LE MOUTON À 5 PATTES réalisé par Henri Verneuil, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 4 décembre 2020 chez Coin de Mire Cinéma.
Acteurs : Fernandel, Françoise Arnoul, Andrex, Georges Chamarat, Paulette Dubost, Louis de Funes, René Genin, Denise Grey, Dario Moreno, Noël Roquevert, Albert Michel, Edouard Delmont, Michel Ardan, Edmond Ardisson, Ky Duyen, Tony Jacquot…
Scénario : Albert Valentin, René Barjavel & Henri Verneuil
Photographie : Armand Thirard
Musique : Georges Van Parys
Durée : 1h44
Date de sortie initiale : 1954
LE FILM
Il y a 40 ans, le village de Trézignan a accueilli parmi ses habitants des quintuplés nés de l’union d’un couple de la bourgade. Aujourd’hui, une grande fête est organisée en l’honneur des cinq enfants, devenus adultes, afin de relancer le tourisme. C’est leur parrain qui est chargé de tous les retrouver et réunir pour l’occasion, au grand désarroi de leur père…
On a peut-être tendance à l’oublier, mais la carrière d’Henri Verneuil (1920-2002) a démarré avec ses fructueuses collaborations avec Fernandel (1903-1971). Au total, un court-métrage intitulé Escale au soleil (1947), mais aussi et surtout huit longs-métrages au succès fulgurant, La Table-aux-crevés (1952, 3,1 millions d’entrées), Le Fruit défendu (1952, 4 millions d’entrées), Le Boulanger de Valorgue (1953, 3,7 millions d’entrées), Carnaval (1953, 2,1 millions d’entrées), L’Ennemi public numéro un (1954, 3,8 millions d’entrées), Le Mouton à cinq pattes (1954, 4,1 millions d’entrées), Le Grand Chef (1959, 2,3 millions d’entrées) et La Vache et le Prisonnier (1959, 8,8 millions d’entrées). Antépénultième association du tandem, Le Mouton a cinq pattes est donc leur deuxième plus grand triomphe au box-office, ce qui permet à Fernandel de placer quatre de ses films dans le top 15 en 1954 avec Ali Baba et les 40 voleurs de Jacques Becker, Mam’zelle Nitouche d’Yves Allégret et L’Ennemi public numéro un du même Verneuil. Comédie souvent succulente et dont le charme rétro fonctionne toujours autant, Le Mouton à cinq pattes est comme qui dirait un film à sketches déguisé, dans le sens où chaque partie consacrée à l’un des frères Saint-Forget se trouve reliée l’une à l’autre par un fil conducteur, jusqu’à l’acte final où un plan truqué très bien fait montre 5 Fernandel réunis à l’écran, tandis qu’un sixième (le père) les observe. Le rythme est quelque peu en dents de scie et certains segments sont moins inspirés que d’autres, mais Le Mouton à cinq pattes bénéficie du talent multiple de Fernandel, qui s’en donne à coeur joie, aussi à l’aise en bourgeois guindé qui règne sur un empire de cosmétiques que dans les guêtres d’un simple laveur de carreaux, d’un marin crasseux, d’un journaliste spécialisé dans le courrier du coeur et même dans la soutane d’un abbé dont toute la commune se moque parce-qu’il ressemble à…Don Camillo ! Ajoutez à cela la belle musique de Georges Van Parys, la superbe photographie d’Armand Thirard et surtout la participation dantesque d’un Louis de Funès, qui du haut de ses 40 ans (et de ses cheveux) tient la dragée haute à son partenaire et parvient même à lui voler la vedette dès son apparition, et vous obtenez une comédie simple et efficace (nommée à l’Oscar pour le scénario et pour le meilleur film étranger !), récompensée par le Léopard d’or au Festival de Locarno, qui fait mouche encore près de 70 ans après sa sortie.
Le maire du petit village méridional de Trézignan est content de lui. Afin de relancer le tourisme local, il a trouvé un moyen infaillible pour faire sortir sa commune de son léthargique anonymat. Selon son plan, il suffirait d’y réunir les quintuplés qui y sont nés quarante ans plus tôt. Leur père, Edouard Saint-Forget, un viticulteur bourru et paralysé des jambes, est brouillé avec ses enfants depuis vingt ans et personne ne sait où la pétulante progéniture est allée s’égailler. Leur parrain, le docteur Bollène, trouve au hasard d’un article de journal la trace de l’un d’eux, Alain, qui serait à la tête d’un institut de beauté parisien. Il espère que celui-ci pourra l’aider à réunir la fratrie…
Difficile pour le parrain de la fratrie, interprété par le génial Édouard Delmont (le garde champêtre de Juliette ou la Clé des songes de Marcel Carné), de retrouver ces cinq chenapans, qui ont chacun un caractère bien trempé et qui mènent tous une vie particulière ! Il aura fallu trois scénaristes pour écrire l’histoire de chaque personnage, avec surtout le romancier et journaliste René Barjavel à la barre, et la participation d’Henri Verneuil lui-même pour la partie centrée sur le personnage de Bernard, le rédacteur au journal Elle et lui. L’ensemble est de ce fait légèrement brinquebalant. La meilleure partie du film est sans nul doute celle consacrée à Désiré, le laveur de carreaux, père de famille nombreuse (4 filles et un bébé en route) et marié à une femme délicieuse (la grande Paulette Dubost), qui se retrouve un jour face à un entrepreneur de pompes funèbres ambitieux. Ce dernier n’est autre que Louis de Funès, qui s’apparente à un corbeau, qui en tant que charognard épie ses futures proies…
Le personnage d’Édouard (de) Saint-Forget, ce dernier n’ayant pas hésité à ajouter une particule à son nom pour faire plus smart, est plus anecdotique dans Le Mouton à cinq pattes, puisque l’esthéticien apparaît très peu en début de film, mais cela nous permet de croiser quelques jeunes femmes dénudées, ce qui était encore assez rare dans le cinéma français du début des années 1950. L’histoire d’Étienne, le loup de mer est assez longue et lente, mais Henri Verneuil se fait plaisir au montage en instaurant un suspense lié à une mouche, qui décidera du sort (financier) du personnage. Celle centrée sur Bernard le journaliste est amusante et confronte Fernandel à la douce Françoise Arnoul, ainsi qu’à l’explosif Noël Roquevert, qui porte le nom magnifique de Brissard. Mais la plus grande surprise du Mouton à cinq pattes provient du personnage de Charles, l’abbé, qui apparaît tout d’abord dans l’ombre, avant d’avancer dans la lumière…Fernandel y retrouve l’habit, la diction, les pauses et les mimiques de Don Camillo en jouant un homme d’église qui devient la risée de ses fidèles et des enfants en raison de sa ressemblance troublante avec « qui vous savez »…Là-dessus, Fernandel interprète aussi le père des cinq rejetons, soit six rôles, un rêve pour un comédien et un plaisir pour les spectateurs d’hier et d’aujourd’hui.
LE DIGIBOOK
Après un petit interlude, nous reprenons les chroniques consacrées à la vague Coin de Mire Cinéma de décembre 2020. Si vous avez bien suivi, nous en sommes au cinquième titre, Le Mouton à cinq pattes justement, qui sort en même temps que La Veuve Couderc, Le Jardinier d’Argenteuil, Le Chat et Le Soleil des voyous en Digibook Blu-ray + DVD + Livret. Très prochainement, nous nous pencherons sur l’édition de La Chartreuse de Parme de Christian-Jaque. Mais pour l’heure, nous allons donc explorer ce Digibook du Mouton à cinq pattes (quatrième titre de Henri Verneuil à sortir chez l’éditeur après Maxime, Les Amants du Tage et Des gens sans importance), qui était jusqu’alors disponible en DVD chez TF1 Studio depuis seulement 2017 et qui intègre désormais le catalogue de Coin de Mire Cinéma, dans la collection « La Séance », dont le Digibook est édité à 3000 exemplaires.
Comme pour tous les titres Coin de Mire Cinéma, l’édition du Mouton à cinq pattes prend la forme d’un Digibook (14,5cm x 19,5cm), constitué de deux disques, le DVD et Blu-ray, glissés dans un emplacement inrayable. Une marque est indiquée afin que l’acheteur puisse y coller son numéro d’exemplaire disposé sur le flyer volant du combo, par ailleurs reproduit dans le livret. Deux pochettes solides contiennent des reproductions de dix photos d’exploitation d’époque (sur papier glacé) et de l’affiche du film au format A4. Le livret de cette édition contient également la bio-filmographie de Henri Verneuil avec le film qui nous intéresse mis en surbrillance afin de le distinguer des autres titres, la reproduction en fac similé des matériels publicitaires et promotionnels, ainsi que celle de « Le Film complet ». Le menu principal est fixe et musical.
Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités Pathé du moment démarrent alors, suivies de la bande-annonce d’un film, puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores.
Une fois que notre charmante ouvreuse vous aura indiqué votre siège, les actualités de cette 38è semaine de l’année 1954 démarreront (10’), avec cette fois au programme les dernières nouveautés présentées au Salon aéronautique anglais, la rentrée des huit millions d’écoliers et de lycéens (dans des salles de classes vétustes…), un petit détour par l’Indochine, la visite du ministre de l’intérieur François Mitterrand à Orléansville (ravagée par un séisme), puis une page sportive avec le quatrième Tour de France automobile où les 124 concurrents rivaliseront durant neuf jours et neuf nuits !
On se retrouve après une courte pause ? Et pourquoi n’en profiteriez-vous pas pour aller acheter quelques bonbons Krema ou une glace Miko ? Après cela, n’oubliez pas de vous brosser les dents avec le dentifrice Colgate et puisque vous y êtes, lavez-vous les cheveux avec le shampoing Dop, avant d’appliquer votre fortifiant (au suc d’orties) pour les cheveux Byrol !
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Le Mouton à cinq pattes a été restauré en 4K à partir du négatif original. Les travaux numériques ont été réalisés par le laboratoire VDM. Toutes les traces de moisissures, toutes les scories possibles et imaginables ont totalement disparu ! Le Film de Henri Verneuil rejoint ainsi le catalogue des films restaurés de Coin de Mire Cinéma. Comme ses récentes sorties en Haute Définition, ce Blu-ray en met souvent plein les yeux avec une définition haute de gamme. Le nouveau master HD au format 1.37 (1080p/AVC) ne cherche jamais à atténuer les partis pris esthétiques originaux. La copie se révèle étincelante et pointilleuse en matière de piqué (les scènes en extérieur), de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés et de relief. La propreté de la copie est constante, la stabilité de mise, la photo retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Les fondus enchaînés sont vraiment les seuls moments où la définition décroche quelque peu, mais cela ne dure que quelques secondes.
La piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations et chuintements demeurent inévitables, l’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises. Si certains échanges manquent de punch et se révèlent moins précis, les dialogues sont dans l’ensemble clairs, dynamiques, même sans souffle parasite. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.
Une réflexion sur « Test Blu-ray / Le Mouton à cinq pattes, réalisé par Henri Verneuil »