Test 4K Ultra-HD / Gwendoline, réalisé par Just Jaeckin

GWENDOLINE réalisé par Just Jaeckin, disponible en édition 4K Ultra HD + Blu-ray le 13 juillet 2020 chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Tawny Kitaen, Brent Huff, Zabou Breitman, Bernadette Lafont, Jean Rougerie, Roland Amstutz, Stanley Capoul, André Julien…

Scénario : Just Jaeckin

Photographie : André Domage

Musique : Pierre Bachelet

Durée : 1h45

Année de sortie : 1984

LE FILM

Décidée à retrouver son père disparu, parti en quête d’un papillon rare, Gwendoline se lance à sa recherche avec l’aide de Beth, sa demoiselle de compagnie. Parvenues dans un port malfamé de Chine, les deux jeunes femmes sont kidnappées par des truands, puis libérées par un aventurier nommé Willard. Ce dernier accepte alors d’accompagner Gwendoline et Beth dans un long périple qui les conduira jusqu’à la mystérieuse contrée de Yik-Yak. Là-bas, au cœur d’un volcan, une reine cruelle et tyrannique dirige d’une main de fer une armée d’amazones…

Just Jaeckin. Quand on évoque ce réalisateur, les spectateurs et cinéphiles pensent immédiatement à son triomphe international, Emmanuelle, son premier long métrage sorti en 1974. Cette adaptation du roman d’Emmanuelle Arsan aura rassemblé près de neuf millions spectateurs sur plusieurs années rien que sur le sol français et aurait amassé près de cent millions de dollars à travers le monde. Difficile de s’en remettre et surtout de trouver d’autres sujets pour se démarquer d’un genre qui a fait de vous un cinéaste en vue ou au contraire un paria. Né en 1940, Just Jaeckin aura beau devenir l’un des réalisateurs de publicités les plus prolifiques, son nom restera à jamais lié au cinéma érotique, avec également Histoire d’O (1975), Madame Claude (1977) et L’Amant de Lady Chatterley (1981) pour lequel il retrouvait Sylvia Kristel. S’ils sont complètement méconnus en France, Le Dernier Amant romantique (1978) et Girls (1980) lui permettaient de s’éloigner de l’érotisme pur jus et de mettre en exergue une sensibilité que certains diront inattendue. Dans sa filmographie, Collections privées (1979) demeure à part car constitué de trois sketches, un réalisé par Just Jaeckin, les deux autres par Walerian Borowczyk et Shûji Terayama. Le cinéaste livre en 1984 son dernier opus cinématographique à ce jour, Gwendoline. Comédie d’aventure avec quelques touches coquines et teintée d’action, cette libre adaptation de la bande dessinée fétichiste Adventures of Sweet Gwendoline de John Willie reste un immense divertissement dans lequel Just Jaeckin démontre tout ce qu’il a sous le capot. Comme s’il était enfin débarrassé de l’étiquette « metteur en scène d’Emmanuelle », le réalisateur se permet les plus grandes et les plus belles folies, avec une légèreté et une insouciance absolument jubilatoires. Injustement qualifié de nanar par une partie des spectateurs, Gwendoline est pourtant une série B de luxe à la mise en scène élégante, aux décors dingues et soignés, au rythme soutenu et qui assume totalement son côté nawak, surtout durant la dernière partie où Just Jaeckin ose et expérimente au risque d’en décontenancer plus d’un. Le spectateur qui acceptera d’emblée le postulat de départ, se laissera facilement entraîner dans ces quelques aventures étonnantes et imprévisibles où se démarquent notamment Zabou Breitman, qui vole la vedette et participe à la belle réussite de Gwendoline.

Fille d’un chasseur de papillons, la jeune et chaste Gwendoline, accompagnée de sa suivante, Beth, arrive en Chine. Son père a disparu alors qu’il cherchait un spécimen inconnu, présent uniquement dans le désert de Yik-Yak. Menacée de viol, Gwendoline est sauvée – malgré lui – par Willard, un marin jeune, beau et cynique. Non sans mal, elle contraint Willard à l’accompagner dans sa quête – d’abord de son père, victime des farouches Kiops, et du fameux papillon. Willard, Gwendoline – qui sont tombés amoureux l’un de l’autre – et Beth sont capturés par les Kiops. Ils s’échappent et atteignent le désert du Yik-Yak, où ils découvrent une civilisation entièrement féminine, sur laquelle règne une reine sanguinaire et un savant abject, d’Arcy, qui a réussi à maîtriser un volcan et à organiser, au profit de la reine, l’exploitation de diamants.

S’il avait déjà prouvé son savoir-faire de metteur en scène et son sens aiguisé pour composer de belles images désormais imprimées dans de nombreuses mémoires, Just Jaeckin se surpasse littéralement dans Gwendoline, où ses talents de photographe, de peintre et de sculpteur sont évidents à chaque plan. La première partie rappelle La Lune dans le caniveau de Jean-Jacques Beineix, sorti l’année précédente, mais Gwendoline trouve immédiatement un ton qui lui est propre, quasiment inclassable d’ailleurs, à mi-chemin entre le cinéma de Federico Fellini pour ce qui touche au tournage évident en studio (et à sa Cité des femmes), où le cinéaste a reconstitué une ville portuaire chinoise, le cinéma de serial (le premier Indiana Jones était passé par là), le slapstick avec des comédiens qui jouent avec leurs corps en exagérant souvent les postures et leurs mouvements, la série Z avec un faux Bruce Lee qui d’ailleurs ne fait pas long feu, le tout saupoudré d’une touche érotique pas déplaisante.

Pour le rôle principal et en raison de la coproduction du film, Just Jaeckin aura jeté son dévolu sur Tawny Kitaen, ravissante mannequin aux yeux verts et à la chevelure flamboyante. Comme il en a l’habitude, le réalisateur n’a de cesse de mettre sa beauté en valeur et convainc une fois de plus qu’il a toujours été l’un des meilleurs de sa catégorie pour filmer les femmes. A ses côtés, comme nous en avons parlé plus haut, Zabou Breitman, qui n’était apparue au cinéma que dans Elle voit des nains partout ! de Jean-Claude Sussfeld (1981), La Boum 2 de Claude Pinoteau (1982, « y’a de la bière chaude et du café tiède ! ») et Banzaï (1983) de Claude Zidi, crève l’écran en sidekick explosive et montée sur ressort, qui n’hésite pas non plus à nous dévoiler autant ses charmes que Tawny Kitaen et dont le tempérament comique balaie tout comme un cyclone. Au milieu de ces deux belles donzelles, le sieur Brent Huff se fait une place toute chaude avec sa belle gueule de mercenaire pas rasé et ses abdos bien apparents, casquette de marin vissé sur la tête, comme s’il était tout droit sorti du Querelle (1982) de Rainer Werner Fassbinder. Américain, il est doublé en France par le grand et regretté Patrick Floersheim. Enfin, dans le rôle de la grande méchante, Bernadette Lafont (la même année que Canicule d’Yves Boisset) laisse libre cours à sa folie ordinaire et en fait des caisses pour le plus grand plaisir des spectateurs.

Le dernier tiers est démentiel dans le sens où l’intrigue, les décors et les costumes (créés par les dessinateurs de bande dessinée Claude Renard et François Schuiten), sont diamétralement opposés avec les deux précédentes parties, la partie chinoise et la partie aventure qui se déroule entre autres dans la jungle et dans le désert. Gwendoline plonge dans un monde quasi-futuriste où parallèle, où des femmes-soldats déambulent dans des armures qui laissent admirer leurs courbes et leurs magnifiques poitrines, tout en obéissant aux ordres de la souveraine du royaume souterrain de Yik-Yak. Cette dernière s’avère aussi mal intentionnée que la Reine de coeur d’Alice au pays des merveilles, l’oeuvre de Lewis Caroll ayant de toutes évidences inspiré Just Jaeckin. Sauf que l’écrivain britannique n’avait sans doute pas imaginé des gladiatrices en string spécialisées dans le bondage, mais c’est un détail. En revanche, ce qui n’est pas anecdotique c’est la musique originale de Pierre Bachelet, qui reprendra deux des thèmes principaux de Gwendoline pour en faire la ritournelle de son tube En l’an 2001, et celle de Flo. N’oublions pas la superbe photographie d’André Domage (La Grande vadrouille) en parfaite osmose avec les plans composés par Just Jaeckin, constamment plaisante pour les mirettes.

Gwendoline est et demeure une savoureuse curiosité, bourrée d’humour et d’imagination, délirante et décomplexée, peu avare en jolis popotins et en tétons fièrement dressés. Une vraie et unique proposition de cinéma-spectacle, une fantaisie qui avait d’ailleurs connu un succès mérité avec près d’un million de spectateurs en France, ainsi qu’une carrière internationale fort honorable. Culte on vous dit !

LE COMBO BLU-RAY + 4K UHD

L’été 2020 a décidément été très chargé pour Le Chat qui fume https://lechatquifume.myshopify.com/ ! Outre Je suis vivant !, Le Jardin des supplices et La Bête tue de sang-froid, dont nous avons déjà longuement parlé sur Homepopcorn.fr, l’éditeur a également proposé trois éditions Blu-ray + 4K UHD, celles des Week-ends maléfiques du Comte Zaroff de Michel Lemoine, des Charnelles de Claude Mulot et de Gwendoline de Just Jaeckin. Cette édition limitée à 1000 exemplaires de Gwendoline se présente sous la forme d’un Digipack à trois volets très élégant, glissé dans un fourreau cartonné au visuel percutant. Mention spéciale à la belle sérigraphie des disques. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur propose tout d’abord deux interviews de Just Jaeckin, qui reviennent souvent sur les mêmes sujets, mais qui parviennent finalement à se compléter. Dans la première (34’), celle qui nous intéresse le plus, le réalisateur revient sur son parcours en parlant de ses travaux en tant que directeur artistique, dessinateur, sculpteur, photographe, metteur en scène de publicités (plus de 300 à son actif), puis de ses débuts au cinéma. Forcément, Just Jaeckin se penche sur l’explosion de l’érotisme au début des années 1970 et sur le triomphe d’Emmanuelle, une malédiction pour ainsi dire puisque ce succès international l’aura longtemps ostracisé, sans parler des insultes (« Vous avez sali le cinéma français ! » lui dira Maurice Ronet, avant de s’excuser quelques heures après) et de l’enfermement dans un genre qu’il aura tenté maintes fois de se sortir, sans toutefois y parvenir. Ensuite, le cinéaste passe en revue ses autres films, Histoire d’O, Madame Claude, Le Dernier Amant romantique (un bide en France, mais immense succès au Canada), Girls (un LOL avant l’heure), L’Amant de Lady Chaterley et enfin, le film qui nous intéresse aujourd’hui, Gwendoline, à ce jour son dernier long métrage, sur lequel il partage de très nombreuses anecdotes liées à l’écriture, tout en parlant de ses intentions, du casting (il ne tarit pas d’éloges sur Zabou Breitman), des lieux et des conditions de tournage (« un bonheur total ») et d’autres éléments. « Une carrière heurtée, mais passionnante » résume Just Jaeckin, très attachant et surtout toujours passionnant.

Le second entretien avec Just Jaeckin (14’) complète quelques éléments précédemment entendus concernant Gwendoline, un très bon souvenir pour lui, « un film avec des défauts de rythme », mais qu’il aime beaucoup. Cette fois encore, le casting est évoqué, surtout Zabou Breitman qui a eu divers ennuis avec la production et qui refuse de parler du film aujourd’hui, même si l’actrice est restée amie avec le réalisateur. Des dessins préparatoires des décors et des costumes illustrent cette interview. Just Jaeckin revient aussi sur la musique de Pierre Bachelet, ainsi que sur son désir premier d’avoir réalisé un divertissement sans message (« car je ne suis pas un intellectuel »), avec pour unique ambition de donner du plaisir aux spectateurs.

Place aux dessinateurs de bande dessinée Claude Renard (décédé en février 2019) et François Schuiten (34’). A travers leurs interventions croisées, les deux auteurs et scénographes (liés par une amitié de plus de trente ans), qui entre 1979 et 1981 avaient collaboré dans Métal hurlant, évoquent la création des costumes et des décors de Gwendoline de Just Jaeckin, du moins pour la dernière partie du film. Tour à tour, les deux artistes parlent de leur rencontre et de leur collaboration avec le cinéaste concernant l’adaptation de la BD Adventures of Sweet Gwendoline de John Willie, puis de leurs diverses créations et inventions (« des trucs abracadabrants ») vues dans le film, y compris le costume de Bernadette Lafont. Sans langue de bois, les deux dessinateurs déclarent qu’ils n’auraient certainement pas laissé passer certaines choses s’ils avaient pu se rendre tous les jours sur le plateau. Néanmoins, malgré certains détails et une différence de point de vue, Claude Renard et François Schuiten gardent un très bon souvenir de cette association « jubilatoire » avec Just Jaeckin.

L’éditeur dévoile ensuite une intervention du producteur Jean-Claude Fleury (18’). Vous en apprendrez beaucoup plus ici sur le montage financier difficile de Gwendoline, y compris sur la genèse du projet, l’achat des droits de la BD (Fleury avait aussi acheté ceux de la BD trash RanXerox). Le producteur de Diabolo menthe et de Pinot simple flic, partage ses très nombreux souvenirs sur l’évolution du scénario, les dettes contractées et à rembourser, les conditions de tournage (« j’avais parfois l’impression d’être le patron du Crazy Horse Saloon »), le travail de Just Jaeckin (« très professionnel et sérieux »), ainsi que sur la sortie de Gwendoline au cinéma (« les ados de 13-14 ans adoraient le film car ils comprenaient le ton, tandis que les adultes étaient un peu perdus car ils venaient voir de l’érotisme pur »). Jean-Claude Fleury aura finalement vendu Gwendoline dans plus de 200 pays et se dit très heureux du résultat final, qui lui a permis de monter d’un cran dans la profession. Il clôt cette interview en résumant ainsi les conditions de production « Une galère, mais on l’a fait ».

Enfin, Le Chat qui fume donne la parole à Françoise Deleu (14’), en anglais dans le texte cette fois, chef décoratrice de Gwendoline. A l’instar de ses collègues entendus précédemment, elle présente tout d’abord son parcours (décoratrice sur Mort d’un pourri de Georges Lautner et Le Couple témoin de William Klein), puis se souvient de sa rencontre avec Just Jaeckin qui l’a engagé pour créer les décors de cette grosse production qu’était Gwendoline, film grâce auquel elle a pu obtenir sa carte officielle de chef décoratrice. Les anecdotes liées à la production et au tournage du film s’enchaînent alors sur un rythme soutenu.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Pour la première fois au monde, Gwendoline est proposé en 4K UHD par notre Chat qui fume national ! Si la différence avec le Blu-ray est somme toute minime, ce qui frappe surtout cette édition est la luminosité du master, qui met constamment en valeur les partis pris du chef opérateur André Domage (L’Indic et Taxi de nuit de Serge Leroy). Une texture argentique fine et délicate, des contrastes à se damner, un piqué affûté et une multitude de détails sans doute inédits sur le cadre large, voilà ce qui vous attend ! Si la première partie du film se concentre essentiellement en studio, la seconde profite à fond de cette promotion en UHD avec une profondeur de champ ahurissante (voir les plans sur l’eau et dans le désert) et un relief éloquent des textures. Enfin, le dernier acte dans le royaume souterrain se caractérise par des décors blancs immaculés, où l’on peut distinguer chaque couche des parois de calcaire des carrières de Baux-de-Provence où l’action a en partie été tournée. Un petit plus UHD par rapport au Blu-ray, déjà de grande qualité, qui permet de mettre en valeur la très grande beauté de la photographie. Bref, un combo Blu-ray+4K UHD indispensable de l’année 2020 !

Point de piste anglaise sur cette édition, Just Jaeckin ayant déclaré que la version française était pour lui celle qu’il considérait comme étant celle à privilégier. Patrick Floersheim se donne à fond dans le doublage de Brent Huff, parfaitement dans le ton du film. Zabou et ses compatriotes se doublent eux-mêmes. Toujours est-il que cette piste unique DTS-HD Master Audio 2.0 est dynamique à souhait et le spectacle assuré du début à la fin avec une belle place laissée à la musique de Pierre Bachelet (impossible de se l’ôter de la tête longtemps après). Les dialogues et les effets sont riches et percutants. En revanche, point de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant. C’est sans doute la seule chose qui manque aujourd’hui au Chat qui fume pour atteindre la perfection.

Crédits images : © Le Chat qui fume / Parafrance / Films de l’Alma / Gaumont / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Une réflexion sur « Test 4K Ultra-HD / Gwendoline, réalisé par Just Jaeckin »

  1. Très beau film.
    D’une ancienne employée de Jean-Claude Fleury
    À la générale de Production Française et Internationale (GPFI).
    Liliane

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