conséquente de Jean Gabin, on y parle de l’adaptation du roman de Georges Simenon, on y dissèque les thèmes du film, des conditions de tournage…

La deuxième bonus est un entretien avec Jérôme Luchini (28’), directeur de la Maison Départementale de l’Education et spécialiste de Clemenceau au cinéma. Vous l’aurez sans doute compris, ce supplément se focalise sur la dimension « historique » du Président, dans le sens où le roman de Georges Simenon, mais surtout le film d’Henri Verneuil s’inspire d’acteurs politiques réels, en particulier de Georges Clemenceau, dont s’est largement inspiré Jean Gabin. Jérôme Luchini se penche sur le premier film de politique-fiction réalisé en France, qui s’intéresse à la fin d’un régime parlementaire, bientôt remplacé par un régime présidentiel. Quelques séquences du film sont abordées, ainsi que les différences avec le roman de Georges Simenon.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Il semble que Gaumont ait repris le même master précédemment édité par EuropaCorp, sans trop lui apporter de modifications notables, en dehors d’une luminosité qui nous semble renforcée, ainsi que la profondeur des noirs. Dans l’ensemble, Le Président a franchement de la gueule en Blu-ray avec des contrastes denses, une palette de gris riche, une stabilité exemplaire. Les arrière-plans sont bien gérés, les fondus décrochent sensiblement mais rien de vraiment rédhibitoire, le grain original est respecté, le piqué est souvent dingue et les détails regorgent sur les visages des comédiens. Les canons de restauration ont évolué en sept années,mais celle du Président ne déçoit pas. Aucune scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’encodage AVC consolide l’ensemble du début à la fin et le relief des matières est palpable. La photo du chef opérateur Louis Page (Le Rouge est mis, Les Vieux de la vieille) n’a jamais été aussi resplendissante et le cadre 1.66 (format respecté), brille de mille feux.

Egalement restaurée, la piste DTS-HD Master Audio Mono instaure un haut confort acoustique avec des dialogues percutants et une très belle restitution du thème musical de Maurice Jarre. Aucun souffle sporadique ni aucune saturation ne sont à déplorer et les ambiances annexes sont limpides. L’éditeur joint également les sous-titres anglais (absents de l’édition EuropaCorp) et français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Gaumont / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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